Main Dans La Main Quotes

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Si je dois mourir dans cette belle vie, je veux que ça soit fait par tes belles mains.
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Roman Payne (Rooftop Soliloquy)
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L'amour c'est comme du mercure dans la main. Garde-lĂ  ouverte, il te restera dans la paume ; resserre ton Ă©treinte, il te filera entre les doigts.
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Dorothy Parker
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Le Chat Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux; Retiens les griffes de ta patte, Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux, Mêlés de métal et d'agate. Lorsque mes doigts caressent à loisir Ta tête et ton dos élastique, Et que ma main s'enivre du plaisir De palper ton corps électrique, Je vois ma femme en esprit. Son regard, Comme le tien, aimable bête, Profond et froid, coupe et fend comme un dard, Et, des pieds jusques à la tête, Un air subtil, un dangereux parfum, Nagent autour de son corps brun.
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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Sólo sufres en proporción al daño que tú mismo te haces, a título personal, o el que recibes de los demás concediéndoles el derecho de hacértelo.
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Anne-Marie Garat (Dans la main du diable)
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Elle aurait aimé, si l’orgueil Pareil à la lampe inutile Qu’on allume près d’un cercueil, N’eût veillé sur son coeur stérile. Elle est morte, et n’a point vécu. Elle faisait semblant de vivre. De ses mains est tombé le livre, Dans lequel elle n’a rien lu.
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Alfred de Musset
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Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure l'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure
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Guillaume Apollinaire (Alcools)
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Mais Colin ne savait pas, il courait, il avait peur, pourquoi ça ne suffit pas de toujours rester ensemble, il faut encore qu’on ait peur, peut-être est-ce un accident, une auto l’a écrasée, elle serait sur son lit, je ne pourrais la voir, ils m’empêcheraient d’entrer, mais vous croyez donc peut-être que j’ai peur de ma Chloé, je la verrai malgré vous, mais non, Colin, n’entre pas. Elle est peut-être blessée, seulement, alors, il n’y aura rien du tout, demain, nous irons ensemble au Bois, pour revoir le banc, j’avais sa main dans la mienne et ses cheveux près des miens, son parfum sur l’oreiller. Je prends toujours son oreiller, nous nous battrons encore le soir, le mien, elle le trouve trop bourré, il reste tout rond sous sa tête, et moi, je le reprends après, il sent l’odeur de ses cheveux.
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Boris Vian (L'Écume des jours)
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À partir de là, le dialogue de la journée suivait une pente uniformément descendante, mais avec des lèvres et des mains chaleureuses et languides flottant sur les surface les plus sensibles du corps, le monde était aussi près que possible de la perfection. Freud appelait cela un état de perversité polymorphe impersonnel et le regardait d'un mauvais oeil, mais je doute fort qu'il ait jamais eu les mains de Lil lui frôlant le corps. Ou même celles de sa propre femme dans le même rôle. Freud était un bien grand homme, mais je n'arrive pas à me faire à l'idée que quelqu'un lui ait jamais efficacement flatté le pénis.
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Luke Rhinehart (The Dice Man)
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La terre est plate. Je le sais parce qu'on m'a poussé dans le vide et ça fait dix-sept ans que j'essaie de me cramponner au bord... C'est presque impossible de vaincre la pesanteur quand personne n'est prêt à te tendre la main.
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Tahereh Mafi (Shatter Me (Shatter Me, #1))
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Ta voix, tes yeux, tes mains, tes lèvres, Nos silences, nos paroles, La lumière qui s’en va, la lumière qui revient, Un seul sourire pour nous deux, Par besoin de savoir, j’ai vu la nuit créer le jour sans que nous changions d’apparence, Ô bien-aimé de tous et bien-aimé d’un seul, En silence ta bouche a promis d’être heureuse, De loin en loin, ni la haine, De proche en proche, ni l’amour, Par la caresse nous sortons de notre enfance, Je vois de mieux en mieux la forme humaine, Comme un dialogue amoureux, le cœur ne fait qu’une seule bouche Toutes les choses au hasard, tous les mots dits sans y penser, Les sentiments à la dérive, les hommes tournent dans la ville, Le regard, la parole et le fait que je t’aime, Tout est en mouvement, il suffit d’avancer pour vivre, D’aller droit devant soi vers tout ce que l’on aime, J’allais vers toi, j’allais sans fin vers la lumière, Si tu souris, c’est pour mieux m’envahir, Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard.
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Paul Éluard
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... Je n'en pouvais plus de me languir d'elle, je n'en pouvais plus de tendre la main vers elle et de ne rencontrer que son absence au bout de mes doigts. Je me disais: Elle va te repousser, elle va te dire des mots très durs, elle va te faire tomber le ciel sur la tête; cela ne me dissuadait pas. Je ne craignais plus de résilier les serments, de broyer mon âme dans l'étreinte de mon poing; je ne craignais plus d'offenser les dieux, d'incarner l'opprobre jusqu’à la fin des âges.
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Yasmina Khadra
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Il y a des journées illuminées de petites choses, des riens du tout qui vous rendent incroyablement heureux ; un après-midi à chiner, un jouet qui surgit de l’enfance sur l’étal d’un brocanteur, une main qui s’attache à la votre, un appel que l’on attendait pas, une parole douce, vote enfant qui vous prend dans ses bras sans rien vous demander d’autre qu’un moment d’amour. Il y a des journées illuminées de petits moments de grâce, une odeur qui vous met l’âme en joie, un rayon de soleil qui entre par la fenêtre, le bruit de l’averse alors qu’on est encore au lit, les trottoirs enneigés ou l’arrivée du printemps et ses premiers bourgeons.
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Marc Levy (Le premier jour)
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ce qui convainc de la nécessité de la vie future, ce ne sont pas les raisonnements mais ceci : tu marches dans la vie la main dans la main avec un homme, et tout à coup, cet homme disparaît là-bas dans le néant, et toi tu restes devant cet abîme et tu y plonges ton regard (Guerre et Paix, livre deuxième, 2ième partie, ch. XII)
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Leo Tolstoy
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À une passante La rue assourdissante autour de moi hurlait.
 Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
 Une femme passa, d'une main fastueuse
 Soulevant, balançant le feston et l'ourlet; Agile et noble, avec sa jambe de statue.
 Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
 Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
 La douceur qui fascine et le plaisir qui tue. Un éclair . . . puis la nuit! — Fugitive beauté 
 Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
 Ne te verrai-je plus que dans l'éternité? Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être!
 Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
 Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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Déjeuner du matin Il a mis le café Dans la tasse Il a mis le lait Dans la tasse de café Il a mis le sucre Dans le café au lait Avec la petite cuiller Il a tourné Il a bu le café au lait Et il a reposé la tasse Sans me parler Il a allumé Une cigarette Il a fait des ronds Avec la fumée Il a mis les cendres Dans le cendrier Sans me parler Sans me regarder Il s’est levé Il a mis Son chapeau sur sa tête Il a mis Son manteau de pluie Parce qu’il pleuvait Et il est parti Sous la pluie Sans une parole Sans me regarder Et moi j’ai pris Ma tête dans ma main Et j’ai pleuré
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Jacques Prévert (Paroles)
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J'étais dans la mort; tu m'as remise dans la vie. Toi là, c'est le ciel à côté de moi. Donne-moi ta main, que je touche Dieu!
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Victor Hugo (L'Homme qui rit (24X32) (French Edition))
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Voilà Dvora, je sens des abeilles dans mon sang, un ours dans mon cœur, chaque battement est une patte qui démolit la ruche. Elle me donne sa main et moi je sais que je ne la lui rendrai plus.
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Erri De Luca
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Tant que mes jambes me permettent de fuir, tant que mes bras me permettent de combattre, tant que l'expérience que j'ai du monde me permet de savoir ce que je peux craindre ou désirer, nulle crainte : je puis agir. Mais lorsque le monde des hommes me contraint à observer ses lois, lorsque mon désir brise son front contre le monde des interdits, lorsque mes mains et mes jambes se trouvent emprisonnées dans les fers implacables des préjugés et des cultures, alors je frissonne, je gémis et je pleure. Espace, je t'ai perdu et je rentre en moi-même. Je m'enferme au faite de mon clocher où, la tête dans les nuages, je fabrique l'art, la science et la folie.
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Henri Laborit (Éloge de la fuite)
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- J'aime ça quand tu me touches. Ça me donne l'impression que je peux m'égarer. Que je suis en sécurité.J'aimerais m'endormir comme ça, main dans la main. T'sais comme le font les loutres. - Les loutres? - Oui, elles se tiennent par les pattes en dormant, pour pas se perdre.
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Marie-Christine Chartier (Le sommeil des loutres)
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Ewilan, lorsqu'elle a dessiné le sabre d'Edwin, a eu la bonne idée de le lui placer entre les mains et non de le ficher dans un rocher jusqu'à la garde. C'est peut-être moins romantique, mais sacrément plus pratique.
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Pierre Bottero (Les Frontières de glace (La Quête d'Ewilan, #2))
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Dans mes mains, par exemple, il y a quelque chose de neuf, une certaine façon de prendre ma pipe ou ma fourchette. Ou bien c'est la fourchette qui a, maintenant, une certaine façon de se faire prendre, je ne sais pas.
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Jean-Paul Sartre (Nausea)
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A qui écris-tu? -A toi. En fait, je ne t'écris pas vraiment, j'écris ce que j'ai envie de faire avec toi... Il y avait des feuilles partout. Autour d'elle, à ses pieds, sur le lit. J'en ai pris une au hasard: "...Pique-niquer, faire la sieste au bord d'une rivière, manger des pêches, des crevettes, des croissants, du riz gluant, nager, danser, m'acheter des chaussures, de la lingerie, du parfum, lire le journal, lécher les vitrines, prendre le métro, surveiller l'heure, te pousser quand tu prends toute la place, étendre le linge, aller à l'Opéra, faire des barbecues, râler parce que tu as oublié le charbon, me laver les dents en même temps que toi, t'acheter des caleçons, tondre la pelouse, lire le journal par-dessus ton épaule, t'empêcher de manger trop de cacahuètes, visiter les caves de la Loire, et celles de la Hunter Valley, faire l'idiote, jacasser, cueillir des mûres, cuisiner, jardiner, te réveiller encore parce que tu ronfles, aller au zoo, aux puces, à Paris, à Londres, te chanter des chansons, arrêter de fumer, te demander de me couper les ongles, acheter de la vaisselle, des bêtises, des choses qui ne servent à rien, manger des glaces, regarder les gens, te battre aux échecs, écouter du jazz, du reggae, danser le mambo et le cha-cha-cha, m'ennuyer, faire des caprices, bouder, rire, t'entortiller autour de mon petit doigt, chercher une maison avec vue sur les vaches, remplir d'indécents Caddie, repeindre un plafond, coudre des rideaux, rester des heures à table à discuter avec des gens intéressants, te tenir par la barbichette, te couper les cheveux, enlever les mauvaises herbes, laver la voiture, voir la mer, t'appeler encore, te dire des mots crus, apprendre à tricoter, te tricoter une écharpe, défaire cette horreur, recueillir des chats, des chiens, des perroquets, des éléphants, louer des bicyclettes, ne pas s'en servir, rester dans un hamac, boire des margaritas à l'ombre, tricher, apprendre à me servir d'un fer à repasser, jeter le fer à repasser par la fenêtre, chanter sous la pluie, fuire les touristes, m'enivrer, te dire toute la vérité, me souvenir que toute vérité n'est pas bonne à dire, t'écouter, te donner la main, récupérer mon fer à repasser, écouter les paroles des chansons, mettre le réveil, oublier nos valises, m'arrêter de courir, descendre les poubelles, te demander si tu m'aimes toujours, discuter avec la voisine, te raconter mon enfance, faire des mouillettes, des étiquettes pour les pots de confiture..." Et ça continuais comme ça pendant des pages et des pages...
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Anna Gavalda (Someone I Loved (Je l'aimais))
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« [L]'arbre dont on ferait leur cercueil poussait quelque part dans la forêt mais ils n'en savaient rien, un caillot de sang au cerveau pouvait les envoyer au néant en quelques secondes et ils se réjouissaient d'avoir mis la main sur un lot de petites Kit-Kat. »
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François Blais (La classe de madame Valérie)
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En un mot, nos mains tâchent de faire dans la nature, pour ainsi dire, une autre nature.
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Marcus Tullius Cicero
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On peut apprendre à une vipère à vous manger dans la main sans pour autant lui enlever le goût de mordre.
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Madeline Miller (Circe)
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Quand le mépris pour la politique se généralise et que la confiance dans les institutions disparaît, Quand les appartenances se dissolvent et que l'intérêt personnel devient la seule motivation, Quand l'économie souterraine prolifère et que la débrouillardise est la principale vertu, Alors une société est prête à tomber entre les mains de toutes les mafias. Le processus est inévitable.
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Jean-Jacques Pelletier (La chair disparue (Les gestionnaires de l'Apocalypse, #1))
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La verité est triste, comme vous le savez. Elle déçoit parce qu'elle restreint. Elle tient dans un poing fermé, puis dans le geste d'une main qui se délace et rejette. Elle est pauvre, elle démeuble et démunit.
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Julien Gracq (A Dark Stranger)
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Elle se mordit la langue quand Thorn pressa sa bouche contre la sienne. Sur le moment, elle ne comprit plus rien. Elle sentit sa barbe lui piquer le menton, son odeur de désinfectant lui monter à la tête, mais la seule pensée qui la traversa, stupide et évidente, fut quenelle avait une botte plantée dans son tibia. Elle voulut se reculer; Thorn l’en empêcha. Il referma ses mains de part et d’autre de son visage, les doigts dans ses cheveux, prenant appui sur sa nuque avec une urgence qui les déséquilibra tous les deux. La bibliothèque déversa une pluie de documents sur eux. Quand Thorn s’écarte finalement, le souffle court, ce fut pour clouer un regard de fer dans ses lunettes. - je vous préviens. Les mots que vous m’avez dits, je ne vous laisserai pas revenir dessus. Sa voix était âpre, mais sous l’autorité des paroles il y avait comme une fêlure. Ophélie pouvait percevoir le pouls précipité des mains qu’il appuyait maladroitement sur ses joues. Elle devait reconnaître que son propre cœur jouait à la balançoire. Thorn était sans doute l’homme le plus déconcertant qu’elle avait jamais rencontré, mais il l’a faisait se sentir formidablement vivante. - je vous aime, répéta-y-elle d’un ton inflexible. C’est ce que j’aurais du vous répondre quand vous vouliez connaître la raison de ma présence à Babel c’est ce que j’en aurais du vous répondre chaque fois que vous vouliez savoir ce que j’en avais vraiment à vous dire. Bien sûr que je désire percer les mystères de Dieu et reprendre le contrôle de ma vie, mais... vous faites partie de ma vie, justement. Je vous ai traité d’égoïste et à aucun moment je ne me suis mise, moi, à votre place. Je vous demande pardon. 
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Christelle Dabos (La MĂ©moire de Babel (La Passe-Miroir, #3))
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Les vierges entonnaient le cantique de Zacharie: -- Béni soit le Seigneur, le dieu d'Israël. Brusquement la voix s'arrêta dans leur gorge. Elles avaient vu la face du moine et elles fuyaient d'épouvante en criant: -- Un vampire! un vampire! Il était devenu si hideux qu'en passant la main sur son visage, il sentit sa laideur.
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Anatole France (ThaĂŻs)
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je finirai bien par te rencontrer quelque part bon dieu! et contre tout ce qui me rend absent et douloureux par le mince regard qui me reste au fond du froid j'affirme ô mon amour que tu existes je corrige notre vie nous n'irons plus mourir de langueur à des milles de distance dans nos rêves bourrasques des filets de sang dans la soif craquelée de nos lèvres les épaules baignées de vols de mouettes non j'irai te chercher nous vivrons sur la terre la détresse n'est pas incurable qui fait de moi une épave de dérision, un ballon d'indécence un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions profondes frappe l'air et le feu de mes soifs coule-moi dans tes mains de ciel de soie la tête la première pour ne plus revenir
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Gaston Miron (L'Homme rapaillé)
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Après le décès de cette vieille dame, tous les dimanches, j'allais au bord d'un étang à lotus en banlieu de Hanoi, où il y avait toujours deux ou trois femmes au dos arqué, aux mains tremblantes, qui, assises dans le fond d'une barque ronde, se déplaçaient sur l'eau à l'aide d'une perche pour placer des feuilles de thé à l'intérieur des fleurs de lotus ouvertes. Elles y retournaient le jour suivant pour les recueillir, unes à unes, avant que les pétales se fanent, après que les feuilles emprisonnées avaient absorbé le parfum des pistils pendant la nuit. Elles me disaient que chaque feuille de thé conservait ainsi l'âme de ces fleurs éphémères.
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Kim ThĂşy (RU (French Edition))
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Denise était venue à pied de la gare Saint-Lazare, où un train de Cherbourg l’avait débarquée avec ses deux frères, après une nuit passée sur la dure banquette d’un wagon de troisième classe. Elle tenait par la main Pépé, et Jean la suivait, tous les trois brisés du voyage, effarés et perdus, au milieu du vaste Paris, le nez levé sur les maisons, demandant à chaque carrefour la rue de la Michodière, dans laquelle leur oncle Baudu demeurait. Mais, comme elle débouchait enfin sur la place Gaillon, la jeune fille s’arrêta net de surprise.
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Émile Zola (The Ladies' Paradise (Les Rougon-Macquart #11))
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Un époux, c'est quelqu'un qui travaille au jardin avec toi et qui te réchauffe la nuit dans le lit conjugal. Un homme qui s'inquiète pour toi quand personne d'autre n'a remarqué que tu n'allais pas bien. Quelqu'un qui te tient la main quand tu es malade ou aux portes de la mort.
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David Farland (Wizardborn (Runelords, #3))
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Je me souviens qu'à un moment, m'étend appuyée à la machine, j'avais regardé le disque se lever, lentement, pour aller se poser de biais contre le saphir, presque tendrement, comme une joue. Et, je ne sais pourquoi, j'avais été envahie d'un violent sentiment de bonheur; de l'intuition physique, débordante, que j'allais mourir un jour, qu'il n'y aurait plus ma main sur ce rebord de chrome, ni ce soleil dans mes yeux.
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Françoise Sagan (A Certain Smile)
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- Offre ton identité au Conseil, jeune apprentie. La voix était douce, l’ordre sans appel. - Je m’appelle Ellana Caldin. - Ton âge. Ellana hésita une fraction de seconde. Elle ignorait son âge exact, se demandait si elle n’avait pas intérêt à se vieillir. Les apprentis qu’elle avait discernés dans l’assemblée étaient tous plus âgés qu’elle, le Conseil ne risquait-il pas de la considérer comme une enfant ? Les yeux noirs d’Ehrlime fixés sur elle la dissuadèrent de chercher à la tromper. - J’ai quinze ans. Des murmures étonnés s’élevèrent dans son dos. Imperturbable, Ehrlime poursuivit son interrogatoire. - Offre-nous le nom de ton maître. - Jilano Alhuïn. Les murmures, qui s’étaient tus, reprirent. Plus marqués, Ehrlime leva une main pour exiger un silence qu’elle obtint immédiatement. - Jeune Ellana, je vais te poser une série de questions. A ces questions, tu devras répondre dans l’instant, sans réfléchir, en laissant les mots jaillir de toi comme une cascade vive. Les mots sont un cours d’eau, la source est ton âme. C’est en remontant tes mots jusqu’à ton âme que je saurai discerner si tu peux avancer sur la voie des marchombres. Es-tu prête ? - Oui. Une esquisse de sourire traversa le visage ridé d’Ehrlime. - Qu’y a-t-il au sommet de la montagne ? - Le ciel. - Que dit le loup quand il hurle ? - Joie, force et solitude. - À qui s’adresse-t-il ? - À la lune. - Où va la rivière ? L’anxiété d’Ellana s’était dissipée. Les questions d’Ehrlime étaient trop imprévues, se succédaient trop rapidement pour qu’elle ait d’autre solution qu’y répondre ainsi qu’on le lui avait demandé. Impossible de tricher. Cette évidence se transforma en une onde paisible dans laquelle elle s’immergea, laissant Ehrlime remonter le cours de ses mots jusqu’à son âme, puisque c’était ce qu’elle désirait. - Remplir la mer. - À qui la nuit fait-elle peur ? - À ceux qui attendent le jour pour voir. - Combien d’hommes as-tu déjà tués ? - Deux. - Es-tu vent ou nuage ? - Je suis moi. - Es-tu vent ou nuage ? - Vent. - Méritaient-ils la mort ? - Je l’ignore. - Es-tu ombre ou lumière ? - Je suis moi. - Es-tu ombre ou lumière ? - Les deux. - Où se trouve la voie du marchombre ? - En moi. Ellana s’exprimait avec aisance, chaque réponse jaillissant d’elle naturellement, comme une expiration après une inspiration. Fluidité. Le sourire sur le visage d’Ehrlime était revenu, plus marqué, et une pointe de jubilation perçait dans sa voix ferme. - Que devient une larme qui se brise ? - Une poussière d’étoiles. - Que fais-tu devant une rivière que tu ne peux pas traverser ? - Je la traverse. - Que devient une étoile qui meurt ? - Un rêve qui vit. - Offre-moi un mot. - Silence. - Un autre. - Harmonie. - Un dernier. - Fluidité. - L’ours et l’homme se disputent un territoire. Qui a raison ? - Le chat qui les observe. - Marie tes trois mots. - Marchombre.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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(...) ils fracassaient autour d'eux un idiome de castagnettes en brandissant au-dessus de leurs têtes des mains crispées dans un vent d'arguments.
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Voyage au bout de la nuit)
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Et là, il a attrapé ma main par-dessus la table, il l'a serrée dans la sienne, très fort, et pour la première fois, il m'a souri.
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Jean-Michel Guenassia (La Valse des Arbres et du Ciel)
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Mais en fait les voix féminines se taisent là où commence l'action concrète; elles ont pu susciter des guerres, non suggérer la tactique d'une bataille; elles n'ont guère orienté la politique que dans la mesure où la politique se réduisait à l'intrigue: les vraies commandes du monde n'ont jamais été aux mains des femmes; elles n'ont pas agi sur les techniques ni sur l'économie, elles n'ont pas fait ni défait des États, elles n'ont pas découvert des mondes. C'est par elles que certains événements ont été déclenchés: mais elles ont été prétextes beaucoup plus qu'agents.
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Simone de Beauvoir (Le deuxième sexe, I)
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Le rêve est le tuteur du pauvre, et son pourfendeur. Il nous tient par la main, puis il nous tient dans la sienne pour nous larguer quand il veut après nous avoir baladés à sa guise à travers mille promesses. C’est un gros malin, le rêve, un fin psychologue : il sait nous prendre à nos propres sentiments comme on prend au mot un fieffé menteur ; lorsque nous lui confions notre cœur et notre esprit, il nous fausse compagnie au beau milieu d’une déroute, et nous nous retrouvons avec du vent dans la tête et un trou dans la poitrine – il ne nous reste plus que les yeux pour pleurer.
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Yasmina Khadra (Les anges meurent de nos blessures)
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Dans ses entreprises il a besoin d’aides et de collaborateurs ; il lui faut ce qu’il appelle lui-même « des hommes ». Diogène les cherchait tenant une lanterne, lui il les cherche un billet de banque à la main.
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Victor Hugo (Napoléon le Petit (French Edition))
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Je cherchais une âme qui et me ressemblât, et je ne pouvais pas la trouver. Je fouillais tous les recoins de la terre; ma persévérance était inutile. Cependant, je ne pouvais pas rester seul. Il fallait quelqu’un qui approuvât mon caractère; il fallait quelqu’un qui eût les mêmes idées que moi. C’était le matin; le soleil se leva à l’horizon, dans toute sa magnificence, et voilà qu’à mes yeux se lève aussi un jeune homme, dont la présence engendrait les fleurs sur son passage. Il s’approcha de moi, et, me tendant la main: "Je suis venu vers toi, toi, qui me cherches. Bénissons ce jour heureux." Mais, moi: "Va-t’en; je ne t’ai pas appelé: je n’ai pas besoin de ton amitié." C’était le soir; la nuit commençait à étendre la noirceur de son voile sur la nature. Une belle femme, que je ne faisais que distinguer, étendait aussi sur moi son influence enchanteresse, et me regardait avec compassion; cependant, elle n’osait me parler. Je dis: "Approche-toi de moi, afin que je distingue nettement les traits de ton visage; car, la lumière des étoiles n’est pas assez forte, pour les éclairer à cette distance." Alors, avec une démarche modeste, et les yeux baissés, elle foula l’herbe du gazon, en se dirigeant de mon côté. Dès que je la vis: "Je vois que la bonté et la justice ont fait résidence dans ton coeur: nous ne pourrions pas vivre ensemble. Maintenant, tu admires ma beauté, qui a bouleversé plus d’une; mais, tôt ou tard, tu te repentirais de m’avoir consacré ton amour; car, tu ne connais pas mon âme. Non que je te sois jamais infidèle: celle qui se livre à moi avec tant d’abandon et de confiance, avec autant de confiance et d’abandon, je me livre à elle; mais, mets-le dans ta tête, pour ne jamais l’oublier: les loups et les agneaux ne se regardent pas avec des yeux doux." Que me fallait-il donc, à moi, qui rejetais, avec tant de dégoût, ce qu’il y avait de plus beau dans l’humanité!
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Lorsqu'on se baigne dans le Langage Universel, il est facile de comprendre qu'il y a toujours dans le monde une personne qui en attend une autre, que ce soit en plein désert ou au cœur des grandes villes. Et quand ces deux personnes se rencontrent, et que leurs regards se croisent, tout le passé et tout le futur sont désormais sans la moindre importance, seul existe ce moment présent, et cette incroyable certitude que toute chose sous la voûte du ciel a été écrite par la même Main. La Main qui fait naître l'Amour, et qui a créé une âme sœur pour chaque être qui travaille, se repose, et cherche des trésors sous la lumière du soleil.
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Paulo Coelho (The Alchemist)
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Je m'entends dire : "Il y a en moi ce qui se trouve chez beaucoup d'hommes dans le monde, amours, coups de feu, des phrases pleines d'épines, aucune envie d'en parler. Nous sommes ordinaires nous autres hommes. Ce qui est spécial, c'est vivre, regarder le soir le creux de sa main et savoir que le lendemain sera nouveau, que le tailleur de la nuit coud la peau, raccommode les cals, reprise les accrocs et dégonfle la fatigue." (p. 44)
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Erri De Luca (Tre cavalli)
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Et que faudrait-il faire ? Chercher un protecteur puissant, prendre un patron, Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce, Grimper par ruse au lieu de s'élever par force ? Non, merci ! Dédier, comme tous ils le font, Des vers aux financiers ? se changer en bouffon Dans l'espoir vil de voir, aux lèvres d'un ministre, Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ? Non, merci ! Déjeuner, chaque jour, d'un crapaud ? Avoir un ventre usé par la marche ? une peau Qui plus vite, à l'endroit des genoux, devient sale ? Exécuter des tours de souplesse dorsale ?... Non, merci ! D'une main flatter la chèvre au cou Cependant que, de l'autre, on arrose le chou, Et donneur de séné par désir de rhubarbe, Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ? Non, merci ! Se pousser de giron en giron, Devenir un petit grand homme dans un rond, Et naviguer, avec des madrigaux pour rames, Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ? Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci ! S'aller faire nommer pape par les conciles Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ? Non, merci ! Travailler à se construire un nom Sur un sonnet, au lieu d'en faire d'autres ? Non, Merci ! Ne découvrir du talent qu'aux mazettes ? Être terrorisé par de vagues gazettes, Et se dire sans cesse : "Oh ! pourvu que je sois Dans les petits papiers du Mercure François" ?... Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême, Préférer faire une visite qu'un poème, Rédiger des placets, se faire présenter ? Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter, Rêver, rire, passer, être seul, être libre, Avoir l'œil qui regarde bien, la voix qui vibre, Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers, Pour un oui, pour un non, se battre, - ou faire un vers ! Travailler sans souci de gloire ou de fortune, À tel voyage, auquel on pense, dans la lune ! N'écrire jamais rien qui de soi ne sortît, Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit, Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles, Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles ! Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard, Ne pas être obligé d'en rien rendre à César, Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite, Bref, dédaignant d'être le lierre parasite, Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul, Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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Quand on divorce on achète toujours La Séparation de Dan Franck. La première scène est émouvante: pendant une pièce de théâtre, l'homme s'aperçoit que sa femme ne l'aime plus car elle retire sa main de la sienne. Il tente de la reprendre mais elle l'enlève à nouveau. Je me disais: quelle salope! Pourquoi autant de cruauté? Ce n'est pourtant pas compliqué de laisser sa main dans la main de son mari, merde! Jusqu'au jour où la même chose m'est arrivée.
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Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans (Marc Marronnier, #3))
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C’est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m’a semblé que le ciel s’ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s’est tendu et j’ai crispé ma main sur le revolver. La gâchette a cédé, j’ai touché le ventre poli de la crosse et c’est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a commencé. J’ai secoué la sueur et le soleil. J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour, le silence exceptionnel d’une plage où j’avais été heureux. Alors, j’ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s’enfonçaient sans qu’il y parût. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur
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Albert Camus (The Stranger)
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La plupart des gens que nous croisons sont quelconques, on n'en retient rien, sinon le regret du temps et de l'énergie perdus. Dans la constellation d'étoiles ternes qui traversent nos vies brille pourtant, à de rares et précieuses occasions, un soleil à portée de main. Parfois un parent, souvent un ami ou encore un professeur. Les plus chanceux en croiseront deux ou trois qui marqueront durablement leur personnalité, imprégneront un peu de magnificence dans le tissu de leur psyché.
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David Goudreault (Ta mort Ă  moi)
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Laurent avait élargi une de ses grosses mains dont il regardait attentivement la paume. Ses doigts eurent de légers frémissements, des lueurs rouges montèrent à ses joues ... Laurent leva la tête et vit Thérèse devant lui, muette, immobile. La jeune femme le regardait avec une fixité ardente. Ses yeux, d'un noir mat, semblaient deux trous sans fond, et, par ses lèvres entrouvertes, on apercevait des clartés roses dans sa bouche. Elle était comme écrasée, ramassée sur elle-même; elle écoutait.
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Émile Zola (Thérèse Raquin)
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Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ; Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ; Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler; Je sentis tout mon corps et transir et brûler : Je reconnus Vénus et ses feux redoutables, D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables ! Par des vœux assidus je crus les détourner : Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ; De victimes moi-même à toute heure entourée, Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée : D’un incurable amour remèdes impuissants ! En vain sur les autels ma main brûlait l’encens ! Quand ma bouche implorait le nom de la déesse, J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse, Même au pied des autels que je faisais fumer, J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer. Je l’évitais partout. Ô comble de misère ! Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père. Contre moi-même enfin j’osai me révolter : J’excitai mon courage à le persécuter. Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre, J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ; Je pressai son exil ; et mes cris éternels L’arrachèrent du sein et des bras paternels. Je respirais, ŒNONE ; et, depuis son absence, Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence : Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis, De son fatal hymen je cultivais les fruits. Vaines précautions ! Cruelle destinée ! Par mon époux lui-même à Trézène amenée, J’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné : Ma blessure trop vive aussitôt a saigné. Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée : C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ; J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ; Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire, Et dérober au jour une flamme si noire : Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats : Je t’ai tout avoué ; je ne m’en repens pas. Pourvu que, de ma mort respectant les approches, Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches, Et que tes vains secours cessent de rappeler Un reste de chaleur tout prêt à s’exhaler.
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Jean Racine (Phèdre)
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Oh ! qu'on m'aille donc, au lieu de cela, chercher quelque jeune vicaire, quelque vieux curé, au hasard, dans la première paroisse venue, qu'on le prenne au coin de son feu, lisant son livre et ne s'attendant à rien, et qu'on lui dise : – Il y a un homme qui va mourir, et il faut que ce soit vous qui le consoliez. Il faut que vous soyez là quand on lui liera les mains, là quand on lui coupera les cheveux; que vous montiez dans sa charrette avec votre crucifix pour lui cacher le bourreau; que vous soyez cahoté avec lui par le pavé jusqu'à la Grève : que vous traversiez avec lui l'horrible foule buveuse de sang; que vous l'embrassiez au pied de l'échafaud, et que vous restiez jusqu'à ce que la tête soit ici et le corps là. Alors, qu'on me l'amène, tout palpitant, tout frissonnant de la tête aux pieds; qu'on me jette entre ses bras, à ses genoux; et il pleurera, et nous pleurerons, et il sera éloquent, et je serais consolé, et mon cœur se dégonflera dans le sien, et il prendra mon âme, et je prendrais son Dieu.
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Victor Hugo (The Last Day of a Condemned Man)
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- Tu reviendras quand ? - Il y a deux réponses à ta question. Comme à toutes les questions, tu le sais bien. Je commence par laquelle ? À l'extérieur, un bruit terrifiant s'éleva. Le bruit des armes qui s'entrechoquent, fendent la chair, donnent la mort. La fillette tressaillit mais sa mère, en lui caressant la joue, réussit à l'enfermer dans l'univers de son regard. - Laquelle ? - Celle du savant. - Je ne reviendrais peut être jamais, ma princesse. - Elle est nulle cette réponse. Donne moi celle du poète. Isaya se pencha pour lui murmurer à l'oreille. - Je serai toujours avec toi. Où que tu te trouves, quoi que tu fasses, je serai là. Toujours. Elle avait placé la main sur sa poitrine. La petite la regarda avec attention. - Dans mon cœur ? - Oui. - D'accord...
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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Pour la première fois de ma vie, mon passé me surprend. J'ai envie de parler en silence. De me parler. J'ai envie que ce jeune type qui ne sait pas ce qui l'attend mais qui porte son sourire comme un laissez-passer s'avance vers moi. J'aimerais le voir arriver vers moi avec mes vingt ans de moins, s'asseoir à mes côtés, me sourire timidement, mettre ses mains dans ses poches et garder le silence. J'aimerais que ce jeune type avec mes vingt de moins ne me juge pas. J'aimerais qu'il me pardonne de l'avoir trahi.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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Le Chaos était tenu en échec par l'Harmonie. L'Harmonie. Salim ne combattait plus. Porteur de lumière, il était trop précieux pour risquer sa vie. Immobile dans le cercle de marchombres, les yeux écarquillés par la stupéfaction et l'incrédulité, il la découvrait. L'Harmonie. Le Chaos grogna, se déchaîna, libérant jusqu'à l'ultime parcelle de son essence incontrôlable. Violence, haine, peur, fanatisme... L'Harmonie répondit en se mettant a danser. Ouverture, temps, respect... Le Chaos rugit. L'Harmonie virevolta. Le Chaos enfla. L'Harmonie ondoya. Salim leva les mains au-dessus de sa tête. La lumière qui jaillissait de ses paumes inondait la grotte, nourrissait les corps, faisait vibrer les cœurs, pulsait avec les âmes. L'Harmonie. Le Chaos tressaillit. Nia. Cogna. Déroba. Mentit. Tortura. Viola. L'Harmonie s'offrit.
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Pierre Bottero (Ellana, la Prophétie (Le Pacte des MarchOmbres, #3))
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Je comprends. On a placé ta froide main dans la main du vassal insolent, décoré des pouvoirs du maître ; la royale procuration, sanctionnée par l’officieux chapelain de Son Excellence, a réuni aux yeux du monde deux êtres inconnus l’un à l’autre. Je suis au fait de ces cérémonies. Et toi, ton coeur, ta tête, ta vie, marchandés par entremetteurs, tout a été vendu au plus offrant ; une couronne de reine t’a faite esclave pour jamais ; et cependant ton fiancé, enseveli dans les délices d’une cour, attend nonchalamment que sa nouvelle épouse... ( RAZETTA )
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Alfred de Musset (La nuit vénitienne)
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Le plus heureux des hommes serait celui qui, possédant la science de son labeur, et travaillant de ses mains, puisant le bien-être et la liberté dans l'exercice de sa force intelligente, aurait le temps de vivre par le cur et par le cerveau, de comprendre son uvre et d'aimer celle de Dieu.
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George Sand (La mare au diable)
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Si il y avait bien une chose que l'Occupation nous avait apprise, c'était à nous taire. A ne jamais montrer ce que nous pensions du IIIème Reich et de cette guerre. Nous n'étions que des détenus dans nos propres maisons, dans notre pays. Plus libres d'avoir une opinion. Parce que même nos pensées pouvaient nous enchaîner. Ce soir, je l'avais oublié. Pourtant il ne m'arrêta pas. Il ne me demanda pas de le suivre pour un petit interrogatoire. Après tout, il n'y avait que les résistants pour tenir un discours si tranché, non? Il n'y avait qu'eux pour oser dire de telles choses devant un caporal de la Wehrmacht. Alors pourquoi me tendit-il simplement sa fourche? Puisque la mienne était inutilisable... J'hésitai à la prendre. Quand je le fis, il refusa de la lâcher. Nous restâmes là, une seconde. Nos mains se frôlant sur le manche en bois et nos regards accrochés. - Je ne suis pas innocent c'est vrai, m'avoua-t-il. Je ne le serai jamais plus et je devrai vivre avec toutes mes fautes. J'ai tué, je tuerai sans doute encore. J'ai blessé et je blesserai encore. J'ai menti et je mentirai encore. Non, c'est vrai, il n'y a plus rien d'innocent en moi. Mais je l'ai été. Au début. Avant la guerre. Je l'étais vraiment, vous savez. Innocent. Sa voix n'était qu'un murmure. - Pourquoi me dites-vous ça? - Pour que vous le sachiez. - Mais pourquoi? demandai-je encore. Il recula d'un pas. - Bonne soirée, monsieur Lambert, dit-il sans me répondre. Il quitta les écuries sans un bruit. Aussi discrètement qu'il était arrivé.
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Lily Haime (Ă€ l'ombre de nos secrets)
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Dès que Séraphine l'a laissé seul, Gontran se jette à genoux au pied du lit ; il enfonce son front dans les draps, mais ne parvient pas à pleurer ; aucun élan ne soulève son cœur. Ses yeux désespérément restent secs. Alors il se relève. Il regarde ce visage impassible. Il voudrait, en ce moment solennel, éprouver je ne sais quoi de sublime et de rare, écouter une communication de l'au-delà, lancer sa pensée dans des régions éthérées,suprasensibles - mais elle reste accrochée, sa pensée, au ras du sol. Il regarde les mains exsangues du mort, et se demande combien de temps encore les ongles continueront de pousser.
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André Gide (The Counterfeiters)
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Il s'avança un fauteuil, s'installa entre sa femme et sa mère et, tandis que Dawn parlait, il lui prit la main. Il y a cent façons de prendre la main de quelqu'un. Selon que c'est la main d'un enfant, la main d'un ami, la main d'un parent agé, la main de celui qui part, la main du mourant, la main du mort. Il tenait la main de Dawn comme on tient la main d'une femme adorée, toute sa ferveur passant dans son étreinte, comme si, par cette pression de sa paume, il arrivait à échanger leurs âmes, comme si ces doigts enlacés symbolisaient toute leur intimité. Il tenait la main de Dawn comme s'il ne savait rien de leur situation présente.
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Philip Roth (American Pastoral)
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Fusil braqué, le milicien franchit le seuil à sa suite, se baissa sans le quitter des yeux pour ramasser le poignard... ...et s'écroula dans une explosion de viande, de sauce et de riz. Bétina, tapie derrière la porte, lui avait fracassé sur le crâne la lourde marmite en fonte contenant le repas de Barthélemy. L'homme poussa un bref grognement et ne bougea plus. En le découvrant étendu à ses pieds, Bétina se plaqua les mains sur la bouche, le visage horrifié. - Il n'est pas mort, la rassura Natan. Il est juste... - Mon cari vanille, gémit Bétina. Il cuisait depuis l'aube ! Natan leva les yeux au ciel et se glissa dans la dernière pièce.
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Pierre Bottero (Le Maître des Tempêtes (L'Autre, #2))
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Le moindre son du monde présent comporte un grand nombre d'échos, de même que tout objet, quel qu'il soit, possède à la fois une grande ombre et plusieurs ombres de moindre dimension. Or cette voix n'avait plus aucun écho. Il y avait longtemps, très longtemps que ceux-ci s'étaient dissipés, évanouis. Et j'avais lu le livre jusqu'à la fin et le tenais encore dans mes mains ; avec l'impression d'avoir feuilleté non pas un livre, mais mon propre cerveau, à la recherche de quelque chose. Tout ce que la voix m'avait dit, je l'avais, depuis ma naissance, porté en moi, mais tout avait été recouvert et oublié, était resté caché à ma pensée jusqu'à aujourd'hui.
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Meyrink Gustav (The Golem)
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Préface J'aime l'idée d'un savoir transmis de maître à élève. J'aime l'idée qu'en marge des "maîtres institutionnels" que sont parents et enseignants, d'autres maîtres soient là pour défricher les chemins de la vie et aider à y avancer. Un professeur d'aïkido côtoyé sur un tatami, un philosophe rencontré dans un essai ou sur les bancs d'un amphi-théâtre, un menuisier aux mains d'or prêt à offrir son expérience... J'aime l'idée d'un maître considérant comme une chance et un honneur d'avoir un élève à faire grandir. Une chance et un honneur d'assister aux progrès de cet élève. Une chance et un honneur de participer à son envol en lui offrant des ailes. Des ailes qui porteront l'élève bien plus haut que le maître n'ira jamais. J'aime cette idée, j'y vois une des clefs d'un équilibre fondé sur la transmission, le respect et l'évolution. Je l'aime et j'en ai fait un des axes du "Pacte des MarchOmbres". Jilano, qui a été guidé par Esîl, guide Ellana qui, elle-même, guidera Salim... Transmission. Ellana, personnage ô combien essentiel pour moi (et pour beaucoup de mes lecteurs), dans sa complexité, sa richesse, sa volonté, ne serait pas ce qu elle est si son chemin n avait pas croisé celui de Jilano. Jilano qui a su développer les qualités qu'il décelait en elle. Jilano qui l'a poussée, ciselée, enrichie, libérée, sans chercher une seule fois à la modeler, la transformer, la contraindre. Respect. q Jilano, maître marchombre accompli. Maître accompli et marchombre accompli. Il sait ce qu'il doit à Esîl qui l'a formé. Il sait que sans elle, il ne serait jamais devenu l'homme qu'il est. L'homme accompli. Elle l'a poussé, ciselé, enrichi, libéré, sans chercher une seule fois à le modeler, le transformer, le contraindre. Respect. Évolution. Esîl, uniquement présente dans les souvenirs de Jilano, ne fait qu'effleurer la trame du Pacte des Marchombres. Nul doute pourtant qu'elle soit parvenue à faire découvrir la voie à Jilano et à lui offrir un élan nécessaire pour qu'il y progresse plus loin qu'elle. Jilano agit de même avec Ellana. Il sait, dès le départ, qu'elle le distancera et attend ce moment avec joie et sérénité. Ellana est en train de libérer les ailes de Salim. Jusqu'où s envolera-t-il grâce à elle ? J'aime cette idée, dans les romans et dans la vie, d’un maître transmettant son savoir à un élève afin qu a terme il le dépasse. J'aime la générosité qu'elle induit, la confiance qu'elle implique en la capacité des hommes à s'améliorer. J'aime cette idée, même si croiser un maître est une chance rare et même s'il existe bien d'autres manières de prendre son envol. Lire. Écrire. S'envoler. Pierre Bottero
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Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
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  On remarque que, dans les pays où l'on met dans les mains paternelles plus de récompenses et de punitions, les familles sont mieux réglées : les pères sont l'image du créateur de l'univers, qui, quoiqu'il puisse conduire les hommes par son amour, ne laisse pas de se les attacher encore par les motifs de l'espérance et de la crainte.
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Montesquieu (Lettres persanes)
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Dans l’automne de l’année 1816, John Melmoth, élève du collège de la Trinité, à Dublin, suspendit momentanément ses études pour visiter un oncle mourant, et de qui dépendaient toutes ses espérances de fortune. John, qui avait perdu ses parents, était le fils d’un cadet de famille, dont la fortune médiocre suffisait à peine pour payer les frais de son éducation ; mais son oncle était vieux, célibataire et riche. Depuis sa plus tendre enfance, John avait appris, de tous ceux qui l’entouraient, à regarder cet oncle avec ce sentiment qui attire et repousse à la fois, ce respect mêlé du désir de plaire, que l’on éprouve pour l’être qui tient en quelque sorte en ses mains le fil de notre existence.
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Charles Robert Maturin (Melmoth, l'homme errant)
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victor hugo, Les Contemplations, Mors Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ. Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant, Noir squelette laissant passer le crépuscule. Dans l'ombre où l'on dirait que tout tremble et recule, L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx. Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux Tombaient ; elle changeait en désert Babylone, Le trône en échafaud et l'échafaud en trône, Les roses en fumier, les enfants en oiseaux, L'or en cendre, et les yeux des mères en ruisseaux. Et les femmes criaient : - Rends-nous ce petit être. Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait naître ? - Ce n'était qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas ; Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats ; Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre ; Les peuples éperdus semblaient sous la faulx sombre Un troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit ; Tout était sous ses pieds deuil, épouvante et nuit. Derrière elle, le front baigné de douces flammes, Un ange souriant portait la gerbe d'âmes.
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Victor Hugo
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On songe au mot d'Esprit: Je ne me consolerois jamais de mourir. Dans un monde où tout va à la mort, la mort est le fond. C'est sur lui que se dressent les femmes seules dans l'insomnie, les enfants qui regardent et les cires qui fondent. La beauté des regards et des mains, des corps, des lumières qui se portent sur eux, des couleurs qui les vêtent, des pourpoints et des socques, des vielles et des cartes à jouer, des verres et des livres, des doigts qui s'avancent et qui se tendent, est faite de la mort. La beauté est une flamme de chandelle dans la tristesse, dans l'argent, dans le mépris, dans la solitude. Dans la nuit. Une haleine d'enfant la courbe; un souffle la menace; le vent définitif l'éteint.
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Pascal Quignard
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Je pouvais bien prendre Albertine sur mes genoux, tenir sa tête dans mes mains, je pouvais la caresser, passer longuement mes mains sur elle, mais, comme si j'eusse manié une pierre qui enferme la salure des océans immémoriaux ou le rayon d'une étoile, je sentais que je touchais seulement l'enveloppe close d'un être qui par l'intérieur accédait à l'infini.
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Marcel Proust (La Prisonnière)
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La solitude est une chose bien étrange. Elle vous envahit, tout doucement et sans faire de bruit, s’assoit à vos côtés dans le noir, vous caresse les cheveux pendant votre sommeil. Elle s’enroule autour de vous, vous serre si fort que vous pouvez à peine respirer, que vous n’entendez presque plus la pulsation du sang dans vos veines, tandis qu’elle file sur votre peau et effleure de ses lèvres le fin duvet de votre nuque. Elle s’installe dans votre cœur, s’allonge près de vous la nuit, dévore comme une sangsue la lumière dans le moindre recoin. C’est une compagne de chaque instant, qui vous serre la main pour mieux vous tirer vers le bas quand vous luttez pour vous redresser. Vous vous réveillez le matin et vous vous demandez qui vous êtes. Vous n’arrivez pas à vous endormir le soir et tremblez comme une feuille. Vous doutez vous doutez vous doutez. je dois je ne dois pas je devrais pourquoi je ne vais pas Et même quand vous êtes prêt à lâcher prise. Quand vous êtes prêt à vous libérer. Quand vous êtes prêt à devenir quelqu’un de nouveau. La solitude est une vieille amie debout à votre côté dans le miroir ; elle vous regarde droit dans les yeux, vous met au défi de mener votre vie sans elle. Vous ne pouvez pas trouver les mots pour lutter contre vous-même, lutter contre les mots qui hurlent que vous n’êtes pas à la hauteur, que vous ne le serez jamais vraiment, jamais vraiment. La solitude est une compagne cruelle, maudite. Parfois, elle ne veut simplement pas vous abandonner
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Tahereh Mafi (Unravel Me (Shatter Me, #2))
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Amputée!… O soleil, si c’est vrai que je viens de toi, pourquoi m’as-tu faite amputée? Pourquoi m’as-tu faite une fille? Pourquoi ces seins, cette faiblesse, cette plaie ouverte au milieu de moi? N’aurait-il pas été beau le garçon Médée? N’aurait-il pas été fort? Le corps dur comme la pierre, fait pour prendre et partir après, ferme, intact, entier, lui! Ah! il aurait pu venir, alors, Jason, avec ses grandes mains redoutables, il aurait pu tenter de les poser sur moi! Un couteau, chacun dans la sienne -oui!- et le plus fort tue l’autre et s’en va délivré. Pas cette lutte où je ne voulais que toucher les épaules, cette blessure que j’implorais. Femme! Femme! Chienne! Chair faite d’un peu de boue de d’une côte d’homme! Morceau d’homme! Putain!
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Jean Anouilh (Médée)
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A ce moment-là, Maxim me regarda enfin. Il me regarda pour la première fois de la soirée et, dans ses yeux, je lus un message d'adieu. C'était comme s'il se penchait au bastingage d'un navire, et que je me tenais en contrebas sur le quai. Il y avait d'autres gens qui touchaient son épaule et qui touchaient la mienne, mais nous ne les remarquions pas. Nous ne nous parlions pas et ne nous hélions pas, car le vent et la distance emportaient le son de nos voix. Mais je vis ses yeux, tout comme lui vit les miens, avant que le navire se détache du quai. Favell, Mme Danvers, le colonel Julyan, Frank avec son bout de papier à la main, tous furent oubliés à cet instant-là. Cet instant-là était le nôtre, inviolé, communion éphémère entre nos deux êtres.
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Daphne du Maurier (Rebecca)
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Je me mis dès lors à lire avec avidité et bientôt la lecture fut ma passion. Tous mes nouveaux besoins, toutes mes aspirations récentes, tous les élans encore vagues de mon adolescence qui s’élevaient dans mon âme d’une façon si troublante et qui étaient provoqués par mon développement si précoce, tout cela, soudainement, se précipita dans une direction, parut se satisfaire complètement de ce nouvel aliment et trouver là son cours régulier. Bientôt mon cœur et ma tête se trouvèrent si charmés, bientôt ma fantaisie se développa si largement, que j’avais l’air d’oublier tout ce qui m’avait entourée jusqu’alors. Il semblait que le sort lui même m’arrêtât sur le seuil de la nouvelle vie dans laquelle je me jetais, à laquelle je pensais jour et nuit, et, avant de m’abandonner sur la route immense, me faisait gravir une hauteur d’où je pouvais contempler l’avenir dans un merveilleux panorama, sous une perspective brillante, ensorcelante. Je me voyais destinée à vivre tout cet avenir en l’apprenant d’abord par les livres ; de vivre dans les rêves, les espoirs, la douce émotion de mon esprit juvénile. Je commençai mes lectures sans aucun choix, par le premier livre qui me tomba sous la main. Mais, le destin veillait sur moi. Ce que j’avais appris et vécu jusqu’à ce jour était si noble, si austère, qu’une page impure ou mauvaise n’eût pu désormais me séduire. Mon instinct d’enfant, ma précocité, tout mon passé veillaient sur moi ; et maintenant ma conscience m’éclairait toute ma vie passée. En effet, presque chacune des pages que je lisais m’était déjà connue, semblait déjà vécue, comme si toutes ces passions, toute cette vie qui se dressaient devant moi sous des formes inattendues, en des tableaux merveilleux, je les avais déjà éprouvées. Et comment pouvais-je ne pas être entraînée jusqu’à l’oubli du présent, jusqu’à l’oubli de la réalité, quand, devant moi dans chaque livre que je lisais, se dressaient les lois d’une même destinée, le même esprit d’aventure qui règnent sur la vie de l’homme, mais qui découlent de la loi fondamentale de la vie humaine et sont la condition de son salut et de son bonheur ! C’est cette loi que je soupçonnais, que je tâchais de deviner par toutes mes forces, par tous mes instincts, puis presque par un sentiment de sauvegarde. On avait l’air de me prévenir, comme s’il y avait en mon âme quelque chose de prophétique, et chaque jour l’espoir grandissait, tandis qu’en même temps croissait de plus en plus mon désir de me jeter dans cet avenir, dans cette vie. Mais, comme je l’ai déjà dit, ma fantaisie l’emportait sur mon impatience, et, en vérité, je n’étais très hardie qu’en rêve ; dans la réalité, je demeurais instinctivement timide devant l’avenir.
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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J'ai gardé pour la fin, comme un hommage, les lignes où je parlerai du travail des femmes des Motzi. Travail rude et dur, la plupart du temps côte à côte avec les hommes, dans les bois, par des chemins abrupts, parmi les meutes de loups. Mais ce n'est pas de cela que je veux parler ici. Je veux simplement dire le travail que doit fournir une femme Motz pour faire de ses mains calleuses une chemise de chanvre. (p. 66)
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Geo Bogza (Au pays de la pierre)
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Elle se mordit la langue quand Thorn pressa sa bouche contre la sienne. Sur le moment, elle ne comprit plus rien. Elle sentit sa barbe lui piquer le menton, son odeur de désinfectant lui monter à la tête, mais la seule pensée qui la traversa, stupide et évidente, fut quenelle avait une botte plantée dans son tibia. Elle voulut se reculer; Thorn l’en empêcha. Il referma ses mains de part et d’autre de son visage, les doigts dans ses cheveux, prenant appui sur sa nuque avec une urgence qui les déséquilibra tous les deux. La bibliothèque déversa une pluie de documents sur eux. Quand Thorn s’écarte finalement, le souffle court, ce fut pour clouer un regard de fer dans ses lunettes. - je vous préviens. Les mots que vous m’avez dits, je ne vous laisserai pas revenir dessus. Sa voix était âpre, mais sous l’autorité des paroles il y avait comme une fêlure. Ophélie pouvait percevoir le pouls précipité des mains qu’il appuyait maladroitement sur ses joues. Elle devait reconnaître que son propre cœur jouait à la balançoire. Thorn était sans doute l’homme le plus déconcertant qu’elle avait jamais rencontré, mais il l’a faisait se sentir formidablement vivante. - je vous aime, répéta-y-elle d’un ton inflexible. C’est ce que j’aurais du vous répondre quand vous vouliez connaître la raison de ma présence à Babel c’est ce que j’en aurais du vous répondre chaque fois que vous vouliez savoir ce que j’en avais vraiment à vous dire. Bien sûr que je désire percer les mystères de Dieu et reprendre le contrôle de ma vie, mais... vous faites partie de ma vie, justement. Je vous ai traité d’égoïste et à aucun moment je ne me suis mise, moi, à votre place. Je vous demande pardon. 
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Dabos Christelle
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Le bonheur, disait-il, C'est une affaire d'agilité Des mains et de l'esprit. Les âmes maladroites, on le sait, Sont malheureuses dans la vie. Et peu importe que les gestes Distordus, mensongers Soient une source de tourments. Dans les orages et les tempêtes, Au cœur du quotidien fade et figé, Dans les plus lourdes des pertes Et quand la tristesse t'inonde, Paraître simple et souriant Est l'art le plus sublime au monde.
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Sergei Yesenin (L'Homme noir)
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Elle passa la main sur son front, s’obligeant à respirer avec lenteur pour chasser le cauchemar qui pulsait encore dans chacune des fibres de son corps. Elle se leva sans bruit. — Que t’arrive-t-il ? murmura Salim près d’elle. — Un mauvais rêve. Je vais marcher un peu. Pour oublier... — Je viens. Ce n’était pas une question ni même une proposition. Aussi silencieux l’un que l’autre, ils s’éloignèrent du tas de cendres qui rougeoyait toujours. Ils n’avaient pas fait trois pas que la voix d’Edwin s’éleva. Parfaitement éveillée. — Ne dépassez pas la limite des arbres. Puis celle d’Ellana. Gouailleuse. — Ni les autres. Salim n’eut pas le temps de trouver une réplique. — Les limites exister pour être dépassées ! — Et si vous fichiez la paix à ces jeunes gens ? Chiam et Erylis ! Son cauchemar eût-il été moins prégnant, Ewilan aurait éclaté de rire.
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Pierre Bottero (L'Ĺ’il d'Otolep (Les Mondes d'Ewilan, #2))
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Mais le revenu annuel de toute société est toujours précisément égal à la valeur échangeable de tout le produit annuel de son industrie, ou plutôt c'est précisément la même chose que cette valeur échangeable. Par conséquent, puisque chaque individu tâche, le plus qu'il peut, 1° d'employer son capital à faire valoir l'industrie nationale, et - 2° de diriger cette industrie de manière à lui faire produire la plus grande valeur possible, chaque individu travaille nécessairement à rendre aussi grand que possible le revenu annuel de la société. A la vérité, son intention, en général, n'est pas en cela de servir l'intérêt public, et il ne sait même pas jusqu'à quel point il peut être utile à la société. En préférant le succès de l'industrie nationale à celui de l'industrie étrangère, il ne pense qu'à se donner personnellement une plus grande sûreté ; et en dirigeant cette industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu'à son propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d'autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions ; et ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la société, que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement pour but d'y travailler. Je n'ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leurs entreprises de commerce, à travailler pour le bien général, aient fait beaucoup de bonnes choses. Il est vrai que cette belle passion n'est pas très commune parmi les marchands, et qu'il ne faudrait pas de longs discours pour les en guérir.
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Adam Smith (An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations)
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La mort ne faisait pas souffrir. C'était la vie, cette atroce sensation d'étouffement : c'était le dernier coup que devait lui porter la vie. Ses mains et ses pieds, dans un dernier sursaut de volonté, se mirent à battre, à faire bouillonner l'eau, faiblement, spasmodiquement. Mais malgré ses efforts désespérés, il ne pourrait jamais plus remonter ; il était trop bas, trop loin. Il flottait languissement, bercé par un flot de visions très douces. Des couleurs, une radieuse lumière l'enveloppaient, le baignaient, le pénétraient. Qu'était-ce ? On aurait dit un phare. Mais non, c'était dans son cerveau, cette éblouissante lumière blanche. Elle brillait de plus en plus resplendissante. Il y eut un long grondement, et il lui sembla glisser sur une interminable pente. Et, tout au fond, il sombra dans la nuit. Ça, il le sut encore : il avait sombré dans la nuit. Et au moment même où il le sut, il cessa de le savoir.
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Jack London (Martin Eden)
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Les passantes : Je veux dédier ce poème A toutes les femmes qu'on aime Pendant quelques instants secrets A celles qu'on connait à peine Qu'un destin différent entraine Et qu'on ne retrouve jamais ...... A la compagne de voyage Dont les yeux, charmant paysage Font apparaitre court le chemin Qu'on est seul, peut-être à comprendre Et qu'on laisse pourtant descendre Sans avoir effleuré sa main. .... Chères images aperçues Espérances d'un jour deçues Vous serez dans l'oubli demain Pour peu que le bonheur survienne Il est rare qu'on se souvienne Des épisodes du chemin. Mais si lon a manqué sa vie On songe avec un peu d'envie A tous ces bonheurs entrevus Aux baisers qu'on n'osa pas prendre Aux coeurs qui doivent vous attendre Aux yeux qu'on n'a jamais revus. Alors aux soirs de lassitude Tout en peuplant sa solitude Des fantômes du souvenir On pleure les lèvres absentes De toutes ces belles passantes Que l'on n'a pas su retenir.
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Antoine Polin
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Elles disent, malheureuse, ils t'ont chassée du monde des signes, et cependant ils t'ont donné des noms, ils t'ont appelée esclave, toi malheureuse esclave. Comme des maîtres ils ont exercé leur droit de maître. Ils écrivent de ce droit de donner des noms qu'il va si loin que l'on peut considérer l'origine du langage comme un acte d'autorité émanant de ceux qui dominent. Ainsi ils disent qu'ils ont dit, ceci est telle ou telle chose, ils ont attaché à un objet et à un fait tel vocable et par là ils se le sont pour ainsi dire appropriés. Elles disent, ce faisant ils ont gueulé hurlé de toutes leurs forces pour te réduire au silence. Elles disent, le langage que tu parles t'empoisonne la glotte la langue le palais les lèvres. Elles disent le langage que tu parles est fait de mots qui te tuent. Elles disent, le langage que tu parles est fait de signes qui à proprement parler désignent ce qu'ils se sont appropriés. Ce sur quoi ils n'ont pas mis la main, ce sur quoi ils n'ont pas fondu comme des rapaces aux yeux multiples, cela n'apparaît pas dans le langage que tu parles. Cela se manifeste juste dans l'intervalle que les maîtres n'ont pas pu combler avec leurs mots de propriétaires et de possesseurs, cela peut se chercher dans la lacune, dans tout ce qui n'est pas la continuité de leurs discours, dans le zéro, le O, le cercle parfait que tu inventes pour les emprisonner et pour les vaincre.
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Monique Wittig (Les Guérillères)
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D'abord sur les yeux, qui avaient tant convoité toutes les somptuosités terrestres ; puis sur les narines, friandes de brises tièdes et de senteurs amoureuses ; puis sur la bouche, qui s'était ouverte pour le mensonge, qui avait gémi d'orgueil et crié dans la luxure ; puis sur les mains, qui se délectaient aux contacts suaves, et enfin sur les plantes des pieds, si rapides autrefois quand elle courait à l'assouvissance de ses désirs et qui maintenant ne marcheraient plus.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Je suis encore un homme jeune, et pourtant, quand je songe à ma vie, c’est comme une bouteille dans laquelle on aurait voulu faire entrer plus qu’elle ne peut contenir. Est-ce le cas pour toute vie humaine, ou suis-je né dans une époque qui repousse toute limite et qui bat les existences comme les cartes d’un grand jeu de hasard ? Moi, je ne demandais pas grand-chose. J'aurais aimé ne jamais quitter le village. Les montagnes, les bois, nos rivières, tout cela m’aurait suffi. J’aurais aimé être tenu loin de la rumeur du monde, mais autour de moi bien des peuples se sont entretués. Bien des pays sont morts et ne sont plus que des noms dans les livres d’Histoire. Certains en ont dévoré d’autres, les ont éventrés, violés, souillés. Et ce qui est juste n’a pas toujours triomphé de ce qui est sale. Pourquoi ai-je dû, comme des milliers d’autres hommes, porter une croix que je n’avais pas choisie, endurer un calvaire qui n’était pas fait pour mes épaules et qui ne me concernait pas? Qui a donc décidé de venir fouiller mon obscure existence, de déterrer ma maigre tranquillité, mon anonymat gris, pour me lancer comme une boule folle et minuscule dans un immense jeu de quilles? Dieu? Mais alors, s’Il existe, s’Il existe vraiment, qu’Il se cache. Qu’Il pose Ses deux mains sur Sa tête, et qu’Il la courbe. Peut-être, comme nous l'apprenait jadis Peiper, que beaucoup d’hommes ne sont pas dignes de Lui, mais aujourd’hui je sais aussi qu’Il n'est pas digne de la plupart d’entre nous, et que si la créature a pu engendrer l’horreur c’est uniquement parce que son Créateur lui en a soufflé la recette.
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Philippe Claudel (Brodeck)
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finalement, éperdu d'amour et au comble de la frénésie érotique, je m'assis dans l'herbe et j'enlevai un de mes souliers en caoutchouc. — Je vais le manger pour toi, si tu veux. Si elle le voulait I Ha! Mais bien sûr qu'elle le voulait, voyons! C'était une vraie petite femme. --- Elle posa son cerceau par terre et s'assit sur ses ta-lons. Je crus voir dans ses yeux une lueur d'estime. Je n'en demandais pas plus. Je pris mon canif et enta-mai le caoutchouc. Elle me regardait faire. — Tu vas le manger cru ? — Oui. J'avalai un morceau, puis un autre. Sous son regard enfin admiratif, je me sentais devenir vraiment un homme. Et j'avais raison. Je venais de faire mon apprentissage. J'entamai le caoutchouc encore plus profondément, soufflant un peu, entre les bouchées, et je continuai ainsi un bon moment, jusqu'à ce qu'une sueur froide me montât au front. Je continuai même un peu au-delà, serrant les dents, luttant contre la nausée, ramassant toutes mes forces pour demeurer sur le terrain, comme il me fallut le faire tant de fois, depuis, dans mon métier d'homme. Je fus très malade, on me transporta à l'hôpital, ma mère sanglotait, Aniela hurlait, les filles de l'atelier geignaient, pendant qu'on me mettait sur un brancard dans l'ambulance. J'étais très fier de moi. Mon amour d'enfant m'inspira vingt ans plus tard mon premier roman Éducation européenne, et aussi certains passages du Grand Vestiaire. Pendant longtemps, à travers mes pérégrinations, j'ai transporté avec moi un soulier d'enfant en caoutchouc, entamé au couteau. J'avais vingt-cinq ans, puis trente, puis quarante, mais le soulier était toujours là, à portée de la main. J'étais toujours prêt à m'y attabler, à donner, une fois de plus, le meilleur de moi-même. Ça ne s'est pas trouvé. Finalement, j'ai abandonné le soulier quelque part derrière moi. On ne vit pas deux fois. (La promesse de l'aube, ch. XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Danglars, mais je ne l'ai plus.– Et vous avez tort, madame. Eh  ! mon Dieu  ! les chances de la fortune sont précaires, et si j'étais femme, et que le hasard eût fait de cette femme celle d'un banquier, quelque confiance que j'aie dans le bonheur de mon mari, car en spéculation, vous le savez, tout est bonheur et malheur ; eh bien, dis-je, quelque confiance que j'aie dans le bonheur de mon mari, je commencerais toujours par m'assurer une fortune indépendante , dussé-je acquérir cette fortune en mettant mes intérêts dans des mains qui lui seraient inconnues. » Mme Danglars rougit malgré elle.   « Tenez, dit Monte-Cristo, comme
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Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo)
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Lorsque enfin il se sentit absolument libre, Harry s'aperçut soudain que sa liberté était une mort, qu'il était resté seul, que le monde le laissait lugubrement tranquille, qu'il ne se souciait plus des hommes ni de lui-même, qu'il étouffait lentement dans une atmosphère toujours plus rare de vide et d'isolement. La solitude et l'indépendance avaient cessé d'être son désir pour devenir son sort et sa condamnation; le vœu magique était formulé et ne pouvait être repris; cela ne servait plus à rien de tendre les mains, d'être plein de désir et de bonne volonté, prêt à l'attachement et à la communauté : maintenant, on le laissait seul.
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Hermann Hesse (Steppenwolf)
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Généralement il exprimait ses idées par de petites phrases sentencieuses et dites d'une voix douce. Depuis la Révolution, époque à laquelle il attira les regards, le bonhomme bégayait d'une manière fatigante aussitôt qu'il avait à discourir longuement ou à soutenir une discussion. Ce bredouillement, l'incohérence de ses paroles, le flux de mots où il noyait sa pensée, son manque apparent de logique attribués à un défaut d'éducation étaient affectés et seront suffisamment expliqués par quelques événements de cette histoire. D'ailleurs, quatre phrases exactes autant que des formules algébriques lui servaient habituellement à embrasser, à résoudre toutes les difficultés de la vie et du commerce : Je ne sais pas, je ne puis pas, je ne veux pas, nous venons cela. Il ne disait jamais ni oui ni non, et n'écrivait point. Lui parlait-on ? il écoutait froidement, se tenait le menton dans la main droite en appuyant son coude droit sur le revers de la main gauche, et se formait en toute affaire des opinions desquelles il ne revenait point. Il méditait longuement les moindres marchés. Quand, après une savante conversation, son adversaire lui avait livré le secret de ses prétentions en croyant le tenir, il lui répondait : - Je ne puis rien conclure sans avoir consulté ma femme.
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Honoré de Balzac
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En cette perpétuelle bataille que l'on appelle vivre, on cherche à établir un code de comportement adapté à la société, communiste ou prétendument libre, dans laquelle on a été élevé. Nous obéissons à certaines règles de conduite, en tant qu'elles sont parties intégrantes de notre tradition, hindoue, islamique, chrétienne ou autre. Nous avons recours à autrui pour distinguer la bonne et la mauvaise façon d'agir, la bonne et la mauvaise façon de penser. En nous y conformant, notre action et notre pensée deviennent mécaniques, nos réactions deviennent automatiques. Nous pouvons facilement le constater en nous-mêmes. Depuis des siècles, nous nous faisons alimenter par nos maîtres, par nos autorités, par nos livres, par nos saints, leur demandant de nous révéler tout ce qui existe au-delà des collines, au-delà des montagnes, audelà de la Terre. Si leurs récits nous satisfont, c'est que nous vivons de mots et que notre vie est creuse et vide : une vie, pour ainsi dire de « seconde main ». Nous avons vécu de ce que l'on nous a dit, soit à cause de nos tendances, de nos inclinations, soit parce que les circonstances et le milieu nous y ont contraints. Ainsi, nous sommes la résultante de toutes sortes d'influences et il n'y a rien de neuf en nous, rien que nous ayons découvert par nous-mêmes, rien d'originel, de non corrompu, de clair.
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J. Krishnamurti
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Cette société, que j'ai remarquée la première dans ma vie, est aussi la première qui ait disparu à mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bénédiction, le rendre peu à peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand'mère forcée de renoncer à son quadrille, faute des partners accoutumés; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour où mon aïeule tomba la dernière. Elle et sa sœur s'étaient promis de s'entre-appeler aussitôt que l'une aurait devancé l'autre; elles se tinrent parole, et madame de Bedée ne survécut que peu de mois à mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-être le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existé. Vingt fois, depuis cette époque, j'ai fait la même observation; vingt fois des sociétés se sont formées et dissoutes autour de moi. Cette impossibilité de durée et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'étend de là sur notre maison, me ramènent sans cesse à la nécessité de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fièvre de la mort. Ah! qu'elle ne nous soit pas trop chère! car comment abandonner sans désespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir éternellement sur son cœur?
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François-René de Chateaubriand (Mémoires d'Outre-Tombe)
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La vie, désormais : la gestion des déchets. Que faire de la terre et des boues contaminées, des feuilles ? Pour les déchets, on brûle comme on peut, on enterre à la sauvette. Quand on brûle, les incinérateurs rejettent dans l'air des poussières radioactives qui se reposent ailleurs, toujours un peu plus loin. On décontamine un lieu en en contaminant un autre : c'est un cercle vicieux. Ou alors, on nettoie à mains nues ou avec des gants et des masques, dans de grandes opérations citoyennes aussi spectaculaires qu'absurdes. Ce faisant, on ne fait qu'appliquer un des principes de base du nucléaire, où le problème des déchets n'est jamais résolu, il est remis à plus tard, infiniment et indéfiniment remis à plus tard. (p. 272)
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Michaël Ferrier (Fukushima : Récit d'un désastre)
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Voisine Je peux rester des après-midi entiers à regarder cette fille, caché derrière mon rideau. Je me demande ce qu'elle peut écrire sur son ordinateur. A quoi elle pense quand elle regarde par la fenêtre. Je me demande ce qu'elle mange, ce qu'elle utilise comme dentifrice, ce qu'elle écoute comme musique. Un jour, je l'ai vue danser toute seule. Je me demande si elle a des frères et sœurs, si elle met la radio quand elle se lève le matin, si elle préfère l'Espagne ou l'Italie, si elle garde son mouchoir en boule dans sa main quand elle pleure et si elle aime Thomas Bernhard. Je me demande comment elle dort et comment elle jouit. Je me demande comment est son corps de près. Je me demande si elle s'épile ou si au contraire elle a une grosse toison. Je me demande si elle lit des livres en anglais. Je me demande ce qui la fait rire, ce qui la met hors d'elle, ce qui la touche et si elle a du goût. Qu'est-ce qu'elle peut bien en penser, cette fille, de la hausse du baril de pétrole et des Farc, et que dans trente ans il n'y aura sans doute plus de gorilles dans les montagnes du Rwanda ? Je me demande à quoi elle pense quand je la vois fumer sur son canapé, et ce qu'elle fume comme cigarettes. Est-ce que ça lui pèse d'être seule ? Est-ce qu'elle a un homme dans sa vie ? Et si c'est le cas, pourquoi c'est elle qui va toujours chez lui ? Pourquoi il n'y a jamais d'homme chez elle ? Je me demande comment elle se voit dans vingt ans. Je me demande quel sens elle donne à sa vie. Qu'est-ce qu'elle pense de sa vie quand elle est comme ça, toute seule, chez elle ? Si ça se trouve, elle n'a aucun intérêt, cette fille.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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LA LUNE I Jeanne songeait, sur l'herbe assise, grave et rose; Je m'approchai:-Dis-moi si tu veux quelque chose, Jeanne ?-car j'obéis à ces charmants amours, Je les guette, et je cherche à comprendre toujours Tout ce qui peut passer par ces divines têtes. Jeanne m'a répondu:-Je voudrais voir des bêtes. Alors je lui montrai dans l'herbe une fourmi. -Vois ! Mais Jeanne ne fut contente qu'à demi. -Non, les bêtes, c'est gros, me dit-elle. Leur rêve, C'est le grand. L'Océan les attire à sa grève, Les berçant de son chant rauque, et les captivant Par l'ombre, et par la fuite effrayante du vent; Ils aiment l'épouvante, il leur faut le prodige. -Je n'ai pas d'éléphant sous la main, répondis-je. Veux-tu quelque autre chose ? ô Jeanne, on te le doit ! Parle.-Alors Jeanne au ciel leva son petit doigt. -Ça, dit-elle.-C'était l'heure où le soir commence. Je vis à l'horizon surgir la lune immense.
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Victor Hugo (L'Art d'être grand-père)
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« Écoute, Egor Pétrovitch, lui dit-il. Qu’est ce que tu fais de toi ? Tu te perds seulement avec ton désespoir. Tu n’as ni patience ni courage. Maintenant, dans un accès de tristesse, tu dis que tu n’as pas de talent. Ce n’est pas vrai. Tu as du talent ; je t’assure que tu en as. Je le vois rien qu’à la façon dont tu sens et comprends l’art. Je te le prouverai par toute ta vie. Tu m’as raconté ta vie d’autrefois. À cette époque aussi le désespoirte visitait sans que tu t’en rendisses compte. À cette époque aussi, ton premier maître, cet homme étrange, dont tu m’as tant parlé, a éveillé en toi, pour la première fois, l’amour de l’art et a deviné ton talent. Tu l’as senti alors aussi fortement que maintenant. Mais tu ne savais pas ce qui se passait en toi. Tu ne pouvais pas vivre dans la maison du propriétaire, et tu ne savais toi-même ce que tu désirais. Ton maître est mort trop tôt. Il t’a laissé seulement avec des aspirations vagues et, surtout, il ne t’a pas expliqué toimême. Tu sentais le besoin d’une autre route plus large, tu pressentais que d’autres buts t’étaient destinés, mais tu ne comprenais pas comment tout cela se ferait et, dans ton angoisse, tu as haï tout ce qui t’entourait alors. Tes six années de misère ne sont pas perdues. Tu as travaillé, pensé, tu as reconnu et toi-même et tes forces ; tu comprends maintenant l’art et ta destination. Mon ami, il faut avoir de la patience et du courage. Un sort plus envié que le mien t’est réservé. Tu es cent fois plus artiste que moi, mais que Dieu te donne même la dixième partie de ma patience. Travaille, ne bois pas, comme te le disait ton bonpropriétaire, et, principalement, commence par l’a, b, c. « Qu’est-ce qui te tourmente ? La pauvreté, la misère ? Mais la pauvreté et la misère forment l’artiste. Elles sont inséparables des débuts. Maintenant personne n’a encore besoin de toi ; personne ne veut te connaître. Ainsi va le monde. Attends, ce sera autre chose quand on saura que tu as du talent. L’envie, la malignité, et surtout la bêtise t’opprimeront plus fortement que la misère. Le talent a besoin de sympathie ; il faut qu’on le comprenne. Et toi, tu verras quelles gens t’entoureront quand tu approcheras du but. Ils tâcheront de regarder avec mépris ce qui s’est élaboré en toi au prix d’un pénible travail, des privations, des nuits sans sommeil. Tes futurs camarades ne t’encourageront pas, ne te consoleront pas. Ils ne t’indiqueront pas ce qui en toi est bon et vrai. Avec une joie maligne ils relèveront chacune de tes fautes. Ils te montreront précisément ce qu’il y a de mauvais en toi, ce en quoi tu te trompes, et d’un air calme et méprisant ils fêteront joyeusement chacune de tes erreurs. Toi, tu esorgueilleux et souvent à tort. Il t’arrivera d’offenser une nullité qui a de l’amour-propre, et alors malheur à toi : tu seras seul et ils seront plusieurs. Ils te tueront à coups d’épingles. Moi même, je commence à éprouver tout cela. Prends donc des forces dès maintenant. Tu n’es pas encore si pauvre. Tu peux encore vivre ; ne néglige pas les besognes grossières, fends du bois, comme je l’ai fait un soir chez de pauvres gens. Mais tu es impatient ; l’impatience est ta maladie. Tu n’as pas assez de simplicité ; tu ruses trop, tu réfléchis trop, tu fais trop travailler ta tête. Tu es audacieux en paroles et lâche quand il faut prendra l’archet en main. Tu as beaucoup d’amour-propre et peu de hardiesse. Sois plus hardi, attends, apprends, et si tu ne comptes pas sur tes forces, alors va au hasard ; tu as de la chaleur, du sentiment, peut-être arriveras-tu au but. Sinon, va quand même au hasard. En tout cas tu ne perdras rien, si le gain est trop grand. Vois-tu, aussi, le hasard pour nous est une grande chose. »
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Il y en a qui écrivent pour rechercher les applaudissements humains, au moyen de nobles qualités du coeur que l’imagination invente ou qu’ils peuvent avoir. Moi, je fais servir mon génie à peindre les délices de la cruauté ! Délices non passagères, artificielles ; mais, qui ont commencé avec l’homme, finiront avec lui. Le génie ne peut-il pas s’allier avec la cruauté dans les résolutions secrètes de la Providence ? ou, parce qu’on est cruel, ne peut-on pas avoir du génie ? On en verra la preuve dans mes paroles ; il ne tient qu’à vous de m’écouter, si vous le voulez bien... Pardon, il me semblait que mes cheveux s’étaient dressés sur ma tête ; mais, ce n’est rien, car, avec ma main, je suis parvenu facilement à les remettre dans leur première position. Celui qui chante ne prétend pas que ses cavatines soient une chose inconnue ; au contraire, il se loue de ce que les pensées hautaines et méchantes de son héros soient dans tous les hommes.
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Mais, dit-on, plusieurs se sont tués pour ne pas tomber en la puissance des ennemis. Je réponds qu’il ne s’agit pas de ce qui a été fait, mais de ce qu’on doit faire. La raison est au-dessus des exemples, et les exemples eux-mêmes s’accordent avec la raison, quand on sait choisir ceux qui sont le plus dignes d’être imités, ceux qui viennent de la plus haute piété. Ni les Patriarches, ni les Prophètes, ni les Apôtres ne nous ont donné l’exemple du suicide. Jésus-Christ, Notre-Seigneur, qui avertit ses disciples, en cas de persécution, de fuir de ville en ville, ne pouvait-il pas leur conseiller de se donner la mort, plutôt que de tomber dans les mains de leurs persécuteurs ? Si donc il ne leur a donné ni le conseil, ni l’ordre de quitter la vie, lui qui leur prépare, suivant ses promesses, les demeures de l’éternité, il s’ensuit que les exemples invoqués par les Gentils, dans leur ignorance de Dieu, ne prouvent rien pour les adorateurs du seul Dieu véritable.
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Augustine of Hippo (Saint Augustin: les 9 oeuvres majeures et complètes (Les confessions, La cité de Dieu, De la trinité, Traité du libre arbitre...) (French Edition))
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Encore au XIXe siècle, les meilleurs médecins ne savaient pas empêcher l’infection ni arrêter la putréfaction des tissus. Dans les hôpitaux de campagne, par peur de la gangrène, les chirurgiens amputaient couramment les mains et les jambes des soldats même légèrement blessés. Ces amputations, comme toutes les autres interventions médicales (telle l’extraction des dents), se faisaient sans anesthésiques. Les premiers d’entre eux - l’éther, le chloroforme et la morphine - ne devaient être d’usage courant dans la médecine occidentale qu’au milieu du XIXe siècle. Avant l’usage du chloroforme, il fallait quatre soldats pour maintenir un camarade blessé tandis que le médecin coupait le membre blessé. Le lendemain de la bataille de Waterloo (1815), on pouvait voir des monceaux de mains et de jambes coupés au voisinage des hôpitaux de campagne. En ce temps-là, les charpentiers et bouchers enrôlés dans l’armée servaient souvent dans le corps médical parce que la chirurgie exigeait à peine plus que de savoir manier le couteau et la scie.
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Yuval Noah Harari (Sapiens)
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Je prendrai par la main les deux petits enfants; J'aime les bois où sont les chevreuils et les faons, Où les cerfs tachetés suivent les biches blanches Et se dressent dans l'ombre effrayés par les branches; Car les fauves sont pleins d'une telle vapeur Que le frais tremblement des feuilles leur fait peur. Les arbres ont cela de profond qu'ils vous montrent Que l'éden seul est vrai, que les coeurs s'y rencontrent, Et que, hors les amours et les nids, tout est vain; Théocrite souvent dans le hallier divin Crut entendre marcher doucement la ménade. C'est là que je ferai ma lente promenade Avec les deux marmots. J'entendrai tour à tour Ce que Georges conseille à Jeanne, doux amour, Et ce que Jeanne enseigne à George. En patriarche Que mènent les enfants, je réglerai ma marche Sur le temps que prendront leurs jeux et leurs repas, Et sur la petitesse aimable de leurs pas. Ils cueilleront des fleurs, ils mangeront des mûres. Ô vaste apaisement des forêts ! ô murmures ! Avril vient calmer tout, venant tout embaumer. Je n'ai point d'autre affaire ici-bas que d'aimer.
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Victor Hugo (L'Art d'être grand-père)
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S’il est quelquefois logique de s’en rapporter à l’apparence des phénomènes, ce premier chant finit ici. Ne soyez pas sévère pour celui qui ne fait encore qu’essayer sa lyre : elle rend un son si étrange ! Cependant, si vous voulez être impartial, vous reconnaîtrez déjà une empreinte forte, au milieu des imperfections. Quant à moi, je vais me remettre au travail, pour faire paraître un deuxième chant, dans un laps de temps qui ne soit pas trop retardé. La fin du dix-neuvième siècle verra son poète (cependant, au début, il ne doit pas commencer par un chef d’œuvre, mais suivre la loi de la nature) ; il est né sur les rives américaines, à l’embouchure de la Plata, là où deux peuples, jadis rivaux, s’efforcent actuellement de se surpasser par le progrès matériel et moral. Buenos-Ayres, la reine du Sud, et Montevideo, la coquette, se tendent une main amie, à travers les eaux argentines du grand estuaire. Mais, la guerre éternelle a placé son empire destructeur sur les campagnes, et moissonne avec joie des victimes nombreuses. Adieu, vieillard, et pense à moi, si tu m’as lu. Toi, jeune homme, ne désespère point ; car, tu as un ami dans le vampire, malgré ton opinion contraire. En comptant l’acarus sarcopte qui produit la gale, tu auras deux amis !
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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TOUZENBACH Si vous voulez. De quoi parlerons-nous ? VERCHININE De quoi ? Rêvons ensemble... par exemple de la vie telle qu’elle sera après nous, dans deux ou trois cents ans. TOUZENBACH Eh bien, après nous on s’envolera en ballon, on changera la coupe des vestons, on découvrira peut-être un sixième sens, qu’on développera, mais la vie restera la même, un vie difficile, pleine de mystère, et heureuse. Et dans mille ans, l’homme soupirera comme aujourd’hui : « Ah ! qu’il est difficile de vivre ! » Et il aura toujours peur de la mort et ne voudra pas mourir. VERCHININE, après avoir réfléchi. Comment vous expliquer ? Il me semble que tout va se transformer peu à peu, que le changement s’accomplit déjà, sous nos yeux. Dans deux ou trois cents ans, dans mille ans peut-être, peu importe le délai, s’établira une vie nouvelle, heureuse. Bien sûr, nous ne serons plus là, mais c’est pour cela que nous vivons, travaillons, souffrons enfin, c’est nous qui la créons, c’est même le seul but de notre existence, et si vous voulez, de notre bonheur. Macha rit doucement. TOUZENBACH Pourquoi riez-vous ? MACHA Je ne sais pas. Je ris depuis ce matin. VERCHININE J’ai fait les mêmes études que vous, je n’ai pas été à l’Académie militaire. Je lis beaucoup, mais je ne sais pas choisir mes lectures, peut-être devrais-je lire tout autre chose ; et cependant, plus je vis, plus j’ai envie de savoir. Mes cheveux blanchissent, bientôt je serai vieux, et je ne sais que peu, oh ! très peu de chose. Pourtant, il me semble que je sais l’essentiel, et que je le sais avec certitude. Comme je voudrais vous prouver qu’il n’y a pas, qu’il ne doit pas y avoir de bonheur pour nous, que nous ne le connaîtrons jamais... Pour nous, il n’y a que le travail, rien que le travail, le bonheur, il sera pour nos lointains descendants. (Un temps.) Le bonheur n’est pas pour moi, mais pour les enfants de mes enfants. TOUZENBACH Alors, d’après vous, il ne faut même pas rêver au bonheur ? Mais si je suis heureux ? VERCHININE Non. TOUZENBACH, joignant les mains et riant. Visiblement, nous ne nous comprenons pas. Comment vous convaincre ? (Macha rit doucement. Il lui montre son index.) Eh bien, riez ! (À Verchinine :) Non seulement dans deux ou trois cents ans, mais dans un million d’années, la vie sera encore la même ; elle ne change pas, elle est immuable, conforme à ses propres lois, qui ne nous concernent pas, ou dont nous ne saurons jamais rien. Les oiseaux migrateurs, les cigognes, par exemple, doivent voler, et quelles que soient les pensées, sublimes ou insignifiantes, qui leur passent par la tête, elles volent sans relâche, sans savoir pourquoi, ni où elles vont. Elles volent et voleront, quels que soient les philosophes qu’il pourrait y avoir parmi elles ; elles peuvent toujours philosopher, si ça les amuse, pourvu qu’elles volent... MACHA Tout de même, quel est le sens de tout cela ? TOUZENBACH Le sens... Voilà, il neige. Où est le sens ? MACHA Il me semble que l’homme doit avoir une foi, du moins en chercher une, sinon sa vie est complètement vide... Vivre et ignorer pourquoi les cigognes volent, pourquoi les enfants naissent, pourquoi il y a des étoiles au ciel... Il faut savoir pourquoi l’on vit, ou alors tout n’est que balivernes et foutaises. Comme dit Gogol : « Il est ennuyeux de vivre en ce monde, messieurs. »
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Anton Chekhov (The Three Sisters)
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Les Tantras, dans cette optique, estiment que le lien du secret, qui s’imposait autrefois pour les doctrines et les pratiques de la « Voie de la Main Gauche » à cause de leur caractère périlleux et de la possibilité d’abus, d’aberrations et de déformations, est périmé. Le principe fondamental de l’enseignement secret, commun tant aux Tantras hindouistes qu’aux Tantras bouddhiques (ceux-ci définissant essentiellement le Vajrayâna), c’est la nature transformable du poison en remède ou « nectar » ; c’est l’emploi, à des fins de libération, des forces mêmes qui ont conduit ou qui peuvent conduire à la chute et à la perdition. Il est précisément affirmé qu’il faut adopter « le poison comme antidote du poison ». Un autre principe tantrique, c’est que « fruition » et « libération » (ou détachement, renoncement) ne s’excluent pas nécessairement, contrairement à ce que pensent les écoles unilatéralement ascétiques. On se propose comme but de réaliser les deux choses à la fois, donc de pouvoir alimenter la passion et le désir tout en restant libre. Un texte avait précisé qu’il s’agit d’une voie « aussi difficile que le fait de marcher sur le fil de l’épée ou de tenir en bride un tigre ». (…) De toute façon, à ceux qui penseraient que le tantrisme offre un commode alibi spirituel pour s’abandonner à ses instincts et à ses sens, il faudrait rappeler que tous ces courants supposent une consécration et une initiation préliminaires, le rattachement à une communauté ou chaîne (kula) d’où tirer une force protectrice, dans tous les cas une ascèse sui generis, une disciple énergique de maîtrise de soi chez celui qui entend se livre aux pratiques dont nous allons parler." "Métaphysique du sexe", pp. 303-304
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Julius Evola (Eros and the Mysteries of Love: The Metaphysics of Sex)
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JEANNE ENDORMIE. -- I LA SIESTE Elle fait au milieu du jour son petit somme; Car l'enfant a besoin du rêve plus que l'homme, Cette terre est si laide alors qu'on vient du ciel ! L'enfant cherche à revoir Chérubin, Ariel, Ses camarades, Puck, Titania, les fées, Et ses mains quand il dort sont par Dieu réchauffées. Oh ! comme nous serions surpris si nous voyions, Au fond de ce sommeil sacré, plein de rayons, Ces paradis ouverts dans l'ombre, et ces passages D'étoiles qui font signe aux enfants d'être sages, Ces apparitions, ces éblouissements ! Donc, à l'heure où les feux du soleil sont calmants, Quand toute la nature écoute et se recueille, Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille La plus tremblante oublie un instant de frémir, Jeanne a cette habitude aimable de dormir; Et la mère un moment respire et se repose, Car on se lasse, même à servir une rose. Ses beaux petits pieds nus dont le pas est peu sûr Dorment; et son berceau, qu'entoure un vague azur Ainsi qu'une auréole entoure une immortelle, Semble un nuage fait avec de la dentelle; On croit, en la voyant dans ce frais berceau-là, Voir une lueur rose au fond d'un falbala; On la contemple, on rit, on sent fuir la tristesse, Et c'est un astre, ayant de plus la petitesse; L'ombre, amoureuse d'elle, a l'air de l'adorer; Le vent retient son souffle et n'ose respirer. Soudain, dans l'humble et chaste alcôve maternelle, Versant tout le matin qu'elle a dans sa prunelle, Elle ouvre la paupière, étend un bras charmant, Agite un pied, puis l'autre, et, si divinement Que des fronts dans l'azur se penchent pour l'entendre, Elle gazouille...-Alors, de sa voix la plus tendre, Couvrant des yeux l'enfant que Dieu fait rayonner, Cherchant le plus doux nom qu'elle puisse donner À sa joie, à son ange en fleur, à sa chimère: -Te voilà réveillée, horreur ! lui dit sa mère.
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Victor Hugo (L'Art d'être grand-père)
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Quand Marco passait, tous les jeunes hommes Se penchaient pour voir ses yeux, des Sodomes Où les feux d'Amour brûlaient sans pitié Ta pauvre cahute, ô froide Amitié; Tout autour dansaient des parfums mystiques Où l'âme, en pleurant, s'anéantissait. Sur ses cheveux roux un charme glissait; Sa robe rendait d'étranges musiques Quand Marco passait. Quand Marco chantait, ses mains, sur l'ivoire, Évoquaient souvent la profondeur noire Des airs primitifs que nul n'a redits, Et sa voix montait dans les paradis De la symphonie immense des rêves, Et l'enthousiasme alors transportait Vers des cieux connus quiconque écoutait Ce timbre d'argent qui vibrait sans trèves, Quand Marco chantait. Quand Marco pleurait, ses terribles larmes Défiaient l'éclat des plus belles armes; Ses lèvres de sang fonçaient leur carmin Et son désespoir n'avait rien d'humain; Pareil au foyer que l'huile exaspère, Son courroux croissait, rouge, et l'on aurait Dit d'une lionne à l'âpre forêt Communiquant sa terrible colère, Quand Marco pleurait. Quand Marco dansait, sa jupe moirée Allait et venait comme une marée, Et, tel qu'un bambou flexible, son flanc Se tordait, faisant saillir son sein blanc; Un éclair partait. Sa jambe de marbre, Emphatiquement cynique, haussait Ses mates splendeurs, et cela faisait Le bruit du vent de la nuit dans un arbre, Quand Marco dansait. Quand Marco dormait, oh! quels parfums d'ambre Et de chair mêlés opprimaient la chambre! Sous les draps la ligne exquise du dos Ondulait, et dans l'ombre des rideaux L'haleine montait, rhythmique et légère; Un sommeil heureux et calme fermait Ses yeux, et ce doux mystère charmait Les vagues objets parmi l'étagère, Quand Marco dormait. Mais quand elle aimait, des flots de luxure Débordaient, ainsi que d'une blessure Sort un sang vermeil qui fume et qui bout, De ce corps cruel que son crime absout: Le torrent rompait les digues de l'âme, Noyait la pensée, et bouleversait Tout sur son passage, et rebondissait Souple et dévorant comme de la flamme, Et puis se glaçait.
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Paul Verlaine (Oeuvres complètes de Paul Verlaine, Vol. 1 Poèmes Saturniens, Fêtes Galantes, Bonne chanson, Romances sans paroles, Sagesse, Jadis et naguère)
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Les deux femmes, vêtues de noir, remirent le corps dans le lit de ma sœur, elles jetèrent dessus des fleurs et de l’eau bénite, puis, lorsque le soleil eut fini de jeter dans l’appartement sa lueur rougeâtre et terne comme le regard d’un cadavre, quand le jour eut disparu de dessus les vitres, elles allumèrent deux petites bougies qui étaient sur la table de nuit, s’agenouillèrent et me dirent de prier comme elles. Je priai, oh ! bien fort, le plus qu’il m’était possible ! mais rien… Lélia ne remuait pas ! Je fus longtemps ainsi agenouillé, la tête sur les draps du lit froids et humides, je pleurais, mais bas et sans angoisses ; il me semblait qu’en pensant, en pleurant, en me déchirant l’âme avec des prières et des vœux, j’obtiendrais un souffle, un regard, un geste de ce corps aux formes indécises et dont on ne distinguait rien si ce n’est, à une place, une forme ronde qui devait être La tête, et plus bas une autre qui semblait être les pieds. Je croyais, moi, pauvre naïf enfant, je croyais que la prière pouvait rendre la vie à un cadavre, tant j’avais de foi et de candeur ! Oh ! on ne sait ce qu’a d’amer et de sombre une nuit ainsi passée à prier sur un cadavre, à pleurer, à vouloir faire renaître le néant ! On ne sait tout ce qu’il y a de hideux et d’horrible dans une nuit de larmes et de sanglots, à la lueur de deux cierges mortuaires, entouré de deux femmes aux chants monotones, aux larmes vénales, aux grotesques psalmodies ! On ne sait enfin tout ce que cette scène de désespoir et de deuil vous remplit le cœur : enfant, de tristesse et d’amertume ; jeune homme, de scepticisme ; vieillard, de désespoir ! Le jour arriva. Mais quand le jour commença à paraître, lorsque les deux cierges mortuaires commençaient à mourir aussi, alors ces deux femmes partirent et me laissèrent seul. Je courus après elles, et me traînant à leurs pieds, m’attachant à leurs vêtements : — Ma sœur ! leur dis-je, eh bien, ma sœur ! oui, Lélia ! où est-elle ? Elles me regardèrent étonnées. — Ma sœur ! vous m’avez dit de prier, j’ai prié pour qu’elle revienne, vous m’avez trompé ! — Mais c’était pour son âme ! Son âme ? Qu’est-ce que cela signifiait ? On m’avait souvent parlé de Dieu, jamais de l’âme. Dieu, je comprenais cela au moins, car si l’on m’eût demandé ce qu’il était, eh bien, j’aurais pris La linotte de Lélia, et, lui brisant la tête entre mes mains, j’aurais dit : « Et moi aussi, je suis Dieu ! » Mais l’âme ? l’âme ? qu’est-ce cela ? J’eus la hardiesse de le leur demander, mais elles s’en allèrent sans me répondre. Son âme ! eh bien, elles m’ont trompé, ces femmes. Pour moi, ce que je voulais, c’était Lélia, Lélia qui jouait avec moi sur le gazon, dans les bois, qui se couchait sur la mousse, qui cueillait des fleurs et puis qui les jetait au vent ; c’était Lelia, ma belle petite sœur aux grands yeux bleus, Lélia qui m’embrassait le soir après sa poupée, après son mouton chéri, après sa linotte. Pauvre sœur ! c’était toi que je demandais à grands cris, en pleurant, et ces gens barbares et inhumains me répondaient : « Non, tu ne la reverras pas, tu as prié non pour elle, mais tu as prié pour son âme ! quelque chose d’inconnu, de vague comme un mot d’une langue étrangère ; tu as prié pour un souffle, pour un mot, pour le néant, pour son âme enfin ! » Son âme, son âme, je la méprise, son âme, je la regrette, je n’y pense plus. Qu’est-ce que ça me fait à moi, son âme ? savez-vous ce que c’est que son âme ? Mais c’est son corps que je veux ! c’est son regard, sa vie, c’est elle enfin ! et vous ne m’avez rien rendu de tout cela. Ces femmes m’ont trompé, eh bien, je les ai maudites. Cette malédiction est retombée sur moi, philosophe imbécile qui ne sais pas comprendre un mot sans L’épeler, croire à une âme sans la sentir, et craindre un Dieu dont, semblable au Prométhée d’Eschyle, je brave les coups et que je méprise trop pour blasphémer.
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Gustave Flaubert (La dernière heure : Conte philosophique inachevé)