Main Dans La Main Quotes

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Si je dois mourir dans cette belle vie, je veux que ça soit fait par tes belles mains.
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Roman Payne (Rooftop Soliloquy)
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L'amour c'est comme du mercure dans la main. Garde-là ouverte, il te restera dans la paume ; resserre ton étreinte, il te filera entre les doigts.
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Dorothy Parker
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Le Chat Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux; Retiens les griffes de ta patte, Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux, MĂȘlĂ©s de mĂ©tal et d'agate. Lorsque mes doigts caressent Ă  loisir Ta tĂȘte et ton dos Ă©lastique, Et que ma main s'enivre du plaisir De palper ton corps Ă©lectrique, Je vois ma femme en esprit. Son regard, Comme le tien, aimable bĂȘte, Profond et froid, coupe et fend comme un dard, Et, des pieds jusques Ă  la tĂȘte, Un air subtil, un dangereux parfum, Nagent autour de son corps brun.
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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SĂłlo sufres en proporciĂłn al daño que tĂș mismo te haces, a tĂ­tulo personal, o el que recibes de los demĂĄs concediĂ©ndoles el derecho de hacĂ©rtelo.
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Anne-Marie Garat (Dans la main du diable)
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Elle aurait aimĂ©, si l’orgueil Pareil Ă  la lampe inutile Qu’on allume prĂšs d’un cercueil, N’eĂ»t veillĂ© sur son coeur stĂ©rile. Elle est morte, et n’a point vĂ©cu. Elle faisait semblant de vivre. De ses mains est tombĂ© le livre, Dans lequel elle n’a rien lu.
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Alfred de Musset
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Mais Colin ne savait pas, il courait, il avait peur, pourquoi ça ne suffit pas de toujours rester ensemble, il faut encore qu’on ait peur, peut-ĂȘtre est-ce un accident, une auto l’a Ă©crasĂ©e, elle serait sur son lit, je ne pourrais la voir, ils m’empĂȘcheraient d’entrer, mais vous croyez donc peut-ĂȘtre que j’ai peur de ma ChloĂ©, je la verrai malgrĂ© vous, mais non, Colin, n’entre pas. Elle est peut-ĂȘtre blessĂ©e, seulement, alors, il n’y aura rien du tout, demain, nous irons ensemble au Bois, pour revoir le banc, j’avais sa main dans la mienne et ses cheveux prĂšs des miens, son parfum sur l’oreiller. Je prends toujours son oreiller, nous nous battrons encore le soir, le mien, elle le trouve trop bourrĂ©, il reste tout rond sous sa tĂȘte, et moi, je le reprends aprĂšs, il sent l’odeur de ses cheveux.
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Boris Vian (L'écume des jours)
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Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours aprÚs la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure l'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure
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Guillaume Apollinaire (Alcools)
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À partir de lĂ , le dialogue de la journĂ©e suivait une pente uniformĂ©ment descendante, mais avec des lĂšvres et des mains chaleureuses et languides flottant sur les surface les plus sensibles du corps, le monde Ă©tait aussi prĂšs que possible de la perfection. Freud appelait cela un Ă©tat de perversitĂ© polymorphe impersonnel et le regardait d'un mauvais oeil, mais je doute fort qu'il ait jamais eu les mains de Lil lui frĂŽlant le corps. Ou mĂȘme celles de sa propre femme dans le mĂȘme rĂŽle. Freud Ă©tait un bien grand homme, mais je n'arrive pas Ă  me faire Ă  l'idĂ©e que quelqu'un lui ait jamais efficacement flattĂ© le pĂ©nis.
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Luke Rhinehart (The Dice Man)
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La terre est plate. Je le sais parce qu'on m'a poussĂ© dans le vide et ça fait dix-sept ans que j'essaie de me cramponner au bord... C'est presque impossible de vaincre la pesanteur quand personne n'est prĂȘt Ă  te tendre la main.
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Tahereh Mafi (Shatter Me (Shatter Me, #1))
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- J'aime ça quand tu me touches. Ça me donne l'impression que je peux m'Ă©garer. Que je suis en sĂ©curitĂ©.J'aimerais m'endormir comme ça, main dans la main. T'sais comme le font les loutres. - Les loutres? - Oui, elles se tiennent par les pattes en dormant, pour pas se perdre.
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Marie-Christine Chartier (Le sommeil des loutres)
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Ta voix, tes yeux, tes mains, tes lĂšvres, Nos silences, nos paroles, La lumiĂšre qui s’en va, la lumiĂšre qui revient, Un seul sourire pour nous deux, Par besoin de savoir, j’ai vu la nuit crĂ©er le jour sans que nous changions d’apparence, Ô bien-aimĂ© de tous et bien-aimĂ© d’un seul, En silence ta bouche a promis d’ĂȘtre heureuse, De loin en loin, ni la haine, De proche en proche, ni l’amour, Par la caresse nous sortons de notre enfance, Je vois de mieux en mieux la forme humaine, Comme un dialogue amoureux, le cƓur ne fait qu’une seule bouche Toutes les choses au hasard, tous les mots dits sans y penser, Les sentiments Ă  la dĂ©rive, les hommes tournent dans la ville, Le regard, la parole et le fait que je t’aime, Tout est en mouvement, il suffit d’avancer pour vivre, D’aller droit devant soi vers tout ce que l’on aime, J’allais vers toi, j’allais sans fin vers la lumiĂšre, Si tu souris, c’est pour mieux m’envahir, Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard.
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Paul Éluard
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Il y a des journĂ©es illuminĂ©es de petites choses, des riens du tout qui vous rendent incroyablement heureux ; un aprĂšs-midi Ă  chiner, un jouet qui surgit de l’enfance sur l’étal d’un brocanteur, une main qui s’attache Ă  la votre, un appel que l’on attendait pas, une parole douce, vote enfant qui vous prend dans ses bras sans rien vous demander d’autre qu’un moment d’amour. Il y a des journĂ©es illuminĂ©es de petits moments de grĂące, une odeur qui vous met l’ñme en joie, un rayon de soleil qui entre par la fenĂȘtre, le bruit de l’averse alors qu’on est encore au lit, les trottoirs enneigĂ©s ou l’arrivĂ©e du printemps et ses premiers bourgeons.
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Marc Levy (Le premier jour)
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... Je n'en pouvais plus de me languir d'elle, je n'en pouvais plus de tendre la main vers elle et de ne rencontrer que son absence au bout de mes doigts. Je me disais: Elle va te repousser, elle va te dire des mots trĂšs durs, elle va te faire tomber le ciel sur la tĂȘte; cela ne me dissuadait pas. Je ne craignais plus de rĂ©silier les serments, de broyer mon Ăąme dans l'Ă©treinte de mon poing; je ne craignais plus d'offenser les dieux, d'incarner l'opprobre jusqu’à la fin des Ăąges.
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Yasmina Khadra
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ce qui convainc de la nécessité de la vie future, ce ne sont pas les raisonnements mais ceci : tu marches dans la vie la main dans la main avec un homme, et tout à coup, cet homme disparaßt là-bas dans le néant, et toi tu restes devant cet abßme et tu y plonges ton regard (Guerre et Paix, livre deuxiÚme, 2iÚme partie, ch. XII)
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Leo Tolstoy
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À une passante La rue assourdissante autour de moi hurlait.‹ Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,‹ Une femme passa, d'une main fastueuse‹ Soulevant, balançant le feston et l'ourlet; Agile et noble, avec sa jambe de statue.‹ Moi, je buvais, crispĂ© comme un extravagant,‹ Dans son oeil, ciel livide oĂč germe l'ouragan,‹ La douceur qui fascine et le plaisir qui tue. Un Ă©clair . . . puis la nuit! — Fugitive beautĂ© ‹ Dont le regard m'a fait soudainement renaĂźtre,‹ Ne te verrai-je plus que dans l'Ă©ternitĂ©? Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-ĂȘtre!‹ Car j'ignore oĂč tu fuis, tu ne sais oĂč je vais,‹ Ô toi que j'eusse aimĂ©e, ĂŽ toi qui le savais!
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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DĂ©jeuner du matin Il a mis le cafĂ© Dans la tasse Il a mis le lait Dans la tasse de cafĂ© Il a mis le sucre Dans le cafĂ© au lait Avec la petite cuiller Il a tournĂ© Il a bu le cafĂ© au lait Et il a reposĂ© la tasse Sans me parler Il a allumĂ© Une cigarette Il a fait des ronds Avec la fumĂ©e Il a mis les cendres Dans le cendrier Sans me parler Sans me regarder Il s’est levĂ© Il a mis Son chapeau sur sa tĂȘte Il a mis Son manteau de pluie Parce qu’il pleuvait Et il est parti Sous la pluie Sans une parole Sans me regarder Et moi j’ai pris Ma tĂȘte dans ma main Et j’ai pleurĂ©
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Jacques Prévert (Paroles)
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J'étais dans la mort; tu m'as remise dans la vie. Toi là, c'est le ciel à cÎté de moi. Donne-moi ta main, que je touche Dieu!
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Victor Hugo (L'Homme qui rit)
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VoilĂ  Dvora, je sens des abeilles dans mon sang, un ours dans mon cƓur, chaque battement est une patte qui dĂ©molit la ruche. Elle me donne sa main et moi je sais que je ne la lui rendrai plus.
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Erri De Luca
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Tant que mes jambes me permettent de fuir, tant que mes bras me permettent de combattre, tant que l'expĂ©rience que j'ai du monde me permet de savoir ce que je peux craindre ou dĂ©sirer, nulle crainte : je puis agir. Mais lorsque le monde des hommes me contraint Ă  observer ses lois, lorsque mon dĂ©sir brise son front contre le monde des interdits, lorsque mes mains et mes jambes se trouvent emprisonnĂ©es dans les fers implacables des prĂ©jugĂ©s et des cultures, alors je frissonne, je gĂ©mis et je pleure. Espace, je t'ai perdu et je rentre en moi-mĂȘme. Je m'enferme au faite de mon clocher oĂč, la tĂȘte dans les nuages, je fabrique l'art, la science et la folie.
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Henri Laborit (Éloge de la fuite)
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Ewilan, lorsqu'elle a dessinĂ© le sabre d'Edwin, a eu la bonne idĂ©e de le lui placer entre les mains et non de le ficher dans un rocher jusqu'Ă  la garde. C'est peut-ĂȘtre moins romantique, mais sacrĂ©ment plus pratique.
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Pierre Bottero (Les FrontiĂšres de glace (La QuĂȘte d'Ewilan, #2))
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Dans mes mains, par exemple, il y a quelque chose de neuf, une certaine façon de prendre ma pipe ou ma fourchette. Ou bien c'est la fourchette qui a, maintenant, une certaine façon de se faire prendre, je ne sais pas.
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Jean-Paul Sartre (Nausea)
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Les vierges entonnaient le cantique de Zacharie: -- BĂ©ni soit le Seigneur, le dieu d'IsraĂ«l. Brusquement la voix s'arrĂȘta dans leur gorge. Elles avaient vu la face du moine et elles fuyaient d'Ă©pouvante en criant: -- Un vampire! un vampire! Il Ă©tait devenu si hideux qu'en passant la main sur son visage, il sentit sa laideur.
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Anatole France (ThaĂŻs)
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A qui Ă©cris-tu? -A toi. En fait, je ne t'Ă©cris pas vraiment, j'Ă©cris ce que j'ai envie de faire avec toi... Il y avait des feuilles partout. Autour d'elle, Ă  ses pieds, sur le lit. J'en ai pris une au hasard: "...Pique-niquer, faire la sieste au bord d'une riviĂšre, manger des pĂȘches, des crevettes, des croissants, du riz gluant, nager, danser, m'acheter des chaussures, de la lingerie, du parfum, lire le journal, lĂ©cher les vitrines, prendre le mĂ©tro, surveiller l'heure, te pousser quand tu prends toute la place, Ă©tendre le linge, aller Ă  l'OpĂ©ra, faire des barbecues, rĂąler parce que tu as oubliĂ© le charbon, me laver les dents en mĂȘme temps que toi, t'acheter des caleçons, tondre la pelouse, lire le journal par-dessus ton Ă©paule, t'empĂȘcher de manger trop de cacahuĂštes, visiter les caves de la Loire, et celles de la Hunter Valley, faire l'idiote, jacasser, cueillir des mĂ»res, cuisiner, jardiner, te rĂ©veiller encore parce que tu ronfles, aller au zoo, aux puces, Ă  Paris, Ă  Londres, te chanter des chansons, arrĂȘter de fumer, te demander de me couper les ongles, acheter de la vaisselle, des bĂȘtises, des choses qui ne servent Ă  rien, manger des glaces, regarder les gens, te battre aux Ă©checs, Ă©couter du jazz, du reggae, danser le mambo et le cha-cha-cha, m'ennuyer, faire des caprices, bouder, rire, t'entortiller autour de mon petit doigt, chercher une maison avec vue sur les vaches, remplir d'indĂ©cents Caddie, repeindre un plafond, coudre des rideaux, rester des heures Ă  table Ă  discuter avec des gens intĂ©ressants, te tenir par la barbichette, te couper les cheveux, enlever les mauvaises herbes, laver la voiture, voir la mer, t'appeler encore, te dire des mots crus, apprendre Ă  tricoter, te tricoter une Ă©charpe, dĂ©faire cette horreur, recueillir des chats, des chiens, des perroquets, des Ă©lĂ©phants, louer des bicyclettes, ne pas s'en servir, rester dans un hamac, boire des margaritas Ă  l'ombre, tricher, apprendre Ă  me servir d'un fer Ă  repasser, jeter le fer Ă  repasser par la fenĂȘtre, chanter sous la pluie, fuire les touristes, m'enivrer, te dire toute la vĂ©ritĂ©, me souvenir que toute vĂ©ritĂ© n'est pas bonne Ă  dire, t'Ă©couter, te donner la main, rĂ©cupĂ©rer mon fer Ă  repasser, Ă©couter les paroles des chansons, mettre le rĂ©veil, oublier nos valises, m'arrĂȘter de courir, descendre les poubelles, te demander si tu m'aimes toujours, discuter avec la voisine, te raconter mon enfance, faire des mouillettes, des Ă©tiquettes pour les pots de confiture..." Et ça continuais comme ça pendant des pages et des pages...
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Anna Gavalda (Someone I Loved (Je l'aimais))
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« [L]'arbre dont on ferait leur cercueil poussait quelque part dans la forĂȘt mais ils n'en savaient rien, un caillot de sang au cerveau pouvait les envoyer au nĂ©ant en quelques secondes et ils se rĂ©jouissaient d'avoir mis la main sur un lot de petites Kit-Kat. »
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François Blais (La classe de madame Valérie)
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On peut apprendre à une vipÚre à vous manger dans la main sans pour autant lui enlever le goût de mordre.
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Madeline Miller (Circe)
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En un mot, nos mains tĂąchent de faire dans la nature, pour ainsi dire, une autre nature.
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Marcus Tullius Cicero
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Elle se mordit la langue quand Thorn pressa sa bouche contre la sienne. Sur le moment, elle ne comprit plus rien. Elle sentit sa barbe lui piquer le menton, son odeur de dĂ©sinfectant lui monter Ă  la tĂȘte, mais la seule pensĂ©e qui la traversa, stupide et Ă©vidente, fut quenelle avait une botte plantĂ©e dans son tibia. Elle voulut se reculer; Thorn l’en empĂȘcha. Il referma ses mains de part et d’autre de son visage, les doigts dans ses cheveux, prenant appui sur sa nuque avec une urgence qui les dĂ©sĂ©quilibra tous les deux. La bibliothĂšque dĂ©versa une pluie de documents sur eux. Quand Thorn s’écarte finalement, le souffle court, ce fut pour clouer un regard de fer dans ses lunettes. - je vous prĂ©viens. Les mots que vous m’avez dits, je ne vous laisserai pas revenir dessus. Sa voix Ă©tait Ăąpre, mais sous l’autoritĂ© des paroles il y avait comme une fĂȘlure. OphĂ©lie pouvait percevoir le pouls prĂ©cipitĂ© des mains qu’il appuyait maladroitement sur ses joues. Elle devait reconnaĂźtre que son propre cƓur jouait Ă  la balançoire. Thorn Ă©tait sans doute l’homme le plus dĂ©concertant qu’elle avait jamais rencontrĂ©, mais il l’a faisait se sentir formidablement vivante. - je vous aime, rĂ©pĂ©ta-y-elle d’un ton inflexible. C’est ce que j’aurais du vous rĂ©pondre quand vous vouliez connaĂźtre la raison de ma prĂ©sence Ă  Babel c’est ce que j’en aurais du vous rĂ©pondre chaque fois que vous vouliez savoir ce que j’en avais vraiment Ă  vous dire. Bien sĂ»r que je dĂ©sire percer les mystĂšres de Dieu et reprendre le contrĂŽle de ma vie, mais... vous faites partie de ma vie, justement. Je vous ai traitĂ© d’égoĂŻste et Ă  aucun moment je ne me suis mise, moi, Ă  votre place. Je vous demande pardon. 
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Christelle Dabos (La Mémoire de Babel (La Passe-Miroir, #3))
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Quand le mĂ©pris pour la politique se gĂ©nĂ©ralise et que la confiance dans les institutions disparaĂźt, Quand les appartenances se dissolvent et que l'intĂ©rĂȘt personnel devient la seule motivation, Quand l'Ă©conomie souterraine prolifĂšre et que la dĂ©brouillardise est la principale vertu, Alors une sociĂ©tĂ© est prĂȘte Ă  tomber entre les mains de toutes les mafias. Le processus est inĂ©vitable.
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Jean-Jacques Pelletier (La chair disparue (Les gestionnaires de l'Apocalypse, #1))
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La verité est triste, comme vous le savez. Elle déçoit parce qu'elle restreint. Elle tient dans un poing fermé, puis dans le geste d'une main qui se délace et rejette. Elle est pauvre, elle démeuble et démunit.
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Julien Gracq (A Dark Stranger)
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Denise Ă©tait venue Ă  pied de la gare Saint-Lazare, oĂč un train de Cherbourg l’avait dĂ©barquĂ©e avec ses deux frĂšres, aprĂšs une nuit passĂ©e sur la dure banquette d’un wagon de troisiĂšme classe. Elle tenait par la main PĂ©pĂ©, et Jean la suivait, tous les trois brisĂ©s du voyage, effarĂ©s et perdus, au milieu du vaste Paris, le nez levĂ© sur les maisons, demandant Ă  chaque carrefour la rue de la MichodiĂšre, dans laquelle leur oncle Baudu demeurait. Mais, comme elle dĂ©bouchait enfin sur la place Gaillon, la jeune fille s’arrĂȘta net de surprise.
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Émile Zola (The Ladies' Paradise (Les Rougon-Macquart #11))
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je finirai bien par te rencontrer quelque part bon dieu! et contre tout ce qui me rend absent et douloureux par le mince regard qui me reste au fond du froid j'affirme ĂŽ mon amour que tu existes je corrige notre vie nous n'irons plus mourir de langueur Ă  des milles de distance dans nos rĂȘves bourrasques des filets de sang dans la soif craquelĂ©e de nos lĂšvres les Ă©paules baignĂ©es de vols de mouettes non j'irai te chercher nous vivrons sur la terre la dĂ©tresse n'est pas incurable qui fait de moi une Ă©pave de dĂ©rision, un ballon d'indĂ©cence un pitre aux larmes d'Ă©tincelles et de lĂ©sions profondes frappe l'air et le feu de mes soifs coule-moi dans tes mains de ciel de soie la tĂȘte la premiĂšre pour ne plus revenir
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Gaston Miron (L'Homme rapaillé)
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Laurent avait Ă©largi une de ses grosses mains dont il regardait attentivement la paume. Ses doigts eurent de lĂ©gers frĂ©missements, des lueurs rouges montĂšrent Ă  ses joues ... Laurent leva la tĂȘte et vit ThĂ©rĂšse devant lui, muette, immobile. La jeune femme le regardait avec une fixitĂ© ardente. Ses yeux, d'un noir mat, semblaient deux trous sans fond, et, par ses lĂšvres entrouvertes, on apercevait des clartĂ©s roses dans sa bouche. Elle Ă©tait comme Ă©crasĂ©e, ramassĂ©e sur elle-mĂȘme; elle Ă©coutait.
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Émile Zola (ThĂ©rĂšse Raquin)
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AprĂšs le dĂ©cĂšs de cette vieille dame, tous les dimanches, j'allais au bord d'un Ă©tang Ă  lotus en banlieu de Hanoi, oĂč il y avait toujours deux ou trois femmes au dos arquĂ©, aux mains tremblantes, qui, assises dans le fond d'une barque ronde, se dĂ©plaçaient sur l'eau Ă  l'aide d'une perche pour placer des feuilles de thĂ© Ă  l'intĂ©rieur des fleurs de lotus ouvertes. Elles y retournaient le jour suivant pour les recueillir, unes Ă  unes, avant que les pĂ©tales se fanent, aprĂšs que les feuilles emprisonnĂ©es avaient absorbĂ© le parfum des pistils pendant la nuit. Elles me disaient que chaque feuille de thĂ© conservait ainsi l'Ăąme de ces fleurs Ă©phĂ©mĂšres.
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Kim ThĂșy (RU)
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Un époux, c'est quelqu'un qui travaille au jardin avec toi et qui te réchauffe la nuit dans le lit conjugal. Un homme qui s'inquiÚte pour toi quand personne d'autre n'a remarqué que tu n'allais pas bien. Quelqu'un qui te tient la main quand tu es malade ou aux portes de la mort.
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David Farland (Wizardborn (Runelords, #3))
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Je me souviens qu'à un moment, m'étend appuyée à la machine, j'avais regardé le disque se lever, lentement, pour aller se poser de biais contre le saphir, presque tendrement, comme une joue. Et, je ne sais pourquoi, j'avais été envahie d'un violent sentiment de bonheur; de l'intuition physique, débordante, que j'allais mourir un jour, qu'il n'y aurait plus ma main sur ce rebord de chrome, ni ce soleil dans mes yeux.
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Françoise Sagan (A Certain Smile)
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Tout ici chante la vie de naguĂšre, non pas dans un sens qui dĂ©truit le lendemain; on devine, vaillants, dans leur force premiĂšre le ciel et le vent, et la main et le pain. Ce n'est point un hier qui partout se propage arrĂȘtant Ă  jamais ces anciens contours : c'est la terre contente de son image et qui consent Ă  son premier jour.
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Rainer Maria Rilke (Vergers, et autres poÚmes français)
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Oh ! qu'on m'aille donc, au lieu de cela, chercher quelque jeune vicaire, quelque vieux curĂ©, au hasard, dans la premiĂšre paroisse venue, qu'on le prenne au coin de son feu, lisant son livre et ne s'attendant Ă  rien, et qu'on lui dise : – Il y a un homme qui va mourir, et il faut que ce soit vous qui le consoliez. Il faut que vous soyez lĂ  quand on lui liera les mains, lĂ  quand on lui coupera les cheveux; que vous montiez dans sa charrette avec votre crucifix pour lui cacher le bourreau; que vous soyez cahotĂ© avec lui par le pavĂ© jusqu'Ă  la GrĂšve : que vous traversiez avec lui l'horrible foule buveuse de sang; que vous l'embrassiez au pied de l'Ă©chafaud, et que vous restiez jusqu'Ă  ce que la tĂȘte soit ici et le corps lĂ . Alors, qu'on me l'amĂšne, tout palpitant, tout frissonnant de la tĂȘte aux pieds; qu'on me jette entre ses bras, Ă  ses genoux; et il pleurera, et nous pleurerons, et il sera Ă©loquent, et je serais consolĂ©, et mon cƓur se dĂ©gonflera dans le sien, et il prendra mon Ăąme, et je prendrais son Dieu.
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Victor Hugo (The Last Day of a Condemned Man)
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- Offre ton identitĂ© au Conseil, jeune apprentie. La voix Ă©tait douce, l’ordre sans appel. - Je m’appelle Ellana Caldin. - Ton Ăąge. Ellana hĂ©sita une fraction de seconde. Elle ignorait son Ăąge exact, se demandait si elle n’avait pas intĂ©rĂȘt Ă  se vieillir. Les apprentis qu’elle avait discernĂ©s dans l’assemblĂ©e Ă©taient tous plus ĂągĂ©s qu’elle, le Conseil ne risquait-il pas de la considĂ©rer comme une enfant ? Les yeux noirs d’Ehrlime fixĂ©s sur elle la dissuadĂšrent de chercher Ă  la tromper. - J’ai quinze ans. Des murmures Ă©tonnĂ©s s’élevĂšrent dans son dos. Imperturbable, Ehrlime poursuivit son interrogatoire. - Offre-nous le nom de ton maĂźtre. - Jilano AlhuĂŻn. Les murmures, qui s’étaient tus, reprirent. Plus marquĂ©s, Ehrlime leva une main pour exiger un silence qu’elle obtint immĂ©diatement. - Jeune Ellana, je vais te poser une sĂ©rie de questions. A ces questions, tu devras rĂ©pondre dans l’instant, sans rĂ©flĂ©chir, en laissant les mots jaillir de toi comme une cascade vive. Les mots sont un cours d’eau, la source est ton Ăąme. C’est en remontant tes mots jusqu’à ton Ăąme que je saurai discerner si tu peux avancer sur la voie des marchombres. Es-tu prĂȘte ? - Oui. Une esquisse de sourire traversa le visage ridĂ© d’Ehrlime. - Qu’y a-t-il au sommet de la montagne ? - Le ciel. - Que dit le loup quand il hurle ? - Joie, force et solitude. - À qui s’adresse-t-il ? - À la lune. - OĂč va la riviĂšre ? L’anxiĂ©tĂ© d’Ellana s’était dissipĂ©e. Les questions d’Ehrlime Ă©taient trop imprĂ©vues, se succĂ©daient trop rapidement pour qu’elle ait d’autre solution qu’y rĂ©pondre ainsi qu’on le lui avait demandĂ©. Impossible de tricher. Cette Ă©vidence se transforma en une onde paisible dans laquelle elle s’immergea, laissant Ehrlime remonter le cours de ses mots jusqu’à son Ăąme, puisque c’était ce qu’elle dĂ©sirait. - Remplir la mer. - À qui la nuit fait-elle peur ? - À ceux qui attendent le jour pour voir. - Combien d’hommes as-tu dĂ©jĂ  tuĂ©s ? - Deux. - Es-tu vent ou nuage ? - Je suis moi. - Es-tu vent ou nuage ? - Vent. - MĂ©ritaient-ils la mort ? - Je l’ignore. - Es-tu ombre ou lumiĂšre ? - Je suis moi. - Es-tu ombre ou lumiĂšre ? - Les deux. - OĂč se trouve la voie du marchombre ? - En moi. Ellana s’exprimait avec aisance, chaque rĂ©ponse jaillissant d’elle naturellement, comme une expiration aprĂšs une inspiration. FluiditĂ©. Le sourire sur le visage d’Ehrlime Ă©tait revenu, plus marquĂ©, et une pointe de jubilation perçait dans sa voix ferme. - Que devient une larme qui se brise ? - Une poussiĂšre d’étoiles. - Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ? - Je la traverse. - Que devient une Ă©toile qui meurt ? - Un rĂȘve qui vit. - Offre-moi un mot. - Silence. - Un autre. - Harmonie. - Un dernier. - FluiditĂ©. - L’ours et l’homme se disputent un territoire. Qui a raison ? - Le chat qui les observe. - Marie tes trois mots. - Marchombre.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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BaignĂ©e toute d'azur et d'or À la main une fleur de pays Ă©trangers, Te voici, sourire radieux, Un signe de tĂȘte et tu disparais dans le Brouillard.
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Vladimir Sergeyevich Solovyov (Trois rencontres (et autres poĂšmes))
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Mais en fait les voix fĂ©minines se taisent lĂ  oĂč commence l'action concrĂšte; elles ont pu susciter des guerres, non suggĂ©rer la tactique d'une bataille; elles n'ont guĂšre orientĂ© la politique que dans la mesure oĂč la politique se rĂ©duisait Ă  l'intrigue: les vraies commandes du monde n'ont jamais Ă©tĂ© aux mains des femmes; elles n'ont pas agi sur les techniques ni sur l'Ă©conomie, elles n'ont pas fait ni dĂ©fait des États, elles n'ont pas dĂ©couvert des mondes. C'est par elles que certains Ă©vĂ©nements ont Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ©s: mais elles ont Ă©tĂ© prĂ©textes beaucoup plus qu'agents.
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Simone de Beauvoir (Le deuxiĂšme sexe, I)
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Le rĂȘve est le tuteur du pauvre, et son pourfendeur. Il nous tient par la main, puis il nous tient dans la sienne pour nous larguer quand il veut aprĂšs nous avoir baladĂ©s Ă  sa guise Ă  travers mille promesses. C’est un gros malin, le rĂȘve, un fin psychologue : il sait nous prendre Ă  nos propres sentiments comme on prend au mot un fieffĂ© menteur ; lorsque nous lui confions notre cƓur et notre esprit, il nous fausse compagnie au beau milieu d’une dĂ©route, et nous nous retrouvons avec du vent dans la tĂȘte et un trou dans la poitrine – il ne nous reste plus que les yeux pour pleurer.
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Yasmina Khadra (Les anges meurent de nos blessures)
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Je cherchais une Ăąme qui et me ressemblĂąt, et je ne pouvais pas la trouver. Je fouillais tous les recoins de la terre; ma persĂ©vĂ©rance Ă©tait inutile. Cependant, je ne pouvais pas rester seul. Il fallait quelqu’un qui approuvĂąt mon caractĂšre; il fallait quelqu’un qui eĂ»t les mĂȘmes idĂ©es que moi. C’était le matin; le soleil se leva Ă  l’horizon, dans toute sa magnificence, et voilĂ  qu’à mes yeux se lĂšve aussi un jeune homme, dont la prĂ©sence engendrait les fleurs sur son passage. Il s’approcha de moi, et, me tendant la main: "Je suis venu vers toi, toi, qui me cherches. BĂ©nissons ce jour heureux." Mais, moi: "Va-t’en; je ne t’ai pas appelĂ©: je n’ai pas besoin de ton amitiĂ©." C’était le soir; la nuit commençait Ă  Ă©tendre la noirceur de son voile sur la nature. Une belle femme, que je ne faisais que distinguer, Ă©tendait aussi sur moi son influence enchanteresse, et me regardait avec compassion; cependant, elle n’osait me parler. Je dis: "Approche-toi de moi, afin que je distingue nettement les traits de ton visage; car, la lumiĂšre des Ă©toiles n’est pas assez forte, pour les Ă©clairer Ă  cette distance." Alors, avec une dĂ©marche modeste, et les yeux baissĂ©s, elle foula l’herbe du gazon, en se dirigeant de mon cĂŽtĂ©. DĂšs que je la vis: "Je vois que la bontĂ© et la justice ont fait rĂ©sidence dans ton coeur: nous ne pourrions pas vivre ensemble. Maintenant, tu admires ma beautĂ©, qui a bouleversĂ© plus d’une; mais, tĂŽt ou tard, tu te repentirais de m’avoir consacrĂ© ton amour; car, tu ne connais pas mon Ăąme. Non que je te sois jamais infidĂšle: celle qui se livre Ă  moi avec tant d’abandon et de confiance, avec autant de confiance et d’abandon, je me livre Ă  elle; mais, mets-le dans ta tĂȘte, pour ne jamais l’oublier: les loups et les agneaux ne se regardent pas avec des yeux doux." Que me fallait-il donc, Ă  moi, qui rejetais, avec tant de dĂ©goĂ»t, ce qu’il y avait de plus beau dans l’humanitĂ©!
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Lorsqu'on se baigne dans le Langage Universel, il est facile de comprendre qu'il y a toujours dans le monde une personne qui en attend une autre, que ce soit en plein dĂ©sert ou au cƓur des grandes villes. Et quand ces deux personnes se rencontrent, et que leurs regards se croisent, tout le passĂ© et tout le futur sont dĂ©sormais sans la moindre importance, seul existe ce moment prĂ©sent, et cette incroyable certitude que toute chose sous la voĂ»te du ciel a Ă©tĂ© Ă©crite par la mĂȘme Main. La Main qui fait naĂźtre l'Amour, et qui a créé une Ăąme sƓur pour chaque ĂȘtre qui travaille, se repose, et cherche des trĂ©sors sous la lumiĂšre du soleil.
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Paulo Coelho (The Alchemist)
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Je m'entends dire : "Il y a en moi ce qui se trouve chez beaucoup d'hommes dans le monde, amours, coups de feu, des phrases pleines d'épines, aucune envie d'en parler. Nous sommes ordinaires nous autres hommes. Ce qui est spécial, c'est vivre, regarder le soir le creux de sa main et savoir que le lendemain sera nouveau, que le tailleur de la nuit coud la peau, raccommode les cals, reprise les accrocs et dégonfle la fatigue." (p. 44)
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Erri De Luca (Tre cavalli)
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Et que faudrait-il faire ? Chercher un protecteur puissant, prendre un patron, Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc Et s'en fait un tuteur en lui lĂ©chant l'Ă©corce, Grimper par ruse au lieu de s'Ă©lever par force ? Non, merci ! DĂ©dier, comme tous ils le font, Des vers aux financiers ? se changer en bouffon Dans l'espoir vil de voir, aux lĂšvres d'un ministre, NaĂźtre un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ? Non, merci ! DĂ©jeuner, chaque jour, d'un crapaud ? Avoir un ventre usĂ© par la marche ? une peau Qui plus vite, Ă  l'endroit des genoux, devient sale ? ExĂ©cuter des tours de souplesse dorsale ?... Non, merci ! D'une main flatter la chĂšvre au cou Cependant que, de l'autre, on arrose le chou, Et donneur de sĂ©nĂ© par dĂ©sir de rhubarbe, Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ? Non, merci ! Se pousser de giron en giron, Devenir un petit grand homme dans un rond, Et naviguer, avec des madrigaux pour rames, Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ? Non, merci ! Chez le bon Ă©diteur de Sercy Faire Ă©diter ses vers en payant ? Non, merci ! S'aller faire nommer pape par les conciles Que dans des cabarets tiennent des imbĂ©ciles ? Non, merci ! Travailler Ă  se construire un nom Sur un sonnet, au lieu d'en faire d'autres ? Non, Merci ! Ne dĂ©couvrir du talent qu'aux mazettes ? Être terrorisĂ© par de vagues gazettes, Et se dire sans cesse : "Oh ! pourvu que je sois Dans les petits papiers du Mercure François" ?... Non, merci ! Calculer, avoir peur, ĂȘtre blĂȘme, PrĂ©fĂ©rer faire une visite qu'un poĂšme, RĂ©diger des placets, se faire prĂ©senter ? Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter, RĂȘver, rire, passer, ĂȘtre seul, ĂȘtre libre, Avoir l'Ɠil qui regarde bien, la voix qui vibre, Mettre, quand il vous plaĂźt, son feutre de travers, Pour un oui, pour un non, se battre, - ou faire un vers ! Travailler sans souci de gloire ou de fortune, À tel voyage, auquel on pense, dans la lune ! N'Ă©crire jamais rien qui de soi ne sortĂźt, Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit, Sois satisfait des fleurs, des fruits, mĂȘme des feuilles, Si c'est dans ton jardin Ă  toi que tu les cueilles ! Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard, Ne pas ĂȘtre obligĂ© d'en rien rendre Ă  CĂ©sar, Vis-Ă -vis de soi-mĂȘme en garder le mĂ©rite, Bref, dĂ©daignant d'ĂȘtre le lierre parasite, Lors mĂȘme qu'on n'est pas le chĂȘne ou le tilleul, Ne pas monter bien haut, peut-ĂȘtre, mais tout seul !
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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C’est alors que tout a vacillĂ©. La mer a charriĂ© un souffle Ă©pais et ardent. Il m’a semblĂ© que le ciel s’ouvrait sur toute son Ă©tendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon ĂȘtre s’est tendu et j’ai crispĂ© ma main sur le revolver. La gĂąchette a cĂ©dĂ©, j’ai touchĂ© le ventre poli de la crosse et c’est lĂ , dans le bruit Ă  la fois sec et assourdissant, que tout a commencĂ©. J’ai secouĂ© la sueur et le soleil. J’ai compris que j’avais dĂ©truit l’équilibre du jour, le silence exceptionnel d’une plage oĂč j’avais Ă©tĂ© heureux. Alors, j’ai tirĂ© encore quatre fois sur un corps inerte oĂč les balles s’enfonçaient sans qu’il y parĂ»t. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur
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Albert Camus (The Stranger)
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La plupart des gens que nous croisons sont quelconques, on n'en retient rien, sinon le regret du temps et de l'énergie perdus. Dans la constellation d'étoiles ternes qui traversent nos vies brille pourtant, à de rares et précieuses occasions, un soleil à portée de main. Parfois un parent, souvent un ami ou encore un professeur. Les plus chanceux en croiseront deux ou trois qui marqueront durablement leur personnalité, imprégneront un peu de magnificence dans le tissu de leur psyché.
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David Goudreault (Ta mort Ă  moi)
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Je le vis, je rougis, je pĂąlis Ă  sa vue ; Un trouble s’éleva dans mon Ăąme Ă©perdue ; Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler; Je sentis tout mon corps et transir et brĂ»ler : Je reconnus VĂ©nus et ses feux redoutables, D’un sang qu’elle poursuit tourments inĂ©vitables ! Par des vƓux assidus je crus les dĂ©tourner : Je lui bĂątis un temple, et pris soin de l’orner ; De victimes moi-mĂȘme Ă  toute heure entourĂ©e, Je cherchais dans leurs flancs ma raison Ă©garĂ©e : D’un incurable amour remĂšdes impuissants ! En vain sur les autels ma main brĂ»lait l’encens ! Quand ma bouche implorait le nom de la dĂ©esse, J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse, MĂȘme au pied des autels que je faisais fumer, J’offrais tout Ă  ce dieu que je n’osais nommer. Je l’évitais partout. Ô comble de misĂšre ! Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son pĂšre. Contre moi-mĂȘme enfin j’osai me rĂ©volter : J’excitai mon courage Ă  le persĂ©cuter. Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolĂątre, J’affectai les chagrins d’une injuste marĂątre ; Je pressai son exil ; et mes cris Ă©ternels L’arrachĂšrent du sein et des bras paternels. Je respirais, ƒNONE ; et, depuis son absence, Mes jours moins agitĂ©s coulaient dans l’innocence : Soumise Ă  mon Ă©poux, et cachant mes ennuis, De son fatal hymen je cultivais les fruits. Vaines prĂ©cautions ! Cruelle destinĂ©e ! Par mon Ă©poux lui-mĂȘme Ă  TrĂ©zĂšne amenĂ©e, J’ai revu l’ennemi que j’avais Ă©loignĂ© : Ma blessure trop vive aussitĂŽt a saignĂ©. Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachĂ©e : C’est VĂ©nus tout entiĂšre Ă  sa proie attachĂ©e. J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ; J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ; Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire, Et dĂ©rober au jour une flamme si noire : Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats : Je t’ai tout avouĂ© ; je ne m’en repens pas. Pourvu que, de ma mort respectant les approches, Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches, Et que tes vains secours cessent de rappeler Un reste de chaleur tout prĂȘt Ă  s’exhaler.
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Jean Racine (PhĂšdre)
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- Tu reviendras quand ? - Il y a deux rĂ©ponses Ă  ta question. Comme Ă  toutes les questions, tu le sais bien. Je commence par laquelle ? À l'extĂ©rieur, un bruit terrifiant s'Ă©leva. Le bruit des armes qui s'entrechoquent, fendent la chair, donnent la mort. La fillette tressaillit mais sa mĂšre, en lui caressant la joue, rĂ©ussit Ă  l'enfermer dans l'univers de son regard. - Laquelle ? - Celle du savant. - Je ne reviendrais peut ĂȘtre jamais, ma princesse. - Elle est nulle cette rĂ©ponse. Donne moi celle du poĂšte. Isaya se pencha pour lui murmurer Ă  l'oreille. - Je serai toujours avec toi. OĂč que tu te trouves, quoi que tu fasses, je serai lĂ . Toujours. Elle avait placĂ© la main sur sa poitrine. La petite la regarda avec attention. - Dans mon cƓur ? - Oui. - D'accord...
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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Pour la premiÚre fois de ma vie, mon passé me surprend. J'ai envie de parler en silence. De me parler. J'ai envie que ce jeune type qui ne sait pas ce qui l'attend mais qui porte son sourire comme un laissez-passer s'avance vers moi. J'aimerais le voir arriver vers moi avec mes vingt ans de moins, s'asseoir à mes cÎtés, me sourire timidement, mettre ses mains dans ses poches et garder le silence. J'aimerais que ce jeune type avec mes vingt de moins ne me juge pas. J'aimerais qu'il me pardonne de l'avoir trahi.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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Le Chaos Ă©tait tenu en Ă©chec par l'Harmonie. L'Harmonie. Salim ne combattait plus. Porteur de lumiĂšre, il Ă©tait trop prĂ©cieux pour risquer sa vie. Immobile dans le cercle de marchombres, les yeux Ă©carquillĂ©s par la stupĂ©faction et l'incrĂ©dulitĂ©, il la dĂ©couvrait. L'Harmonie. Le Chaos grogna, se dĂ©chaĂźna, libĂ©rant jusqu'Ă  l'ultime parcelle de son essence incontrĂŽlable. Violence, haine, peur, fanatisme... L'Harmonie rĂ©pondit en se mettant a danser. Ouverture, temps, respect... Le Chaos rugit. L'Harmonie virevolta. Le Chaos enfla. L'Harmonie ondoya. Salim leva les mains au-dessus de sa tĂȘte. La lumiĂšre qui jaillissait de ses paumes inondait la grotte, nourrissait les corps, faisait vibrer les cƓurs, pulsait avec les Ăąmes. L'Harmonie. Le Chaos tressaillit. Nia. Cogna. DĂ©roba. Mentit. Tortura. Viola. L'Harmonie s'offrit.
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Pierre Bottero (Ellana, la Prophétie (Le Pacte des MarchOmbres, #3))
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La psychanalyse prend aujourd'hui, comme toutes nos idées, une forme aberrante totalitaire ; elle cherche à nous enfermer dans le carcan de ses propres perversions. Elle a occupé le terrain laissé libre par les superstitions, se voile habilement dans un jargon de sémantique qui fabrique ses propres éléments d'analyse et attire la clientÚle par des moyens d'intimidation et de chantage psychiques, un peu comme ces racketters américains qui vous imposent leur protection. Je laisse donc volontiers aux charlatans et aux détraqués qui nous commandent dans tant de domaines le soin d'expliquer mon sentiment pour ma mÚre par quelque enflure pathologique : étant donné ce que la liberté, la fraternité et les plus nobles aspirations de l'homme sont devenues entre leurs mains, je ne vois pas pourquoi la simplicité de l'amour filial ne se déformerait pas dans leurs cervelles malades à l'image du reste.
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Si il y avait bien une chose que l'Occupation nous avait apprise, c'Ă©tait Ă  nous taire. A ne jamais montrer ce que nous pensions du IIIĂšme Reich et de cette guerre. Nous n'Ă©tions que des dĂ©tenus dans nos propres maisons, dans notre pays. Plus libres d'avoir une opinion. Parce que mĂȘme nos pensĂ©es pouvaient nous enchaĂźner. Ce soir, je l'avais oubliĂ©. Pourtant il ne m'arrĂȘta pas. Il ne me demanda pas de le suivre pour un petit interrogatoire. AprĂšs tout, il n'y avait que les rĂ©sistants pour tenir un discours si tranchĂ©, non? Il n'y avait qu'eux pour oser dire de telles choses devant un caporal de la Wehrmacht. Alors pourquoi me tendit-il simplement sa fourche? Puisque la mienne Ă©tait inutilisable... J'hĂ©sitai Ă  la prendre. Quand je le fis, il refusa de la lĂącher. Nous restĂąmes lĂ , une seconde. Nos mains se frĂŽlant sur le manche en bois et nos regards accrochĂ©s. - Je ne suis pas innocent c'est vrai, m'avoua-t-il. Je ne le serai jamais plus et je devrai vivre avec toutes mes fautes. J'ai tuĂ©, je tuerai sans doute encore. J'ai blessĂ© et je blesserai encore. J'ai menti et je mentirai encore. Non, c'est vrai, il n'y a plus rien d'innocent en moi. Mais je l'ai Ă©tĂ©. Au dĂ©but. Avant la guerre. Je l'Ă©tais vraiment, vous savez. Innocent. Sa voix n'Ă©tait qu'un murmure. - Pourquoi me dites-vous ça? - Pour que vous le sachiez. - Mais pourquoi? demandai-je encore. Il recula d'un pas. - Bonne soirĂ©e, monsieur Lambert, dit-il sans me rĂ©pondre. Il quitta les Ă©curies sans un bruit. Aussi discrĂštement qu'il Ă©tait arrivĂ©.
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Lily Haime (À l'ombre de nos secrets)
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La mort ne faisait pas souffrir. C'Ă©tait la vie, cette atroce sensation d'Ă©touffement : c'Ă©tait le dernier coup que devait lui porter la vie. Ses mains et ses pieds, dans un dernier sursaut de volontĂ©, se mirent Ă  battre, Ă  faire bouillonner l'eau, faiblement, spasmodiquement. Mais malgrĂ© ses efforts dĂ©sespĂ©rĂ©s, il ne pourrait jamais plus remonter ; il Ă©tait trop bas, trop loin. Il flottait languissement, bercĂ© par un flot de visions trĂšs douces. Des couleurs, une radieuse lumiĂšre l'enveloppaient, le baignaient, le pĂ©nĂ©traient. Qu'Ă©tait-ce ? On aurait dit un phare. Mais non, c'Ă©tait dans son cerveau, cette Ă©blouissante lumiĂšre blanche. Elle brillait de plus en plus resplendissante. Il y eut un long grondement, et il lui sembla glisser sur une interminable pente. Et, tout au fond, il sombra dans la nuit. Ça, il le sut encore : il avait sombrĂ© dans la nuit. Et au moment mĂȘme oĂč il le sut, il cessa de le savoir.
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Jack London (Martin Eden)
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DĂšs que SĂ©raphine l'a laissĂ© seul, Gontran se jette Ă  genoux au pied du lit ; il enfonce son front dans les draps, mais ne parvient pas Ă  pleurer ; aucun Ă©lan ne soulĂšve son cƓur. Ses yeux dĂ©sespĂ©rĂ©ment restent secs. Alors il se relĂšve. Il regarde ce visage impassible. Il voudrait, en ce moment solennel, Ă©prouver je ne sais quoi de sublime et de rare, Ă©couter une communication de l'au-delĂ , lancer sa pensĂ©e dans des rĂ©gions Ă©thĂ©rĂ©es,suprasensibles - mais elle reste accrochĂ©e, sa pensĂ©e, au ras du sol. Il regarde les mains exsangues du mort, et se demande combien de temps encore les ongles continueront de pousser.
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André Gide (The Counterfeiters)
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Il s'avança un fauteuil, s'installa entre sa femme et sa mÚre et, tandis que Dawn parlait, il lui prit la main. Il y a cent façons de prendre la main de quelqu'un. Selon que c'est la main d'un enfant, la main d'un ami, la main d'un parent agé, la main de celui qui part, la main du mourant, la main du mort. Il tenait la main de Dawn comme on tient la main d'une femme adorée, toute sa ferveur passant dans son étreinte, comme si, par cette pression de sa paume, il arrivait à échanger leurs ùmes, comme si ces doigts enlacés symbolisaient toute leur intimité. Il tenait la main de Dawn comme s'il ne savait rien de leur situation présente.
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Philip Roth (American Pastoral)
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Fusil braqué, le milicien franchit le seuil à sa suite, se baissa sans le quitter des yeux pour ramasser le poignard... ...et s'écroula dans une explosion de viande, de sauce et de riz. Bétina, tapie derriÚre la porte, lui avait fracassé sur le crùne la lourde marmite en fonte contenant le repas de Barthélemy. L'homme poussa un bref grognement et ne bougea plus. En le découvrant étendu à ses pieds, Bétina se plaqua les mains sur la bouche, le visage horrifié. - Il n'est pas mort, la rassura Natan. Il est juste... - Mon cari vanille, gémit Bétina. Il cuisait depuis l'aube ! Natan leva les yeux au ciel et se glissa dans la derniÚre piÚce.
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Pierre Bottero (Le MaĂźtre des TempĂȘtes (L'Autre, #2))
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Le moindre son du monde prĂ©sent comporte un grand nombre d'Ă©chos, de mĂȘme que tout objet, quel qu'il soit, possĂšde Ă  la fois une grande ombre et plusieurs ombres de moindre dimension. Or cette voix n'avait plus aucun Ă©cho. Il y avait longtemps, trĂšs longtemps que ceux-ci s'Ă©taient dissipĂ©s, Ă©vanouis. Et j'avais lu le livre jusqu'Ă  la fin et le tenais encore dans mes mains ; avec l'impression d'avoir feuilletĂ© non pas un livre, mais mon propre cerveau, Ă  la recherche de quelque chose. Tout ce que la voix m'avait dit, je l'avais, depuis ma naissance, portĂ© en moi, mais tout avait Ă©tĂ© recouvert et oubliĂ©, Ă©tait restĂ© cachĂ© Ă  ma pensĂ©e jusqu'Ă  aujourd'hui.
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Meyrink Gustav (The Golem)
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PrĂ©face J'aime l'idĂ©e d'un savoir transmis de maĂźtre Ă  Ă©lĂšve. J'aime l'idĂ©e qu'en marge des "maĂźtres institutionnels" que sont parents et enseignants, d'autres maĂźtres soient lĂ  pour dĂ©fricher les chemins de la vie et aider Ă  y avancer. Un professeur d'aĂŻkido cĂŽtoyĂ© sur un tatami, un philosophe rencontrĂ© dans un essai ou sur les bancs d'un amphi-théùtre, un menuisier aux mains d'or prĂȘt Ă  offrir son expĂ©rience... J'aime l'idĂ©e d'un maĂźtre considĂ©rant comme une chance et un honneur d'avoir un Ă©lĂšve Ă  faire grandir. Une chance et un honneur d'assister aux progrĂšs de cet Ă©lĂšve. Une chance et un honneur de participer Ă  son envol en lui offrant des ailes. Des ailes qui porteront l'Ă©lĂšve bien plus haut que le maĂźtre n'ira jamais. J'aime cette idĂ©e, j'y vois une des clefs d'un Ă©quilibre fondĂ© sur la transmission, le respect et l'Ă©volution. Je l'aime et j'en ai fait un des axes du "Pacte des MarchOmbres". Jilano, qui a Ă©tĂ© guidĂ© par EsĂźl, guide Ellana qui, elle-mĂȘme, guidera Salim... Transmission. Ellana, personnage ĂŽ combien essentiel pour moi (et pour beaucoup de mes lecteurs), dans sa complexitĂ©, sa richesse, sa volontĂ©, ne serait pas ce qu elle est si son chemin n avait pas croisĂ© celui de Jilano. Jilano qui a su dĂ©velopper les qualitĂ©s qu'il dĂ©celait en elle. Jilano qui l'a poussĂ©e, ciselĂ©e, enrichie, libĂ©rĂ©e, sans chercher une seule fois Ă  la modeler, la transformer, la contraindre. Respect. q Jilano, maĂźtre marchombre accompli. MaĂźtre accompli et marchombre accompli. Il sait ce qu'il doit Ă  EsĂźl qui l'a formĂ©. Il sait que sans elle, il ne serait jamais devenu l'homme qu'il est. L'homme accompli. Elle l'a poussĂ©, ciselĂ©, enrichi, libĂ©rĂ©, sans chercher une seule fois Ă  le modeler, le transformer, le contraindre. Respect. Évolution. EsĂźl, uniquement prĂ©sente dans les souvenirs de Jilano, ne fait qu'effleurer la trame du Pacte des Marchombres. Nul doute pourtant qu'elle soit parvenue Ă  faire dĂ©couvrir la voie Ă  Jilano et Ă  lui offrir un Ă©lan nĂ©cessaire pour qu'il y progresse plus loin qu'elle. Jilano agit de mĂȘme avec Ellana. Il sait, dĂšs le dĂ©part, qu'elle le distancera et attend ce moment avec joie et sĂ©rĂ©nitĂ©. Ellana est en train de libĂ©rer les ailes de Salim. Jusqu'oĂč s envolera-t-il grĂące Ă  elle ? J'aime cette idĂ©e, dans les romans et dans la vie, d’un maĂźtre transmettant son savoir Ă  un Ă©lĂšve afin qu a terme il le dĂ©passe. J'aime la gĂ©nĂ©rositĂ© qu'elle induit, la confiance qu'elle implique en la capacitĂ© des hommes Ă  s'amĂ©liorer. J'aime cette idĂ©e, mĂȘme si croiser un maĂźtre est une chance rare et mĂȘme s'il existe bien d'autres maniĂšres de prendre son envol. Lire. Écrire. S'envoler. Pierre Bottero
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Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
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l'appartement en noir et blanc maintenant les plus belles actrices debout derriĂšre les insectes quelque chose tombe c'est quelque chose d'autre la riviĂšre : elle passe ici dans tes mains le drame : avoir dormi deux heures dans le coffre du char le mystĂšre : il n'y a pas de char ce qui est vrai : un oiseau qui ronfle entre deux siĂšcles.
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Frédéric Dumont (VoliÚre)
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Mais le revenu annuel de toute sociĂ©tĂ© est toujours prĂ©cisĂ©ment Ă©gal Ă  la valeur Ă©changeable de tout le produit annuel de son industrie, ou plutĂŽt c'est prĂ©cisĂ©ment la mĂȘme chose que cette valeur Ă©changeable. Par consĂ©quent, puisque chaque individu tĂąche, le plus qu'il peut, 1° d'employer son capital Ă  faire valoir l'industrie nationale, et - 2° de diriger cette industrie de maniĂšre Ă  lui faire produire la plus grande valeur possible, chaque individu travaille nĂ©cessairement Ă  rendre aussi grand que possible le revenu annuel de la sociĂ©tĂ©. A la vĂ©ritĂ©, son intention, en gĂ©nĂ©ral, n'est pas en cela de servir l'intĂ©rĂȘt public, et il ne sait mĂȘme pas jusqu'Ă  quel point il peut ĂȘtre utile Ă  la sociĂ©tĂ©. En prĂ©fĂ©rant le succĂšs de l'industrie nationale Ă  celui de l'industrie Ă©trangĂšre, il ne pense qu'Ă  se donner personnellement une plus grande sĂ»retĂ© ; et en dirigeant cette industrie de maniĂšre Ă  ce que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu'Ă  son propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d'autres cas, il est conduit par une main invisible Ă  remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions ; et ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la sociĂ©tĂ©, que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intĂ©rĂȘt personnel, il travaille souvent d'une maniĂšre bien plus efficace pour l'intĂ©rĂȘt de la sociĂ©tĂ©, que s'il avait rĂ©ellement pour but d'y travailler. Je n'ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leurs entreprises de commerce, Ă  travailler pour le bien gĂ©nĂ©ral, aient fait beaucoup de bonnes choses. Il est vrai que cette belle passion n'est pas trĂšs commune parmi les marchands, et qu'il ne faudrait pas de longs discours pour les en guĂ©rir.
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Adam Smith (An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations)
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Dans l’automne de l’annĂ©e 1816, John Melmoth, Ă©lĂšve du collĂšge de la TrinitĂ©, Ă  Dublin, suspendit momentanĂ©ment ses Ă©tudes pour visiter un oncle mourant, et de qui dĂ©pendaient toutes ses espĂ©rances de fortune. John, qui avait perdu ses parents, Ă©tait le fils d’un cadet de famille, dont la fortune mĂ©diocre suffisait Ă  peine pour payer les frais de son Ă©ducation ; mais son oncle Ă©tait vieux, cĂ©libataire et riche. Depuis sa plus tendre enfance, John avait appris, de tous ceux qui l’entouraient, Ă  regarder cet oncle avec ce sentiment qui attire et repousse Ă  la fois, ce respect mĂȘlĂ© du dĂ©sir de plaire, que l’on Ă©prouve pour l’ĂȘtre qui tient en quelque sorte en ses mains le fil de notre existence.
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Charles Robert Maturin (Melmoth, l'homme errant)
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victor hugo, Les Contemplations, Mors Je vis cette faucheuse. Elle Ă©tait dans son champ. Elle allait Ă  grands pas moissonnant et fauchant, Noir squelette laissant passer le crĂ©puscule. Dans l'ombre oĂč l'on dirait que tout tremble et recule, L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx. Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux Tombaient ; elle changeait en dĂ©sert Babylone, Le trĂŽne en Ă©chafaud et l'Ă©chafaud en trĂŽne, Les roses en fumier, les enfants en oiseaux, L'or en cendre, et les yeux des mĂšres en ruisseaux. Et les femmes criaient : - Rends-nous ce petit ĂȘtre. Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait naĂźtre ? - Ce n'Ă©tait qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas ; Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats ; Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre ; Les peuples Ă©perdus semblaient sous la faulx sombre Un troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit ; Tout Ă©tait sous ses pieds deuil, Ă©pouvante et nuit. DerriĂšre elle, le front baignĂ© de douces flammes, Un ange souriant portait la gerbe d'Ăąmes.
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Victor Hugo
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On songe au mot d'Esprit: Je ne me consolerois jamais de mourir. Dans un monde oĂč tout va Ă  la mort, la mort est le fond. C'est sur lui que se dressent les femmes seules dans l'insomnie, les enfants qui regardent et les cires qui fondent. La beautĂ© des regards et des mains, des corps, des lumiĂšres qui se portent sur eux, des couleurs qui les vĂȘtent, des pourpoints et des socques, des vielles et des cartes Ă  jouer, des verres et des livres, des doigts qui s'avancent et qui se tendent, est faite de la mort. La beautĂ© est une flamme de chandelle dans la tristesse, dans l'argent, dans le mĂ©pris, dans la solitude. Dans la nuit. Une haleine d'enfant la courbe; un souffle la menace; le vent dĂ©finitif l'Ă©teint.
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Pascal Quignard
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Je pouvais bien prendre Albertine sur mes genoux, tenir sa tĂȘte dans mes mains, je pouvais la caresser, passer longuement mes mains sur elle, mais, comme si j'eusse maniĂ© une pierre qui enferme la salure des ocĂ©ans immĂ©moriaux ou le rayon d'une Ă©toile, je sentais que je touchais seulement l'enveloppe close d'un ĂȘtre qui par l'intĂ©rieur accĂ©dait Ă  l'infini.
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Marcel Proust (La PrisonniĂšre)
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La solitude est une chose bien Ă©trange. Elle vous envahit, tout doucement et sans faire de bruit, s’assoit Ă  vos cĂŽtĂ©s dans le noir, vous caresse les cheveux pendant votre sommeil. Elle s’enroule autour de vous, vous serre si fort que vous pouvez Ă  peine respirer, que vous n’entendez presque plus la pulsation du sang dans vos veines, tandis qu’elle file sur votre peau et effleure de ses lĂšvres le fin duvet de votre nuque. Elle s’installe dans votre cƓur, s’allonge prĂšs de vous la nuit, dĂ©vore comme une sangsue la lumiĂšre dans le moindre recoin. C’est une compagne de chaque instant, qui vous serre la main pour mieux vous tirer vers le bas quand vous luttez pour vous redresser. Vous vous rĂ©veillez le matin et vous vous demandez qui vous ĂȘtes. Vous n’arrivez pas Ă  vous endormir le soir et tremblez comme une feuille. Vous doutez vous doutez vous doutez. je dois je ne dois pas je devrais pourquoi je ne vais pas Et mĂȘme quand vous ĂȘtes prĂȘt Ă  lĂącher prise. Quand vous ĂȘtes prĂȘt Ă  vous libĂ©rer. Quand vous ĂȘtes prĂȘt Ă  devenir quelqu’un de nouveau. La solitude est une vieille amie debout Ă  votre cĂŽtĂ© dans le miroir ; elle vous regarde droit dans les yeux, vous met au dĂ©fi de mener votre vie sans elle. Vous ne pouvez pas trouver les mots pour lutter contre vous-mĂȘme, lutter contre les mots qui hurlent que vous n’ĂȘtes pas Ă  la hauteur, que vous ne le serez jamais vraiment, jamais vraiment. La solitude est une compagne cruelle, maudite. Parfois, elle ne veut simplement pas vous abandonner
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Tahereh Mafi (Unravel Me (Shatter Me, #2))
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AmputĂ©e!
 O soleil, si c’est vrai que je viens de toi, pourquoi m’as-tu faite amputĂ©e? Pourquoi m’as-tu faite une fille? Pourquoi ces seins, cette faiblesse, cette plaie ouverte au milieu de moi? N’aurait-il pas Ă©tĂ© beau le garçon MĂ©dĂ©e? N’aurait-il pas Ă©tĂ© fort? Le corps dur comme la pierre, fait pour prendre et partir aprĂšs, ferme, intact, entier, lui! Ah! il aurait pu venir, alors, Jason, avec ses grandes mains redoutables, il aurait pu tenter de les poser sur moi! Un couteau, chacun dans la sienne -oui!- et le plus fort tue l’autre et s’en va dĂ©livrĂ©. Pas cette lutte oĂč je ne voulais que toucher les Ă©paules, cette blessure que j’implorais. Femme! Femme! Chienne! Chair faite d’un peu de boue de d’une cĂŽte d’homme! Morceau d’homme! Putain!
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Jean Anouilh (Médée)
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A ce moment-lĂ , Maxim me regarda enfin. Il me regarda pour la premiĂšre fois de la soirĂ©e et, dans ses yeux, je lus un message d'adieu. C'Ă©tait comme s'il se penchait au bastingage d'un navire, et que je me tenais en contrebas sur le quai. Il y avait d'autres gens qui touchaient son Ă©paule et qui touchaient la mienne, mais nous ne les remarquions pas. Nous ne nous parlions pas et ne nous hĂ©lions pas, car le vent et la distance emportaient le son de nos voix. Mais je vis ses yeux, tout comme lui vit les miens, avant que le navire se dĂ©tache du quai. Favell, Mme Danvers, le colonel Julyan, Frank avec son bout de papier Ă  la main, tous furent oubliĂ©s Ă  cet instant-lĂ . Cet instant-lĂ  Ă©tait le nĂŽtre, inviolĂ©, communion Ă©phĂ©mĂšre entre nos deux ĂȘtres.
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Daphne du Maurier (Rebecca)
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On ne trouve les diamants que dans les tĂ©nĂšbres de la terre ; on ne trouve les vĂ©ritĂ©s que dans les profondeurs de la pensĂ©e. Il lui semblait qu’aprĂšs ĂȘtre descendu dans ces profondeurs, aprĂšs avoir longtemps tĂątonnĂ© au plus noir de ces tĂ©nĂšbres, il venait enfin de trouver un de ces diamants, une de ces vĂ©ritĂ©s, et qu’il la tenait dans sa main ; et il s’éblouissait Ă  la regarder.
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Victor Hugo (Les Misérables: Roman (French Edition))
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Je me mis dĂšs lors Ă  lire avec aviditĂ© et bientĂŽt la lecture fut ma passion. Tous mes nouveaux besoins, toutes mes aspirations rĂ©centes, tous les Ă©lans encore vagues de mon adolescence qui s’élevaient dans mon Ăąme d’une façon si troublante et qui Ă©taient provoquĂ©s par mon dĂ©veloppement si prĂ©coce, tout cela, soudainement, se prĂ©cipita dans une direction, parut se satisfaire complĂštement de ce nouvel aliment et trouver lĂ  son cours rĂ©gulier. BientĂŽt mon cƓur et ma tĂȘte se trouvĂšrent si charmĂ©s, bientĂŽt ma fantaisie se dĂ©veloppa si largement, que j’avais l’air d’oublier tout ce qui m’avait entourĂ©e jusqu’alors. Il semblait que le sort lui mĂȘme m’arrĂȘtĂąt sur le seuil de la nouvelle vie dans laquelle je me jetais, Ă  laquelle je pensais jour et nuit, et, avant de m’abandonner sur la route immense, me faisait gravir une hauteur d’oĂč je pouvais contempler l’avenir dans un merveilleux panorama, sous une perspective brillante, ensorcelante. Je me voyais destinĂ©e Ă  vivre tout cet avenir en l’apprenant d’abord par les livres ; de vivre dans les rĂȘves, les espoirs, la douce Ă©motion de mon esprit juvĂ©nile. Je commençai mes lectures sans aucun choix, par le premier livre qui me tomba sous la main. Mais, le destin veillait sur moi. Ce que j’avais appris et vĂ©cu jusqu’à ce jour Ă©tait si noble, si austĂšre, qu’une page impure ou mauvaise n’eĂ»t pu dĂ©sormais me sĂ©duire. Mon instinct d’enfant, ma prĂ©cocitĂ©, tout mon passĂ© veillaient sur moi ; et maintenant ma conscience m’éclairait toute ma vie passĂ©e. En effet, presque chacune des pages que je lisais m’était dĂ©jĂ  connue, semblait dĂ©jĂ  vĂ©cue, comme si toutes ces passions, toute cette vie qui se dressaient devant moi sous des formes inattendues, en des tableaux merveilleux, je les avais dĂ©jĂ  Ă©prouvĂ©es. Et comment pouvais-je ne pas ĂȘtre entraĂźnĂ©e jusqu’à l’oubli du prĂ©sent, jusqu’à l’oubli de la rĂ©alitĂ©, quand, devant moi dans chaque livre que je lisais, se dressaient les lois d’une mĂȘme destinĂ©e, le mĂȘme esprit d’aventure qui rĂšgnent sur la vie de l’homme, mais qui dĂ©coulent de la loi fondamentale de la vie humaine et sont la condition de son salut et de son bonheur ! C’est cette loi que je soupçonnais, que je tĂąchais de deviner par toutes mes forces, par tous mes instincts, puis presque par un sentiment de sauvegarde. On avait l’air de me prĂ©venir, comme s’il y avait en mon Ăąme quelque chose de prophĂ©tique, et chaque jour l’espoir grandissait, tandis qu’en mĂȘme temps croissait de plus en plus mon dĂ©sir de me jeter dans cet avenir, dans cette vie. Mais, comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, ma fantaisie l’emportait sur mon impatience, et, en vĂ©ritĂ©, je n’étais trĂšs hardie qu’en rĂȘve ; dans la rĂ©alitĂ©, je demeurais instinctivement timide devant l’avenir.
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Elle se mordit la langue quand Thorn pressa sa bouche contre la sienne. Sur le moment, elle ne comprit plus rien. Elle sentit sa barbe lui piquer le menton, son odeur de dĂ©sinfectant lui monter Ă  la tĂȘte, mais la seule pensĂ©e qui la traversa, stupide et Ă©vidente, fut quenelle avait une botte plantĂ©e dans son tibia. Elle voulut se reculer; Thorn l’en empĂȘcha. Il referma ses mains de part et d’autre de son visage, les doigts dans ses cheveux, prenant appui sur sa nuque avec une urgence qui les dĂ©sĂ©quilibra tous les deux. La bibliothĂšque dĂ©versa une pluie de documents sur eux. Quand Thorn s’écarte finalement, le souffle court, ce fut pour clouer un regard de fer dans ses lunettes. - je vous prĂ©viens. Les mots que vous m’avez dits, je ne vous laisserai pas revenir dessus. Sa voix Ă©tait Ăąpre, mais sous l’autoritĂ© des paroles il y avait comme une fĂȘlure. OphĂ©lie pouvait percevoir le pouls prĂ©cipitĂ© des mains qu’il appuyait maladroitement sur ses joues. Elle devait reconnaĂźtre que son propre cƓur jouait Ă  la balançoire. Thorn Ă©tait sans doute l’homme le plus dĂ©concertant qu’elle avait jamais rencontrĂ©, mais il l’a faisait se sentir formidablement vivante. - je vous aime, rĂ©pĂ©ta-y-elle d’un ton inflexible. C’est ce que j’aurais du vous rĂ©pondre quand vous vouliez connaĂźtre la raison de ma prĂ©sence Ă  Babel c’est ce que j’en aurais du vous rĂ©pondre chaque fois que vous vouliez savoir ce que j’en avais vraiment Ă  vous dire. Bien sĂ»r que je dĂ©sire percer les mystĂšres de Dieu et reprendre le contrĂŽle de ma vie, mais... vous faites partie de ma vie, justement. Je vous ai traitĂ© d’égoĂŻste et Ă  aucun moment je ne me suis mise, moi, Ă  votre place. Je vous demande pardon. 
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Dabos Christelle
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Elle passa la main sur son front, s’obligeant Ă  respirer avec lenteur pour chasser le cauchemar qui pulsait encore dans chacune des fibres de son corps. Elle se leva sans bruit. — Que t’arrive-t-il ? murmura Salim prĂšs d’elle. — Un mauvais rĂȘve. Je vais marcher un peu. Pour oublier... — Je viens. Ce n’était pas une question ni mĂȘme une proposition. Aussi silencieux l’un que l’autre, ils s’éloignĂšrent du tas de cendres qui rougeoyait toujours. Ils n’avaient pas fait trois pas que la voix d’Edwin s’éleva. Parfaitement Ă©veillĂ©e. — Ne dĂ©passez pas la limite des arbres. Puis celle d’Ellana. Gouailleuse. — Ni les autres. Salim n’eut pas le temps de trouver une rĂ©plique. — Les limites exister pour ĂȘtre dĂ©passĂ©es ! — Et si vous fichiez la paix Ă  ces jeunes gens ? Chiam et Erylis ! Son cauchemar eĂ»t-il Ă©tĂ© moins prĂ©gnant, Ewilan aurait Ă©clatĂ© de rire.
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Pierre Bottero (L'ƒil d'Otolep (Les Mondes d'Ewilan, #2))
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Je ne vous en veux pas, dit-il. Rodolphe Ă©tait restĂ© muet. Et Charles, la tĂȘte dans ses deux mains, reprit d’une voix Ă©teinte et avec l’accent rĂ©signĂ© des douleurs infinies : – Non, je ne vous en veux plus ! Il ajouta mĂȘme un grand mot, le seul qu’il ait jamais dit : – C’est la faute de la fatalité ! Rodolphe, qui avait conduit cette fatalitĂ©, le trouva bien dĂ©bonnaire pour un homme dans sa situation, comique mĂȘme, et un peu vil.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Il renversa la tĂȘte, il ajouta entre ses dents;«Nom d'un chien, c'est encore noir! J'ai ce sacrĂ© Delacroix dans l'Ɠil. Et ça, tiens! cette main-lĂ , c'est du Courbet... Ah! nous y trempons tous, dans la sauce romantique. Notre jeunesse y a trop barbotĂ©, nous en sommes barbouillĂ©s jusqu'au menton. Il nous faudra une fameuse lessive.» Sandoz haussa dĂ©sespĂ©rĂ©ment les Ă©paules: lui aussi se lamentait d'ĂȘtre nĂ© au confluent d'Hugo et de Balzac.
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Émile Zola (The Masterpiece (Les Rougon-Macquart, #14))
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Quelquefois aussi, figurait un monsieur, aristocrate humble d’allures, disant des choses plĂ©bĂ©iennes, et qui ne s’était pas lavĂ© les mains pour les faire paraĂźtre calleuses. Un patriote le reconnaissait, les plus vertueux le houspillaient ; et il sortait la rage dans l’ñme. On devait, par affectation de bon sens, dĂ©nigrer toujours les avocats, et servir le plus souvent possible ces locutions : » apporter sa pierre Ă  l’édifice, - problĂšme social, - atelier. »
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Gustave Flaubert (Sentimental Education)
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Les passantes : Je veux dĂ©dier ce poĂšme A toutes les femmes qu'on aime Pendant quelques instants secrets A celles qu'on connait Ă  peine Qu'un destin diffĂ©rent entraine Et qu'on ne retrouve jamais ...... A la compagne de voyage Dont les yeux, charmant paysage Font apparaitre court le chemin Qu'on est seul, peut-ĂȘtre Ă  comprendre Et qu'on laisse pourtant descendre Sans avoir effleurĂ© sa main. .... ChĂšres images aperçues EspĂ©rances d'un jour deçues Vous serez dans l'oubli demain Pour peu que le bonheur survienne Il est rare qu'on se souvienne Des Ă©pisodes du chemin. Mais si lon a manquĂ© sa vie On songe avec un peu d'envie A tous ces bonheurs entrevus Aux baisers qu'on n'osa pas prendre Aux coeurs qui doivent vous attendre Aux yeux qu'on n'a jamais revus. Alors aux soirs de lassitude Tout en peuplant sa solitude Des fantĂŽmes du souvenir On pleure les lĂšvres absentes De toutes ces belles passantes Que l'on n'a pas su retenir.
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Antoine Polin
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Elles disent, malheureuse, ils t'ont chassée du monde des signes, et cependant ils t'ont donné des noms, ils t'ont appelée esclave, toi malheureuse esclave. Comme des maßtres ils ont exercé leur droit de maßtre. Ils écrivent de ce droit de donner des noms qu'il va si loin que l'on peut considérer l'origine du langage comme un acte d'autorité émanant de ceux qui dominent. Ainsi ils disent qu'ils ont dit, ceci est telle ou telle chose, ils ont attaché à un objet et à un fait tel vocable et par là ils se le sont pour ainsi dire appropriés. Elles disent, ce faisant ils ont gueulé hurlé de toutes leurs forces pour te réduire au silence. Elles disent, le langage que tu parles t'empoisonne la glotte la langue le palais les lÚvres. Elles disent le langage que tu parles est fait de mots qui te tuent. Elles disent, le langage que tu parles est fait de signes qui à proprement parler désignent ce qu'ils se sont appropriés. Ce sur quoi ils n'ont pas mis la main, ce sur quoi ils n'ont pas fondu comme des rapaces aux yeux multiples, cela n'apparaßt pas dans le langage que tu parles. Cela se manifeste juste dans l'intervalle que les maßtres n'ont pas pu combler avec leurs mots de propriétaires et de possesseurs, cela peut se chercher dans la lacune, dans tout ce qui n'est pas la continuité de leurs discours, dans le zéro, le O, le cercle parfait que tu inventes pour les emprisonner et pour les vaincre.
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Monique Wittig (Les GuérillÚres)
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Je suis encore un homme jeune, et pourtant, quand je songe Ă  ma vie, c’est comme une bouteille dans laquelle on aurait voulu faire entrer plus qu’elle ne peut contenir. Est-ce le cas pour toute vie humaine, ou suis-je nĂ© dans une Ă©poque qui repousse toute limite et qui bat les existences comme les cartes d’un grand jeu de hasard ? Moi, je ne demandais pas grand-chose. J'aurais aimĂ© ne jamais quitter le village. Les montagnes, les bois, nos riviĂšres, tout cela m’aurait suffi. J’aurais aimĂ© ĂȘtre tenu loin de la rumeur du monde, mais autour de moi bien des peuples se sont entretuĂ©s. Bien des pays sont morts et ne sont plus que des noms dans les livres d’Histoire. Certains en ont dĂ©vorĂ© d’autres, les ont Ă©ventrĂ©s, violĂ©s, souillĂ©s. Et ce qui est juste n’a pas toujours triomphĂ© de ce qui est sale. Pourquoi ai-je dĂ», comme des milliers d’autres hommes, porter une croix que je n’avais pas choisie, endurer un calvaire qui n’était pas fait pour mes Ă©paules et qui ne me concernait pas? Qui a donc dĂ©cidĂ© de venir fouiller mon obscure existence, de dĂ©terrer ma maigre tranquillitĂ©, mon anonymat gris, pour me lancer comme une boule folle et minuscule dans un immense jeu de quilles? Dieu? Mais alors, s’Il existe, s’Il existe vraiment, qu’Il se cache. Qu’Il pose Ses deux mains sur Sa tĂȘte, et qu’Il la courbe. Peut-ĂȘtre, comme nous l'apprenait jadis Peiper, que beaucoup d’hommes ne sont pas dignes de Lui, mais aujourd’hui je sais aussi qu’Il n'est pas digne de la plupart d’entre nous, et que si la crĂ©ature a pu engendrer l’horreur c’est uniquement parce que son CrĂ©ateur lui en a soufflĂ© la recette.
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Philippe Claudel (Brodeck)
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C'est le crime de notre société. Sa "politique de la vieillesse" est scandaleuse. Mais le traitement le plus scandaleux encore est le traitement qu'elle inflige à la majorité des hommes au temps de leur jeunesse et de leur maturité. Elle préfabrique la condition mutilée et misérable qui est leur lot dans leur dernier ùge. C'est par sa faute que la déchéance sénile commence prématurément, qu'elle est rapide, physiquement douloureuse, moralement affreuse parce qu'ils l'abordent les mains vides. Des individus exploités, aliénés, quand leurs forces les quittent, deviennent fatalement des "rebuts", des "déchets".
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Simone de Beauvoir (La vieillesse I Simone de Beauvoir)
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finalement, Ă©perdu d'amour et au comble de la frĂ©nĂ©sie Ă©rotique, je m'assis dans l'herbe et j'enlevai un de mes souliers en caoutchouc. — Je vais le manger pour toi, si tu veux. Si elle le voulait I Ha! Mais bien sĂ»r qu'elle le voulait, voyons! C'Ă©tait une vraie petite femme. --- Elle posa son cerceau par terre et s'assit sur ses ta-lons. Je crus voir dans ses yeux une lueur d'estime. Je n'en demandais pas plus. Je pris mon canif et enta-mai le caoutchouc. Elle me regardait faire. — Tu vas le manger cru ? — Oui. J'avalai un morceau, puis un autre. Sous son regard enfin admiratif, je me sentais devenir vraiment un homme. Et j'avais raison. Je venais de faire mon apprentissage. J'entamai le caoutchouc encore plus profondĂ©ment, soufflant un peu, entre les bouchĂ©es, et je continuai ainsi un bon moment, jusqu'Ă  ce qu'une sueur froide me montĂąt au front. Je continuai mĂȘme un peu au-delĂ , serrant les dents, luttant contre la nausĂ©e, ramassant toutes mes forces pour demeurer sur le terrain, comme il me fallut le faire tant de fois, depuis, dans mon mĂ©tier d'homme. Je fus trĂšs malade, on me transporta Ă  l'hĂŽpital, ma mĂšre sanglotait, Aniela hurlait, les filles de l'atelier geignaient, pendant qu'on me mettait sur un brancard dans l'ambulance. J'Ă©tais trĂšs fier de moi. Mon amour d'enfant m'inspira vingt ans plus tard mon premier roman Éducation europĂ©enne, et aussi certains passages du Grand Vestiaire. Pendant longtemps, Ă  travers mes pĂ©rĂ©grinations, j'ai transportĂ© avec moi un soulier d'enfant en caoutchouc, entamĂ© au couteau. J'avais vingt-cinq ans, puis trente, puis quarante, mais le soulier Ă©tait toujours lĂ , Ă  portĂ©e de la main. J'Ă©tais toujours prĂȘt Ă  m'y attabler, Ă  donner, une fois de plus, le meilleur de moi-mĂȘme. Ça ne s'est pas trouvĂ©. Finalement, j'ai abandonnĂ© le soulier quelque part derriĂšre moi. On ne vit pas deux fois. (La promesse de l'aube, ch. XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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GĂ©nĂ©ralement il exprimait ses idĂ©es par de petites phrases sentencieuses et dites d'une voix douce. Depuis la RĂ©volution, Ă©poque Ă  laquelle il attira les regards, le bonhomme bĂ©gayait d'une maniĂšre fatigante aussitĂŽt qu'il avait Ă  discourir longuement ou Ă  soutenir une discussion. Ce bredouillement, l'incohĂ©rence de ses paroles, le flux de mots oĂč il noyait sa pensĂ©e, son manque apparent de logique attribuĂ©s Ă  un dĂ©faut d'Ă©ducation Ă©taient affectĂ©s et seront suffisamment expliquĂ©s par quelques Ă©vĂ©nements de cette histoire. D'ailleurs, quatre phrases exactes autant que des formules algĂ©briques lui servaient habituellement Ă  embrasser, Ă  rĂ©soudre toutes les difficultĂ©s de la vie et du commerce : Je ne sais pas, je ne puis pas, je ne veux pas, nous venons cela. Il ne disait jamais ni oui ni non, et n'Ă©crivait point. Lui parlait-on ? il Ă©coutait froidement, se tenait le menton dans la main droite en appuyant son coude droit sur le revers de la main gauche, et se formait en toute affaire des opinions desquelles il ne revenait point. Il mĂ©ditait longuement les moindres marchĂ©s. Quand, aprĂšs une savante conversation, son adversaire lui avait livrĂ© le secret de ses prĂ©tentions en croyant le tenir, il lui rĂ©pondait : - Je ne puis rien conclure sans avoir consultĂ© ma femme.
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Honoré de Balzac
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En cette perpĂ©tuelle bataille que l'on appelle vivre, on cherche Ă  Ă©tablir un code de comportement adaptĂ© Ă  la sociĂ©tĂ©, communiste ou prĂ©tendument libre, dans laquelle on a Ă©tĂ© Ă©levĂ©. Nous obĂ©issons Ă  certaines rĂšgles de conduite, en tant qu'elles sont parties intĂ©grantes de notre tradition, hindoue, islamique, chrĂ©tienne ou autre. Nous avons recours Ă  autrui pour distinguer la bonne et la mauvaise façon d'agir, la bonne et la mauvaise façon de penser. En nous y conformant, notre action et notre pensĂ©e deviennent mĂ©caniques, nos rĂ©actions deviennent automatiques. Nous pouvons facilement le constater en nous-mĂȘmes. Depuis des siĂšcles, nous nous faisons alimenter par nos maĂźtres, par nos autoritĂ©s, par nos livres, par nos saints, leur demandant de nous rĂ©vĂ©ler tout ce qui existe au-delĂ  des collines, au-delĂ  des montagnes, audelĂ  de la Terre. Si leurs rĂ©cits nous satisfont, c'est que nous vivons de mots et que notre vie est creuse et vide : une vie, pour ainsi dire de « seconde main ». Nous avons vĂ©cu de ce que l'on nous a dit, soit Ă  cause de nos tendances, de nos inclinations, soit parce que les circonstances et le milieu nous y ont contraints. Ainsi, nous sommes la rĂ©sultante de toutes sortes d'influences et il n'y a rien de neuf en nous, rien que nous ayons dĂ©couvert par nous-mĂȘmes, rien d'originel, de non corrompu, de clair.
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J. Krishnamurti
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Cette sociĂ©tĂ©, que j'ai remarquĂ©e la premiĂšre dans ma vie, est aussi la premiĂšre qui ait disparu Ă  mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bĂ©nĂ©diction, le rendre peu Ă  peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand'mĂšre forcĂ©e de renoncer Ă  son quadrille, faute des partners accoutumĂ©s; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour oĂč mon aĂŻeule tomba la derniĂšre. Elle et sa sƓur s'Ă©taient promis de s'entre-appeler aussitĂŽt que l'une aurait devancĂ© l'autre; elles se tinrent parole, et madame de BedĂ©e ne survĂ©cut que peu de mois Ă  mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-ĂȘtre le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existĂ©. Vingt fois, depuis cette Ă©poque, j'ai fait la mĂȘme observation; vingt fois des sociĂ©tĂ©s se sont formĂ©es et dissoutes autour de moi. Cette impossibilitĂ© de durĂ©e et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'Ă©tend de lĂ  sur notre maison, me ramĂšnent sans cesse Ă  la nĂ©cessitĂ© de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fiĂšvre de la mort. Ah! qu'elle ne nous soit pas trop chĂšre! car comment abandonner sans dĂ©sespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir Ă©ternellement sur son cƓur?
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François-René de Chateaubriand (Mémoires d'Outre-Tombe)
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Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l’odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altĂ©rĂ© dans l’eau d’une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l’air. Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j’entends dans tes cheveux ! Mon Ăąme voyage sur le parfum comme l’ñme des autres hommes sur la musique. Tes cheveux contiennent tout un rĂȘve, plein de voilures et de mĂątures ; ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats, oĂč l’espace est plus bleu et plus profond, oĂč l’atmosphĂšre est parfumĂ©e par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine.
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Charles Baudelaire
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Voisine Je peux rester des aprĂšs-midi entiers Ă  regarder cette fille, cachĂ© derriĂšre mon rideau. Je me demande ce qu'elle peut Ă©crire sur son ordinateur. A quoi elle pense quand elle regarde par la fenĂȘtre. Je me demande ce qu'elle mange, ce qu'elle utilise comme dentifrice, ce qu'elle Ă©coute comme musique. Un jour, je l'ai vue danser toute seule. Je me demande si elle a des frĂšres et sƓurs, si elle met la radio quand elle se lĂšve le matin, si elle prĂ©fĂšre l'Espagne ou l'Italie, si elle garde son mouchoir en boule dans sa main quand elle pleure et si elle aime Thomas Bernhard. Je me demande comment elle dort et comment elle jouit. Je me demande comment est son corps de prĂšs. Je me demande si elle s'Ă©pile ou si au contraire elle a une grosse toison. Je me demande si elle lit des livres en anglais. Je me demande ce qui la fait rire, ce qui la met hors d'elle, ce qui la touche et si elle a du goĂ»t. Qu'est-ce qu'elle peut bien en penser, cette fille, de la hausse du baril de pĂ©trole et des Farc, et que dans trente ans il n'y aura sans doute plus de gorilles dans les montagnes du Rwanda ? Je me demande Ă  quoi elle pense quand je la vois fumer sur son canapĂ©, et ce qu'elle fume comme cigarettes. Est-ce que ça lui pĂšse d'ĂȘtre seule ? Est-ce qu'elle a un homme dans sa vie ? Et si c'est le cas, pourquoi c'est elle qui va toujours chez lui ? Pourquoi il n'y a jamais d'homme chez elle ? Je me demande comment elle se voit dans vingt ans. Je me demande quel sens elle donne Ă  sa vie. Qu'est-ce qu'elle pense de sa vie quand elle est comme ça, toute seule, chez elle ? Si ça se trouve, elle n'a aucun intĂ©rĂȘt, cette fille.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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Un grondement montait de la grille oĂč elle s'Ă©tait immobilisĂ©e. Des profondeurs souterraines Ă©manait le grincement des roues d'acier, puis soudain, plus proche, un tintamarre de klaxons, de crissements de pneus et de freins, de heurts de pare-chocs se dĂ©chaĂźna. Pivotant sur elle-mĂȘme, elle vit des conducteurs vitupĂ©rant Clyde qui traversait en zigzag Ă  toute vitesse. Il lui attrapa la main et ils se mirent Ă  courir, jusqu'Ă  une paisible ruelle latĂ©rale qu'adoucissait encore une rangĂ©e d'arbres. Quand il s'arrĂȘtĂšrent essoufflĂ©s pour s'appuyer contre un mur, il lui glissa dans les mains un petit bouquet de violettes. Elle n'eut pas besoin de les regarder pour savoir qu'il les avait volĂ©es, comme si elle avait assistĂ© Ă  la scĂšne. Les fleurs contenaient l'Ă©tĂ© tout entier, avec ses ombres et ses lumiĂšres gravĂ©es dans les feuilles, et elle en pressa toute la fraĂźcheur contre sa joue.
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Truman Capote (Summer Crossing)
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LA LUNE I Jeanne songeait, sur l'herbe assise, grave et rose; Je m'approchai:-Dis-moi si tu veux quelque chose, Jeanne ?-car j'obĂ©is Ă  ces charmants amours, Je les guette, et je cherche Ă  comprendre toujours Tout ce qui peut passer par ces divines tĂȘtes. Jeanne m'a rĂ©pondu:-Je voudrais voir des bĂȘtes. Alors je lui montrai dans l'herbe une fourmi. -Vois ! Mais Jeanne ne fut contente qu'Ă  demi. -Non, les bĂȘtes, c'est gros, me dit-elle. Leur rĂȘve, C'est le grand. L'OcĂ©an les attire Ă  sa grĂšve, Les berçant de son chant rauque, et les captivant Par l'ombre, et par la fuite effrayante du vent; Ils aiment l'Ă©pouvante, il leur faut le prodige. -Je n'ai pas d'Ă©lĂ©phant sous la main, rĂ©pondis-je. Veux-tu quelque autre chose ? ĂŽ Jeanne, on te le doit ! Parle.-Alors Jeanne au ciel leva son petit doigt. -Ça, dit-elle.-C'Ă©tait l'heure oĂč le soir commence. Je vis Ă  l'horizon surgir la lune immense.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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III Ah ! vous voulez la lune ? OĂč ? dans le fond du puits ? Non; dans le ciel. Eh bien, essayons. Je ne puis. Et c'est ainsi toujours. Chers petits, il vous passe Par l'esprit de vouloir la lune, et dans l'espace J'Ă©tends mes mains, tĂąchant de prendre au vol PhoebĂ©. L'adorable hasard d'ĂȘtre aĂŻeul est tombĂ© Sur ma tĂȘte, et m'a fait une douce fĂȘlure. Je sens en vous voyant que le sort put m'exclure Du bonheur, sans m'avoir tout Ă  fait abattu. Mais causons. Voyez-vous, vois-tu, Georges, vois-tu, Jeanne ? Dieu nous connaĂźt, et sait ce qu'ose faire Un aĂŻeul, car il est lui-mĂȘme un peu grand-pĂšre; Le bon Dieu, qui toujours contre nous se dĂ©fend, Craint ceci: le vieillard qui veut plaire Ă  l'enfant; Il sait que c'est ma loi qui sort de votre bouche, Et que j'obĂ©irais; il ne veut pas qu'on touche Aux Ă©toiles, et c'est pour en ĂȘtre bien sĂ»r Qu'il les accroche aux clous les plus hauts de l'azur.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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« Écoute, Egor PĂ©trovitch, lui dit-il. Qu’est ce que tu fais de toi ? Tu te perds seulement avec ton dĂ©sespoir. Tu n’as ni patience ni courage. Maintenant, dans un accĂšs de tristesse, tu dis que tu n’as pas de talent. Ce n’est pas vrai. Tu as du talent ; je t’assure que tu en as. Je le vois rien qu’à la façon dont tu sens et comprends l’art. Je te le prouverai par toute ta vie. Tu m’as racontĂ© ta vie d’autrefois. À cette Ă©poque aussi le dĂ©sespoirte visitait sans que tu t’en rendisses compte. À cette Ă©poque aussi, ton premier maĂźtre, cet homme Ă©trange, dont tu m’as tant parlĂ©, a Ă©veillĂ© en toi, pour la premiĂšre fois, l’amour de l’art et a devinĂ© ton talent. Tu l’as senti alors aussi fortement que maintenant. Mais tu ne savais pas ce qui se passait en toi. Tu ne pouvais pas vivre dans la maison du propriĂ©taire, et tu ne savais toi-mĂȘme ce que tu dĂ©sirais. Ton maĂźtre est mort trop tĂŽt. Il t’a laissĂ© seulement avec des aspirations vagues et, surtout, il ne t’a pas expliquĂ© toimĂȘme. Tu sentais le besoin d’une autre route plus large, tu pressentais que d’autres buts t’étaient destinĂ©s, mais tu ne comprenais pas comment tout cela se ferait et, dans ton angoisse, tu as haĂŻ tout ce qui t’entourait alors. Tes six annĂ©es de misĂšre ne sont pas perdues. Tu as travaillĂ©, pensĂ©, tu as reconnu et toi-mĂȘme et tes forces ; tu comprends maintenant l’art et ta destination. Mon ami, il faut avoir de la patience et du courage. Un sort plus enviĂ© que le mien t’est rĂ©servĂ©. Tu es cent fois plus artiste que moi, mais que Dieu te donne mĂȘme la dixiĂšme partie de ma patience. Travaille, ne bois pas, comme te le disait ton bonpropriĂ©taire, et, principalement, commence par l’a, b, c. « Qu’est-ce qui te tourmente ? La pauvretĂ©, la misĂšre ? Mais la pauvretĂ© et la misĂšre forment l’artiste. Elles sont insĂ©parables des dĂ©buts. Maintenant personne n’a encore besoin de toi ; personne ne veut te connaĂźtre. Ainsi va le monde. Attends, ce sera autre chose quand on saura que tu as du talent. L’envie, la malignitĂ©, et surtout la bĂȘtise t’opprimeront plus fortement que la misĂšre. Le talent a besoin de sympathie ; il faut qu’on le comprenne. Et toi, tu verras quelles gens t’entoureront quand tu approcheras du but. Ils tĂącheront de regarder avec mĂ©pris ce qui s’est Ă©laborĂ© en toi au prix d’un pĂ©nible travail, des privations, des nuits sans sommeil. Tes futurs camarades ne t’encourageront pas, ne te consoleront pas. Ils ne t’indiqueront pas ce qui en toi est bon et vrai. Avec une joie maligne ils relĂšveront chacune de tes fautes. Ils te montreront prĂ©cisĂ©ment ce qu’il y a de mauvais en toi, ce en quoi tu te trompes, et d’un air calme et mĂ©prisant ils fĂȘteront joyeusement chacune de tes erreurs. Toi, tu esorgueilleux et souvent Ă  tort. Il t’arrivera d’offenser une nullitĂ© qui a de l’amour-propre, et alors malheur Ă  toi : tu seras seul et ils seront plusieurs. Ils te tueront Ă  coups d’épingles. Moi mĂȘme, je commence Ă  Ă©prouver tout cela. Prends donc des forces dĂšs maintenant. Tu n’es pas encore si pauvre. Tu peux encore vivre ; ne nĂ©glige pas les besognes grossiĂšres, fends du bois, comme je l’ai fait un soir chez de pauvres gens. Mais tu es impatient ; l’impatience est ta maladie. Tu n’as pas assez de simplicitĂ© ; tu ruses trop, tu rĂ©flĂ©chis trop, tu fais trop travailler ta tĂȘte. Tu es audacieux en paroles et lĂąche quand il faut prendra l’archet en main. Tu as beaucoup d’amour-propre et peu de hardiesse. Sois plus hardi, attends, apprends, et si tu ne comptes pas sur tes forces, alors va au hasard ; tu as de la chaleur, du sentiment, peut-ĂȘtre arriveras-tu au but. Sinon, va quand mĂȘme au hasard. En tout cas tu ne perdras rien, si le gain est trop grand. Vois-tu, aussi, le hasard pour nous est une grande chose. »
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Il devint ainsi un de ces ouvriers savants qui savent Ă  peine signer leur nom et qui parlent de l'algĂšbre comme d'une personne de leur connaissance. Rien ne dĂ©traque autant un esprit qu'une pareille instruction, faite Ă  bĂątons rompus, ne reposant sur aucune base solide. Le plus souvent, ces miettes de science donnent une idĂ©e absolument fausse des hautes vĂ©ritĂ©s, et rendent les pauvres d'esprit insupportables de carrure bĂȘte. Chez SilvĂšre, les bribes de savoir volĂ© ne firent qu'accroĂźtre les exaltations gĂ©nĂ©reuses. Il eut conscience des horizons qui lui restaient fermĂ©s. Il se fit une idĂ©e sainte de ces choses qu'il n'arrivait pas Ă  toucher de la main, et il vĂ©cut dans une profonde et innocente religion des grandes pensĂ©es et des grands mots vers lesquels il se haussait, sans toujours les comprendre. Ce fut un naĂŻf, un naĂŻf sublime, restĂ© sur le seuil du temple, Ă  genoux devant des cierges qu'il prenait de loin pour des Ă©toiles.
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Émile Zola (Emile Zola: Oeuvres complùtes - 101 titres et annexes)
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Tout ceci est anormal, mais aussi comprĂ©hensible. Ce qui, en revanche, ne peut se comprendre, c'est l'obstination agacĂ©e avec laquelle, pendant vingt ans, les Occidentaux ont refusĂ© non seulement d'apprendre la vĂ©ritĂ©, mais aussi de l'Ă©couter lorsque des voix, ici et lĂ , l'ont proclamĂ©e. Elle est, sans doute, peu flatteuse, cette vĂ©ritĂ©. Mais elle est, en mĂȘme temps, utile pour la comprĂ©hension du prĂ©sent et de l'avenir. A l'Ouest, les raisons de cette volontĂ© d'ignorer sont diffĂ©rentes de celles qu'on peut soupçonner en Roumanie ou ailleurs en Europe centrale et orientale. Les rĂ©sultats, eux, sont les mĂȘmes. Dans ces contrĂ©es, lorsque quelqu'un vous tend la main, vous ne pouvez pas savoir si cette main ne commettait pas, il y a vingt ans, les pires abominations. C'est l'effet le plus insupportable de ces pseudo-rĂ©volutions suivies de pseudo-changements. Il est certain qu'en les prĂ©parant, les metteurs en scĂšne se moquaient des susceptibilitĂ©s morales.
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Radu Portocală (Autopsie du coup d'état roumain : Au pays du mensonge triomphant (Histoire contemporaine))
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Je prendrai par la main les deux petits enfants; J'aime les bois oĂč sont les chevreuils et les faons, OĂč les cerfs tachetĂ©s suivent les biches blanches Et se dressent dans l'ombre effrayĂ©s par les branches; Car les fauves sont pleins d'une telle vapeur Que le frais tremblement des feuilles leur fait peur. Les arbres ont cela de profond qu'ils vous montrent Que l'Ă©den seul est vrai, que les coeurs s'y rencontrent, Et que, hors les amours et les nids, tout est vain; ThĂ©ocrite souvent dans le hallier divin Crut entendre marcher doucement la mĂ©nade. C'est lĂ  que je ferai ma lente promenade Avec les deux marmots. J'entendrai tour Ă  tour Ce que Georges conseille Ă  Jeanne, doux amour, Et ce que Jeanne enseigne Ă  George. En patriarche Que mĂšnent les enfants, je rĂ©glerai ma marche Sur le temps que prendront leurs jeux et leurs repas, Et sur la petitesse aimable de leurs pas. Ils cueilleront des fleurs, ils mangeront des mĂ»res. Ô vaste apaisement des forĂȘts ! ĂŽ murmures ! Avril vient calmer tout, venant tout embaumer. Je n'ai point d'autre affaire ici-bas que d'aimer.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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JULIETTE. — A quelle heure enverrai-je vers toi, demain ? ROMÉO. — À neuf heures. JULIETTE. — Je n’y manquerai pas. D’ici Ă  ce moment, il va s’écouler vingt ans. J’ai oubliĂ© pourquoi je t’avais rappelĂ©. ROMÉO.— Permets-moi de rester ici jusqu’à ce que tu te le rappelles. JULIETTE. — J’oublierai encore, afin de te faire rester, et ne me souviendrai que de l’amour que j’ai pour ta compagnie. ROMÉO. — Et moi je resterai, pour te faire oublier encore, oublieux moi-mĂȘme que j’ai un autre logis que ce jardin JULIETTE. — Il est presque matin ; je voudrais que tu fusses parti, et cependant pas plus loin que l’oiseau d’une jeune folle qui le laisse s’éloigner un peu de sa main, pareil Ă  un pauvre prisonnier dans ses entraves, et qui le ramĂšne avec un fil de soie, tant elle est amoureusement jalouse de sa libertĂ©. ROMÉO. — Je voudrais ĂȘtre ton oiseau. JULIETTE. — ChĂ©ri, je le voudrais aussi : cependant, je te tuerais par trop de caresses. Ronne nuit ! bonne nuit ! la sĂ©paration est une si dĂ©licieuse douleur que je dirais bonne nuit jusqu’à demain. (Elle, se retire de la fenĂȘtre.) ROMÉO. — Que le sommeil descende sur tes yeux et la paix dans ton sein ! Que ne suis-je le sommeil et la paix pour goĂ»ter un si doux repos ! Je vais d’ici me rentre Ă  la cellule de mon pieux confesseur, pour implorer son aide, et lui dire mon heureuse fortune. (Il sort.)
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William Shakespeare (Romeo & Juliet)
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Violettes sauvages La fĂ©e du printemps, cette annĂ©e aussi, de banalitĂ©s plein le sac, s’est prĂ©sentĂ©e, malgrĂ© cela, nous nous sommes rĂ©jouis comme si pour la premiĂšre fois elle Ă©tait arrivĂ©e. En me grondant moi-mĂȘme, enfin, car je risquais d’abĂźmer mes souliers dans la boue, je suis allĂ©e voir quelles fleurs Ă©taient en train d’éclore dans le vaste parc, tout prĂšs de chez nous. C’était depuis longtemps que je n’avais plus senti ce dĂ©sir de vivre, cette hĂąte fĂ©brile, j’avais l’impression que sous mes pieds a frĂ©mi la terre que le soleil saurait rendre fertile. Les arbres nus me semblaient tout Ă  fait charmants, j’aurais voulu les prendre dans mes bras, les [embrasser]. Je passais prĂšs d’eux, comme ça, auparavant, autant de fois, mais sans vraiment les regarder. Difficile Ă  dire pourquoi Ă©tait si beau le ciel bleu comme les robes dont se lavent les couleurs, je l’ai regardĂ©, la tĂȘte renversĂ©e vers le dos, et je l’ai trouvĂ© absolument enchanteur. Ensuite, j’ai dĂ©couvert les violettes sauvages, prĂšs d’un chĂȘne : elles Ă©taient dĂ©licates et bleues, des miettes de ciel dont le printemps de passage nous fait don, parmi les troncs ombrageux. Le cƓur battant vite, je me suis inclinĂ©e, j’étais sur le point de toucher Ă  leurs feuilles, et je ne sais pourquoi, par l’esprit m’est passĂ©e l’idĂ©e que le verre n’est pour elles qu’un cercueil. Vers la maison, je suis revenue, les pas alourdis par un fatiguĂ© bonheur, et si mes mains Ă©taient aussi vides qu’au dĂ©but, j’avais des violettes sauvages dans le cƓur. (traduit par Elisabeta Isanos)
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Magda Isanos
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TOUZENBACH Si vous voulez. De quoi parlerons-nous ? VERCHININE De quoi ? RĂȘvons ensemble... par exemple de la vie telle qu’elle sera aprĂšs nous, dans deux ou trois cents ans. TOUZENBACH Eh bien, aprĂšs nous on s’envolera en ballon, on changera la coupe des vestons, on dĂ©couvrira peut-ĂȘtre un sixiĂšme sens, qu’on dĂ©veloppera, mais la vie restera la mĂȘme, un vie difficile, pleine de mystĂšre, et heureuse. Et dans mille ans, l’homme soupirera comme aujourd’hui : « Ah ! qu’il est difficile de vivre ! » Et il aura toujours peur de la mort et ne voudra pas mourir. VERCHININE, aprĂšs avoir rĂ©flĂ©chi. Comment vous expliquer ? Il me semble que tout va se transformer peu Ă  peu, que le changement s’accomplit dĂ©jĂ , sous nos yeux. Dans deux ou trois cents ans, dans mille ans peut-ĂȘtre, peu importe le dĂ©lai, s’établira une vie nouvelle, heureuse. Bien sĂ»r, nous ne serons plus lĂ , mais c’est pour cela que nous vivons, travaillons, souffrons enfin, c’est nous qui la crĂ©ons, c’est mĂȘme le seul but de notre existence, et si vous voulez, de notre bonheur. Macha rit doucement. TOUZENBACH Pourquoi riez-vous ? MACHA Je ne sais pas. Je ris depuis ce matin. VERCHININE J’ai fait les mĂȘmes Ă©tudes que vous, je n’ai pas Ă©tĂ© Ă  l’AcadĂ©mie militaire. Je lis beaucoup, mais je ne sais pas choisir mes lectures, peut-ĂȘtre devrais-je lire tout autre chose ; et cependant, plus je vis, plus j’ai envie de savoir. Mes cheveux blanchissent, bientĂŽt je serai vieux, et je ne sais que peu, oh ! trĂšs peu de chose. Pourtant, il me semble que je sais l’essentiel, et que je le sais avec certitude. Comme je voudrais vous prouver qu’il n’y a pas, qu’il ne doit pas y avoir de bonheur pour nous, que nous ne le connaĂźtrons jamais... Pour nous, il n’y a que le travail, rien que le travail, le bonheur, il sera pour nos lointains descendants. (Un temps.) Le bonheur n’est pas pour moi, mais pour les enfants de mes enfants. TOUZENBACH Alors, d’aprĂšs vous, il ne faut mĂȘme pas rĂȘver au bonheur ? Mais si je suis heureux ? VERCHININE Non. TOUZENBACH, joignant les mains et riant. Visiblement, nous ne nous comprenons pas. Comment vous convaincre ? (Macha rit doucement. Il lui montre son index.) Eh bien, riez ! (À Verchinine :) Non seulement dans deux ou trois cents ans, mais dans un million d’annĂ©es, la vie sera encore la mĂȘme ; elle ne change pas, elle est immuable, conforme Ă  ses propres lois, qui ne nous concernent pas, ou dont nous ne saurons jamais rien. Les oiseaux migrateurs, les cigognes, par exemple, doivent voler, et quelles que soient les pensĂ©es, sublimes ou insignifiantes, qui leur passent par la tĂȘte, elles volent sans relĂąche, sans savoir pourquoi, ni oĂč elles vont. Elles volent et voleront, quels que soient les philosophes qu’il pourrait y avoir parmi elles ; elles peuvent toujours philosopher, si ça les amuse, pourvu qu’elles volent... MACHA Tout de mĂȘme, quel est le sens de tout cela ? TOUZENBACH Le sens... VoilĂ , il neige. OĂč est le sens ? MACHA Il me semble que l’homme doit avoir une foi, du moins en chercher une, sinon sa vie est complĂštement vide... Vivre et ignorer pourquoi les cigognes volent, pourquoi les enfants naissent, pourquoi il y a des Ă©toiles au ciel... Il faut savoir pourquoi l’on vit, ou alors tout n’est que balivernes et foutaises. Comme dit Gogol : « Il est ennuyeux de vivre en ce monde, messieurs. »
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Anton Chekhov (The Three Sisters)
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JEANNE ENDORMIE. -- I LA SIESTE Elle fait au milieu du jour son petit somme; Car l'enfant a besoin du rĂȘve plus que l'homme, Cette terre est si laide alors qu'on vient du ciel ! L'enfant cherche Ă  revoir ChĂ©rubin, Ariel, Ses camarades, Puck, Titania, les fĂ©es, Et ses mains quand il dort sont par Dieu rĂ©chauffĂ©es. Oh ! comme nous serions surpris si nous voyions, Au fond de ce sommeil sacrĂ©, plein de rayons, Ces paradis ouverts dans l'ombre, et ces passages D'Ă©toiles qui font signe aux enfants d'ĂȘtre sages, Ces apparitions, ces Ă©blouissements ! Donc, Ă  l'heure oĂč les feux du soleil sont calmants, Quand toute la nature Ă©coute et se recueille, Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille La plus tremblante oublie un instant de frĂ©mir, Jeanne a cette habitude aimable de dormir; Et la mĂšre un moment respire et se repose, Car on se lasse, mĂȘme Ă  servir une rose. Ses beaux petits pieds nus dont le pas est peu sĂ»r Dorment; et son berceau, qu'entoure un vague azur Ainsi qu'une aurĂ©ole entoure une immortelle, Semble un nuage fait avec de la dentelle; On croit, en la voyant dans ce frais berceau-lĂ , Voir une lueur rose au fond d'un falbala; On la contemple, on rit, on sent fuir la tristesse, Et c'est un astre, ayant de plus la petitesse; L'ombre, amoureuse d'elle, a l'air de l'adorer; Le vent retient son souffle et n'ose respirer. Soudain, dans l'humble et chaste alcĂŽve maternelle, Versant tout le matin qu'elle a dans sa prunelle, Elle ouvre la paupiĂšre, Ă©tend un bras charmant, Agite un pied, puis l'autre, et, si divinement Que des fronts dans l'azur se penchent pour l'entendre, Elle gazouille...-Alors, de sa voix la plus tendre, Couvrant des yeux l'enfant que Dieu fait rayonner, Cherchant le plus doux nom qu'elle puisse donner À sa joie, Ă  son ange en fleur, Ă  sa chimĂšre: -Te voilĂ  rĂ©veillĂ©e, horreur ! lui dit sa mĂšre.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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Il faut que je vous Ă©crive, mon aimable Charlotte, ici, dans la chambre d’une pauvre auberge de village, oĂč je me suis rĂ©fugiĂ© contre le mauvais temps. Dans ce triste gĂźte de D., oĂč je me traĂźne au milieu d’une foule Ă©trangĂšre, tout Ă  fait Ă©trangĂšre Ă  mes sentiments, je n’ai pas eu un moment, pas un seul, oĂč le cƓur in’ait dit de vous Ă©crire : et maintenant, dans cette cabane, dans cette solitude, dans cette prison, tandis que la neige et la grĂȘle se dĂ©chaĂźnent contre ma petite fenĂȘtre, ici, vous avez Ă©tĂ© ma premiĂšre pensĂ©e. DĂšs que je fus entrĂ©, votre image, ĂŽ Charlotte, votre pensĂ©e m’a saisi, si sainte, si vivante ! Bon Dieu, c’est le premier instant de bonheur que je retrouve. Si vous me voyiez, mon amie, dans ce torrent de dissipations ! Comme toute mon Ăąme se dessĂšche ! Pas un moment oĂč le cƓur soit plein ! pas une heure fortunĂ©e ! rien, rien ! Je suis lĂ  comme devant une chambre obscure : je vois de petits hommes et de petits chevaux tourner devant moi, et je me demande souvent si ce n’est pas une illusion d’optique. Je m’en amuse, ou plutĂŽt on s’amuse de moi comme d’une ma"rionnette ; je prends quelquefois mon voisin par sa main de bois, et je recule en frissonnant. Le soir, je fais le projet d’aller voir lever le soleil, et je reste au lit ; le jour, je me promets le plaisir du clair de lune, et je m’oublie dans ma chambre. Je ne sais trop pourquoi je me lĂšve, pourquoi je me coucha. Le levain qui faisait fermenter ma vie, je ne l’ai plus ; le charme qui me tenait Ă©veillĂ© dans les nuits profondes s’est Ă©vanoui ; l’enchantement qui, le matin, m’arrachait au sommeil a fui loin de moi. Je n’ai trouvĂ© ici qu’une femme, une seule, Mlle de B. Elle vous ressemble, ĂŽ Charlotte, si l’on peut vous ressembler. «.Eh quoi ? direz-vous, le voilĂ  qui fait de jolis compliments ! » Cela n’est pas tout Ă  fait imaginaire : depuis quelque temps je suis trĂšs-aimable, parce que je ne puis faire autre chose ; j’ai beaucoup d’esprit, at les dames disent que personne ne sait louer aussi finement
. «Ni mentir, ajouterez-vous, car l’un ne va pas sans l’autre, entendez-vous ?
 » Je voulais parler de Mlle B. Elle a beaucoup d’ñme, on le voit d’abord Ă  la flamme de ses yeux bleus. Son rang lui est Ă  charge ; il ne satisfait aucun des vƓux de son cƓur. Elle aspire Ă  sortir de ce tumulte, et nous rĂȘvons, des heures entiĂšres, au mijieu de scĂšnes champĂȘtres, un bonheur sans mĂ©lange ; hĂ©las ! nous rĂȘvons Ă  vous, Charlotte ! Que de fois n’est-elle pas obligĂ©e de vous rendre hommage !
 Non pas obligĂ©e : elle le fait de bon grĂ© ; elle entend volontiers parler de vous ; elle vous aime. Oh ! si j’étais assis Ă  vos pieds, dans la petite chambre, gracieuse et tranquille ! si nos chers petits jouaient ensemble autour de moi, et, quand leur bruit vous fatiguerait, si je pouvais les rassembler en cercle et les calmer avec une histoire effrayante ! Le soleil se couche avec magnificence sur la contrĂ©e Ă©blouissante de neige ; l’orage est passĂ© ; et moi
. il faut que je rentre dans ma cage
. Adieu. Albert est-il auprĂšs de vous ? Et comment ?
 Dieu veuille me pardonner cette question !
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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FRÈRE LAURENCE.—Un arrĂȘt moins rigoureux s’est Ă©chappĂ© de sa bouche: ce n’est pas la mort de ton corps, mais son bannissement. ROMÉO.—Ah! le bannissement! aie pitiĂ© de moi; dis la mort. L’aspect de l’exil porte avec lui plus de terreur, beaucoup plus que la mort. Ah! ne me dis pas que c’est le bannissement. FRÈRE LAURENCE.—Tu es banni de VĂ©rone. Prends patience; le monde est grand et vaste. ROMÉO.—Le monde n’existe pas hors des murs de VĂ©rone; ce n’est plus qu’un purgatoire, une torture, un vĂ©ritable enfer. Banni de ce lieu, je le suis du monde, c’est la mort. Oui, le bannissement, c’est la mort sous un faux nom; et ainsi, en nommant la mort un bannissement, tu me tranches la tĂȘte avec une hache d’or, et souris au coup qui m’assassine. FRÈRE LAURENCE.—O mortel pĂ©chĂ©! ĂŽ farouche ingratitude! Pour ta faute, notre loi demandait la mort; mais le prince indulgent, prenant ta dĂ©fense, a repoussĂ© de cĂŽtĂ© la loi, et a changĂ© ce mot funeste de mort en celui de bannissement: c’est une rare clĂ©mence, et tu ne veux pas la reconnaĂźtre. ROMÉO.—C’est un supplice et non une grĂące. Le ciel est ici, oĂč vit Juliette: les chats, les chiens, la moindre petite souris, tout ce qu’il y a de plus misĂ©rable vivra ici dans le ciel, pourra la voir; et RomĂ©o ne le peut plus! La mouche qui vit de charogne jouira d’une condition plus digne d’envie, plus honorable, plus relevĂ©e que RomĂ©o; elle pourra s’ébattre sur les blanches merveilles de la chĂšre main de Juliette, et dĂ©rober le bonheur des immortels sur ces lĂšvres oĂč la pure et virginale modestie entretient une perpĂ©tuelle rougeur, comme si les baisers qu’elles se donnent Ă©taient pour elles un pĂ©chĂ©; mais RomĂ©o ne le peut pas, il est banni! Ce que l’insecte peut librement voler, il faut que je vole pour le fuir; il est libre et je suis banni; et tu me diras encore que l’exil n’est pas la mort!
 N’as-tu pas quelque poison tout prĂ©parĂ©, quelque poignard affilĂ©, quelque moyen de mort soudaine, fĂ»t-ce la plus ignoble? Mais banni! me tuer ainsi! banni! O moine, quand ce mot se prononce en enfer, les hurlements l’accompagnent.—Comment as-tu le coeur, toi un prĂȘtre, un saint confesseur, toi qui absous les fautes, toi mon ami dĂ©clarĂ©, de me mettre en piĂšces par ce mot bannissement? FRÈRE LAURENCE.—Amant insensĂ©, Ă©coute seulement une parole. ROMÉO.—Oh! tu vas me parler encore de bannissement. FRÈRE LAURENCE.—Je veux te donner une arme pour te dĂ©fendre de ce mot: c’est la philosophie, ce doux baume de l’adversitĂ©; elle te consolera, quoique tu sois exilĂ©. ROMÉO.—Encore l’exil! Que la philosophie aille se faire pendre: Ă  moins que la philosophie n’ait le pouvoir de crĂ©er une Juliette, de dĂ©placer une ville, ou de changer l’arrĂȘt d’un prince, elle n’est bonne Ă  rien, elle n’a nulle vertu; ne m’en parle plus. FRÈRE LAURENCE.—Oh! je vois maintenant que les insensĂ©s n’ont point d’oreilles. ROMÉO.—Comment en auraient-ils, lorsque les hommes sages n’ont pas d’yeux? FRÈRE LAURENCE.—Laisse-moi discuter avec toi ta situation. ROMÉO.—Tu ne peux parler de ce que tu ne sens pas. Si tu Ă©tais aussi jeune que moi, amant de Juliette, mariĂ© seulement depuis une heure, meurtrier de Tybalt, Ă©perdu d’amour comme moi, et comme moi banni, alors tu pourrais parler; alors tu pourrais t’arracher les cheveux et te jeter sur la terre comme je fais, pour prendre la mesure d’un tombeau qui n’est pas encore ouvert.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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ROMÉO. — Elle parle : oh, parle encore, ange brillant ! car lĂ  oĂč tu es, au-dessus de ma tĂȘte, tu me parais aussi splendide au sein de cette nuit que l’est un messager ailĂ© du ciel aux-regards Ă©tonnĂ©s des mortels ; lorsque rejetant leurs tĂȘtes en arriĂšre, on ne voit plus que le blanc de leurs yeux, tant leurs prunelles sont dirigĂ©es-en haut pour le contempler, pendant qu’il chevauche sur les nuages Ă  la marche indolente et navigue sur le sein de l’air. JULIETTE. — Ô RomĂ©o, RomĂ©o ! pourquoi es-tu RomĂ©o ? Renie ton pĂšre, ou rejette ton nom ; ou si tu ne veux pas, lie-toi seulement par serment Ă  mon amour, et je ne serai pas plus longtemps une Capulet. ROMÉO, Ă  part. — En entendrai-je davantage, ou rĂ©pondrai-je Ă  ce qu’elle rient de dire JULIETTE. — C’est ton nom seul qui est mon ennemi. AprĂšs tout tu es toi-mĂȘme, et non un Montaigu. Qu’est-ce qu’un Montaigu ? Ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un, visage, ni toute autre partie du corps appartenant Ă  un homme. Oh ! porte un autre nom ! Qu’y a-t-il dans un nom ? La fleur que nous nommons la rose, sentirait tout aussi bon sous un autre nom ; ainsi RomĂ©o, quand bien mĂȘme il ne serait pas appelĂ© RomĂ©o, n’en garderait pas moins la prĂ©cieuse perfection : qu’il possĂšde. Renonce Ă  ton nom RomĂ©o, et en place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi toute entiĂšre. ROMÉO. — Je te prends au mot : appelle-moi seulement : ton amour, et je serai rebaptisĂ©, et dĂ©sormais je ne voudrai plus ĂȘtre RomĂ©o. JULIETTE. — Qui es-tu, toi qui, protĂ©gĂ© par la nuit, viens ainsi surprendre les secrets de mon Ăąme ? ROMÉO. — Je ne sais de quel nom me servir pour te dire qui je suis : mon nom, chĂšre sainte, m’est odieux Ă  moi-mĂȘme, parce qu’il t’est ennemi ; s’il Ă©tait Ă©crit, je dĂ©chirerais le mot qu’il forme. JULIETTE. — Mes oreilles n’ont pas encore bu cent paroles de cette voix, et cependant j’en reconnais le son n’es-tu pas RomĂ©o, et un Montaigu ? ROMÉO. — Ni l’un, ni l’autre, belle vierge, si l’un ou l’autre te dĂ©plaĂźt. JULIETTE. — Comment es-tu venu ici, dis-le-moi, et pourquoi ? Les murs du jardin sont Ă©levĂ©s et difficiles Ă  escalader, et considĂ©rant qui tu es, cette place est mortelle pour toi, si quelqu’un de mes parents t’y trouve. ROMÉO. — J’ai franchi ces murailles avec les ailes lĂ©gĂšres de l’amour, car des limites de pierre ne peuvent arrĂȘter l’essor de l’amour ; et quelle chose l’amour peut-il oser qu’il ne puisse aussi exĂ©cuter ? tes parents ne me, sont donc pas un obstacle. JULIETTE. — S’ils te voient, ils t’assassineront. ROMÉO. — HĂ©las ! il y a plus de pĂ©rils, dans tes yeux que dans vingt de leurs Ă©pĂ©es : veuille seulement abaisser un doux regard sĂ»r moi, et je suis cuirassĂ© contre leur inimitiĂ©. JULIETTE. — Je ne voudrais pas, pour le monde entier, qu’ils te vissent ici. ROMÉO. — J’ai le manteau de la nuit pour me dĂ©rober Ă  leur vue et d’ailleurs, Ă  moins que tu ne m’aimes, ils peuvent me trouver, s’ils veulent : mieux vaudrait que leur haine mĂźt fin Ă  ma vie, que si ma mort Ă©tait retardĂ©e, sans que j’eusse ton amour ; JULIETTE. — Quel est celui qui t’a enseignĂ© la direction de cette place ? ROMÉO. — C’est l’Amour, qui m’a excitĂ© Ă  la dĂ©couvrir ; il m’a prĂȘtĂ© ses conseils, et je lui ai prĂȘtĂ© mes yeux. Je ne suis pas pilote ; cependant fusses-tu aussi Ă©loignĂ©e que le vaste rivage baignĂ© par la plus lointaine nier, je m’aventurerais pour une marchandise telle que toi.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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JULIETTE.—Oh! manque, mon coeur! Pauvre banqueroutier, manque pour toujours; emprisonnez-vous, mes yeux; ne jetez plus un seul regard sur la libertĂ©. Terre vile, rends-toi Ă  la terre; que tout mouvement s’arrĂȘte, et qu’une mĂȘme biĂšre presse de son poids et RomĂ©o et toi. LA NOURRICE.—O Tybalt, Tybalt! le meilleur ami que j’eusse! O aimable Tybalt, honnĂȘte cavalier, faut-il que j’aie vĂ©cu pour te voir mort! JULIETTE.—Quelle est donc cette tempĂȘte qui souffle ainsi dans les deux sens contraires? RomĂ©o est-il tuĂ©, et Tybalt est-il mort? Mon cousin chĂ©ri et mon Ă©poux plus cher encore? Que la terrible trompette sonne donc le jugement universel. Qui donc est encore en vie, si ces deux-lĂ  sont morts? LA NOURRICE.—Tybalt est mort, et RomĂ©o est banni: RomĂ©o, qui l’a tuĂ©, est banni. JULIETTE.—O Dieu! la main de RomĂ©o a-t-elle versĂ© le sang de Tybalt? LA NOURRICE.—Il l’a fait, il l’a fait! O jour de malheur! il l’a fait! JULIETTE.—O coeur de serpent cachĂ© sous un visage semblable Ă  une fleur! jamais dragon a-t-il choisi un si charmant repaire? Beau tyran, angĂ©lique dĂ©mon, corbeau couvert des plumes d’une colombe, agneau transportĂ© de la rage du loup, mĂ©prisable substance de la plus divine apparence, toi, justement le contraire de ce que tu paraissais Ă  juste titre, damnable saint, traĂźtre plein d’honneur! O nature, qu’allais-tu donc chercher en enfer, lorsque de ce corps charmant, paradis sur la terre, tu fis le berceau de l’ñme d’un dĂ©mon? Jamais livre contenant une aussi infĂąme histoire porta-t-il une si belle couverture? et se peut-il que la trahison habite un si brillant palais? LA NOURRICE.—Il n’y a plus ni sincĂ©ritĂ©, ni foi, ni honneur dans les hommes; tous sont parjures, corrompus, hypocrites. Ah! oĂč est mon valet? Donnez-moi un peu d’aqua vité
.. Tous ces chagrins, tous ces maux, toutes ces peines me vieillissent. Honte soit Ă  RomĂ©o! JULIETTE.—Maudite soit ta langue pour un pareil souhait! Il n’est pas nĂ© pour la honte: la honte rougirait de s’asseoir sur son front; c’est un trĂŽne oĂč on peut couronner l’honneur, unique souverain de la terre entiĂšre. Oh! quelle brutalitĂ© me l’a fait maltraiter ainsi? LA NOURRICE.—Quoi! vous direz du bien de celui qui a tuĂ© votre cousin? JULIETTE.—Eh! dirai-je du mal de celui qui est mon mari? Ah! mon pauvre Ă©poux, quelle langue soignera ton nom, lorsque moi, ta femme depuis trois heures, je l’ai ainsi dĂ©chirĂ©? Mais pourquoi, traĂźtre, as-tu tuĂ© mon cousin? Ah! ce traĂźtre de cousin a voulu tuer mon Ă©poux.—Rentrez, larmes insensĂ©es, rentrez dans votre source; c’est au malheur qu’appartient ce tribut que par mĂ©prise vous offrez Ă  la joie. Mon Ă©poux vit, lui que Tybalt aurait voulu tuer; et Tybalt est mort, lui qui aurait voulu tuer mon Ă©poux. Tout ceci est consolant, pourquoi donc pleurĂ©-je? Ah! c’est qu’il y a lĂ  un mot, plus fatal que la mort de Tybalt, qui m’a assassinĂ©e.—Je voudrais bien l’oublier; mais, ĂŽ ciel! il pĂšse sur ma mĂ©moire comme une offense digne de la damnation sur l’ñme du pĂ©cheur. Tybalt est mort, et RomĂ©o est
.. banni! Ce banni, ce seul mot banni, a tuĂ© pour moi dix mille Tybalt. La mort de Tybalt Ă©tait un assez grand malheur, tout eĂ»t-il fini lĂ ; ou si les cruelles douleurs se plaisent Ă  marcher ensemble, et qu’il faille nĂ©cessairement que d’autres peines les accompagnent, pourquoi, aprĂšs m’avoir dit: «Tybalt est mort,» n’a-t-elle pas continuĂ©: «ton pĂšre aussi, ou ta mĂšre, ou tous les deux?» cela eĂ»t excitĂ© en moi les douleurs ordinaires. Mais par cette arriĂšre-garde qui a suivi la mort de Tybalt, RomĂ©o est banni; par ce seul mot, pĂšre, mĂšre, Tybalt, RomĂ©o, Juliette, tous sont assassinĂ©s, tous morts. RomĂ©o banni! Il n’y a ni fin, ni terme, ni borne, ni mesure dans la mort qu’apporte avec lui ce mot, aucune parole ne peut sonder ce malheur.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)