Mes Enfants Quotes

We've searched our database for all the quotes and captions related to Mes Enfants. Here they are! All 90 of them:

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Comment font les autres enfants pour vivre sans mes parents ?
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Olivier Bourdeaut (En attendant Bojangles)
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Percy mangeait une Ă©norme pile de pancakes bleus (c’était quoi, son dĂ©lire de ne manger que des trucs bleus ?) et Annabeth lui reprochait de mettre trop de sirop. – Tu les noies, lĂ , tes pauvres pancakes ! – HĂ©, je suis un enfant de PosĂ©idon, je peux pas me noyer, et mes pancakes non plus.
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Rick Riordan (The Blood of Olympus (The Heroes of Olympus, #5))
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J'avais passé un quart d'heure avec mes enfants. Et ça a duré des mois qu'elle se plaignait que j'avais aucune reconnaissance. Les Blancs, c'est un vrai chagrin, dit Sofia.
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Alice Walker (The Color Purple)
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Mes enfants, you mustn't go at things head-on, you are too weak; take it from me and take it from an angle... Play dead, play the sleeping dog.
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Honoré de Balzac (Les Paysans)
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«La prunelle de mes yeux.» L’expression peine Ă  rendre ce qui lie le parent Ă  son nouveau-nĂ©. La prunelle de ses yeux, on pouvait la lui arracher sans qu’il tombe – la moelle de mes os s’approcherait davantage, pour dire que ça parcourt tout ce qu’on est, et qu’il s’agit du lien qui s’établit, avant mĂȘme qu’on soit capable de reconnaĂźtre son enfant parmi les autres.
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Virginie Despentes (Vernon Subutex 1 (Vernon Subutex, #1))
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So, it wasn’t until I was living in Mexico that I first started enjoying chocolate mousse. See, there was this restaurant called La Lorraine that became a favorite of ours when John and I were living in Mexico City in 1964–65. The restaurant was in a beautiful old colonial period house with a large courtyard, red tile floors, and a big black and white portrait of Charles de Gaulle on the wall. The proprietor was a hefty French woman with grey hair swept up in a bun. She always welcomed us warmly and called us mes enfants, “my children.” Her restaurant was very popular with the folks from the German and French embassies located nearby. She wasn’t too keen on the locals. I think she took to us because I practiced my French on her and you know how the French are about their language! At the end of each evening (yeah, we often closed the joint) madame was usually seated at the table next to the kitchen counting up the evening’s receipts. Across from her at the table sat a large French poodle, wearing a napkin bib and enjoying a bowl of onion soup. Ah, those were the days
 Oh, and her mousse au chocolate was to DIE for!
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Mallory M. O'Connor (The Kitchen and the Studio: A Memoir of Food and Art)
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Alors que la lumiĂšre s'Ă©puise de faire des trous dans les nuages, je me couche sur la plage, devant un feu de bois, les chiens contre le flanc, la kayak remontĂ© de moitiĂ© sur la rive et, Ă©coutant la musique de la houle, je regarde griller mes poissons embrochĂ©s sur des pics de bois vert en pensant que la vie ne devrait ĂȘtre que cela: l'hommage rendu par l'adulte Ă  ses rĂȘves d'enfant.
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Sylvain Tesson (Dans les forĂȘts de SibĂ©rie)
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En MĂ©diterranĂ©e Dans ce bassin oĂč jouent Des enfants aux yeux noirs, Il y a trois continents Et des siĂšcles d'histoire, Des prophĂštes des dieux, Le Messie en personne. Il y a un bel Ă©tĂ© Qui ne craint pas l'automne, En MĂ©diterranĂ©e. Il y a l'odeur du sang Qui flotte sur ses rives Et des pays meurtris Comme autant de plaies vives, Des Ăźles barbelĂ©es, Des murs qui emprisonnent. Il y a un bel Ă©tĂ© Qui ne craint pas l'automne, En MĂ©diterranĂ©e. Il y a des oliviers Qui meurent sous les bombes LĂ  oĂč est apparue La premiĂšre colombe, Des peuples oubliĂ©s Que la guerre moissonne. Il y a un bel Ă©tĂ© Qui ne craint pas l'automne, En MĂ©diterranĂ©e. Dans ce bassin, je jouais Lorsque j'Ă©tais enfant. J'avais les pieds dans l'eau. Je respirais le vent. Mes compagnons de jeux Sont devenus des hommes, Les frĂšres de ceux-lĂ  Que le monde abandonne, En MĂ©diterranĂ©e. Le ciel est endeuillĂ©, Par-dessus l'Acropole Et libertĂ© ne se dit plus En espagnol. On peut toujours rĂȘver, D'AthĂšnes et Barcelone. Il reste un bel Ă©tĂ© Qui ne craint pas l'automne, En MĂ©diterranĂ©e.
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Georges Moustaki
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Pourquoi les enfants sont si cruels ? On parle toujours de leur "innocence", alors que, d'aprĂšs mes souvenirs de cours de rĂ©crĂ©, ils se comportent plutĂŽt comme des petits cons. Il suffit d'ĂȘtre un pu trop gros, un peu trop grand, un peu trop roux, de sentir un peu trop fort... Il n'y a rien d'innocent dans les horreurs qu'on m'a balancĂ©es quand j'Ă©tais petite.
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Holly Bourne (How Hard Can Love Be? (The Spinster Club, #2))
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Dans tes yeux mon enfant j'ai lu l'exil. Toi? qui es nĂ© Loin du pays, Tes cheveux ont la couleur de l'olive A laquelle nous n'avons plus Le droit de toucher. Dans l'Ă©clat de tes dents serrĂ©es, Mon enfant, Je regarde Des milliers d'Ă©toiles calcinĂ©es, Nos terres volĂ©es, Nos maisons bombardĂ©es, Des bouquets de poings Tombants sous les orangers. Dans le mercure de tes larmes, Mon enfant, J'ai lu l’exil, L'exil d'un peuple.
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Mokhtar El Amraoui
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Moi qui prĂȘchais la non-violence, moi qui n'avais jamais donnĂ© la moindre taloche Ă  mes enfants, moi qui n'avais jamais rĂ©pondu Ă  l'injustice ou Ă  l'autoritĂ© arbitraire que par du silence ou des pleurs! Moi, j'Ă©tais pĂ©trie de violence, j'Ă©tais la violence mĂȘme, la violence incarnĂ©e! ... Une fois de plus j'Ă©tais Ă©merveillĂ©e par la belle et compliquĂ©e organisation de l'esprit des ĂȘtres humains. La rencontre avec ma violence est intervenue quand il le fallait. Je ne l'aurais pas supportĂ©e avant, je n'aurais pas Ă©tĂ© capable de l'assumer. ... Au cours de mon adolescence ma violence avait resurgi quelques fois. Mais je ne savais pas que c'Ă©tait elle, je me croyais en proie Ă  une crise de nerfs que je sentais monter dans ma gorge. Je m'enfermais alors dans un endroit, et, seule, honteusement, je dĂ©chirais mes vĂȘtements ou je cassais un objet.
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Marie Cardinal
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— Tu sais qu’un jour, on racontera Ă  nos enfants que tu m’as demandĂ©e en mariage avec un nem et alors que j’étais en pyjama ? — Je sais, ai-je souri. Et je sais que ton pyjama est Ă  l’origine de nombre de mes fantasmes.
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Emily Blaine (All I Want for Christmas)
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J'aurai voulu avoir plein d'amis tout en conservant ma solitude. Cela m'est apparu comme une impossibilité psychologique. Alors j'ai choisi la solitude. Je pourrai résister à tout, eux, ils auront toujours besoin de quelqu'un, mais moi, non, j'aurai mes propres pensées.
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Valérie ValÚre (Le Pavillon des enfants fous)
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— Les bijoux, c'est beau comme les fleurs. Mon pĂšre et ma mĂšre Ă©clatĂšrent de rire. Je trouvai leur rĂ©action dĂ©placĂ©e. Un doute se glissa en moi sur la qualitĂ© de leur intelligence. [...] Comparer des bijoux Ă  des fleurs, Ă©tait-ce signe de stupiditĂ© ? Le rire de mes parents traduisait cette indulgence que les grandes personnes manifestent devant les enfants qui leur tiennent des propos niais ou puĂ©rils. Je sentais que ma comparaison exprimait une idĂ©e essentielle. Elle devait ĂȘtre accueillie par le silence. Le rire en une telle circonstance devenait une incongruitĂ©.
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Ahmed Sefrioui (La BoĂźte Ă  merveilles)
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[sur les parents qui veulent se la jouer “cool”, y compris envers l’éducation transmise Ă  leurs enfants] "Mais ce qu’ils ont oubliĂ©, dans leur ferveur Ă©galitaire et libertaire, c’est que les formes bourgeoises ont un fondement moral. Elles ne rĂ©vĂšlent pas seulement un ĂȘtre ou une position de classe. Elles font entendre, jusque dans la comĂ©die sociale, le souci d’autrui. Quand je mets les formes, je respecte un usage, bien sĂ»r, je joue un rĂŽle, sans doute, je trahis mes origines, peut-ĂȘtre. Mais surtout, comme l’a bien montrĂ© Hume, je fais savoir Ă  l’autre ou aux autres qu’ils comptent pour moi. Je les salue, je m’incline devant eux, je prends acte de leur existence et attĂ©nuant la mienne." (p205)
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Alain Finkielkraut (L'Identité malheureuse)
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- Votre personne, vos moindres mouvements, me semblaient avoir dans le monde une importance extra-humaine. Mon coeur, comme de la poussiĂšre, se soulevait derriĂšre vos pas. Vous me faisiez l'effet d'un clair de lune par une nuit d'Ă©tĂ©, quand tout est parfums, ombres douces, blancheurs, infini ; et les dĂ©lices de la chair et de l'Ăąme Ă©taient contenus pour moi dans votre nom que je me rĂ©pĂ©tais, en tĂąchant de le baiser sur mes lĂšvres. Je n'imaginais rien au delĂ . C'Ă©tait Mme Arnoux telle que vous Ă©tiez, avec ses deux enfants, tendre, sĂ©rieuse, belle Ă  Ă©blouir, et si bonne ! Cette image-lĂ  effaçait toutes les autres. Est-ce que j'y pensais, seulement ! puisque j'avais toujours au fond de moi-mĂȘme la musique de votre voix et la splendeur de vos yeux !
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Gustave Flaubert (Sentimental Education)
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Je me mis dĂšs lors Ă  lire avec aviditĂ© et bientĂŽt la lecture fut ma passion. Tous mes nouveaux besoins, toutes mes aspirations rĂ©centes, tous les Ă©lans encore vagues de mon adolescence qui s’élevaient dans mon Ăąme d’une façon si troublante et qui Ă©taient provoquĂ©s par mon dĂ©veloppement si prĂ©coce, tout cela, soudainement, se prĂ©cipita dans une direction, parut se satisfaire complĂštement de ce nouvel aliment et trouver lĂ  son cours rĂ©gulier. BientĂŽt mon cƓur et ma tĂȘte se trouvĂšrent si charmĂ©s, bientĂŽt ma fantaisie se dĂ©veloppa si largement, que j’avais l’air d’oublier tout ce qui m’avait entourĂ©e jusqu’alors. Il semblait que le sort lui mĂȘme m’arrĂȘtĂąt sur le seuil de la nouvelle vie dans laquelle je me jetais, Ă  laquelle je pensais jour et nuit, et, avant de m’abandonner sur la route immense, me faisait gravir une hauteur d’oĂč je pouvais contempler l’avenir dans un merveilleux panorama, sous une perspective brillante, ensorcelante. Je me voyais destinĂ©e Ă  vivre tout cet avenir en l’apprenant d’abord par les livres ; de vivre dans les rĂȘves, les espoirs, la douce Ă©motion de mon esprit juvĂ©nile. Je commençai mes lectures sans aucun choix, par le premier livre qui me tomba sous la main. Mais, le destin veillait sur moi. Ce que j’avais appris et vĂ©cu jusqu’à ce jour Ă©tait si noble, si austĂšre, qu’une page impure ou mauvaise n’eĂ»t pu dĂ©sormais me sĂ©duire. Mon instinct d’enfant, ma prĂ©cocitĂ©, tout mon passĂ© veillaient sur moi ; et maintenant ma conscience m’éclairait toute ma vie passĂ©e. En effet, presque chacune des pages que je lisais m’était dĂ©jĂ  connue, semblait dĂ©jĂ  vĂ©cue, comme si toutes ces passions, toute cette vie qui se dressaient devant moi sous des formes inattendues, en des tableaux merveilleux, je les avais dĂ©jĂ  Ă©prouvĂ©es. Et comment pouvais-je ne pas ĂȘtre entraĂźnĂ©e jusqu’à l’oubli du prĂ©sent, jusqu’à l’oubli de la rĂ©alitĂ©, quand, devant moi dans chaque livre que je lisais, se dressaient les lois d’une mĂȘme destinĂ©e, le mĂȘme esprit d’aventure qui rĂšgnent sur la vie de l’homme, mais qui dĂ©coulent de la loi fondamentale de la vie humaine et sont la condition de son salut et de son bonheur ! C’est cette loi que je soupçonnais, que je tĂąchais de deviner par toutes mes forces, par tous mes instincts, puis presque par un sentiment de sauvegarde. On avait l’air de me prĂ©venir, comme s’il y avait en mon Ăąme quelque chose de prophĂ©tique, et chaque jour l’espoir grandissait, tandis qu’en mĂȘme temps croissait de plus en plus mon dĂ©sir de me jeter dans cet avenir, dans cette vie. Mais, comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, ma fantaisie l’emportait sur mon impatience, et, en vĂ©ritĂ©, je n’étais trĂšs hardie qu’en rĂȘve ; dans la rĂ©alitĂ©, je demeurais instinctivement timide devant l’avenir.
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Je ne me suis jamais vraiment intéressée à la psychogénéalogie ni aux phénomÚnes de répétition transmis d'une génération à une autre qui passionnent certains de mes amis. J'ignore comment ces choses (l'inceste, les enfants morts, le suicide, la folie) se transmettent. Le fait est qu'elles traversent les familles de part en part, comme d'impitoyables malédictions, laissent des empreintes qui résistent au temps et au déni.
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Delphine de Vigan (Rien ne s'oppose Ă  la nuit)
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La plupart des savants le sont Ă  la maniĂšre des enfants. La vaste Ă©rudition rĂ©sulte moins d'une multitude d'idĂ©es que d'une multitude d'images. Les dates, les noms propres, les lieux, tous les objets isolĂ©s ou dĂ©nuĂ©s d'idĂ©es, se retiennent uniquement par la mĂ©moire des signes, et rarement se rappelle-t-on quelqu'une de ces choses sans voir en mĂȘme temps le recto ou le verso de la page oĂč on l'a lue, ou la figure sous laquelle on la vit la premiĂšre fois. Telle Ă©tait Ă  peu prĂšs la science Ă  la mode des siĂšcles derniers. Celle de notre siĂšcle est autre chose: on n'Ă©tudie plus, on n'observe plus; on rĂȘve, et l'on nous donne gravement pour de la philosophie les rĂȘves de quelques mauvaises nuits. On me dira que je rĂȘve aussi; j'en conviens: mais, ce que les autres n'ont garde de faire, je donne mes rĂȘves pour des rĂȘves, laissant chercher au lecteur s'ils ont quelque chose d'utile aux gens Ă©veillĂ©s.
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Jean-Jacques Rousseau (Emile, or On Education)
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- Vous croyez que mes crimes rendent vos mauvaises actions moins condamnables ? Vos petitesses et vos vices moins hideux ? Vous croyez qu'il y a les meurtriers, les violeurs, les criminels d'un cĂŽtĂ© et vous de l'autre ? C'est cela qu'il vous faut comprendre : il n'y a pas une membrane Ă©tanche qui empĂȘcherait le mal de circuler. Il n'y a pas deux sortes d'humanitĂ©. Quand vous mentez Ă  votre femme et Ă  vos enfants, quand vous abandonnez votre vieille mĂšre dans une maison de retraite pour ĂȘtre plus libre de vos mouvements, quand vous vous enrichissez sur le dos des autres, quand vous rechignez Ă  verser une partie de votre salaire Ă  ceux qui n'ont rien, quand vous faites souffrir par Ă©goĂŻsme ou par indiffĂ©rence, vous vous rapprochez de ce que je suis. Au fond, vous ĂȘtes beaucoup plus proches de moi et des autres pensionnaires que vous ne le croyez. C'est une question de degrĂ©, pas une question de nature. Notre nature est commune : c'est celle de l'humanitĂ© toute entiĂšre.
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Bernard Minier
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Tes pas, enfants de mon silence,/ Saintement, lentement placĂ©s,/ Vers le lit de ma vigilance/ ProcĂšdent muets et glacĂ©s. Personne pure, ombre divine,/ Qu’ils sont doux, tes pas retenus !/ Dieux !
 tous les dons que je devine/ Viennent Ă  moi sur ces pieds nus !/ Si, de tes lĂšvres avancĂ©es,/ Tu prĂ©pares pour l’apaiser,/ À l’habitant de mes pensĂ©es/ La nourriture d’un baiser, Ne hĂąte pas cet acte tendre,/ Douceur d’ĂȘtre et de n’ĂȘtre pas,/ Car j’ai vĂ©cu de vous attendre,/ Et mon coeur n’était que vos pas.
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Paul Valéry (Poésies)
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J'ai refermĂ© mes bras autour de mes Ă©paules et j'ai pleurĂ© pour l'enfant, et pour l'autre Ăąme qui Ă©tait morte Ă  ses cĂŽtĂ©s. Mes congĂ©nĂšres. Ma famille. Les miens. Si j'avais dĂ©couvert la façon de sortir de ce labyrinthe souterrain, si j'avais prĂ©venu la Traqueuse, ses deux Ăąmes ne baigneraient pas dans leur sang, dĂ©chiquetĂ©es, leurs restes mĂȘlĂ©s. Je voulais sangloter, me lamenter. Mais c'Ă©tait la façon humaine. Alors j'ai serrĂ© les lĂšvres et me suis recroquevillĂ©e dans le noir, gardant mon chagrin Ă  l'intĂ©rieur.
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Stephenie Meyer (The Host (The Host, #1))
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LA CICATRICE Une croĂ»te assez laide est sur la cicatrice. Jeanne l'arrache, et saigne, et c'est lĂ  son caprice; Elle arrive, montrant son doigt presque en lambeau. -J'ai, me dit-elle, ĂŽtĂ© la peau de mon bobo.- Je la gronde, elle pleure, et, la voyant en larmes, Je deviens plat.-Faisons la paix, je rends les armes, Jeanne, Ă  condition que tu me souriras.- Alors la douce enfant s'est jetĂ©e en mes bras, Et m'a dit, de son air indulgent et suprĂȘme: -Je ne me ferai plus de mal, puisque je t'aime.- Et nous voilĂ  contents, en ce tendre abandon, Elle de ma clĂ©mence et moi de son pardon.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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Ce n’est point la pauvretĂ© qui valait aux Ă©migrants ce lĂ©ger dĂ©dain du personnel. Ce n’est point d’argent qu’ils manquaient, mais de densitĂ©. Ils n’étaient plus l’homme de telle maison, de tel ami, de telle responsabilitĂ©. Ils jouaient le rĂŽle, mais ce n’était plus vrai. Personne n’avait besoin d’eux, personne ne s’apprĂȘtait Ă  faire appel Ă  eux. Quelle merveille que ce tĂ©lĂ©gramme qui vous bouscule, vous fait lever au milieu de la nuit, vous pousse vers la gare : « Accours ! J’ai besoin de toi ! » Nous nous dĂ©couvrons vite des amis qui nous aident. Nous mĂ©ritons lentement ceux qui exigent d’ĂȘtre aidĂ©s. Certes, mes revenants, personne ne les haĂŻssait, personne ne les jalousait, personne ne les importunait. Mais personne ne les aimait du seul amour qui comptĂąt. Je me disais : « ils seront pris, dĂšs l’arrivĂ©e, dans les cocktails de bienvenue, les dĂźners de consolation. » Mais qui Ă©branlera leur porte en exigeant d’ĂȘtre reçu : « Ouvre ! C’est moi ! » Il faut allaiter longtemps un enfant avant qu’il exige. Il faut longtemps cultiver un ami avant qu’il rĂ©clame son dĂ» d’amitiĂ©. Il faut s’ĂȘtre ruinĂ© durant des gĂ©nĂ©rations Ă  rĂ©parer le vieux chĂąteau qui croule, pour apprendre Ă  l’aimer.
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Antoine de Saint-Exupéry (Lettre à un otage)
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finalement, Ă©perdu d'amour et au comble de la frĂ©nĂ©sie Ă©rotique, je m'assis dans l'herbe et j'enlevai un de mes souliers en caoutchouc. — Je vais le manger pour toi, si tu veux. Si elle le voulait I Ha! Mais bien sĂ»r qu'elle le voulait, voyons! C'Ă©tait une vraie petite femme. --- Elle posa son cerceau par terre et s'assit sur ses ta-lons. Je crus voir dans ses yeux une lueur d'estime. Je n'en demandais pas plus. Je pris mon canif et enta-mai le caoutchouc. Elle me regardait faire. — Tu vas le manger cru ? — Oui. J'avalai un morceau, puis un autre. Sous son regard enfin admiratif, je me sentais devenir vraiment un homme. Et j'avais raison. Je venais de faire mon apprentissage. J'entamai le caoutchouc encore plus profondĂ©ment, soufflant un peu, entre les bouchĂ©es, et je continuai ainsi un bon moment, jusqu'Ă  ce qu'une sueur froide me montĂąt au front. Je continuai mĂȘme un peu au-delĂ , serrant les dents, luttant contre la nausĂ©e, ramassant toutes mes forces pour demeurer sur le terrain, comme il me fallut le faire tant de fois, depuis, dans mon mĂ©tier d'homme. Je fus trĂšs malade, on me transporta Ă  l'hĂŽpital, ma mĂšre sanglotait, Aniela hurlait, les filles de l'atelier geignaient, pendant qu'on me mettait sur un brancard dans l'ambulance. J'Ă©tais trĂšs fier de moi. Mon amour d'enfant m'inspira vingt ans plus tard mon premier roman Éducation europĂ©enne, et aussi certains passages du Grand Vestiaire. Pendant longtemps, Ă  travers mes pĂ©rĂ©grinations, j'ai transportĂ© avec moi un soulier d'enfant en caoutchouc, entamĂ© au couteau. J'avais vingt-cinq ans, puis trente, puis quarante, mais le soulier Ă©tait toujours lĂ , Ă  portĂ©e de la main. J'Ă©tais toujours prĂȘt Ă  m'y attabler, Ă  donner, une fois de plus, le meilleur de moi-mĂȘme. Ça ne s'est pas trouvĂ©. Finalement, j'ai abandonnĂ© le soulier quelque part derriĂšre moi. On ne vit pas deux fois. (La promesse de l'aube, ch. XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Mon intĂ©gration d’enfant immigrante a passĂ© par la honte de qui j’étais, le rejet de ce qui me constituait et une sĂ©rie de petites trahisons envers moi-mĂȘme et mes parents. J’ai commencĂ© Ă  ne me concevoir qu’à travers les yeux des autres, en tentant d’anticiper leurs rĂ©actions. J’avais huit ans et j’avais dĂ©jĂ  interdit Ă  ma mĂšre de mettre des trucs pouvant ĂȘtre perçus comme exotiques dans mes lunchs, m’aliĂ©nant ainsi de ma culture d’origine. Mener la bataille jusque dans mon assiette tous les midis constituait un trop grand dĂ©fi dans ma vie d’écoliĂšre ; j’ai capitulĂ© en me privant de ce qui me plaisait, me dĂ©possĂ©dant ainsi de petits bouts de moi.
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Caroline Dawson (LĂ  oĂč je me terre)
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Jusqu'Ă  prĂ©sent, lecteur, suivant l'antique usage, Je te disais bonjour Ă  la premiĂšre page. Mon livre, cette fois, se ferme moins gaiement ; En vĂ©ritĂ©, ce siĂšcle est un mauvais moment. Tout s'en va, les plaisirs et les moeurs d'un autre Ăąge, Les rois, les dieux vaincus, le hasard triomphant, Rosafinde et Suzon qui me trouvent trop sage, Lamartine vieilli qui me traite en enfant. La politique, hĂ©las ! voilĂ  notre misĂšre. Mes meilleurs ennemis me conseillent d'en faire. Être rouge ce soir, blanc demain, ma foi, non. Je veux, quand on m'a lu, qu'on puisse me relire. Si deux noms, par hasard, s'embrouillent sur ma lyre, Ce ne sera jamais que Ninette ou Ninon.
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Alfred de Musset
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Il y a quelqu'un que je n'ai encore jamais eu envie de tuer. C'est toi. Tu peux marcher dans les rues, tu peux boire et marcher dans les rues, je ne te tuerai pas. N'aie pas peur. La ville est sans danger. Le seul danger dans la ville, c'est moi. Je marche, je marche dans les rues, je tue. Mais toi, tu n'as rien Ă  craindre. Si je te suis, c'est parce que j'aime le rythme de tes pas. Tu titubes. C'est beau. On pourrait dire que tu boites. Et que tu es bossu. Tu ne l'es pas vraiment. De temps en temps tu te redresses, et tu marches droit. Mais moi, je t'aime dans les heures avancĂ©es de la nuit, quand tu es faible, quand tu trĂ©buches, quand tu te voĂ»tes. Je te suis, tu trembles. De froid ou de peur. Il fait chaud pourtant. Jamais, presque jamais, peut-ĂȘtre jamais il n'avait fait si chaud dans notre ville. Et de quoi pourrais-tu avoir peur? De moi? Je ne suis pas ton ennemi. Je t'aime. Et personne d'autre ne pourrait te faire du mal. N'aie pas peur. je suis lĂ . Je te protĂšge. Pourtant, je souffre aussi. Mes larmes - grosses gouttes de pluie - me coulent sur le visage. La nuit me voile. La lune m'Ă©claire. Les nuages me cachent. Le vent me dĂ©chire. J'ai une sorte de tendresse pour toi. Cela m'arrive parfois. Tres rarement. Pourquoi pour toi? Je n'en sais rien. Je veux te suivre trĂšs loin, partout, longtemps. Je veux te voir souffrir encore plus. Je veux que tu en aies assez de tout le reste. Je veux que tu viennes me supplier de te prendre. Je veux que tu me dĂ©sires. Que tu aies envie de moi, que tu m'aimes, que tu m'appelles. Alors, je te prendrai dans mes bras, je te serrerai sur mon coeur, tu seras mon enfant, mon amant, mon amour. Je t'emporterai. Tu avais peur de naĂźtre, et maintenant tu as peur de mourir. Tu as peur de tout. Il ne faut pas avoir peur. Il y a simplement une grande roue qui tourne. Elle s'appelle ÉternitĂ©. C'est moi qui fais tourner la grande roue. Tu ne dois pas avoir peur de moi. Ni de la grande roue. La seule chose qui puisse faire peur, qui puisse faire mal, c'est la vie, et tu la connais dĂ©jĂ .
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Ágota Kristóf
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Le ciel est d’un bleu limpide. Les orangers n’en finissent pas de se donner la main. L’enfant a douze ans et un cƓur en porcelaine. A cet Ăąge de tous les coups de foudre, simplement parce que sa confiance est aussi grande que ses joies, il voudrait croquer la lune comme un fruit, persuadĂ© qu’il n’a qu’à tendre la main pour cueillir le bonheur du monde entier
 Et lĂ , sous mes yeux, en dĂ©pit du drame qui vient d’enlaidir Ă  jamais le souvenir de cette journĂ©e, en dĂ©pit des corps agonisant sur la chaussĂ©e et des flammes finissant d’ensevelir le vĂ©hicule du cheikh, le garçon bondit et, les bras dĂ©ployĂ©s tels des ailes d’épervier, s’élance Ă  travers champs oĂč chaque arbre est une fĂ©erie

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Yasmina Khadra
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Ne m'interrompez point, mes enfants! je pense donc que vous- savez qui nous sommes. Quand nos pĂšres, irritĂ©s de la cruautĂ© de leurs maĂźtres, quittĂšrent la GrĂšce et vinrents'Ă©tablir ici, dans le ressentiment des outrages qu'ils avaient reçus de leurs patrons, la premiĂšre loi qu'ils y firent fut d'ĂŽter la vie Ă  tous les maĂźtres que le hasard ou lenaufrage conduirait dans leur Ăźle, et consĂ©quemment de rendre la libertĂ© Ă  tous les esclaves: la vengeance avait dictĂ© cette loi; vingt ans aprĂšs la raison l'abolit, et en dicta une plus douce. Nous ne nous vengeons plus de vous, nous vous corrigeons; ce n'est plus votre vie que nous poursuivons, c'est la barbarie de vos coeurs que nous voulons dĂ©truire; nous vous jetons dans l'esclavage pour vous rendre sensibles aux maux qu'on y Ă©prouve; nous vous humilions, afin que, nous trouvant superbes, vous vous reprochiez de l'avoir Ă©tĂ©. Votre esclavage, ou plutĂŽt votre cours d'humanitĂ©, dure trois ans, au bout desquels on vous renvoie, si vos maĂźtres sont contents de vos progrĂšs; et si vous ne devenez pas meilleurs, nous vous retenons par charitĂ© pour les nouveaux malheureux que vous iriez faire encore ailleurs; et par bontĂ© pour vous, nous vous marions avec une de nos citoyennes. Ce sont lĂ  nos lois Ă  cet Ă©gard, mettez Ă  profit leur rigueur salutaire. Remerciez le sort qui vous conduit ici; il vous remet en nos mains durs, injustes et superbes; vous voilĂ  en mauvais Ă©tat, nous entreprenons de vous guĂ©rir; vous ĂȘtes moins nos esclaves que nos malades, et nous ne prenons que trois ans pour vous rendre sains; c'est-Ă -dire, humains, raisonnables et gĂ©nĂ©reux pour toute votre vie.
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Pierre de Marivaux (L'Ăźle des esclaves)
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TOUZENBACH Si vous voulez. De quoi parlerons-nous ? VERCHININE De quoi ? RĂȘvons ensemble... par exemple de la vie telle qu’elle sera aprĂšs nous, dans deux ou trois cents ans. TOUZENBACH Eh bien, aprĂšs nous on s’envolera en ballon, on changera la coupe des vestons, on dĂ©couvrira peut-ĂȘtre un sixiĂšme sens, qu’on dĂ©veloppera, mais la vie restera la mĂȘme, un vie difficile, pleine de mystĂšre, et heureuse. Et dans mille ans, l’homme soupirera comme aujourd’hui : « Ah ! qu’il est difficile de vivre ! » Et il aura toujours peur de la mort et ne voudra pas mourir. VERCHININE, aprĂšs avoir rĂ©flĂ©chi. Comment vous expliquer ? Il me semble que tout va se transformer peu Ă  peu, que le changement s’accomplit dĂ©jĂ , sous nos yeux. Dans deux ou trois cents ans, dans mille ans peut-ĂȘtre, peu importe le dĂ©lai, s’établira une vie nouvelle, heureuse. Bien sĂ»r, nous ne serons plus lĂ , mais c’est pour cela que nous vivons, travaillons, souffrons enfin, c’est nous qui la crĂ©ons, c’est mĂȘme le seul but de notre existence, et si vous voulez, de notre bonheur. Macha rit doucement. TOUZENBACH Pourquoi riez-vous ? MACHA Je ne sais pas. Je ris depuis ce matin. VERCHININE J’ai fait les mĂȘmes Ă©tudes que vous, je n’ai pas Ă©tĂ© Ă  l’AcadĂ©mie militaire. Je lis beaucoup, mais je ne sais pas choisir mes lectures, peut-ĂȘtre devrais-je lire tout autre chose ; et cependant, plus je vis, plus j’ai envie de savoir. Mes cheveux blanchissent, bientĂŽt je serai vieux, et je ne sais que peu, oh ! trĂšs peu de chose. Pourtant, il me semble que je sais l’essentiel, et que je le sais avec certitude. Comme je voudrais vous prouver qu’il n’y a pas, qu’il ne doit pas y avoir de bonheur pour nous, que nous ne le connaĂźtrons jamais... Pour nous, il n’y a que le travail, rien que le travail, le bonheur, il sera pour nos lointains descendants. (Un temps.) Le bonheur n’est pas pour moi, mais pour les enfants de mes enfants. TOUZENBACH Alors, d’aprĂšs vous, il ne faut mĂȘme pas rĂȘver au bonheur ? Mais si je suis heureux ? VERCHININE Non. TOUZENBACH, joignant les mains et riant. Visiblement, nous ne nous comprenons pas. Comment vous convaincre ? (Macha rit doucement. Il lui montre son index.) Eh bien, riez ! (À Verchinine :) Non seulement dans deux ou trois cents ans, mais dans un million d’annĂ©es, la vie sera encore la mĂȘme ; elle ne change pas, elle est immuable, conforme Ă  ses propres lois, qui ne nous concernent pas, ou dont nous ne saurons jamais rien. Les oiseaux migrateurs, les cigognes, par exemple, doivent voler, et quelles que soient les pensĂ©es, sublimes ou insignifiantes, qui leur passent par la tĂȘte, elles volent sans relĂąche, sans savoir pourquoi, ni oĂč elles vont. Elles volent et voleront, quels que soient les philosophes qu’il pourrait y avoir parmi elles ; elles peuvent toujours philosopher, si ça les amuse, pourvu qu’elles volent... MACHA Tout de mĂȘme, quel est le sens de tout cela ? TOUZENBACH Le sens... VoilĂ , il neige. OĂč est le sens ? MACHA Il me semble que l’homme doit avoir une foi, du moins en chercher une, sinon sa vie est complĂštement vide... Vivre et ignorer pourquoi les cigognes volent, pourquoi les enfants naissent, pourquoi il y a des Ă©toiles au ciel... Il faut savoir pourquoi l’on vit, ou alors tout n’est que balivernes et foutaises. Comme dit Gogol : « Il est ennuyeux de vivre en ce monde, messieurs. »
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Anton Chekhov (The Three Sisters)
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III Ah ! vous voulez la lune ? OĂč ? dans le fond du puits ? Non; dans le ciel. Eh bien, essayons. Je ne puis. Et c'est ainsi toujours. Chers petits, il vous passe Par l'esprit de vouloir la lune, et dans l'espace J'Ă©tends mes mains, tĂąchant de prendre au vol PhoebĂ©. L'adorable hasard d'ĂȘtre aĂŻeul est tombĂ© Sur ma tĂȘte, et m'a fait une douce fĂȘlure. Je sens en vous voyant que le sort put m'exclure Du bonheur, sans m'avoir tout Ă  fait abattu. Mais causons. Voyez-vous, vois-tu, Georges, vois-tu, Jeanne ? Dieu nous connaĂźt, et sait ce qu'ose faire Un aĂŻeul, car il est lui-mĂȘme un peu grand-pĂšre; Le bon Dieu, qui toujours contre nous se dĂ©fend, Craint ceci: le vieillard qui veut plaire Ă  l'enfant; Il sait que c'est ma loi qui sort de votre bouche, Et que j'obĂ©irais; il ne veut pas qu'on touche Aux Ă©toiles, et c'est pour en ĂȘtre bien sĂ»r Qu'il les accroche aux clous les plus hauts de l'azur.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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Ce que l'ingĂ©niositĂ© des hommes nous a offert dans ces cent derniĂšres annĂ©es aurait pu faciliter une vie libre et heureuse, si le progrĂšs entre les humains s'effectuait en mĂȘme temps que les progrĂšs sur les choses. Or le rĂ©sultat laborieux ressemble pour ceux de notre gĂ©nĂ©ration Ă  ce que serait un rasoir pour un enfant de trois ans. La conquĂȘte de fabuleux moyens de production n'a pas apportĂ© la libertĂ©, mais les angoisses et la faim. Pire encore, les progrĂšs techniques fournissent les moyens d'anĂ©antir la vie humaine et tout ce qui a Ă©tĂ© durement crĂ©Ă© par l'homme. Nous, les anciens, avons vĂ©cu cette abomination pensant la guerre mondiale. Mais plus ignoble que cet anĂ©antissement, nous avons vĂ©cu l'esclavage ignominieux oĂč l'homme se voit entraĂźnĂ© par la guerre ! N'est-il pas Ă©pouvantable d'ĂȘtre contraint par la communautĂ© d'accomplir des actes que chacun, face Ă  sa conscience, juge criminels ? Or peu d'ĂȘtres ont rĂ©vĂ©lĂ© une telle grandeur d'Ăąme qu'ils ont refusĂ© de les commettre. A mes yeux pourtant ils sont les vrais hĂ©ros de la guerre mondiale.
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Albert Einstein (The World As I See It)
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Quand elle Ă©tait petite, elle voulait m’épouser. J’étais son prince charmant. AnnĂ©e aprĂšs annĂ©e, j’avais bien vu dans son regard que le mythe s’était Ă©parpillĂ© dans les affres de la rĂ©alitĂ©. J’étais tombĂ© de mon piĂ©destal et, si je ne cherchais pas Ă  mentir sur qui j’étais, j’avais toujours eu envie qu’elle me voie au meilleur de ma forme. Au fond, je pouvais dire que nous n’avions jamais rĂ©ellement eu une relation saine. La preuve : cette incapacitĂ© physique d’aller voir son appartement, ce lieu oĂč elle vivait en femme. Il faudrait des siĂšcles pour admettre que nos enfants sont devenus adultes. On dit souvent qu’il est difficile de vieillir ; moi, je pourrais vieillir indĂ©finiment du moment que mes enfants, eux, ne grandiraient pas. Je ne sais pas pourquoi j’éprouvais tant de difficultĂ©s Ă  vivre cette transition que tout parent connaĂźt. Je n’avais pas l’impression qu’autour de moi les gens avaient les mĂȘmes. Pire, j’entendais des parents soulagĂ©s du dĂ©part de leurs enfants. Enfin, ils allaient retrouver la libertĂ©, disaient-ils. Il y avait ce film oĂč le garçon, Tanguy, s’éternisait chez ses parents, prolongeant sans cesse ses Ă©tudes. Le mien Ă©tait parti Ă  l’autre bout du monde dĂšs ses dix-huit ans. C’est toujours comme ça : ceux qui veulent se dĂ©barrasser de leurs enfants hĂ©ritent de boulets, tandis que ceux qui veulent couver Ă  loisir leur progĂ©niture se retrouvent avec des prĂ©coces de l’autonomie. Mon fils me manquait atrocement. Et je ne supportais plus d’échanger avec lui des messages par Skype, ou par e-mails. D’ailleurs, ces messages et ces moments virtuels Ă©taient de plus en plus courts. Nous n’avions rien Ă  nous dire. L’amour entre un parent et un enfant n’est pas dans les mots, pas dans la discussion. Ce que j’aimais, c’était simplement que mon fils soit lĂ , Ă  la maison. On pouvait ne pas se parler de la journĂ©e, ce n’était pas grave, je sentais sa prĂ©sence, ça me suffisait. Étais-je si tordu ? Je ne sais pas. Je ne peux qu’essayer de mettre des mots sur mes sentiments. Et je peux affirmer maintenant ce que je sais depuis le dĂ©but : je vis mal la sĂ©paration avec mes enfants. Elle me paraĂźt normale, justifiĂ©e, humaine, biologique, tout ce que vous voulez, pourtant elle me fait mal.
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David Foenkinos (Je vais mieux)
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Et toujours ces questions si naturelles, anodines en apparence, ça marche toujours avec lui ? Est-ce que tu comptes te marier ? La dĂ©solation de mes parents devant une situation incertaine, "on aimerait bien savoir oĂč ça va te mener tout ça". ObligĂ© que l'amour mĂšne quelque part. Leur peine sourde aussi. Ce serait tellement plus agrĂ©able, plus tranquille pour eux de voir se dĂ©rouler l'histoire habituelle, les faire-part dans le journal, les questions auxquelles on rĂ©pond avec fiertĂ©, un jeune homme de Bordeaux, bientĂŽt professeur, l'Ă©glise, la mairie, le mĂ©nage qui se "monte", les petits-enfants. Je les prive des espĂ©rances traditionnelles. L'affolement de ma mĂšre quand elle apprend, tu couches avec, si tu continues tu vas gĂącher ta vie. Pour elle, je suis en train de me faire rouler, des tonnes de romans qui ressortent, filles sĂ©duites qu'on n'Ă©pouse pas, abandonnĂ©es avec un mĂŽme. Un combat tannant toutes les semaines entre nous deux. Je ne sais pas encore qu'au moment oĂč l'on me pousse Ă  liquider ma libertĂ©, ses parents Ă  lui jouent un scĂ©nario tout aussi traditionnel mais inverse, "tu as bien le temps d'avoir un fil Ă  la patte, ne te laisse pas mettre le grappin dessus !", bien chouchoutĂ©e la libertĂ© des mĂąles.
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Annie Ernaux (A Frozen Woman)
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Papa-bobo prĂ©cipitĂ© avec inquiĂ©tude sur mon genou saignant, qui va chercher les mĂ©dicaments et s'installera des heures au chevet de mes varicelle, rougeole et coqueluche pour me lire Les Quatre Filles du docteur March ou jouer au pendu. Papa-enfant, "tu es plus bĂȘte qu'elle", dit-elle. Toujours prĂȘt Ă  m'emmener Ă  la foire, aux films de Fernandel, Ă  me fabriquer une paire d'Ă©chasses et Ă  m'initier Ă  l'argot d'avant la guerre, pĂ©pĂ©dĂ©ristal et autres cezigue pĂąteux qui me ravissent. Papa indispensable pour me conduire Ă  l'Ă©cole et m'attendre midi et soir, le vĂ©lo Ă  la main, un peu Ă  l'Ă©cart de la cohue des mĂšres, les jambes de son pantalon resserrĂ©es en bas par des pinces en fer. AffolĂ© par le moindre retard. AprĂšs, quand je serai assez grande pour aller seule dans les rues, il guettera mon retour. Un pĂšre dĂ©jĂ  vieux Ă©merveillĂ© d'avoir une fille. LumiĂšre jaune fixe des souvenirs, il traverse la cour, tĂȘte baissĂ©e Ă  cause du soleil, une corbeille sous le bras. J'ai quatre ans, il m'apprend Ă  enfiler mon manteau en retenant les manches de mon pull-over entre mes poings pour qu'elles ne boulichonnent pas en haut des bras. Rien que des images de douceur et de sollicitude. Chefs de famille sans rĂ©plique, grandes gueules domestiques, hĂ©ros de la guerre ou du travail, je vous ignore, j'ai Ă©tĂ© la fille de cet homme-lĂ .
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Annie Ernaux (A Frozen Woman)
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« Norbert de Varenne parlait d’une voix claire, mais retenue, qui aurait sonnĂ© dans le silence de la nuit s’il l’avait laissĂ©e s’échapper. Il semblait surexcitĂ© et triste, d’une de ces tristesses qui tombent parfois sur les Ăąmes et les rendent vibrantes comme la terre sous la gelĂ©e. Il reprit : « Qu’importe, d’ailleurs, un peu plus ou un peu moins de gĂ©nie, puisque tout doit finir ! » Et il se tut. Duroy, qui se sentait le cƓur gai, ce soir-lĂ , dit, en souriant : « Vous avez du noir, aujourd’hui, cher maĂźtre. » Le poĂšte rĂ©pondit. « J’en ai toujours, mon enfant, et vous en aurez autant que moi dans quelques annĂ©es. La vie est une cĂŽte. Tant qu’on monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux ; mais, lorsqu’on arrive en haut, on aperçoit tout d’un coup la descente, et la fin qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. À votre Ăąge, on est joyeux. On espĂšre tant de choses, qui n’arrivent jamais d’ailleurs. Au mien, on n’attend plus rien... que la mort. » Duroy se mit Ă  rire : « Bigre, vous me donnez froid dans le dos. » Norbert de Varenne reprit : « Non, vous ne me comprenez pas aujourd’hui, mais vous vous rappellerez plus tard ce que je vous dis en ce moment. » « Il arrive un jour, voyez- vous, et il arrive de bonne heure pour beaucoup, oĂč c’est fini de rire, comme on dit, parce que derriĂšre tout ce qu’on regarde, c’est la mort qu’on aperçoit. » « Oh ! vous ne comprenez mĂȘme pas ce mot-lĂ , vous, la mort. À votre Ăąge, ça ne signifie rien. Au mien, il est terrible. » « Oui, on le comprend tout d’un coup, on ne sait pas pourquoi ni Ă  propos de quoi, et alors tout change d’aspect, dans la vie. Moi, depuis quinze ans, je la sens qui me travaille comme si je portais en moi une bĂȘte rongeuse. Je l’ai sentie peu Ă  peu, mois par mois, heure par heure, me dĂ©grader ainsi qu’une maison qui s’écroule. Elle m’a dĂ©figurĂ© si complĂštement que je ne me reconnais pas. Je n’ai plus rien de moi, de moi l’homme radieux, frais et fort que j’étais Ă  trente ans. Je l’ai vue teindre en blanc mes cheveux noirs, et avec quelle lenteur savante et mĂ©chante ! Elle m’a pris ma peau ferme, mes muscles, mes dents, tout mon corps de jadis, ne me laissant qu’une Ăąme dĂ©sespĂ©rĂ©e qu’elle enlĂšvera bientĂŽt aussi. » « Oui, elle m’a Ă©miettĂ©, la gueuse, elle a accompli doucement et terriblement la longue destruction de mon ĂȘtre, seconde par seconde. Et maintenant je me sens mourir en tout ce que je fais. Chaque pas m’approche d’elle, chaque mouvement, chaque souffle hĂąte son odieuse besogne. Respirer, dormir, boire, manger, travailler, rĂȘver, tout ce que nous faisons, c’est mourir. Vivre enfin, c’est mourir ! » » (de « Bel-Ami » par Guy de Maupassant)
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Guy de Maupassant
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Mon pĂšre, AndrĂ© PĂ©trovitch Grineff, aprĂšs avoir servi dans sa jeunesse sous le comte Munich, avait quittĂ© l’état militaire en 17
 avec le grade de premier major. Depuis ce temps, il avait constamment habitĂ© sa terre du gouvernement de Simbirsk, oĂč il Ă©pousa Mlle Avdotia, 1ere fille d’un pauvre gentilhomme du voisinage. Des neuf enfants issus de cette union, je survĂ©cus seul ; tous mes frĂšres et sƓurs moururent en bas Ăąge. J’avais Ă©tĂ© inscrit comme sergent dans le rĂ©giment SĂ©mĂ©nofski par la faveur du major de la garde, le prince B
, notre proche parent. Je fus censĂ© ĂȘtre en congĂ© jusqu’à la fin de mon Ă©ducation. Alors on nous Ă©levait autrement qu’aujourd’hui. DĂšs l’ñge de cinq ans je fus confiĂ© au piqueur SavĂ©liitch, que sa sobriĂ©tĂ© avait rendu digne de devenir mon menin. GrĂące Ă  ses soins, vers l’ñge de douze ans je savais lire et Ă©crire, et pouvais apprĂ©cier avec certitude les qualitĂ©s d’un lĂ©vrier de chasse. À cette Ă©poque, pour achever de m’instruire, mon pĂšre prit Ă  gages un Français, M. BeauprĂ©, qu’on fit venir de Moscou avec la provision annuelle de vin et d’huile de Provence. Son arrivĂ©e dĂ©plut fort Ă  SavĂ©liitch. « Il semble, grĂące Ă  Dieu, murmurait-il, que l’enfant Ă©tait lavĂ©, peignĂ© et nourri. OĂč avait-on besoin de dĂ©penser de l’argent et de louer un moussiĂ©, comme s’il n’y avait pas assez de domestiques dans la maison ? »
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Alexander Pushkin (The Captain's Daughter)
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Le Roi des Aulnes Quel est ce chevalier qui file si tard dans la nuit et le vent ? C'est le pĂšre avec son enfant ; Il serre le petit garçon dans son bras, Il le serre bien, il lui tient chaud. « Mon fils, pourquoi caches-tu avec tant d'effroi ton visage ? — PĂšre, ne vois-tu pas le Roi des Aulnes ? Le Roi des Aulnes avec sa traĂźne et sa couronne ? — Mon fils, c'est un banc de brouillard. — Cher enfant, viens, pars avec moi ! Je jouerai Ă  de trĂšs beaux jeux avec toi, Il y a de nombreuses fleurs de toutes les couleurs sur le rivage, Et ma mĂšre possĂšde de nombreux habits d'or. — Mon pĂšre, mon pĂšre, et n'entends-tu pas, Ce que le Roi des Aulnes me promet Ă  voix basse ? — Sois calme, reste calme, mon enfant ! C'est le vent qui murmure dans les feuilles mortes. — Veux-tu, gentil garçon, venir avec moi ? Mes filles s'occuperont bien de toi Mes filles mĂšneront la ronde toute la nuit, Elles te berceront de leurs chants et de leurs danses. — Mon pĂšre, mon pĂšre, et ne vois-tu pas lĂ -bas Les filles du Roi des Aulnes dans ce lieu sombre ? — Mon fils, mon fils, je vois bien : Ce sont les vieux saules qui paraissent si gris. — Je t'aime, ton joli visage me charme, Et si tu ne veux pas, j'utiliserai la force. — Mon pĂšre, mon pĂšre, maintenant il m'empoigne ! Le Roi des Aulnes m'a fait mal ! » Le pĂšre frissonne d'horreur, il galope Ă  vive allure, Il tient dans ses bras l'enfant gĂ©missant, Il arrive Ă  grand-peine Ă  son port ; Dans ses bras l'enfant Ă©tait mort.
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Charles Nodier
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Qu’un galop rapide, coursiers aux pieds brĂ»lants, vous emporte vers le palais du Soleil: de son fouet, un conducteur tel que PhaĂ©ton vous aurait prĂ©cipitĂ©s vers le couchant et aurait ramenĂ© la sombre Nuit. Étends ton Ă©pais rideau. Nuit qui couronne l’amour; ferme les yeux errants, et que RomĂ©o puisse voler dans mes bras sans qu’on le dise et sans qu’on le voie. La lumiĂšre de leurs mutuelles beautĂ©s suffit aux amants pour accomplir leurs amoureux mystĂšres; ou si l’Amour est aveugle, il ne s’en accorde que mieux avec la Nuit. Viens, Nuit obligeante, matrone aux vĂȘtements modestes, tout en noir, apprends-moi Ă  perdre au jeu de qui perd gagne, oĂč l’enjeu est deux virginitĂ©s sans tache; couvre de ton obscur manteau mes joues oĂč se rĂ©volte mon sang effarouchĂ©, jusqu’à ce que mon craintif amour, devenu plus hardi dans l’épreuve d’un amour fidĂšle, n’y voie plus qu’un chaste devoir.—Viens, ĂŽ Nuit; viens, RomĂ©o; viens, toi qui es le jour au milieu de la nuit; car sur les ailes de la nuit tu arriveras plus Ă©clatant que n’est sur les plumes du corbeau la neige nouvellement tombĂ©e. Viens, douce nuit; viens, nuit amoureuse, le front couvert de tĂ©nĂšbres: donne-moi mon RomĂ©o; et quand il aura cessĂ© de vivre, reprends-le, et, partage-le en petites Ă©toiles, il rendra la face des cieux si belle, que le monde deviendra amoureux de la nuit et renoncera au culte du soleil indiscret. Oh! j’ai achetĂ© une demeure d’amour, mais je n’en suis pas encore en possession, et celui qui m’a acquise n’est pas encore en jouissance. Ce jour est aussi ennuyeux que la veille d’une fĂȘte pour l’enfant qui a une robe neuve et qui ne peut encore la mettre.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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Il etait plutot fin, donc, le sable, delie, ne s'agglomerait pas, c'etait de la pierre, en fait, de la pierre pilee, rien a voir ou presque avec la poussiere, c'est ce que je veux dire. Mais plus maintenant. C'est que ca vole, quand meme, le sable. Et il volait, la, sous les pieds des enfants, et partout ca retombait, et pour la premiere fois j'ai vu la plage comme une grande plage de poussiere. Je dis grande parce que j n'avais jamais vu autant de poussiere, meme chez moi, apres le depart de Constance. Et j'ai forcement pense a Laura, mais ce n'est pas ca, je n'ai pas eu a y penser, bien sur, j'y pensais, je ne faisais que ca, mais j'y pensais avec recul, enfin j'essayais, parce que le moins qu'on puisse dire c'est que j'avais besoin de distance, sauf que je n'arrivais pas a' en prendre, de la distance, je souffrais, c'est egalement le moins qu'on puisse dire, et le seul resultat de mes efforts c'etait ca: penser que je m'etais trompe, que Laura en fin de compte n'avait jamais convenu, depuis le debut, ni pour le menage, ni comme femme, donc, comme femme susceptible d'apporter un peu d'order, dans ma vie, et alors j'en trouvais la verfication maintenant, sur le sable, ce sable que je n'avais jamais aime, au fond, pas plus que la poussiere, ou Laura me laissait, jusqu'a la mordre. Et j'ai vu que le gens s'y couchaient, dans ce sable, que n'etait plus que poussiere, maintenant, et je me suis dit je suis comme eux, a cette difference pres qu'ils sont beaucoup plus forts, eux. Parce qu'ils s'entrainen, en fait. A y retourner, donc. A la poussiere, oui. Je pensais ca aussi parce que je me sentais mort, bien sur, mais tout de meme. Et je le pensais encore parce que j n'etais pas pret, moi. Je me sentais mort depuis deux minutes, seulement. Mort, mais supris.
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Christian Oster (Une femme de ménage)
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PEER GYNT L'Ăąme, souffle et lumiĂšre du verbe, te viendra plus tard, ma fille Quand, en lettres d'or, sur le fond rose de l'Orient, apparaĂźtront ces mots : Voici le jour, alors commenceront les leçons ; ne crains rien, tu seras instruite. Mais je serais un sot de vouloir, dans le calme de cette tiĂšde nuit,me parer de quelques baillons d'un vieux savoir usĂ©, pour te traiter en maĂźtre d'Ă©cole. AprĂšs tout, le principal, quand on y rĂ©flĂ©chit, ce n'est point l'Ăąme, c'est le cƓur. ANITRA Parle seigneur. Quand tu parles, il me semble voir comme des lueurs d'opale. PBER GYNT La raison poussĂ©e Ă  l'excĂšs est de la bĂȘtise. La poltronnerie s'Ă©panouit en cruautĂ©. L'exagĂ©ration de la vĂ©ritĂ©, c'est de la sagesse Ă  l'envers. Oui, mon enfant, le diable m'emporte s'il n'y a pas de par le monde des ĂȘtres gavĂ©s d'Ăąme qui n'en ont que plus de peine Ă  voir clair. J'ai connu un individu de cette sorte, une vraie perle pourtant, qui a manquĂ© son but et perdu la boussole. Vois-tu ce dĂ©sert qui entoure l'oasis? Je n'aurais qu'Ă  agiter mon turban pour que les flots de l'OcĂ©an en comblassent toute l'Ă©tendue. Mais je serais un imbĂ©cile de crĂ©er ainsi des continents et des mers nouvelles. Sais-tu, ce que c'est que de vivre? ANITRA Enseigne-le-moi. PEER GYNT C'est planer au-dessus du temps qui coule, en descendre le courant sans se mouiller les pieds, et sans jamais rien perdre de soi-mĂȘme. Pour ĂȘtre celui qu'on est, ma petite amie, il faut la force de l'Ăąge! Un vieil aigle perd son piumage, une vieille rosse son allure, une vieille commĂšre ses dents. La peau se ride, et l'Ăąme aussi. Jeunesse ! jeunesse ! Par toi je veux rĂ©gner non sur les palmes et les vignes de quelque Gyntiana, mais sur la pensĂ©e vierge d'une femme dont je serai le sultan ardent et vigoureux. Je t'ai fait, ma petite, la grĂące de te sĂ©duire, d'Ă©lire ton cƓur pour y fonder un kalifat nouveau. Je veux ĂȘtre le maĂźtre de tes soupirs. Dans mon royaume, j'introduirai le rĂ©gime absolu. Nous sĂ©parer sera la mort... pour toi, s'entend. Pas une fibre, pas une parcelle de toi qei ne m'appartienne. Ni oui, ni non, tu n'auras d'autre volontĂ© que la mienne. Ta chevelure, noire comme la nuit, et tout ce qui, chez toi, est doux Ă  nommer, s'inclinera devant mon pouvoir souverain. Ce seront mes jardins de Babylone.
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Henrik Ibsen (Peer Gynt)
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LE SYLLABUS Tout en mangeant d'un air effarĂ© vos oranges, Vous semblez aujourd'hui, mes tremblants petits anges, Me redouter un peu; Pourquoi ? c'est ma bontĂ© qu'il faut toujours attendre, Jeanne, et c'est le devoir de l'aĂŻeul d'ĂȘtre tendre Et du ciel d'ĂȘtre bleu. N'ayez pas peur. C'est vrai, j'ai l'air fĂąchĂ©, je gronde, Non contre vous. HĂ©las, enfants, dans ce vil monde, Le prĂȘtre hait et ment; Et, voyez-vous, j'entends jusqu'en nos verts asiles Un sombre brouhaha de choses imbĂ©ciles Qui passe en ce moment. Les prĂȘtres font de l'ombre. Ah ! je veux m'y soustraire. La plaine resplendit; viens, Jeanne, avec ton frĂšre, Viens, George, avec ta soeur; Un rayon sort du lac, l'aube est dans la chaumiĂšre; Ce qui monte de tout vers Dieu, c'est la lumiĂšre; Et d'eux, c'est la noirceur. J'aime une petitesse et je dĂ©teste l'autre; Je hais leur bĂ©gaiement et j'adore le vĂŽtre; Enfants, quand vous parlez, Je me penche, Ă©coutant ce que dit l'Ăąme pure, Et je crois entrevoir une vague ouverture Des grands cieux Ă©toilĂ©s. Car vous Ă©tiez hier, ĂŽ doux parleurs Ă©tranges, Les interlocuteurs des astres et des anges; En vous rien n'est mauvais; Vous m'apportez, Ă  moi sur qui gronde la nue, On ne sait quel rayon de l'aurore inconnue; Vous en venez, j'y vais. Ce que vous dites sort du firmament austĂšre; Quelque chose de plus que l'homme et que la terre Est dans vos jeunes yeux; Et votre voix oĂč rien n'insulte, oĂč rien ne blĂąme, OĂč rien ne mord, s'ajoute au vaste Ă©pithalame Des bois mystĂ©rieux. Ce doux balbutiement me plaĂźt, je le prĂ©fĂšre; Car j'y sens l'idĂ©al; j'ai l'air de ne rien faire Dans les fauves forĂȘts. Et pourtant Dieu sait bien que tout le jour j'Ă©coute L'eau tomber d'un plafond de rochers goutte Ă  goutte Au fond des antres frais. Ce qu'on appelle mort et ce qu'on nomme vie Parle la mĂȘme langue Ă  l'Ăąme inassouvie; En bas nous Ă©touffons; Mais rĂȘver, c'est planer dans les apothĂ©oses, C'est comprendre; et les nids disent les mĂȘmes choses Que les tombeaux profonds. Les prĂȘtres vont criant: AnathĂšme ! anathĂšme ! Mais la nature dit de toutes parts: Je t'aime ! Venez, enfants; le jour Est partout, et partout on voit la joie Ă©clore; Et l'infini n'a pas plus d'azur et d'aurore Que l'Ăąme n'a d'amour. J'ai fait la grosse voix contre ces noirs pygmĂ©es; Mais ne me craignez pas; les fleurs sont embaumĂ©es, Les bois sont triomphants; Le printemps est la fĂȘte immense, et nous en sommes; Venez, j'ai quelquefois fait peur aux petits hommes, Non aux petits enfants.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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Wilhelm, on deviendrait furieux de voir qu’il y ait des hommes incapables de goĂ»ter et de sentir le peu de biens qui ont encore quelque valeur sur la terre. Tu connais les noyers sous lesquels je me .suis assis avec Charlotte, Ă  St
, chez le bon pasteur, ces magnifiques noyers, qui, Dieu le sait, me remplissaient toujours d’une joie calme et profonde. Quelle paix, quelle fraĂźcheur ils rĂ©pandaient sur le presbytĂšre ! Que les rameaux Ă©taient majestueux ! Et le souvenir enfin des vĂ©nĂ©rables pasteurs qui les avaient plantĂ©s, tant d’annĂ©es auparavant !
 Le maĂźtre d’école nous a dit souvent le nom de l’un d’eux, qu’il avait appris de son grand-pĂšre. Ce fut sans doute un homme vertueux, et, sous ces arbres, sa mĂ©moire me fut toujours sacrĂ©e. Eh bien, le maĂźtre d’école avait hier les larmes aux yeux, comme nous parlions ensemble de ce qu’on les avait abattus. Abattus ! j’en suis furieux, je pourrais tuer le chien qui a portĂ© le premier coup de hache. Moi, qui serais capable de prendre le deuil, si, d’une couple d’arbres tels que ceux-lĂ , qui auraient existĂ© dans ma cour, l’un venait Ă  mourir de vieillesse, il faut que je voie une chose pareille !
 Cher Wilhelm, il y a cependant une compensation. Chose admirable que l’humanitĂ© ! Tout le village murmure, et j’espĂšre que la femme du pasteur s’apercevra au beurre, aux Ɠufs et autres marques d’amitiĂ©, de la blessure qu’elle a faite Ă  sa paroisse. Car c’est elle, la femme du nouveau pasteur (notre vieux est mort), une personne sĂšche, maladive, qui fait bien de ne prendre au monde aucun intĂ©rĂȘt, attendu que personne n’en prend Ă  elle. Une folle, qui se pique d’ĂȘtre savante ; qui se mĂȘle de l’étude du canon ; qui travaille Ă©normĂ©ment Ă  la nouvelle rĂ©formation morale et critique du christianisme ; Ă  qui les rĂȘveries de Lavater font lever les Ă©paules ; dont la santĂ© est tout Ă  fait dĂ©labrĂ©e, et qui ne goĂ»te, par consĂ©quent, aucune joie sur la terre de Dieu ! Une pareille crĂ©ature Ă©tait seule capable de faire abattre mes noyers. Vois-tu, je n’en reviens pas. Figure-toi que les feuilles tombĂ©es lui rendent la cour humide et malpropre ; les arbres interceptent le jour Ă  madame, et, quand les noix sont mĂ»res, les enfants y jettent des pierres, et cela lui donne sur les nerfs, la trouble dans ses profondes mĂ©ditations, lorsqu’elle pĂšse et met en parallĂšle Kennikot, Semler et MichaĂ«lis. Quand j’ai vu les gens du village, surtout les vieux, si mĂ©contents, je leur ai dit : « Pourquoi l’avez-vous souffert ?— A la campagne, m’ontils rĂ©pondu, quand le maire veut quelque chose, que peut-on /aire ? * Mais voici une bonne aventure. : le- pasteur espĂ©rait aussi tirer quelque avantage des caprices de sa femme, qui d’ordinaire ne rendent pas sa soupe plus grasse, et il croyait partager le produit avec le maire ; la chambre des domaines en fut avertie et dit : « A moi, s’il vous plaĂźt ! » car elle avait d’anciennes prĂ©tentions sur la partie du presbytĂšre oĂč les arbres Ă©taient plantĂ©s, et elle les a vendus aux enchĂšres. Ils sont Ă  bas ! Oh ! si j’étais prince, la femme du pasteur, le maire, la chambre des domaines, apprendraient
. Prince !
 Eh ! si j’étais prince, que m’importeraient les arbres de mon pays ?
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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J’ai fait ma visite au lieu natal avec toute la piĂ©tĂ© d’un pĂšlerin, et bien des sentiments inattendus m’ont saisi. Je fis arrĂȘter prĂšs du grand tilleul qui se trouve Ă  un quart de lieue de la ville du cĂŽtĂ© de S
 ; je quittai la voiture, et je l’envoyai en avant, afin de cheminer Ă  pied et de savourer Ă  mon grĂ© chaque souvenir, dans toute sa vie et sa nouveautĂ©. Je m’arrĂȘtai sous le tilleul, qui avait Ă©tĂ©, dans mon enfance, le but et le terme de mes promenades. Quelle diffĂ©rence ! Alors, dans une heureuse ignorance, je m’élançais avec ardeur vers ce monde inconnu, oĂč j’espĂ©rais pour mon cƓur tant de nourriture, tant de jouissances, qui devaient combler et satisfaire l’ardeur de mes dĂ©sirs. Maintenant, j’en reviens de ce vaste monde
. O mon ami, avec combien d’espĂ©rances déçues, avec combien de plans renversĂ©s !
 Les voilĂ  devant moi les montagnes qui mille fois avaient Ă©tĂ© l’objet de mes vƓux. Je pouvais rester des heures assis Ă  cette place, aspirant Ă  franchir ces hauteurs, Ă©garant ma pensĂ©e au sein des bois et des vallons, qui s’offraient Ă  mes yeux dans un gracieux crĂ©puscule, et, lorsqu’au moment fixĂ© il me fallait revenir, avec quel regret ne quittais-je pas cette place chĂ©rie !
 J’approchai de la ville : je saluai tous les anciens pavillons de jardin ; les nouveaux me dĂ©plurent, comme tous les changements qu’on avait faits. Je franchis la porte de la ville, et d’abord je me retrouvai tout Ă  fait. Mon ami, je ne veux pas m’arrĂȘter au dĂ©tail : autant il eut de charme pour moi, autant il serait monotone dans le rĂ©cit. J’avais rĂ©solu de me loger sur la place, tout Ă  cĂŽtĂ© de notre ancienne maison. Je remarquai, sur mon passage, que la chambre d’école, oĂč une bonne vieille femme avait parquĂ© notre enfance, s’était transformĂ©e en une boutique de dĂ©tail. Je me rappelai l’inquiĂ©tude, les chagrins, l’étourdissement, l’angoisse que j’avais endurĂ©s dans ce trou
. Je ne pouvais faire un pas qui ne m’offrĂźt quelque chose de remarquable. Un pĂšlerin ne trouve pas en terre sainte autant de places consacrĂ©es par de religieux souvenirs, et je doute que son ame soit aussi remplie de saintes Ă©motions
. Encore un exemple sur mille : je descendis le long de la riviĂšre, jusqu’à une certaine mĂ©tairie. C’était aussi mon chemin autrefois, et la petite place oĂč les enfants s’exerçaient Ă  qui ferait le plus souvent rebondir les pierres plates Ă  la surface de l’eau. Je me rappelai vivement comme je m’arrĂȘtais quelquefois Ă  suivre des yeux le cours de la riviĂšre ; avec quelles merveilleuses conjectures je l’accompagnais ; quelles Ă©tranges peintures je me faisais des contrĂ©es oĂč elle allait courir ; comme je trouvais bientĂŽt les bornes de mon imagination, et pourtant me sentais entraĂźnĂ© plus loin, toujours plus loin, et finissais par me perdre dans la contemplation d’un vague lointain
. Mon ami, aussi bornĂ©s, aussi heureux, Ă©taient les vĂ©nĂ©rables pĂšres du genre humain ; aussi enfantines, leurs impressions, leur poĂ©sie. Quand Ulysse parle de la mer immense et de la terre infinie, cela est vrai, humain, intime, saisissant et mystĂ©rieux. Que me sert maintenant de pouvoir rĂ©pĂ©ter, avec tous les Ă©coliers, qu’elle est ronde ? Il n’en faut Ă  l’homme que quelques mottes pour vivre heureux dessus, et moins encore pour dormir dessous

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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Les deux femmes, vĂȘtues de noir, remirent le corps dans le lit de ma sƓur, elles jetĂšrent dessus des fleurs et de l’eau bĂ©nite, puis, lorsque le soleil eut fini de jeter dans l’appartement sa lueur rougeĂątre et terne comme le regard d’un cadavre, quand le jour eut disparu de dessus les vitres, elles allumĂšrent deux petites bougies qui Ă©taient sur la table de nuit, s’agenouillĂšrent et me dirent de prier comme elles. Je priai, oh ! bien fort, le plus qu’il m’était possible ! mais rien
 LĂ©lia ne remuait pas ! Je fus longtemps ainsi agenouillĂ©, la tĂȘte sur les draps du lit froids et humides, je pleurais, mais bas et sans angoisses ; il me semblait qu’en pensant, en pleurant, en me dĂ©chirant l’ñme avec des priĂšres et des vƓux, j’obtiendrais un souffle, un regard, un geste de ce corps aux formes indĂ©cises et dont on ne distinguait rien si ce n’est, Ă  une place, une forme ronde qui devait ĂȘtre La tĂȘte, et plus bas une autre qui semblait ĂȘtre les pieds. Je croyais, moi, pauvre naĂŻf enfant, je croyais que la priĂšre pouvait rendre la vie Ă  un cadavre, tant j’avais de foi et de candeur ! Oh ! on ne sait ce qu’a d’amer et de sombre une nuit ainsi passĂ©e Ă  prier sur un cadavre, Ă  pleurer, Ă  vouloir faire renaĂźtre le nĂ©ant ! On ne sait tout ce qu’il y a de hideux et d’horrible dans une nuit de larmes et de sanglots, Ă  la lueur de deux cierges mortuaires, entourĂ© de deux femmes aux chants monotones, aux larmes vĂ©nales, aux grotesques psalmodies ! On ne sait enfin tout ce que cette scĂšne de dĂ©sespoir et de deuil vous remplit le cƓur : enfant, de tristesse et d’amertume ; jeune homme, de scepticisme ; vieillard, de dĂ©sespoir ! Le jour arriva. Mais quand le jour commença Ă  paraĂźtre, lorsque les deux cierges mortuaires commençaient Ă  mourir aussi, alors ces deux femmes partirent et me laissĂšrent seul. Je courus aprĂšs elles, et me traĂźnant Ă  leurs pieds, m’attachant Ă  leurs vĂȘtements : — Ma sƓur ! leur dis-je, eh bien, ma sƓur ! oui, LĂ©lia ! oĂč est-elle ? Elles me regardĂšrent Ă©tonnĂ©es. — Ma sƓur ! vous m’avez dit de prier, j’ai priĂ© pour qu’elle revienne, vous m’avez trompĂ© ! — Mais c’était pour son Ăąme ! Son Ăąme ? Qu’est-ce que cela signifiait ? On m’avait souvent parlĂ© de Dieu, jamais de l’ñme. Dieu, je comprenais cela au moins, car si l’on m’eĂ»t demandĂ© ce qu’il Ă©tait, eh bien, j’aurais pris La linotte de LĂ©lia, et, lui brisant la tĂȘte entre mes mains, j’aurais dit : « Et moi aussi, je suis Dieu ! » Mais l’ñme ? l’ñme ? qu’est-ce cela ? J’eus la hardiesse de le leur demander, mais elles s’en allĂšrent sans me rĂ©pondre. Son Ăąme ! eh bien, elles m’ont trompĂ©, ces femmes. Pour moi, ce que je voulais, c’était LĂ©lia, LĂ©lia qui jouait avec moi sur le gazon, dans les bois, qui se couchait sur la mousse, qui cueillait des fleurs et puis qui les jetait au vent ; c’était Lelia, ma belle petite sƓur aux grands yeux bleus, LĂ©lia qui m’embrassait le soir aprĂšs sa poupĂ©e, aprĂšs son mouton chĂ©ri, aprĂšs sa linotte. Pauvre sƓur ! c’était toi que je demandais Ă  grands cris, en pleurant, et ces gens barbares et inhumains me rĂ©pondaient : « Non, tu ne la reverras pas, tu as priĂ© non pour elle, mais tu as priĂ© pour son Ăąme ! quelque chose d’inconnu, de vague comme un mot d’une langue Ă©trangĂšre ; tu as priĂ© pour un souffle, pour un mot, pour le nĂ©ant, pour son Ăąme enfin ! » Son Ăąme, son Ăąme, je la mĂ©prise, son Ăąme, je la regrette, je n’y pense plus. Qu’est-ce que ça me fait Ă  moi, son Ăąme ? savez-vous ce que c’est que son Ăąme ? Mais c’est son corps que je veux ! c’est son regard, sa vie, c’est elle enfin ! et vous ne m’avez rien rendu de tout cela. Ces femmes m’ont trompĂ©, eh bien, je les ai maudites. Cette malĂ©diction est retombĂ©e sur moi, philosophe imbĂ©cile qui ne sais pas comprendre un mot sans L’épeler, croire Ă  une Ăąme sans la sentir, et craindre un Dieu dont, semblable au PromĂ©thĂ©e d’Eschyle, je brave les coups et que je mĂ©prise trop pour blasphĂ©mer.
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Gustave Flaubert (La derniÚre heure : Conte philosophique inachevé)
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Parents et Ă©ducateurs font profession d'influencer l'enfant parce qu'ils pensent savoir ce qu'il lui faut, ce qu'il doit apprendre te ce qu'il doit devenir. Je pense qu'ils se trompent. Je n'essaie jamais de faire partager mes croyances ou mes prĂ©jugĂ©s aux enfants. Je n'ai pas de religion, mais je n'ai jamais prononcĂ© un mot contre la religion, ni d'ailleurs conter notre code pĂ©nal barbare, l'antisĂ©mitisme ou l'impĂ©rialisme. Je n'influencerai jamais consciemment un enfant pour qu'il devienne pacifiste, vĂ©gĂ©tarien, rĂ©formateur ou quoi que ce soit. Je sais que prĂȘcher ne prend pas avec les enfants. Je mets ma confiance dans le pouvoir de la libertĂ© pour armer la jeunesse contre l'artifice, le fanatisme et les ismes de toutes sortes. (p. 324)
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A.S. Neill (Summerhill: A Radical Approach to Child Rearing)
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L'erreur est souvent mal interprĂ©tĂ©e. Lorsqu'un enfant se trompe, il se dit facilement : "Je suis nul, je n'y arrive pas, mes copains vont le voir", alors qu'il serait plus juste qu'il se dire : "Je me suis trompĂ©e
 C'est normal puisque je suis en train d'apprendre. Pourquoi est-ce que ne j'y arrive pas ? Comment pourrais-je procĂ©der autrement ?" (p. 46)
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Isabelle Peloux (L'école du Colibri: La pédagogie de la coopération (Domaine du possible) (French Edition))
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Mes enfants,’ he said. ‘We must not disperse the strength. We must approach this matter with method and order in our thoughts. We must look within and not without for the truth. We must say to ourselves—each one of us—what do I know about the murderer? And so we must build up a composite picture of the man we are going to seek.
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Agatha Christie (The ABC Murders)
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Aujourd’hui j’ai fait un malaise dans le tram 21 une torpeur s’est comme ça emparĂ©e de moi et ce mal(ĂȘtre) m’a clouĂ© dĂ©bout. lĂ -bas Ă  mi-chemin du tram 21. oĂč se scinde en deux la vie. lĂ -bas tandis que je prenais appui sur la barre latĂ©rale de moi s’est emparĂ© ce mal(ĂȘtre). si je me souviens bien c’était Ă  mi-chemin du tram oĂč se tiennent les petits balanciers. les grands balanciers sont plus proches du conducteur. nul besoin d’avoir un certain Ăąge pour les balanciers on peut mĂȘme n’ĂȘtre qu’un enfant si l’on veut, pour les balanciers. ceux qui passent dans l’autre moitiĂ© du tram reçoivent gracieusement un balancier pour s’y balancer. et tandis que je comptais les arrĂȘts jusqu’à piața obor. c’est comme ça qu’un mal(ĂȘtre) s’est emparĂ© de moi et m’a ramolli les genoux. le noir devant mes yeux. petit ou grand mal(ĂȘtre) je n’en sais rien puisque je ne suis pas encore mort tout Ă  fait. juste la mollesse de mes genoux et la voix familiĂšre criant emil emil. Ă©tendez-le par terre il a quelque chose comme un mal(ĂȘtre). et laissez-le respirer tout seul. criaient les voyageurs. forts aimables les passagers du tram 21. l’un m’a offert sa place. un autre a ouvert la fenĂȘtre. fort aimables les voyageurs aprĂšs tout j’étais l’un des leurs. juste mon front en sueur et mes mains moites et froides. seul le mal(ĂȘtre) s’amenuisait lentement et ma colĂšre noire dans le tram 21 ne me lĂąchait plus. de ma priĂšre vers dieu je ne me souviens plus guĂšre. seule de la voix fĂ©minine attendue toute ma vie Ă  l’arrĂȘt perla pour prendre ensemble le tram 21 qui Ă©tait en fait le tram 46. je m’en souviens. qu’il nous emmĂšne qu’il nous emmĂšne Ă  ce marchĂ© obor pour l’agneau de PĂąques. (traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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Emil Iulian Sude (Paznic de noapte)
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(Lu en traduction française: ZĂ©ro dĂ©chet.) La nourriture de qualitĂ© se paie, c'est certain, mais, Ă  long terme, elle est meilleure pour nous et pour l'environnement: c'est un investissement que je suis prĂȘte Ă  faire pour la santĂ© de ma famille et celle de la planĂšte. Plus nous achetons de produits bio, plus il y a de chances que leur prix baisse. Chaque fois que je fais les courses, je vote rĂ©solument "Oui aux aliments en vrac!" et "Oui aux produits biologiques!" Pour mes enfants, je rĂȘve d'un avenir plus sain et sans dĂ©chet: je suis heureuse d'y investir mon argent chaque semaine.
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Bea Johnson (Zero Waste Home: The Ultimate Guide to Simplifying Your Life by Reducing Your Waste)
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Le gouvernement (chinois, 1) a toujours manifestĂ©, au sujet de l'islamisme, une opinion plus ou moins favorable, et l'on peut citer de nombreux dĂ©crets, publiĂ©s Ă  diverses Ă©poques, pour rappeler aux populations que la doctrine de Mahomet n'a pas d'autre but que d'enseigner la pratique du bien, ainsi que l'observation des obligations naturelles et des devoirs sociaux, et que si elle prĂ©sente quelques diffĂ©rences avec les autres doctrines, il fallait considĂ©rer ces diffĂ©rences comme de simples questions de pays et de mƓurs parfaitement comprises par son fondateur. « Les mahomĂ©tans », disait l'empereur Yong-Tching, infligeant en 1732 un blĂąme sĂ©vĂšre au grand juge du Ngan-Hoey, qui lui avait adressĂ© contre la religion musulmane un rapport malveillant et mensonger, « sont devenus enfants du pays, et appartiennent, comme tous les autres, Ă  la grande famille chinoise. J'entends qu'on les laisse libres de professer leur religion, et qu'ils soient traitĂ©s comme mes autres sujets, pourvu qu'ils respectent les lois de l'empire. La religion est une affaire de conscience que nul n'a le droit de scruter. » (1) Sous la dynastie des Ming, en l'an 1384, l'empereur Tai-Tsou fit lui-mĂȘme l'Ă©loge de Mahomet en cent caractĂšres gravĂ©s sur une tablette qu'il donna Ă  un de ses ministres mahomĂ©tans. Cette inscription Ă©tait ainsi conçue : « Les livres arabes expliquent la crĂ©ation de l'univers. Le fondateur et le propagateur de la religion musulmane est un grand saint, nĂ© en Occident, il a reçu du ciel 30 volumes d'un livre sacrĂ© qui lui a servi Ă  Ă©clairer le monde entier. C'Ă©tait un grand roi et un grand maĂźtre, c'est le premier des saints ; il coopĂšre aux mouvements du ciel, il protĂšge les royaumes et les peuples, il a prescrit des priĂšres orales qui doivent ĂȘtre rĂ©citĂ©es cinq fois par jour ; il a ordonnĂ© Ă©galement la priĂšre mentale. La base de sa doctrine est l'adoration du vrai Seigneur. Elle augmente le courage du pauvre, console les malheureux, pĂ©nĂštre le cachĂ© et l'obscur, sauve les vivants et dĂ©livre les morts. Cette doctrine, conforme Ă  celle de l'antiquitĂ© et du prĂ©sent, repousse et combat les superstitions. C'est la doctrine pure. Mahomet est rĂ©ellement un grand saint. »
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Philibert Dabry de Thiersant
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Qu’une semblable ivresse existĂąt quand on aime, cela ne m’était pas nouveau ; je savais ce que c’était que cette aurĂ©ole dont rayonne la bien-aimĂ©e. Mais exciter de tels battements de cƓur, Ă©voquer de pareils fantĂŽmes, rien qu’avec sa beautĂ©, des fleurs et la peau bigarrĂ©e d’une bĂȘte fĂ©roce ! avec de certains mouvements, une certaine façon de tourner en cercle, qu’elle a apprise de quelque baladin, avec les contours d’un beau bras ; et cela sans une parole, sans une pensĂ©e, sans qu’elle daigne paraĂźtre le savoir ! Qu’était donc le chaos, si c’est lĂ  l’Ɠuvre des sept jours ? Ce n’était pourtant pas de l’amour que je ressentais, et je ne puis dire autre chose sinon que c’était de la soif. Pour la premiĂšre fois de ma vie je sentais vibrer dans mon ĂȘtre une corde Ă©trangĂšre Ă  mon cƓur. La vue de ce bel animal en avait fait rugir un autre dans mes entrailles.
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Alfred de Musset (La confession d'un enfant du siĂšcle)
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Je tenais dans mes bras une superbe danseuse d’un thĂ©Ăątre d’Italie, venue Ă  Paris pour le Carnaval ; elle Ă©tait en costume de Bacchante, avec une robe de peau de panthĂšre. Jamais je n’ai rien vu de si languissant que cette crĂ©ature. Elle Ă©tait grande et mince, et, tout en valsant avec une rapiditĂ© extrĂȘme, elle avait l’air de se traĂźner ; Ă  la voir, on eĂ»t dit qu’elle devait fatiguer son valseur ; mais on ne la sentait pas, elle courait comme par enchantement. Sur son sein Ă©tait un bouquet Ă©norme, dont les parfums m’enivraient malgrĂ© moi. Au moindre mouvement de mon bras, je la sentais plier comme une liane des Indes, pleine d’une mollesse si douce et si sympathique, qu’elle m’entourait comme d’un voile de soie embaumĂ©e. À chaque tour on entendait Ă  peine un lĂ©ger froissement de son collier sur sa ceinture de mĂ©tal ; elle se mouvait si divinement que je croyais voir un bel astre, et tout cela avec un sourire, comme une fĂ©e qui va s’envoler. La musique de la valse, tendre et voluptueuse, avait l’air de lui sortir des lĂšvres, tandis que sa tĂȘte, chargĂ©e d’une forĂȘt de cheveux noirs tressĂ©s en nattes, penchait en arriĂšre, comme si son cou eĂ»t Ă©tĂ© trop faible pour la porter.
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Alfred de Musset (La confession d'un enfant du siĂšcle)
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L'idĂ©e commune que les bonnes habitudes qui ne nous ont pas Ă©tĂ© inculquĂ©es de force dans notre prime enfance ne peuvent se dĂ©velopper en nous plus tard dans la vie est une idĂ©e avec laquelle nous avons Ă©tĂ© Ă©levĂ©s et que nous acceptons aveuglĂ©ment, tout simplement parce qu'elle n'a jamais Ă©tĂ© contestĂ©e. Pour ma part, je la renie. La libertĂ© est nĂ©cessaire Ă  l'enfant parce que seule la libertĂ© peut lui permettre de grandir naturellement -- de la bonne façon. Je vois les rĂ©sultats de l'asservissement dans mes nouveaux Ă©lĂšves en provenance d'Ă©coles secondaires de toutes sortes. Ils ne sont qu'un tas d'hypocrites, avec une fausse politesse et des maniĂšres affectĂ©es. Leur rĂ©action devant la libertĂ© est rapide et exaspĂ©rante. Pendant les deux premiĂšres semaines ils tiennent les portes pour laisser passer leurs professeurs, ils m'appellent "Monsieur" et se lavent soigneusement. Ils regardent dans ma direction avec respect, ce que je reconnais facilement comme de la crainte. AprĂšs quelques semaines de libertĂ©, ils montrent leur vrai visage. Ils deviennent impudents, sans maniĂšres, crasseux. Ils font toutes les choses qui leur ont Ă©tĂ© dĂ©fendues dans le passĂ© : ils jurent, ils fument, ils cassent des objets. Et pendant tout ce temps ils ont une expression polie et fausse dans les yeux et dans la voix. Il leur faut dix mois pour perdre leur hypocrisie. AprĂšs cela ils perdent leur dĂ©fĂ©rence envers ce qu'ils regardaient auparavant comme l'autoritĂ©. Au bout de dix mois environ, ce sont des enfants naturels et sains qui disent ce qu'ils pensent, sans rougir, ni haĂŻr. Quand un enfant grandit librement dĂšs son jeune Ăąge, il n'a pas besoin de traverser ce stade de mensonge et de comĂ©die. La chose la plus frappante Ă  Summerhill, c'est la sincĂ©ritĂ© de ses Ă©lĂšves. La question de sincĂ©ritĂ© dans la vie et vis-Ă -vis de la vie est primordiale. C'est ce qu'il y a de plus primordial au monde. Chacun rĂ©alise la valeur de la sincĂ©ritĂ© de la part de nos politiciens (tel est l'optimisme du monde), de nos juges, de nos magistrats, de nos professeurs, de nos mĂ©decins. Cependant, nous Ă©duquons nos enfants de telle façon qu'ils n'osent ĂȘtre sincĂšres. (p. 154-155)
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A.S. Neill (Summerhill: A Radical Approach to Child Rearing)
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MĂ©tamorphoses la nuit je veux l'enrouler autour de moi comme un drap chaud elle avec ses Ă©toiles blanches, avec sa malĂ©diction grise avec ses bouts ondoyants, qui traquent les coqs des jours, je pends dans les charpentes aussi raide qu'une chauve-souris, je me laisse tomber dans l'air et je pars en chasse. Homme, j'ai rĂȘvĂ© de ton sang, je te mords jusqu'Ă  la blessure, je me love dans tes cheveux et j'aspire ta bouche. Au-dessus des tours Ă©mondĂ©es les cimes du ciel sont noires. De leurs troncs dĂ©nudĂ©s suinte de la rĂ©sine vitreuse vers des coupes invisibles de porto. Dans mes yeux marron demeure le reflet, Avec mes yeux marron dorĂ© je pars chercher ma proie, je capture poisson dans les tombes, celles qui se tiennent entre les maisons je capture poisson dans la mer : et la mer est une place plus loin avec des mats brisĂ©s, des amours noyĂ©s. Les lourdes cloches du navire sonnent venant de la forĂȘt des algues. Sous la forme du navire se fige une forme d'enfant, dans ses mains du limon, au front une lumiĂšre. Entre nous les eaux voyagent, je ne te garde pas. DerriĂšre des vitres gelĂ©es luisent des lampes bariolĂ©es et blanches, des cuillĂšres livides coulent dans le bol, glace multicolore ; je vous appĂąte avec des fruits rouges, faits avec mes lĂšvres je suis un petit en-cas dans le gobelet de la nuit.
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Gertrud Kolmar
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​ Je ne parle pas pour excuser mes agissements devant vous. Je veux seulement les expliquer. Il est clair que la joie d’un enfant devant ses jouets bariolĂ©s est aussi forte par exemple que celle d’un homme adulte qui a de l’argent ou une femme. Du point de vue de chacun, toute joie ressentie est une joie vĂ©ritable, rĂ©elle. En effet, chacun peut ĂȘtre heureux Ă  sa façon. Donc celui pour qui mourir signifie le bonheur se rĂ©jouit de sa mort autant qu’un autre peut le faire de son argent ou de sa femme. AprĂšs la mort, il n’y a plus de regrets.
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Vladimir Bartol (Alamut)
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Comme les baleines, qui recherchent des eaux calmes pour enfanter, mes parents s'Ă©taient retirĂ©s du monde pour fonder lĂ  une famille. Mais Ă  la diffĂ©rence des baleines, qui regagnent ensuite les profondeurs des ocĂ©ans, ils Ă©taient restĂ©s Ă©chouĂ©s en banlieue. Peut-ĂȘtre se protĂ©geaient-ils de leurs souvenirs de la Hongrie, de la guerre et de leur fuite. Dans cet endroit vierge, dans cet angle mort, ils avaient tentĂ© autant que possible de ne plus regarder en arriĂšre pour tout recommencer Ă  zĂ©ro. Ils y avaient presque rĂ©ussi. ~ P19
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Sacha Batthyany (Mais en quoi suis-je donc concernĂ© ? Un crime en mars 1945. L’histoire d’une grande famille hongroise (French Edition))
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Grand-mĂšre, voilĂ  comment mes petits-enfants et mes arriĂšre-petits-enfants m'appellent. VoilĂ  ce que je suis devenue, moi qui rĂȘvais d'ĂȘtre kukum.
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Michel Jean (Kukum)
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La poĂ©sie est fille de la nuit. NOIRE. pou la voir il faut ou braquer sur elle une lampe de poche --- c'est pourquoi, figĂ©e dans sa surprise, elle apparaĂźt Ă  nombre de poĂštes comme une statue --- ou bien, fermer les teux por Ă©pouser la nuit. Invisibble, puisque noire dans le noir, pour se manifester Ă  nous, la poĂ©sie fera usage alors, de sa voix. Le poĂšte se laissera flĂ©chir par elle. Il ne s'Ă©tonnera plus lorque, confiante, cette voix, pour lui, prendra la forme d'une main: il lui tendra les siennes. [...] Le poĂšte est son poĂšme. Il incarne l'aventure offerte au langage. Il est, dans l'immense coquillage de l'univers, la tentative absurde et toujours renouvelĂ©e de l'huĂźtre, de perler l'infini. [...] Le mot hante le mot. Prisonnier des lettres qui le forment --- comme l'homme de son corps ou de sa condition --- une immense espĂ©rance, en pleine mer oisive, l'anime. Que de problĂšmes d'Ă©criture l'hostilitĂ© de l'Ă©quiĂĄge soulĂšve. Et d'abord celle de la communication, de la circulation des idĂ©es. Le mot est l'ennemi de l'idĂ©e. L'idĂ©e, c'est le pĂ©chĂ© originel. Le besoin de libertĂ© du mot grandit Ă  mesure que l'Ă©crivain prend conscience de son art. Il y a un appel Ă©mouvant, entĂȘtĂ© du mot. Le poĂšte y rĂ©pond, considĂšre essentiel son rĂ”le d'y rĂ©pondre. La libertĂ© y est en jeu. Il y a le mot pour mot Enfant en mal de croissance Il y a le mal du mot-enfant "Mon Dieu, faites qu'Ă  l'Ă©cole, demain, je sache orthographier 'ChrysanthĂšme'; qu'entre les diffĂ©rentes façons d'Ă©crire ce mot, je tombe sur la bonne. Mon Dieu, faites que les lettres qui le livrent me viennent en aide, que je n'en mette pas plus ni moins. Mon Dieu, faites que mon maĂźtre comprenne qu'il s'agit bien de la fleur qu'il affectionne et non de la pyxide dont je puis Ă  volontĂ© colorier la carcasse, denteler l'ombre et le fond des yeux et qui hante mes rĂȘveries." Il y a le mot-mĂ©lomane festival des passions Il y a le mot-musique clĂ© des rois Art de vivre dans la pierre il y a le mot-architecte [...] Le poĂšte est rivĂ© au poĂšme, comme le mot Ă  la mort du monde qui le projette
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Edmond JabĂšs (Je bĂątis ma demeure : PoĂšmes 1943-1957)
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— Ce n’est pas tout Ă  fait vrai, finit-il par rĂ©pliquer en acceptant la boisson tendue par sa concubine. Il m’agrĂ©e de vous avoir Ă  mes cĂŽtĂ©s. N’est-ce pas une raison suffisante ? LiamarĂ« Ă©mit un petit rire dĂ©sabusĂ© et secoua la tĂȘte, dĂ©sarçonnĂ©e par sa rĂ©ponse. — Je ne reprĂ©sente Ă  vos yeux qu’un caprice d’enfant. Vous m’avez arrachĂ©e Ă  ma famille parce que vous vous ennuyiez. Soit. Je suis lĂ , mais ne vous attendez pas Ă  ce que j’exulte de joie. Je coopĂ©rerai pour le bien des miens.
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Julianna Hartcourt (Le chant des Ăąmes (French Edition))
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À vrai dire, on adore le bĂ©nĂ©volat pour les femmes et c’est pourquoi le mĂ©tier de mĂšre au foyer est le seul qu’on refuse d’évaluer en termes Ă©conomiques. Fournissant Ă  la collectivitĂ© une contribution considĂ©rable en Ă©levant leurs trĂšs jeunes enfants, les mĂšres (malgrĂ© quelques discours Ă©mus et une allocation de salaire unique dĂ©risoire) restent ignorĂ©es quand elles travaillent Ă  la maison et pĂ©nalisĂ©es quand elles travaillent au-dehors (frais de garde Ă©levĂ©s, insuffisance de crĂšches). Il faut qu’elles parviennent Ă  Ă©chapper Ă  cette dĂ©valorisation de tout ce qui est fĂ©minin. DĂ©valorisation si profondĂ©ment ressentie et si destructrice que c’est elle qui donne souvent aux « mĂšres au foyer » ce ton aigri ou revendicateur en face des femmes qui travaillent, option “supĂ©rieure” puisque masculine, alors qu’elles devraient pouvoir dire trĂšs simplement : « J’ai choisi pour “mĂ©tier” d’élever mes enfants car c’est mon goĂ»t ou ma vocation Ă  moi. »
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BenoĂźte Groult (Ainsi soit-elle)
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Elles sont posées là, sur mes cuisses. Quelques minuscules brûlures s'y dévoilent. La peau est crevassée, c'est-à-dire qu'elle a souffert des erreurs et tentatives d'un temps qui n'est plus. Le métacarpe, lui, est indemne. Il bouge nécessairement sous le poids de l'écriture, des rencontres, des fruits que je pÚle. [...] Ce sont elles, les mains, que nous brandissons en manifestant, celles qui deviennent poings devant les inégalités, celles qui se nouent devant l'insensé, qui caressent ce qui est possible, celles que des hommes raidissent à défaut de savoir parler. Ce sont elles qui touchent draps, meubles, sucre, chiennes et médicaments. Ce sont elles qui ramÚnent les genoux contre la poitrine, l'obscurité en un instant, l'enfant perdu, l'encre à la feuille, la conviction à ceux qui doutent. Ce sont elles qui à la fois nourrissent et détruisent l'intégralité de ce qui sait luire. Certains d'entre nous vivront un siÚcle à n'en connaßtre que les jeux. Certains d'entre nous ne sauront qu'applaudir. Moi, enfant, je priais.
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Marie-Élaine Guay (Les entailles)
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– Vous faire confiance ? dit Lăpușneanu, qui pĂ©nĂ©trait son dessein. Tu penses peut-ĂȘtre que je ne connais pas le vieux dicton moldave : « Le loup change de poil, mais non de caractĂšre » ? Tu penses peut-ĂȘtre que je ne vous connais pas, et toi mieux que les autres ? Que je ne sais pas non plus que, chef de mes armĂ©es, tu m'as abandonnĂ© Ă  l'heure de la dĂ©faite ? Veveriță, certes, a toujours Ă©tĂ© mon ennemi, mais ouvertement ; Spancioc est encore jeune, son cƓur est plein d'amour pour son pays ; j'aime voir sa hardiesse, qu'il ne tente pas de cacher. Stroici est un enfant qui ne connaĂźt pas encore les hommes, ni la flatterie, ni le mensonge ; il ne sait pas que tout ce qui reluit n'est pas or. Mais toi, Moțoc toi qui as vieilli dans l'adversitĂ©, habituĂ© Ă  flatter tous les princes, tu as trahi le Despote, tu m'as trahi moi-mĂȘme, tu trahiras Tomșa. Dis-moi : ne serais-je pas le plus grand des sots de te faire encore confiance ? Je te pardonne pourtant d'avoir cru pouvoir me tromper et te promets de ne pas souiller mon Ă©pĂ©e de ton sang. Je t'Ă©pargnerai, car tu m'es nĂ©cessaire pour aider Ă  porter le poids de la haine populaire. Il reste des bourdons : il faut nettoyer la ruche. (Dans la traduction de Valentin Lipatti, extrait de "ALEXANDRU LĂPUȘNEANUL") [— Să mă-ncred Ăźn voi? zise Lăpușneanul ĂźnțelegĂźnd planul lui. Pesemne gĂźndești că eu știu zicătoarea moldovenească: „Lupul părul schimbă, iar năravul ba“? Pesemne nu vă cunosc eu și pre tine mai vĂźrtos? Nu știu, că fiind mai mare peste oștile mele, cum ai văzut că m-au biruit, m-ai lăsat? Veveriță Ăźmi este vechi dușman, dar Ăźncăi niciodată nu s-au ascuns; Spancioc este Ăźncă tĂźnăr, Ăźn inima lui este iubire de moșie; Îmi place a privi sumeția lui, pre care nu se silește a o tăinui. Stroici este un copil, care nu cunoaște Ăźncă pre oameni, nu știe ce este Ăźmbunarea și minciuna; lui i se par că toate paserile ce zboară se mănĂźncă. Dar tu, Moțoace? Ăźnvechit Ăźn zile rele, deprins a te ciocoi la toți domnii, ai vĂźndut pre Despot, m-ai vĂźndut și pre mine, vei vinde și pre Tomșa; spune-mi, n-aș fi nătărău de frunte, cănd m-aș Ăźncrede Ăźn tine? Eu te iert Ăźnsă, c-ai Ăźndrăznit a crede că iar mă vei putea Ăźnșela, și ĂźÈ›i făgăduiesc că sabia mea nu se va mĂźnji Ăźn sĂźngele tău; te voi cruța, căci Ăźmi ești trebuitor, ca să mă ușurezi de blăstemurile norodului. SĂźnt alți trĂźntori de care trebuie curățit stupul. ]
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Constantin Negruzzi (Amintiri din junețe. Alexandru Lăpușneanul)
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Psaume N°3 Que je suis seul, Seigneur, et Ă  rebours ! Arbre en exil oubliĂ© en plein champ, Le fruit saumĂątre et le feuillage lourd, AcharnĂ©, vif, hĂ©rissĂ© de piquants. Je voudrais tant qu'un passereau disert S'arrĂȘte en ma ramenĂ©e Et chante en moi, voletant Ă  travers Mon ombre de fumĂ©e. J'espĂšre, un peu de grĂące et de douceur ; Un pĂ©piement, du moins, de martinet Ou de moineau fluet, Comme tout arbre aux fruits pleins de saveur. Je n'ai pas de nectars roses et tendres, Pas mĂȘme la senteur du verjus frais. RivĂ© par force entre Ă©ternel et brumes, Nulle chenille par mon tronc ne se plaĂźt. Haut chandelier, sentinelle aux confins, À chaque instant une Ă©toile se dore Sur mes rameaux tendus sur l'autel saint – Et je te sers ; combien de temps encore ? De voir ces feux sacrĂ©s, fleurs miennes, luire, De ne mĂ»rir que mĂ©taux, patiemment, Selon tes rigoureux commandements Devrait, Seigneur, peut-ĂȘtre me suffire. Seul Ă  ma tĂąche, abandonnĂ© par toi, Je peine, et saigne, et force mes racines. Au moins, de loin, ordonne que parfois Quelque ange enfant, ouvrant son aile fine S'Ă©claire, blanc, sous la lune au passage Et me redise ta parole sage.
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Tudor Arghezi (50 poeme | 50 poĂšmes)
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Toute la vie trĂ©pidante du vingtiĂšme siĂšcle se trouve lĂ  Ă  mes pieds : un cycliste passe en portant, pareil Ă  un trophĂ©e, un carton remplis d’Ɠufs ; deux vieilles dames se sont arrĂȘtĂ©es au coin de la rue et lisent avec intĂ©rĂȘt les articles d'un journal placardĂ© -notre dĂ©putĂ© peut ĂȘtre satisfait, la "propagande visuelle" Ă©veille pleinement l'intĂ©rĂȘt de nos concitoyens ; des gens qui faisaient la queue devant un magasin se dispersent- le boucher vient certainement de leur dire qu'aucune livraison n'aura lieu aujourd'hui ; un homme remplace une plaque rouillĂ©e sur laquelle Ă©tait Ă©crit "Vos enfants ont besoin de sucre !" par une autre plaque fraĂźchement peinte avec l'inscription "Citoyens ! Gardez votre ville propre !" ; des gamins font une partie de foot entre deux cages improvisĂ©es avec des pierres -comment diable arrivent-ils Ă  courir sous une chaleur pareille ?!
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George Arion
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La transparence de ces jours est impitoyable : je distingue brusquement mes yeux tournant le coin de la rue qui me regardent depuis des vitres, des eaux ou des miroirs, Ă  travers la pupille des pluies qui irriguent la solitude. J'y entrevois un tombeau ouvert vers lequel regarde avec curiositĂ© l'enfant d'autrefois restĂ© jusqu'Ă  ce jour mon alliĂ©, fixĂ© en moi Ă  l'Ăąge de huit ou dix ans pour refuser avec obstination le monde. Parfois tout s'arrĂȘte interdit, et alors on le voit : le mont Heniu, en face de la maison, continue Ă  fabriquer l'infini
 (Miroirs, p. 108)
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Dinu Flămùnd (5 poÚtes roumains : éclats)
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Au marchĂ©, par exemple, elle dĂ©daignait chacun de mes gestes. Les fruits et les lĂ©gumes que je choisissais n’étaient jamais bien. Elle les examinait, grimaçait, les estimait trop mĂ»rs ou pas assez, abĂźmĂ©s ou biscornus. Quoi qu’il en soit, ils ne convenaient pas. C’était mes victuailles, cependant, elle considĂ©rait normal de m’arracher le sac des mains, de reposer les produits sur leur Ă©tal et d’en sĂ©lectionner de nouveaux pour moi. Blets, verts ou tordus, de prĂ©fĂ©rence. Son cirque Ă©tait similaire pour les morceaux de viande et de poisson. Plus tard, elle a ajoutĂ© le chariot et la caisse du supermarchĂ©. Selon elle, mes choix Ă©taient toujours calamiteux. Elle s’évertuait Ă  saper ma confiance en moi, de maniĂšre Ă  me garder sous sa coupe. [
] Je rĂąlais, car j’étais vexĂ©, nĂ©anmoins, je n’osais plus fonctionner sans son approbation. Elle m’avait dressĂ© pour croire aveuglĂ©ment en son jugement et agissait comme si je n’étais bon Ă  rien. J’en suis arrivĂ© Ă  hĂ©siter sur tout. J’étais un adulte rĂ©duit insidieusement Ă  un statut d’enfant de quatre ans.
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Carine Alexandre (Il n'est jamais trop tard)
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C’est vrai, je n’ai jamais repensĂ© Ă  mon enfance. À prĂ©sent cependant, elle se trouve soudain Ă  nouveau devant moi, et je suis Ă  nouveau un enfant. Mon pĂšre est lĂ  Ă  nouveau, son pas lourd rĂ©sonne, comme jadis, revenant Ă  la maison, il apporte la sĂ©curitĂ©, la tranquillitĂ© et la protection avec lui. Ma mĂšre est lĂ  Ă  nouveau ; elle s’empresse laborieusement Ă  travers les chambres, sans cesse en activitĂ©, sans cesse Ă  se soucier de ses enfants et de sa maison. Et dans la cuisine les domestiques travaillent, ils nettoient et rangent et cuisinent les merveilleux gĂąteaux de fĂȘte. L’odeur du gĂąteau remplit Ă  nouveau la maison, cette odeur, dans laquelle toute l’enfance est celĂ©e. Je roule Ă  nouveau, comme jadis, dans les rues hivernales, je me plonge profondĂ©ment dans les siĂšges mous de la voiture, autour de moi rĂšgnent le tourbillon des flocons de neige, le tintement des grelots et le bruit de l’agitation de la rue. À ma droite et Ă  ma gauche cependant se trouvent mes parents qui m’entourent de leur amour et de leur protection. Tout cela est lĂ  Ă  nouveau, mais ce ne sont pas que des souvenirs isolĂ©s ou des images, au contraire ils forment un tout, une seule sensation, une seule odeur

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Robert Flinker (Le Voyageur)
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– Papa m’a promis de m’apprendre Ă  voler, il me dit que je suis une coccinelle, une bĂȘte Ă  bon Dieu, que j’irai me poser sur les bras des enfants malheureux pour leur apporter du bonheur. On aime bien les histoires de Coccinelle, mĂȘme si on sait que ce n’est pas vrai, on fait semblant d’y croire. En tout cas, j’ai trouvĂ© que son rĂ©veil Ă©tait le plus beau. Ce doit ĂȘtre chouette d’avoir un « papapillon » et une maman « libellune ». Moi aussi j’aimerais bien voler, mais comme je suis toute menue, j’ai peur que le vent m’emporte loin de mes parents et de mon papi Chandelle.
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Yves Montmartin (Brindille)
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AveuglĂ© par ta lumiĂšre, SubmergĂ© par mes tĂ©nĂšbres, Quelle Ă©trange atmosphĂšre.. Pour mes dĂ©sirs funĂšbres. Prends-la, prends-la, prends-la. Quand nous Ă©tions enfants, Ta beautĂ© me faisait dĂ©jĂ  pleurer, Tes yeux me faisaient dĂ©jĂ  saigner, Tu flottais comme une plume, Dans un monde merveilleux. Et je tombais comme une enclume, Dans un univers dangereux. Soumets-la, soumets-la, soumets-la. Rasoir, couteau et corde, Pour te saigner jusqu'Ă  veine. Étrangler, brise et mordre, Je t'aurai quoiqu'il advienne... Tue-la, tue-la, tue-la. Ça m'est Ă©gale si ça fait mal, Je veux prendre le contrĂŽle, De ton corps affamĂ©, De ton cƓur cadenassĂ©, De ton Ăąme dĂ©chirĂ©e, Et surtout, je veux que tu me remarques, Que mon absence te marque. Être spĂ©cial pour toi, Comme tu l'es pour moi. Rose de toute clartĂ©, fanĂ©e par mes pĂ©chĂ©s. Pour te voler ton souffle, Mes mains te serrent le cou. Pour te dĂ©rober ton Ă©ternitĂ©, Mes doigts t'Ă©crasent la gorge. GĂ©mir, prier, supplier. Je n'ai pas de pitiĂ©, L'abandon dans la perte, La soif dans le sang, Ton nom sur une tombe... C'est l'Ă©pitaphe de mon amour. Avec ta mort, Mon fantasme devient rĂ©alitĂ©. Et moi, j'en veux encore... Plus personne ne peut m'arrĂȘter.
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Océane Ghanem (Serial Fucker)
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— Ô Lune Noire, sache que je t’ai attendue. Non, mon attente n’a pas Ă©tĂ© pieuse et bercĂ©e d’une fĂ©licitĂ©e bĂ©ate. Mes espoirs, je les ai conservĂ©s contre moi en affrontant les tempĂȘtes de la nature. Mes craintes, je les ai endossĂ©es avec peine et, souvent, elles m’ont valu d’épouvantables souffrances. Quant Ă  mes croyances, elles chancĂšlent chaque jour, avançant fĂ©brilement sur la crĂȘte d’une montagne acĂ©rĂ©e. Non, belle Lune Noire, je n’ai pas Ă©tĂ© le dĂ©vot infaillible. J’ai encaissĂ© les douleurs et j’en ai souvent questionnĂ© la cause, me demandant si les dieux veillaient vraiment sur l’indigent que je suis... J’ai interrogĂ© l’OcĂ©an CĂ©leste, j’ai invoquĂ© le Grand PĂȘcheur dans les moments de dĂ©tresse, et j’ai remerciĂ© les Constellations Silencieuses lorsque le sort m’était propice. Mais jamais, jamais je n’ai obtenu de rĂ©ponse. Pas un signe. Pas une faveur, pas une mise en garde. Rien ! Alors j’ai continuĂ© Ă  croire et j’ai contemplĂ© chacun de tes croissants. J’ai chĂ©ri chaque pas sous l’éclat argentĂ© de ta lumiĂšre. Mais, peu Ă  peu, je suis forcĂ© d’admettre que mon regard est tombĂ© et que j’ai plus souvent observĂ© mes pieds que ta robe. Nuit aprĂšs nuit, ma foi s’est faite tĂ©nue
 Et je regrette, aujourd’hui, d’avoir parfois pensĂ© que l’interposition ne viendrait pas. Que l’éclipse n’était qu’une fable, qu’un rĂȘve mal placĂ© dans mon esprit puĂ©ril. Un rĂȘve idiot qui avait induit les sages en erreur
 Comme je regrette ! Comme je suis confus et contrit de dĂ©couvrir, Ă  prĂ©sent, que le tort s’était saisi de moi
 La puissance de ton ombre est manifeste : Fe’Rah Grundt ne peut que s’incliner ! Quant Ă  ton aura
 Quelle
 Quelle splendeur ! J’ai devant mes yeux la plus magnifique fantasmagorie qu’il m’ait Ă©tĂ© donnĂ© de voir. C’est tellement plus grandiose que dans mon rĂȘve. Et, plus sublime encore que dans mes tentatives d’imagination Ă©veillĂ©e ! L’éclipse
 L’éclipse est assurĂ©ment le tournant de mon existence, j’en suis convaincu. Car mĂȘme si tu me rĂ©pudies, mĂȘme si tu m’ignores, mĂȘme si tu te contraries de mes paroles et choisis de m’en punir, je serai – Ô superbe Lune Noire – Ă  jamais changĂ©, en mon ĂȘtre tout entier, de t’avoir pu observer. Sur ces paroles fiĂ©vreuses et enflammĂ©es d’un amour sincĂšre dont il s’ignorait capable, Welihann se tait puis pose un genou Ă  terre. Les yeux brillants, il plonge dans la noirceur du cercle magique et cligne le moins possible des paupiĂšres, bien dĂ©cidĂ© Ă  ne pas en perdre la moindre miette. Le spectacle, d’une beautĂ© enivrante, le transporte et ranime toute sa foi. Il se sent transpercĂ© de lĂ©gendes, envahi de gloire, portĂ© en avant par les chants des AncĂȘtres, pĂ©nĂ©trĂ© par les mille gĂ©nĂ©rations l’ayant prĂ©cĂ©dĂ©, ayant foulĂ© ces steppes, ayant grimpĂ© ces concrĂ©tions, s’étant faufilĂ©s entre les prĂ©dĂ©cesseurs de ces arbres
 Il est Welihann, il est les Anciens, il est le PassĂ© et l’Avenir de son peuple. Il convoie en son ĂȘtre la culture d’une tribu et voyage Ă  dos de rĂȘves sur les Ă©paules du monde. Il n’est plus qu’un avec la Nature et devient, loin, au fond de lui, le messager des MĂŒk’Atah. Le pourvoyeur de Vie, façonnĂ© d’Amour et disposĂ© Ă  embrasser la Mort. Il est Welihann, l’enfant au destin diffĂ©rent, l’enfant libre et sans chemin tracĂ©, capable d’ouvrir sous chacun de ses pas, les pages de chapitres interdits, inconnus, impossibles ou dĂ©sirĂ©s. Il est Welihann, l’enfant-homme, l’enfant-frĂšre, le frĂšre-homme que personne n’attend et que tout le monde espĂšre, le prophĂšte malvenu, le maudit habitĂ© par la fortune. Il est Welihann et il sait, Ă  prĂ©sent, combien son destin compte, combien l’éclipse importe. Il est Welihann et il sait que son nom promet et devine que son sort ne sera rien de moins qu’exceptionnel.
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Alexandre Jarry (Sous les constellations silencieuses (Les Apothéoses))
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Si vous dites : « Je commencerai aujourd’hui Ă  contrĂŽler mes pensĂ©es, Ă  m’asseoir tranquillement dans une posture mĂ©ditative, Ă  respirer avec rĂ©gularitĂ© », c’est que vous ĂȘtes pris par les artifices avec lesquels on se trompe soi-mĂȘme. La mĂ©ditation n’est pas le fait d’ĂȘtre absorbĂ© dans une idĂ©e ou une image grandioses : cela ne calmerait qu’un moment, Ă  la façon dont un enfant est calme pendant le temps oĂč un jouet l’absorbe. Mais dĂšs que le jouet cesse d’ĂȘtre intĂ©ressant, l’agitation et les sottises recommencent. La mĂ©ditation n’est pas la poursuite d’une voie invisible conduisant Ă  quelque fĂ©licitĂ© imaginaire. L’esprit mĂ©ditatif n’a pas de rĂȘves, car il a Ă©tĂ© Ă©veillĂ© tout le jour. Ce n’est que l’indolent qui a des rĂȘves, ce ne sont que les personnes partiellement endormies qui ont besoin d’émissions Ă©manant de leurs propres Ă©tats de conscience. Mais lorsqu’un esprit vigilant Ă©coute le mouvement extĂ©rieur et intĂ©rieur de la vie, un silence lui vient, que n’élabore pas la pensĂ©e.
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J. Krishnamurti (La rivoluzione totale)
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Tous mes rapports avec les gens étaient faussés, aprÚs tout, eux aussi étaient des gens <>, quelle différence?
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Valérie ValÚre (Le Pavillon des enfants fous)
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Tous mes rapports avec les gens étaient faussés, aprÚs tout, eux aussi étaient des gens «de la rue», quelle différence? [All my relationships with people were fake, after all, they too were 'people in the street', what's the difference?]
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Valérie ValÚre (Le Pavillon des enfants fous)
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J'emporte le collÚge partout, tout le temps. Il pénÚtre mes attentes de futur immédiat, il verrouille mes aspirations. Il s'insinue dans chacun de mes projets. Penser à la semaine prochaine, à l'invitation dans trois jours implique forcément de passer par le collÚge. En prélude à toute chose agréable, à tout petit plaisir banal, il me faudra rendre des comptes avec le collÚge. Et surmonter une revenante, une sensation désespérante que j'avais oubliée et qui depuis quelques mois revient hebdomadairement me torturer : la déprime du dimanche soir.
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Marie Neuser (Je tue les enfants français dans les jardins)
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La femme : La justice est que les enfants mangent Ă  leur faim et n’aient pas froid. La justice est que mes petits vivent. Je les ai mis au monde sur une terre de joie. La mer a fourni l’eau de leur baptĂȘme. Ils n’ont pas besoin d’autres richesses. Je ne demande rien pour eux que le pain de tous les jours et le sommeil des pauvres. Ce n’est rien et pourtant c’est cela que vous refusez. Et si vous refusez aux malheureux leur pain, il n’est pas de luxe, ni de beau langage, ni de promesses mystĂ©rieuses qui ne vous le fassent jamais pardonner. Nada : Choisissez de vivre Ă  genoux plutĂŽt que de mourir debout afin que l’univers trouve son ordre mesurĂ© Ă  l’équerre des potences, partagĂ© entre les morts tranquilles et les fourmis dĂ©sormais bien Ă©levĂ©es, paradis puritain privĂ© de prairies et de pain, oĂč circulent des anges policiers aux ailes majuscules parmi des bienheureux rassasiĂ©s de papier et de nourrissantes formules, prosternĂ©s devant le Dieu dĂ©corĂ© destructeur de toutes choses et dĂ©cidĂ©ment dĂ©vouĂ© Ă  dissiper les anciens dĂ©lires d’un monde trop dĂ©licieux.
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Albert Camus (L'Ă©tat de siĂšge)
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Mes pleurs ont redoublĂ©. C'Ă©tait comme un torrent irrĂ©sistible. Puisque j'Ă©tais incapable de m’arrĂȘter, j'ai pensĂ© Ă  tout un tas de choses tristes et nĂ©gatives, et j'ai nourri mon chagrin, jusqu'Ă  ce que les sanglots me fassent suffoquer. J'ai pensĂ© Ă  mes arriĂšre-grands-parents, morts de faim. À leurs corps lancĂ©s dans des incinĂ©rateurs par des inconnus qui les haĂŻssaient. Aux enfants qui avaient vĂ©cu ici, disparus avant l'heure parce qu'un pilote indiffĂ©rent avait appuyĂ© sur un bouton. À mon grand-pĂšre, privĂ© de ses parents, et Ă  papa, qui avait grandi avec le sentiment de ne pas avoir de pĂšre. À moi mĂȘme, enfin, sujet aux cauchemars et Ă  des Ă©pisodes de stress aigu, allongĂ© dans une maison en ruine, en train de pleurer Ă  chaudes larmes. Et tout ça, Ă  cause d'une blessures vieille de soixante-dix ans que j'avais reçue en hĂ©ritage, tel un cadeau empoisonnĂ©.
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Ransom Riggs (Miss Peregrine's Home for Peculiar Children (Miss Peregrine's Peculiar Children, #1))
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La cour vide Lorsque je parle français Ă  mes enfants, je considĂšre que c’est la langue de ma mĂšre, mĂȘme si ce n’est plus ma langue maternelle. Ce français, il est chargĂ© d’un manque : le sien, le mien, et ce qu’elle a perdu quand elle me l’a lĂ©guĂ©, Ă  des continents de l’endroit d’oĂč elle Ă©tait partie : criblĂ© de trous, Ă  la fois prĂ©servĂ© dans la naphtaline et mangĂ© aux mites, l’odeur de conserve et l’odeur de mort au coude Ă  coude. RemisĂ© Ă  la cave pendant des annĂ©es, il est devenu gras, laiteux, engourdi, ma bouche une soufflerie oĂč rĂ©sonnait l’écho de sa dĂ©suĂ©tude. Puis il y avait le retour aux sources, les Ă©tĂ©s annuels Ă  Bouillon oĂč nous sentions notre belgitude monter en nous comme l’humiditĂ© derriĂšre les tapisseries de la maison inhabitĂ©e neuf mois sur douze : ses piĂšces vides, ses placards introuvables, son bric-Ă -brac rangĂ© et empilĂ© depuis si longtemps que chaque Ă©lĂ©ment oubliĂ© s’imbriquait dans le suivant, une savante architecture d’abandon ; l’articulation des mots
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Patrick McGuinness (Vide-Grenier : Traduit de l'anglais (Grande-Bretagne) par Karine LalechÚre (Littérature EtrangÚre) (French Edition))
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Madge s'approcha du buffet, oĂč trĂŽnaient une cruche et des bols. Les yeux fixĂ©s au mur, elle enchaĂźna : "Voulez-vous savoir le plus Ă©trange ? AprĂšs leur mort, je ne pouvais plus rĂ©citer le Notre PĂšre... Fiat voluntas tua : 'Que votre volontĂ© soit faite.' Ces mots, je les comprends, ajouta-t-elle la gorge nouĂ©e ; mon pĂšre m'a appris le latin. J'Ă©tais incapable de les prononcer ! Dieu m'avait enlevĂ© ma famille. La torture Ă©tait suffisante sans que j'y rajoute de mon propre chef celle de l'approuver." Ses yeux s'embuĂšrent de larmes au souvenir de cette terrible Ă©preuve. "Je n'avais pas envie que la volontĂ© de Dieu s'accomplisse ; je voulais retrouver mes enfants. 'Que votre volontĂ© soit faite !' A la fin de la priĂšre, je ne pouvais me rĂ©soudre Ă  dire : 'Ainsi soit-il', quitte Ă  aller en enfer.
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Ken Follett (World Without End (Kingsbridge, #2))
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Et dĂšs que ma mĂšre s’est aperçue qu’il y poussait comme des petits boutons, elle m’a dit de cacher ça. Elle m’a dit de ne pas montrer cela aux hommes. MĂȘme pas Ă  mon pĂšre. Elle m’a donnĂ© une vielle chemise d’un de mes frĂšres. Elle m’a montrĂ© comment je devais m’asseoir. Et surtout baisser les yeux quand on m’adressait la parole. « Il n’y a que les filles sans pudeur et les Ă©voluĂ©es de Kigali qui regardent un homme en face », me rĂ©pĂ©tait-elle. Cela a dĂ» ĂȘtre la mĂȘme chose pour toi. Mais Ă  prĂ©sent nous devrions nous rĂ©jouir de voir notre sang chaque mois. Cela veut dire aussi que nous sommes des femmes, de vraies femmes qui aurons des enfants. Tu sais bien que, pour devenir de vraies femmes, il faut avoir des enfants. Quand on te marie, c’est ce qu’on attend de toi. Tu n’es rien dans ta nouvelle famille et pour ton mari, si tu n’as pas d’enfants. Il faut que tu aies des enfants, des garçons, surtout des garçons. C’est quand tu as des fils que tu es une vraie femme, une mĂšre, celle que l’on respecte.
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Scholastique Mukasonga (Our Lady of the Nile)
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Il n’y avait pas Ă  se le cacher, mes Ă©lĂšves au regard angĂ©lique devenaient Ă  NoĂ«l de petits monstres acharnĂ©s Ă  saigner leurs parents aux fins de se montrer gĂ©nĂ©reux envers moi.
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Gabrielle Roy (Children of My Heart)
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RĂ©flĂ©chissons. N'avais-je pas eu autrefois, sur une autre planĂšte, une enfance et une jeunesse? Qu'est-elle devenue cette planĂšte si ressemblante et en mĂȘme tempe si dissemblable Ă  la terre que je foule aujourd'hui ? En faisant un grand effort d'imagination, je pourrais peut-ĂȘtre me le rappeler. Ne l'ai-je pas dĂ©jĂ  fait plus d'une fois au cours de mes nuits sans sommeil ? Une lampe Ă  pĂ©trole, un feu au maigre panache de fumĂ©e s'Ă©parpillant paresseusement dans le prĂ©, le vent pourchassant de redoutables nuages sur un ciel encore inconnu. La peur de la vie qui nous attend quelque part au-delĂ  des montagnes et des forĂȘts ; un bourg indolent censĂ© exister Ă©ternellement jusqu'Ă  la prochaine guerre ; la priĂšre des grands-parents ; le beau chapelet enchanteur de pressentiments de tout ce qu'on ne comprenait pas encore ; un train sifflant toujours aux mĂȘmes heures de la journĂ©e ; l'amour pour une fille d'une planĂšte mystĂ©rieuse et lointaine, car Ă  cette Ă©poque toutes les jolies filles venaient d'ailleurs ; une bestiale, effrayante nostalgie du corps fĂ©minin oĂč Satan et l'ange blanc vivaient en mĂ©nage, et cette autre, d'une vie future et hors pair ; l'atmosphĂšre poignante des forĂȘts oĂč on allait flĂąner, l'inoubliable senteur de la giroflĂ©e sauvage et ces orages d'Ă©tĂ© qui annonçaient chaque annĂ©e la fin du monde prochaine ; ces tristesses et ces espoirs soudains et la face effrayante et magique de la lune Ă  la physionomie de dĂ©mon bon enfant. OĂč est-elle ma gentille petite planĂšte emmitouflĂ©e dans le chĂąle de mes joies, de mes peines fragiles d'antan. Elle vole peut-ĂȘtre comme une colombe au milieu des lointaines et hostiles galaxies ? À quoi bon m'ĂȘtre tant fatiguĂ© durant toutes ces annĂ©es ? Car tout m'Ă©tait fatigue, les peines et les joies de la vie. Les plus beaux levers de soleil me mettaient au supplice tout comme la possession d'une femme dĂ©sirĂ©e. Je recevais des mains du sort mes succĂšs passagers en en remerciant Dieu, mais ma tourmente Ă©tait lĂ . Elle Ă©tait lĂ  mĂȘme dans mes rĂȘves quand, me dĂ©tachant de cette terre, je voguais vers les Ăźles lointaines du paradis promis. Et je la devinais prĂ©sente chez tous les autres hommes, en dehors de ceux qui ne se tourmentent jamais. Mais ce qui me fatiguait le plus, c'Ă©tait la conscience de la banalitĂ© de tout ça. Tout a Ă©tĂ© dĂ©jĂ  dĂ©couvert et vĂ©cu par les gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes, reproduit Ă  l'infini par la matrice gĂ©nĂ©tique. Le monde Ă©tait rempli de gĂ©missements en tout point semblables qui se mĂȘlaient en une seule lamentation pareille au piaillement du parlement des moineaux et rejoignaient le bruissement de l'espace interstellaire, cette musique geignarde du vieux cosmos. p308-310
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Tadeusz Konwicki (MaƂa apokalipsa)
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Je m'appelle Ficuța–diminutif roumain de Sophie–ou plutĂŽt, je m'appelais ainsi, car je suis morte. Disparue de ce monde depuis plus d'un demi-siĂšcle dĂ©jĂ , assassinĂ©e sans pitiĂ© par des Allemands en mer Noire. Je dis bien : par des Allemands et non par des Nazis, car le carnage a Ă©tĂ© perpĂ©trĂ© par une unitĂ© de la marine germanique, froidement et en pleine connaissance de ce qu'elle anĂ©antissait ainsi plus de 300 vies d'enfants et d'adultes–pour l'unique raison de notre naissance dans des familles juives
 Les morts ne vivent plus, physiologiquement du moins. Mais moi, je suis privilĂ©giĂ©e – je ne suis certainement pas la seule dans ce cas. J'ai vĂ©cu intensĂ©ment depuis cette nuit terrible du 5 aoĂ»t 1944, Ă  travers mes parents et mon frĂšre que j'ai torturĂ©s malgrĂ© moi par le souvenir, rappel constant des conditions atroces dans lesquelles j'ai quittĂ© la vie terrestre. Je ne suis mĂȘme pas sous terre, puisque je n'ai pas de tombe. Mon corps n'avait vĂ©cu que 19 ans lorsqu'il fut dĂ©chiquetĂ© par des bombes allemandes, trouĂ© par des balles des mitrailleuses maniĂ©es par des marins germaniques, consumĂ© par les flammes de l'embrassement qu'avaient dĂ©clenchĂ© Ă  bord du Mekfure les projectiles allemands, noyĂ©, englouti par les flots de la mer Noire, dĂ©vorĂ© par les poissons
 Je ne suis nulle part, mais j'ai habitĂ© ensuite Ă  tel point mes parents et mon frĂšre qu'il me semble avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© d'un prolongement quasi-physiologique. Ce dernier dur encore aujourd'hui Ă  travers mon frĂšre aprĂšs la disparition de nos parents qui ont quittĂ©, eux aussi, ce monde, meurtris qu'ils Ă©taient, atrocement affligĂ©s par mon assassinat, malheureux comme les mots ne peuvent le dire, jusqu'Ă  leur propre fin. Je m'appelle donc Ficuța. Je suis venue au monde un soir de 1925, le 21 mars, jour du printemps, Ă  Bucarest, strada Justiției (rue de la Justice, nom que je n’appellerai pas « prĂ©destiné »). Et voici le tĂ©moignage que je voudrais confier Ă  tous ceux qui ont la chance de vivre en paix dans un monde meilleur que celui damnĂ© qui fut le mien, le nĂŽtre. N'oubliez pas que ce qu'est le passĂ© pour vous fut le prĂ©sent pour nous, ĂȘtres disparus dans la tourmente. Pour nous, l'indicible souffrance n'appartient pas Ă  l'histoire. Nous l'avons vĂ©cue et en sommes morts. Je donne maintenant mandat Ă  mon frĂšre pour dĂ©vider devant vous le fil de ma triste histoire, de mon existence et de ma mise Ă  mort. (Mandat posthume)
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Albert Finkelstein (Etre Ou Ne Pas Naitre: Chronique de L'Holocauste En Roumanie)
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CHANT DE LA ROUMANIE De tous les pays rĂ©pandus sur la terre [...], en est-il un de plus beau que toi ? Quel autre pays se pare, l'Ă©tĂ©, de fleurs plus jolies, de moissons plus riches ? Vertes sont tes collines, belles tes forĂȘts et tes chĂȘnaies qui grimpent sur tes coteaux, pur et clair est ton ciel; tes monts s'Ă©lĂšvent vers les nues... Tes nuits enchantent l'ouĂŻe, tes jours charment la vue. La patrie c'est la premiĂšre et la toute derniĂšre parole que l'homme prononce; elle est la source de toutes les joies; l'amour pour la patrie naĂźt en mĂȘme temps que nous et cet amour est infini, Ă©ternel... La patrie c'est le souvenir de notre enfance, la demeure paternelle avec son grand arbre au seuil de la porte, c'est l'amour maternel et les rĂȘves innocents qui s'Ă©veillent dans nos cƓurs... c'est le lieu oĂč nous avons aimĂ©, oĂč l'on nous a aimĂ©s... Cest le chien avec lequel on jouait... c'est la cloche de l'Ă©glise du village qui sonne lors des beaux jours de fĂȘte... c'est le bĂȘlement des troupeaux qui rentraient des pĂąturages Ă  la tombĂ©e du soir... c'est la fumĂ©e du foyer qui nous a rĂ©chauffĂ©s au berceau puis s'est envolĂ©e dans les airs... c'est la cigogne perchĂ©e sur le toit qui promĂšne tendrement ses regards sur la plaine... c'est l'air qui nulle part n'est plus doux ! Et sous la tente de l'exil, les vieux disaient aux jeunes : lĂ -bas, dans la vallĂ©e, lĂ -bas au loin oĂč le soleil est si beau, lĂ  oĂč les plaines scintillent et les ruisseaux sont frais, lĂ  oĂč le ciel est doux, oĂč la terre est fertile et les gĂ©nisses sont blanches, c'est lĂ . mes enfants, le pays ! À ces mots, les braves prenaient les armes, les nouveaux-nĂ©s tressaillaient dans leurs berceaux, les femmes chantaient la patrie lointaine et la douleur des exiles, les faibles s'enhardissaient. La lutte encourage le faible et le danger enhardit la vaillant... tout bien a ses revers. Telle l'Ă©pine qui se cache sous la fleur, les ennemis en veulent Ă  la libertĂ© car celle-ci est la plus fĂ©conde des richesses de l'hĂ©ritage paternel. L'or ne fait pas la richesse des peuples de mĂȘme que la pauvretĂ© ne fait pas l'indigence des gens. Les trĂ©sors sont pĂ©rissables tandis que la pauvretĂ© laborieuse est une fortune que l'on ne perd jamais. Le travail, voilĂ  la richesse Ă©ternelle.
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Alecu Russo (Opere complete)
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Et cependant, je me dĂ©couvris plein de songes. Ils me vinrent sans bruit, comme des eaux de source, et je ne compris pas, tout d'abord, la douceur qui m'envahissait. Il n'y eut point de voix, ni d'images, mais le sentiment d'une prĂ©sence, d'une amitiĂ© trĂšs proche et dĂ©jĂ  Ă  demi devinĂ©e. Puis, je compris et m'abandonnai, les yeux fermĂ©s, aux enchantements de ma mĂ©moire. Il Ă©tait, quelque part, un parc chargĂ© de sapins noirs et de tilleuls, et une vieille maison que j'aimais. Peu importait qu'elle fĂ»t Ă©loignĂ©e ou proche, qu'elle ne pĂ»t ni me rĂ©chauffer dans ma chair ni m'abriter, rĂ©duite ici au rĂŽle de songe il suffisait qu'elle existĂąt pour remplir ma nuit de sa prĂ©sence. Je n'Ă©tais plus ce corps Ă©chouĂ© sur une grĂšve, je m'orientais, j'Ă©tais l'enfant de cette maison, plein du souvenir de ses odeurs, plein de la fraĂźcheur de ses vestibules, plein des voix qui l'avaient animĂ©e. Et jusqu'au chant des grenouilles dans les mares qui venait ici me rejoindre. [...] Non, je ne logeais plus entre le sable et les Ă©toiles. Je ne recevais plus du dĂ©cor qu'un message froid. Et ce goĂ»t mĂȘme d'Ă©ternitĂ© que j'avais cru tenir de lui, j'en dĂ©couvrais maintenant l'origine. Je revoyais les grandes armoires solennelles de la maison. Elles s'entrouvraient sur des piles de draps blancs comme neige. Elles s'entrouvraient sur des provisions glacĂ©es de neige. La vieille gouvernante trottait comme un rat de l'une Ă  l'autre, toujours vĂ©rifiant, dĂ©pliant, repliant, recomptant le linge blanchi, s'Ă©criant : « Ah ! mon Dieu, quel malheur » Ă  chaque signe d'une usure qui menaçait l'Ă©ternitĂ© de la maison, aussitĂŽt courant se brĂ»ler les yeux sous quelque lampe, Ă  rĂ©parer la trame de ces nappes d'autel, Ă  ravauder ces voiles de trois-mĂąts, Ă  servir je ne sais quoi de plus grand qu'elle, un Dieu ou un navire. Ah ! je te dois bien une page. Quand je rentrais de mes premiers voyages, mademoiselle, je te retrouvais l'aiguille Ă  la main, noyĂ©e jusqu'aux genoux dans tes surplis blancs, et chaque annĂ©e un peu plus ridĂ©e, un peu plus blanchie, prĂ©parant toujours de tes mains ces draps sans plis pour nos sommeils, ces nappes sans coutures pour nos dĂźners, ces fĂȘtes de cristaux et de lumiĂšre. Je te visitais dans ta lingerie, je m'asseyais en face de toi, je te racontais mes pĂ©rils de mort pour t'Ă©mouvoir, pour t'ouvrir les yeux sur le monde, pour te corrompre. Je n'avais guĂšre changĂ©, disais-tu. Enfant, je trouais dĂ©jĂ  mes chemises. - Ah ! quel malheur ! - et je m'Ă©corchais aux genoux ; puis je revenais Ă  la maison pour me faire panser, comme ce soir. Mais non, mais non, mademoiselle ! ce n'Ă©tait plus du fond du parc que je rentrais, mais du bout du monde, et je ramenais avec moi l'odeur Ăącre des solitudes, le tourbillon des vents de sable, les lunes Ă©clatantes des tropiques ! Bien sĂ»r, me disais-tu, les garçons courent, se rompent les os, et se croient trĂšs forts. Mais non, mais non, mademoiselle, j'ai vu plus loin que ce parc ! Si tu savais comme ces ombrages sont peu de chose ! Qu'ils semblent bien perdus parmi les sables, les granits, les forĂȘts vierges, les marais de la terre. Sais-tu seulement qu'il est des territoires oĂč les hommes, s'ils vous rencontrent, Ă©paulent aussitĂŽt leur carabine ? Sais-tu mĂȘme qu'il est des dĂ©serts oĂč l'on dort, dans la nuit glacĂ©e, sans toit, mademoiselle, sans lit, sans draps. « Ah ! barbare », disais-tu. Je n'entamais pas mieux sa foi que je n'eusse entamĂ© la foi d'une servante d'Ă©glise. Et je plaignais son humble destinĂ©e qui la faisait aveugle et sourde. [...] Mes songes sont plus rĂ©els que ces dunes, que cette lune, que ces prĂ©sences. Ah ! le merveilleux d'une maison n'est point qu'elle vous abrite ou vous rĂ©chauffe, ni qu'on en possĂšde les murs. Mais bien qu'elle ait lentement dĂ©posĂ© en nous ces provisions de douceur. Qu'elle forme, dans le fond du cƓur, ce massif obscur dont naissent, comme des eaux de source, les songes. Mon Sahara, mon Sahara, te voilĂ  tout entier enchantĂ© par une fileuse de laine !
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Antoine de Saint Exupery (Wind, sand and stars)
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Et cependant, je me dĂ©couvris plein de songes. Ils me vinrent sans bruit, comme des eaux de source, et je ne compris pas, tout d'abord, la douceur qui m'envahissait. Il n'y eut point de voix, ni d'images, mais le sentiment d'une prĂ©sence, d'une amitiĂ© trĂšs proche et dĂ©jĂ  Ă  demi devinĂ©e. Puis, je compris et m'abandonnai, les yeux fermĂ©s, aux enchantements de ma mĂ©moire. Il Ă©tait, quelque part, un parc chargĂ© de sapins noirs et de tilleuls, et une vieille maison que j'aimais. Peu importait qu'elle fĂ»t Ă©loignĂ©e ou proche, qu'elle ne pĂ»t ni me rĂ©chauffer dans ma chair ni m'abriter, rĂ©duite ici au rĂŽle de songe il suffisait qu'elle existĂąt pour remplir ma nuit de sa prĂ©sence. Je n'Ă©tais plus ce corps Ă©chouĂ© sur une grĂšve, je m'orientais, j'Ă©tais l'enfant de cette maison, plein du souvenir de ses odeurs, plein de la fraĂźcheur de ses vestibules, plein des voix qui l'avaient animĂ©e. [...] Non, je ne logeais plus entre le sable et les Ă©toiles. Je ne recevais plus du dĂ©cor qu'un message froid. Et ce goĂ»t mĂȘme d'Ă©ternitĂ© que j'avais cru tenir de lui, j'en dĂ©couvrais maintenant l'origine. Je revoyais les grandes armoires solennelles de la maison. Elles s'entrouvraient sur des piles de draps blancs comme neige. Elles s'entrouvraient sur des provisions glacĂ©es de neige. La vieille gouvernante trottait comme un rat de l'une Ă  l'autre, toujours vĂ©rifiant, dĂ©pliant, repliant, recomptant le linge blanchi, s'Ă©criant : « Ah ! mon Dieu, quel malheur » Ă  chaque signe d'une usure qui menaçait l'Ă©ternitĂ© de la maison, aussitĂŽt courant se brĂ»ler les yeux sous quelque lampe, Ă  rĂ©parer la trame de ces nappes d'autel, Ă  ravauder ces voiles de trois-mĂąts, Ă  servir je ne sais quoi de plus grand qu'elle, un Dieu ou un navire. Ah ! je te dois bien une page. Quand je rentrais de mes premiers voyages, mademoiselle, je te retrouvais l'aiguille Ă  la main, noyĂ©e jusqu'aux genoux dans tes surplis blancs, et chaque annĂ©e un peu plus ridĂ©e, un peu plus blanchie, prĂ©parant toujours de tes mains ces draps sans plis pour nos sommeils, ces nappes sans coutures pour nos dĂźners, ces fĂȘtes de cristaux et de lumiĂšre. Je te visitais dans ta lingerie, je m'asseyais en face de toi, je te racontais mes pĂ©rils de mort pour t'Ă©mouvoir, pour t'ouvrir les yeux sur le monde, pour te corrompre. Je n'avais guĂšre changĂ©, disais-tu. Enfant, je trouais dĂ©jĂ  mes chemises. - Ah ! quel malheur ! - et je m'Ă©corchais aux genoux ; puis je revenais Ă  la maison pour me faire panser, comme ce soir. Mais non, mais non, mademoiselle ! ce n'Ă©tait plus du fond du parc que je rentrais, mais du bout du monde, et je ramenais avec moi l'odeur Ăącre des solitudes, le tourbillon des vents de sable, les lunes Ă©clatantes des tropiques ! Bien sĂ»r, me disais-tu, les garçons courent, se rompent les os, et se croient trĂšs forts. Mais non, mais non, mademoiselle, j'ai vu plus loin que ce parc ! Si tu savais comme ces ombrages sont peu de chose ! Qu'ils semblent bien perdus parmi les sables, les granits, les forĂȘts vierges, les marais de la terre. Sais-tu seulement qu'il est des territoires oĂč les hommes, s'ils vous rencontrent, Ă©paulent aussitĂŽt leur carabine ? Sais-tu mĂȘme qu'il est des dĂ©serts oĂč l'on dort, dans la nuit glacĂ©e, sans toit, mademoiselle, sans lit, sans draps. « Ah ! barbare », disais-tu. Je n'entamais pas mieux sa foi que je n'eusse entamĂ© la foi d'une servante d'Ă©glise. Et je plaignais son humble destinĂ©e qui la faisait aveugle et sourde. [...] Mes songes sont plus rĂ©els que ces dunes, que cette lune, que ces prĂ©sences. Ah ! le merveilleux d'une maison n'est point qu'elle vous abrite ou vous rĂ©chauffe, ni qu'on en possĂšde les murs. Mais bien qu'elle ait lentement dĂ©posĂ© en nous ces provisions de douceur. Qu'elle forme, dans le fond du cƓur, ce massif obscur dont naissent, comme des eaux de source, les songes. Mon Sahara, mon Sahara, te voilĂ  tout entier enchantĂ© par une fileuse de laine ! p64-66
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Antoine de Saint-Exupéry
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Je n’étais pas la princesse de mes rĂȘves d’enfant, mais
 j’étais la princesse de son monde.
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Maryna Koshkina (L'Organisation: Les chapitres bonus (French Edition))
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Les lourdes portes de l’immeuble ouvraient sur un vestibule en marbre au fond duquel s’érigeait un grand escalier en colimaçon. L’épaisse moquette rouge Ă©touffait le bruit de mes pas. Je montais lentement pour m’imprĂ©gner du moment. Je trouvais tout beau, ici. J’aimais Paris. Je me sentais chez moi dans cette ville que je ne connaissais pas mais qui
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Virginia Tangvald (Les enfants du large - Prix Révélation d'automne de la SGDL 2024 (Littérature française) (French Edition))
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Je suis un enfant assez heureux... Mais d'une certaine maniÚre je n'existe pas tout à fait... Je vis à travers le bonheur que je génÚre chez mes parents.
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Lisa Mandel (Se rĂ©tablir: Une enquĂȘte sur le rĂ©tablissement en santĂ© mentale)