Les Mills Quotes

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C'est de l'amour, ou il n'en exista jamais: vous le niez bien de cent façons: mais vous le prouvez de mille.
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Pierre Choderlos de Laclos (Les liaisons dangereuses)
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It's not enough to abolish abuse; custom must also be transformed. The mill was pulled down, but the wind still blows.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Les hommes de chez toi, dit le petit prince, cultivent cinq mille roses dans un mĂȘme jardin
 et ils n’y trouvent pas ce qu’ils cherchent...
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Antoine de Saint-Exupéry
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Cette nuit de vol et ses cent mille étoiles, cette sérénité, cette souveraineté de quelques heures, l'argent ne les achÚte pas.
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Antoine de Saint-Exupéry (TERRE DES HOMMES (TIRAGES RESTREINTS))
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L'Ă©ventail de choses Ă  accomplir est rĂ©duit. Lire, tirer de l'eau, couper le bois, Ă©crire et verser le thĂ© deviennent des liturgies. En ville, chaque acte se dĂ©roule au dĂ©triment de mille autres. La forĂȘt resserre ce que la ville disperse.
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Sylvain Tesson (Dans les forĂȘts de SibĂ©rie)
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En fait, tout ce qui méritait d'être dit - et j'entends par là tous les mots capables de nourrir le silence intérieur de l'homme et de l'orienter vers l'intraduisible mystère de son origine et de sa fin - a été proclamé et répété mille fois au long des siècles qui nous ont précédés.
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Gustave Thibon (Ignoranța Înstelată [L'ignorance etoilee])
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Voyez-vous, lorsqu'on a trop rĂ©ussi sa vie, On sent, -- n'ayant rien fait mon Dieu de vraiment mal! -- Mille petits dĂ©goĂ»ts de soi, dont le total Ne fait pas un remords, mais une gĂȘne obscure ; Et les manteaux de duc traĂźnent dans leur fourrure, Pendant que des grandeurs on monte les degrĂ©s, Un bruit d'illusions sĂšches et de regrets, Comme, quand vous montez lentement vers ces portes, Votre robe de deuil traĂźne des feuilles mortes.
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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Ils sont plus de deux mille Et je ne vois qu'eux deux La pluie les a soudés Semble-t-il l'un à l'autre
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Jacques Brel
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Au lieu d'ĂȘtre immobile comme il convient Ă  un pied embaumĂ© depuis quatre mille ans, il s'agitait, se contractait et sautillait sur les papiers comme une grenouille effarĂ©e.
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Théophile Gautier (The Mummy's Foot)
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To wipe out abuse is not enough; you have to change people's whole outlook. The mill is no longer standing, but the wind's still there, blowing away.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Voir mille objets pour la premiĂšre et pour la derniĂšre fois, quoi de plus mĂ©lancolique et de plus profond ! Voyager, c’est naĂźtre et mourir Ă  chaque instant.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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To destroy abuses is not sufficient; customs must be modified. The mill is there no longer; the wind is still there.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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c’est bon, l’oxygĂšne ! Que monsieur ne craigne pas de respirer. Il y en a pour tout le monde. »
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Jules Verne (Vingt mille lieues sous les mers)
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Quand le pinceau lui-mĂȘme est inhabile Ă  rendre les effets particuliers Ă  l’élĂ©ment liquide, comment la plume saurait-elle les reproduire ?
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Jules Verne (Vingt mille lieues sous les mers)
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Monfleury est en vente, je perds cinquante mille francs, s'il le faut, mais je suis tout joyeux, je quitte cet enfer d'hypocrisie et de tracasseries. Je vais chercher la solitude et la paix champĂȘtre au seul lieu oĂč elles existent en France, dans un quatriĂšme Ă©tage donnant sur les Champs-ÉlysĂ©es.
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Stendhal (The Red and the Black)
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De nos jours, rien n'est plus mensonger que cette étiquette "pro-vie" dont s'affublent les militants antiavortements : un grand nombre d'entre eux sont aussi favorables à la peine de mort ou, aux Etats-Unis, à la libre circulation des armes (plus de quinze mille morts en 2017), et on ne le voit pas militer avec tant d'ardeur contre les guerres ni contre la pollution, dont on estime qu'elle a été responsable d'une mort sur six dans le monde en 2015. La vie ne les passionne que lorsqu'il s'agit de pourrir celles des femmes. Le natalisme est affaire de pouvoir, et non d'amour de l'humanité.
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Mona Chollet (SorciÚres : La puissance invaincue des femmes)
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Les pas que je fis aprÚs avoir laissé Oroshi aux rapaces, ma déambulation hagarde, écrasée de tristesse, au bord du plateau vide, et saturé de chrones, vide et saturé sans cesse, vide, sur plus de trois mille kilomÚtres de marche, jusqu'à l'étendue de glace crevassée, cisaillée de crivetz, qui marque de maniÚre si caractéristique la limite de la bande de Contre, ces pas, je ne les ai dus qu'à moi.
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Alain Damasio (La Horde du Contrevent)
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Elle avait réussi à donner un sens à ma vie en la transformant en un bordel perpétuel. Sa trajectoire était claire, elle avait mille directions, des millions d'horizons, mon rÎle consistait à faire suivre l'intendance en cadence, à lui donner les moyens de vivre ses démences et de ne se préoccuper de rien.
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Olivier Bourdeaut (En attendant Bojangles)
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Les galĂšres ! Ah ! oui, plutĂŽt mille fois la mort, plutĂŽt l’échafaud que le bagne, plutĂŽt le nĂ©ant que l’enfer ; plutĂŽt livrer mon cou au couteau de Guillotin qu’au carcan de la chiourme ! Les galĂšres, juste ciel !
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Victor Hugo (Le Dernier Jour D'un Condamné ; Claude Gueux)
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Pourquoi deux mois de prison au dandy qui, dans une nuit, Îte à un enfant la moitié de sa fortune, et pourquoi le bagne au pauvre diable qui vole un billet de mille francs avec les circonstances aggravantes  ? Voilà vos lois. Il
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Honoré de Balzac (Le PÚre Goriot)
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Nous avions un camarade qui devenait facilement bossu. Il avait l'air si pitoyable que souvent dans le métro les Allemands lui cédaient leur place. Il s'asseyait avec mille précautions. Il portait beaucoup de choses dans sa bosse.
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Joseph Kessel (L'Armée des ombres)
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je finirai bien par te rencontrer quelque part bon dieu! et contre tout ce qui me rend absent et douloureux par le mince regard qui me reste au fond du froid j'affirme ĂŽ mon amour que tu existes je corrige notre vie nous n'irons plus mourir de langueur Ă  des milles de distance dans nos rĂȘves bourrasques des filets de sang dans la soif craquelĂ©e de nos lĂšvres les Ă©paules baignĂ©es de vols de mouettes non j'irai te chercher nous vivrons sur la terre la dĂ©tresse n'est pas incurable qui fait de moi une Ă©pave de dĂ©rision, un ballon d'indĂ©cence un pitre aux larmes d'Ă©tincelles et de lĂ©sions profondes frappe l'air et le feu de mes soifs coule-moi dans tes mains de ciel de soie la tĂȘte la premiĂšre pour ne plus revenir
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Gaston Miron (L'Homme rapaillé)
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si chacun de tes sujets ressemble à l'autre tu n'as point atteint l'unité, car mille colonnes identiques ne créent qu'un stupide effet de miroirs et non un temple. Et la perfection de ta démarche serait, de ces mille sujets, de les massacrer tous sauf un seul.
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Antoine de Saint-Exupéry (Citadelle)
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- DĂ©gage je t'ai dit ! - Je te fais une contre-proposition, lança Ellana que le poing brandi du barbu ne paraissait pas impressionner le moins du monde. Tu quittes l'auberge maintenant, sans bruit, avec la promesse de ne plus jamais y remettre les pieds, et je ne te casse pas en mille morceaux. Le colosse ouvrit la bouche pour un cri ou peut-ĂȘtre un rire, mais la voix de Jilano le lui vola. - C'est un marchĂ© de dupe ! s'Ă©cria-t-il sur un ton plein de verve. - Et pourquoi donc ? fit mine de se fĂącher Ellana. - Parce que mĂȘme si tu tapes fort, tu lui casseras au maximum une douzaine d'os. Allez, vingt parce que c'est toi. On est loin des mille morceaux que tu revendiques. Ellana soupira. - C'est une expression, il ne faut pas la prendre au pied de la lettre. - Sans doute, mais ce monsieur pourrait s'estimer grugĂ©. - TrĂšs bien. VoilĂ  ma contre-proposition rĂ©actualisĂ©e. Tu quittes l'auberge maintenant, sans bruit, avec la promesse de ne plus jamais y remettre les pieds et je ne te casse pas en douze morceaux. Peut-ĂȘtre vingt parce que c'est moi.
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Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
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Elle n'en revient pas, que l'on puisse avoir de tels Ă©changes laconiques - "Ça va ? - Ça va !" - avec des ĂȘtres qu'on a mis au monde et vus grandir vingt ans durant, Ă  qui on a appris Ă  parler, Ă  qui on a lu mille histoires Ă  l'heure du coucher, pour qui on a fait des repas sans nombre, qu'on a aidĂ©s Ă  faire leurs devoirs et soignĂ©s pendant leurs maladies, dont on a Ă©coutĂ© les problĂšmes et logĂ© les copains. C'est incroyable de s'entendre Ă©changer des "Ça va ? Ça va !" avec ces ĂȘtres-lĂ .
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Nancy Huston (Infrarouge)
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Quand il m'arrive de sentir que mon temps est peu de chose, je pense Ă  celui qui s'Ă©coule simultanĂ©ment dans bien des endroits du monde et qui passe prĂšs du mien : ce sont des arbres qui chassent des pollens, des femmes qui attendent une rupture des eaux, un garçon qui Ă©tudie un vers de Dante, mille cloches de rĂ©crĂ©ation qui sonnent dans toutes les Ă©coles du monde, du vin qui fermente au soutirage, toutes choses qui arrivent au mĂȘme moment et qui, alliant leur temps au mien, lui donnent de l'ampleur. (p. 106)
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Erri De Luca (Tre cavalli)
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Elle disait aussi que les plus belles choses sont éphémÚres. Elles meurent trop tÎt pour nous rappeler que la vie est courte est précieuse
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Tillie Cole (Mille Baisers pour un garçon)
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Pour que le dĂ©sir se change en acte, pour que la force de l'arbre se fasse branche, pour que la femme devienne mĂšre, il faut un choix. C'est de l'injustice du choix que naĂźt la vie. Car celle-lĂ  aussi, qui Ă©tait belle, mille l'aimaient. et, pour ĂȘtre, elle les a rĂ©duits au dĂ©sespoir. Est toujours injuste ce qui est. Je comprenais que toute crĂ©ation d'abord est cruelle.
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Antoine de Saint-Exupéry (Citadelle)
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HĂ©lĂšne m’a racontĂ© toute sa vie. Tout mais en puzzle. Comme si elle m’avait fait cadeau du plus bel objet de sa maison, mais qu’elle l’avait cassĂ© en mille morceaux avant, sans le faire exprĂšs.
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Valérie Perrin (Les Oubliés du dimanche)
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Le rĂȘve est le tuteur du pauvre, et son pourfendeur. Il nous tient par la main, puis il nous tient dans la sienne pour nous larguer quand il veut aprĂšs nous avoir baladĂ©s Ă  sa guise Ă  travers mille promesses. C’est un gros malin, le rĂȘve, un fin psychologue : il sait nous prendre Ă  nos propres sentiments comme on prend au mot un fieffĂ© menteur ; lorsque nous lui confions notre cƓur et notre esprit, il nous fausse compagnie au beau milieu d’une dĂ©route, et nous nous retrouvons avec du vent dans la tĂȘte et un trou dans la poitrine – il ne nous reste plus que les yeux pour pleurer.
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Yasmina Khadra (Les anges meurent de nos blessures)
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Les hommes de chez toi, dit le petit prince, cultivent cinq mille roses dans un mĂȘme jardin... et ils n'y trouvent pas ce qu'ils cherchent... — Ils ne le trouvent pas, rĂ©pondis-je... — Et cependant ce qu'ils cherchent pourrait ĂȘtre trouvĂ© dans une seule rose ou un peu d'eau... — Bien sĂ»r, rĂ©pondis-je. Et le petit prince ajouta : — Mais les yeux sont aveugles. Il faut chercher avec le cƓur.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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La MĂ©diterranĂ©e n’est qu’un lac, comparĂ©e aux vastes plaines liquides du Pacifique, mais c’est un lac capricieux, aux flots changeants, aujourd’hui propice et caressant pour la frĂȘle tartane qui semble flotter entre le double outremer des eaux et du ciel, demain, rageur, tourmentĂ©, dĂ©montĂ© par les vents, brisants les plus forts navires de ses lames courtes qui les frappent Ă  coups prĂ©cipitĂ©s.
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Jules Verne (VINGT MILLE LIEUES SOUS LES MERS (2))
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La mort n'est d'aucune consolation, et si tant est qu'on puisse en trouver une, c'est au cours de la vie. Et pourtant, rien n'est aussi mĂ©sestimĂ© que l'existence. Vous maudissez les lundis, la tempĂȘte, vos voisins, vous maudissez les mardis, le travail, l'hiver et cela s'Ă©vanouira en une fraction de seconde. Tout ce foisonnement sera rĂ©duit Ă  nĂ©ant et remplacĂ© par l'indigence de la mort. Que ce soit dans la veille ou dans le sommeil, vous pensez Ă  des choses insignifiantes, et qui sont Ă  mille lieues de l'essence. Combien de temps vit un ĂȘtre humain en fin de compte, combien connaĂźt-il d'heures limpides, combien de fois existe-t-il avec la mĂȘme intensitĂ© que le courant Ă©lectrique au point d'illuminer le monde ? L'oiseau chante, le ver se tourne au creux de la terre afin que la vie n'Ă©touffe pas mais, vous, vous maudissez les lundis, vous maudissez les mardis, le nombre des opportunitĂ©s qui s'offrent Ă  vous diminue et cela rejaillit sur le scintillement argentĂ© qui vous habite. (p. 156-157)
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JĂłn Kalman StefĂĄnsson (Harmur englanna)
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Aussi, prĂ©fĂ©rant mille fois la mort Ă  une arrestation, j'accomplissais des choses Ă©tonnantes, et qui, plus d'une fois, me donnĂšrent cette preuve que le trop grand soin que nous prenons de notre corps est Ă  peu prĂšs le seul obstacle Ă  la rĂ©ussite de ceux de nos projets qui ont besoin d'une dĂ©cision rapide et d'une exĂ©cution vigoureuse et dĂ©terminĂ©e. En effet, une fois qu'on a fait le sacrifice de sa vie, on n'est plus l'Ă©gal des autres hommes, ou plutĂŽt les autres hommes ne sont plus vos Ă©gaux, et quiconque a pris cette rĂ©solution sent, Ă  l'instant mĂȘme, dĂ©cupler ses forces et s'agrandir son horizon. (p. 556)
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Alexandre Dumas (The Count of Monte Cristo, V1 (The Count of Monte Cristo, part 1 of 2))
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AprĂšs un premier avantage, n'allez pas vous endormir ou vouloir donner Ă  vos troupes un repos hors de saison. Poussez votre pointe avec la mĂȘme rapiditĂ© qu'un torrent qui se prĂ©cipiterait de mille toises de haut. Que votre ennemi n'ait pas le temps de se reconnaĂźtre, et ne pensez Ă  recueillir les fruits de votre victoire que lorsque sa dĂ©faite entiĂšre vous aura mis en Ă©tat de le faire sĂ»rement, avec loisir et tranquillitĂ©.
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Sun Tzu (The Art of War)
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Et par contre, si je communique Ă  mes hommes l’amour de la marche sur la mer, et que chacun d’eux soit ainsi en pente Ă  cause d’un poids dans le cƓur, alors tu les verras bientĂŽt se diversifier selon leurs mille qualitĂ©s particuliĂšres. Celui-lĂ  tissera des toiles, l’autre dans la forĂȘt par l’éclair de sa hache couchera l’arbre. L’autre, encore, forgera des clous, et il en sera quelque part qui observeront les Ă©toiles afin d’apprendre Ă  gouverner. Et tous cependant ne seront qu’un. CrĂ©er le navire ce n’est point tisser les toiles, forger les clous, lire les astres, mais bien donner le goĂ»t de la mer qui est un, et Ă  la lumiĂšre duquel il n’est plus rien qui soit contradictoire mais communautĂ© dans l’amour.
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Antoine de Saint-Exupéry (Citadelle)
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J’aurai cette femme; je l’enlĂšverai au mari qui la profane; j’oserai la ravir au Dieu mĂȘme qu’elle adore. Quel dĂ©lice d’ĂȘtre tour Ă  tour l’objet et le vainqueur de ses remords! Loin de moi l’idĂ©e de dĂ©truire les prĂ©jugĂ©s qui l’affligent! ils ajouteront Ă  mon bonheur et Ă  ma gloire. Qu’elle croie Ă  la vertu, mais qu’elle me la sacrifie; que ses fautes l’épouvantent sans pouvoir l’arrĂȘter, et qu’agitĂ©e de mille terreurs elle ne puisse les oublier, les vaincre que dans mes bras.
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Pierre Choderlos de Laclos (Les Liaisons Dangereuses)
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- Eh bien, monsieur le naturaliste, demanda le Canadien d’un ton lĂ©gĂšrement goguenard, et cette MĂ©diterranĂ©e? - Nous flottons Ă  sa surface, ami Ned. - Hein! Fit Conseil, cette nuit mĂȘme?... - Oui, cette nuit mĂȘme, en quelques minutes, nous avons franchi cet isthme infranchissable. - Je n’en crois rien, rĂ©pondit le Canadien. - Et vous avez tort, maĂźtre Land, repris-je. Cette cĂŽte basse qui s’arrondit vers le sud est la cĂŽte Ă©gyptienne. - À d’autres, monsieur, rĂ©pliqua l’entĂȘtĂ© Canadien.
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Jules Verne (VINGT MILLE LIEUES SOUS LES MERS (2))
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« Et ces sauvages ? me demanda Conseil. N'en dĂ©plaise Ă  monsieur, ils ne me semblent pas trĂšs mĂ©chants ! -- Ce sont pourtant des anthropophages, mon garçon. -- On peut ĂȘtre anthropophage et brave homme, rĂ©pondit Conseil, comme on peut ĂȘtre gourmand et honnĂȘte. L'un n'exclut pas l'autre. -- Bon ! Conseil, je t'accorde que ce sont d'honnĂȘtes anthropophages, et qu'ils dĂ©vorent honnĂȘtement leurs prisonniers. Cependant, comme je ne tiens pas Ă  ĂȘtre dĂ©vorĂ©, mĂȘme honnĂȘtement, je me tiendrai sur mes gardes... »
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Jules Verne (VINGT MILLE LIEUES SOUS LES MERS (2))
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Je te cherchai. Je te revis. Malheur ! Quand je t’eus vue deux fois, je voulus te voir mille, je voulus te voir toujours. Alors, — comment enrayer sur cette pente de l’enfer ? — alors je ne m’appartins plus. L’autre bout du fil que le dĂ©mon m’avait attachĂ© aux ailes, il l’avait nouĂ© Ă  ton pied. Je devins vague et errant comme toi. Je t’attendais sous les porches, je t’épiais au coin des rues, je te guettais du haut de ma tour. Chaque soir, je rentrais en moi-mĂȘme plus charmĂ©, plus dĂ©sespĂ©rĂ©, plus ensorcelĂ©, plus perdu !
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Victor Hugo (Notre-Dame de Paris (French Edition))
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C'est un bocal de souvenirs, a-t-elle expliquĂ©. GrĂące Ă  lui, tu te rappelleras les baisers qui t'ont rendue heureuse, ceux auxquels tu voudras repenser quand tu seras vieille, comme moi. Les plus beaux. Ceux qui t'ont fait sourire. Chaque fois que le garçon que tu aimes t'offre un baiser, ouvre le bocal et attrape un cƓur. Ecris l'endroit oĂč il t'a embrassĂ©e. Quand tu seras grand-mĂšre, tu raconteras tes aventures Ă  tes petits-enfants, comme je l'ai fait avec toi. Tu auras un bocal Ă  trĂ©sors avec les mille plus beaux baisers de ta vie.
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Tillie Cole (A Thousand Boy Kisses (A Thousand Boy Kisses, #1))
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Cest une Ă©trange faiblesse de l’esprit humain que jamais la mort ne lui soit prĂ©sente quoiqu’elle se mette en vue de tous cĂŽtĂ©s et sous mille formes diverses
 et je puis dire que les mortels n’ont pas moins de soin d’ensevelir les pensĂ©es de la mort que d’enterrer les morts mĂȘmes
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Jacques-BĂ©nigne Bossuet
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Nicolas Wells rejoignit les autres. De son onde propre, il renrichit la vibration collective : OM. Un instant, il se sentit devenir un nuage immatĂ©riel et lĂ©ger qui s'Ă©levait et traversait les matiĂšres. C'Ă©tait mille fois mieux qu'ĂȘtre dieu parmi les fourmis. Libre ! Il Ă©tait libre.
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Bernard Werber (La Trilogie des Fourmis)
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L'Horloge Horloge! dieu sinistre, effrayant, impassible, Dont le doigt nous menace et nous dit: "Souviens-toi! Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi Se planteront bientĂŽt comme dans une cible; Le plaisir vaporeux fuira vers l'horizon Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ; Chaque instant te dĂ©vore un morceau du dĂ©lice A chaque homme accordĂ© pour toute sa saison. Trois mille six cents fois par heure, la Seconde Chuchote: Souviens-toi! - Rapide, avec sa voix D'insecte, Maintenant dit: Je suis Autrefois, Et j'ai pompĂ© ta vie avec ma trompe immonde! Remember! Souviens-toi, prodigue! Esto memor! (Mon gosier de mĂ©tal parle toutes les langues.) Les minutes, mortel folĂątre, sont des gangues Qu'il ne faut pas lĂącher sans en extraire l'or! Souviens-toi que le Temps est un joueur avide Qui gagne sans tricher, Ă  tout coup! c'est la loi. Le jour dĂ©croĂźt; la nuit augmente; souviens-toi! Le gouffre a toujours soif; la clepsydre se vide. TantĂŽt sonnera l'heure oĂč le divin Hasard, OĂč l'auguste Vertu, ton Ă©pouse encor vierge, OĂč le repentir mĂȘme (oh! la derniĂšre auberge!), OĂč tout te dira: Meurs, vieux lĂąche! il est trop tard!
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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Ils sont plus de deux mille Et je ne vois qu'eux deux Et brusquement, il pleure Il pleure à gros bouillons Tout entourés qu'ils sont D'adipeux en sueur Et de bouffeurs d'espoir Qui les montrent du nez Mais ces deux déchirés Superbes de chagrin Abandonnent aux chiens L'exploit de les juger
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Jacques Brel
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Quand on s’attend au pire, le moins pire a une saveur toute particuliĂšre, que vous dĂ©gusterez avec plaisir, mĂȘme si ce n’est pas le meilleur. *** Ce n'est pas la vie qui est belle, c'est nous qui la voyons belle ou moins belle. Ne cherchez pas Ă  atteindre un bonheur parfait, mais contentez vous des petites choses de la vie, qui, mises bout Ă  bout, permettent de tenir la distance
 Les tout petit riens du quotidien, dont on ne se rend mĂȘme plus compte mais qui font que, selon la façon dont on les vit, le moment peut ĂȘtre plaisant et donne envie de sourire. Nous avons tous nos petits riens Ă  nous. Il faut juste en prendre conscience. *** Le silence a cette vertu de laisser parler le regard, miroir de l’ñme. On entend mieux les profondeurs quand on se tait. *** Au temps des sorciĂšres, les larmes d’homme devaient ĂȘtre trĂšs recherchĂ©es. C’est rare comme la bave de crapaud. Ce qu’elles pouvaient en faire, ça, je ne sais pas. Une potion pour rendre plus gentil ? Plus humain ? Moins avare en Ă©motion ? Ou moins poilu ? *** Quand un silence s’installe, on dit qu’un ange passe
 *** Vide. Je me sens vide et Ă©teinte. J’ai l’impression d’ĂȘtre un peu morte, moi aussi. D’ĂȘtre un champ de bataille. Tout a brĂ»lĂ©, le sol est irrĂ©gulier, avec des trous bĂ©ants, des ruines Ă  perte de vue. Le silence aprĂšs l’horreur. Mais pas le calme aprĂšs la tempĂȘte, quand on se sent apaisĂ©. Moi, j’ai l’impression d’avoir sautĂ© sur une mine, d’avoir explosĂ© en mille morceaux, et de ne mĂȘme pas savoir comment je vais faire pour les rassembler, tous ses morceaux, ni si je les retrouverai tous. *** Accordez-vous le droit de vivre votre chagrin. Il y a un temps pour tout. *** Ce n’est pas d’intuition dont est dotĂ© Romain, mais d’attention. *** ÒȘa fait toujours plaisir un cadeau, surtout de la part des gens qu’on aime.
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AgnĂšs Ledig (Juste avant le bonheur)
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En vérité, il préférait encore mille fois la naïveté d'un enfant qui croyait que les étoiles étaient des trous dans la voûte céleste, à travers lesquels transparaissait la lumiÚre éternelle, au bavardage creux, insensé et présomptueux que commettait la science moniste en traitant de l'"univers cosmique".
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Thomas Mann (The Magic Mountain)
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Dites seulement un mot, et vous verrez si tous les charmes et tous les attachements me retiendront ici, non pas un jour, mais une minute. Je volerai Ă  vos pieds et dans vos bras, et je vous prouverai mille fois et de milles maniĂšres, que vous ĂȘtes, que vous serez toujours, la vĂ©ritable souveraine de mon cƓur.
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Pierre Choderlos de Laclos (Les Liaisons Dangereuses)
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- Mais quel Ăąge as-tu pour parler ainsi ? - Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas. Peut-ĂȘtre quatre mille neuf cent quinze jours, peut-ĂȘtre quatorze ou quinze ans. J'ai parfois l'impression d'ĂȘtre un bĂ©bĂ© et d'autre fois, je sais que j'ai plusieurs siĂšcles. Est-ce important ? Ça ne m'empĂȘche pas d'ĂȘtre moi, tu ne crois pas ?
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Pierre Bottero (Les FrontiĂšres de glace (La QuĂȘte d'Ewilan, #2))
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Si je cherche dans mes souvenirs ceux qui m'ont laissĂ© un goĂ»t durable, si je fais le bilan des heures qui ont comptĂ©, Ă  coup sĂ»r je retrouve celles que nulle fortune ne m'eĂ»t procurĂ©es. On n'achĂšte pas l'amitiĂ© d'un Mermoz, d'un compagnon que les Ă©preuves vĂ©cues ensemble ont liĂ© Ă  nous pour toujours. Cette nuit de vol et ses cent mille Ă©toiles, cette sĂ©rĂ©nitĂ©, cette souverainetĂ© de quelques heures, l'argent ne les achĂšte pas. Cet aspect neuf du monde aprĂšs l'Ă©tape difficile, ces arbres, ces fleurs, ces femmes, ces sourires fraĂźchement colorĂ©s par la vie qui vient de nous ĂȘtre rendue Ă  l'aube, ce concert de petites choses qui nous rĂ©compensent, l'argent ne les achĂšte pas.
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Antoine de Saint-Exupéry (Wind, Sand and Stars)
“
Mais vous savez donc plusieurs langues  ? – Je parle cinq langues vivantes, l'allemand, le français, l'italien, l'anglais et l'espagnol ; Ă  l'aide du grec ancien je comprends le grec moderne  ; seulement je le parle mal, mais je l'Ă©tudie en ce moment. – Vous l'Ă©tudiez  ? dit DantĂšs.   – Oui, je me suis fait un vocabulaire des mots que je sais, je les ai arrangĂ©s, combinĂ©s, tournĂ©s et retournĂ©s, de façon qu'ils puissent me suffire pour exprimer ma pensĂ©e. Je sais Ă  peu prĂšs mille mots, c'est tout ce qu'il me faut Ă  la rigueur, quoiqu'il y en ait cent mille, je crois, dans les dictionnaires. Seulement, je ne serai pas Ă©loquent, mais je me ferai comprendre Ă  merveille et cela me suffit. »
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Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo)
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J'ai ri. Il a secouĂ© la tĂȘte et m'a regardĂ©e. - Quoi ? Ai-je demandĂ©. - Rien, a t-il rĂ©pondu. - Pourquoi tu me regardes comme ça ? Augustus a eu un petit sourire. - Parce-que tu es belle. J'aime regarder les gens beaux et, depuis un certain temps, j'ai dĂ©cidĂ© de ne me refuser aucun petit plaisir de la vie. D'autant plus que, comme tu l'as dĂ©licieusement fait remarquer, tout ceci tombera dans l'oubli. - Je ne suis pas bel... - Tu es belle comme mille Natalie Portman. Natalie Portman dans V pour Vendetta. (...) - Ah bon ? S'est-il Ă©tonnĂ©. Fille sublime, cheveux courts, dĂ©teste l'autoritĂ© et ne peut s'empĂȘcher de craquer pour le garçon qui ne lui apportera que des ennuies. Ta bio, en somme.
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”
John Green (The Fault in Our Stars)
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- Continuons donc notre excursion, repris-je, mais ayons l’Ɠil aux aguets, quoique l’ile paraisse inhabitĂ©e, elle pourrait renfermer, cependant, quelques individus qui seraient moins difficiles que nous sur la nature du gibier! - He! He! Fit Ned Land, avec un mouvement de mĂąchoire trĂšs significatif. - Eh bien! Ned! S’écria Conseil. - Ma foi, riposta le canadien, je commence Ă  comprendre les charmes de l’anthropophagie! - Ned! Ned! Que dites-vous la! RĂ©plique Conseil. Vous, anthropophage! Mais je ne serai plus en sĂ»retĂ© prĂšs de vous, moi qui partage votre cabine! Devrai-je donc me rĂ©veiller un jour a demi dĂ©vorĂ©? - Ami Conseil, je vous aime beaucoup, mais pas assez pour vous manger sans nĂ©cessitĂ©.
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Jules Verne (VINGT MILLE LIEUES SOUS LES MERS (2))
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Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes ! c'est vous qu'il faut punir des erreurs de notre jeunesse 
; si vains du droit de nous juger,
 Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes : on y laisse former mille ouvriers de l'autre sexe.
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Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (Le Mariage de Figaro (Beaumarchais avec préface))
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Que de piĂšces de thĂ©Ăątre je vois lĂ  ! dit Candide ; en italien, en espagnol, en français ! — Oui, dit le sĂ©nateur, il y en a trois mille, et pas trois douzaines de bonnes. Pour ces recueils de sermons, qui tous ensemble ne valent pas une page de SĂ©nĂšque, et tous ces gros volumes de thĂ©ologie, vous pensez bien que je ne les ouvre jamais, ni moi ni personne.
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Voltaire (Candide)
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D'autres deuils assombrirent mon existence, rendant chaque fois un peu plus fausse la rĂ©sonance de mes plaisirs, avant le jour oĂč je pus entendre sa voix. TirĂ© trop tĂŽt du sommeil pour vaquer Ă  mes habitudes, je m'Ă©tais enfermĂ© dans le dĂ©barras minuscule oĂč s'entassent mille tĂ©moins extravagants de mon passĂ© : objets divers auxquels seul le souvenir qu'ils Ă©voquent saurait donner un nom.
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Marcel BĂ©alu (Les messagers clandestins)
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Pour que le dĂ©sir se change en acte, pour que la force de l'arbre se fasse branche, pour que la femme devienne mĂšre, il faut un choix. C'est de l'injustice du choix que naĂźt la vie. Car celle-lĂ  aussi, qui Ă©tait belle, mille l'aimaient. et, pour ĂȘtre, elle les a rĂ©duits au dĂ©sespoir. Est toujours injuste ce qui est. Je comprenais que toute crĂ©ation d'abord est cruelle. (Citadelle, Chapitre XXVIII)
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Antoine de Saint-Exupéry
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PrĂšs de quatre mille jeunes combattants morisques succombĂšrent en tentant de rapporter de l'eau aux enfants qui mourraient de dĂ©shydratation.obligĂ©s de capituler,ils demandĂšrent finalement Ă  ĂȘtre dĂ©portĂ©s et descendirent prĂ©cipitamment vers les fontaines.Quelques uns moururent pour avoir trop bu.les survivants furent triĂ©s :les femmes et les enfants en Ă©tat de servir furent sĂ©parĂ©s des autres pour ĂȘtre vendus
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Rodrigo de Zayas (Les Morisques et le racisme d État)
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etre ou ne pas etre se demandait shakspear .y'a t'il plus de puissance d'ame a subir . ou bien s' armer contre les vagues de douleurs. avant que les maux spirituelles du vertige demeurent . avnt que laterre dit sa parole aux milles tortures naturelles . avant que le seigneur devient en colére . souvient toi de ta naissance prmiére . le jour ou on t'a apris la priére . ton coeur etait brave trés propre .tu cherchait la paix pour mieucx vivre alors que la paix. cest s'offrir le luxe e ne plus souffrir . inconscient tu était du terme mourir . l'agonie de la mort va te couvrir .cette heure tu connaitras une valeure . a quoi sert de vivre deux heures sans savoir que le destin c'est l'enfer .etre ou ne pas etre se demandait un jeune asperger .telle est la question du grand mistére. reveille toi pour ne pl us dormir . car la cloche de la restruction va te couvrir.
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cherine hamaidi savant
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MĂȘme dans le plus creux de ma peine, je ne suis pas certaine d'avoir eu l'air aussi dĂ©vastĂ©e. J'imagine que ça dĂ©pend de la nature de ce qui nous a brisĂ©s. Justin m'a fendu le coeur en deux quand il m'a laissĂ©e. Ça m'a fait mal, mais la coupure est nette et je sais que je vais me recoller, Ă©ventuellement. Jack, lui, semble cassĂ© en mille morceaux. Au point que, peu importe ce qu'il fera, il ne retrouvera sĂ»rement jamais tous les Ă©clats.
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Marie-Christine Chartier (Le sommeil des loutres)
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Le Bonadventure passa devant cette cÎte, qu'il prolongea à la distance d'un demi-mille. Il fut facile de voir qu'elle se composait de blocs de toutes dimensions, depuis vingt pieds jusqu'à trois cents pieds de hauteur, et de toutes formes, cylindriques comme des tours, prismatiques comme des clochers, pyramidaux comme des obélisques, coniques comme des cheminées d'usine. Une banquise des mers glaciales n'eût pas été plus capricieusement dressée dans sa sublime horreur! Ici, des ponts jetés d'un roc à l'autre; là, des arceaux disposés comme ceux d'une nef, dont le regard ne pouvait découvrir la profondeur; en un endroit, de larges excavations, dont les voûtes présentaient un aspect monumental; en un autre, une véritable cohue de pointes, de pyramidions, de flÚches comme aucune cathédrale gothique n'en a jamais compté. Tous les caprices de la nature, plus variés encore que ceux de l'imagination, dessinaient ce littoral grandiose, qui se prolongeait sur une longueur de huit à neuf milles.
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Jules Verne (L'Île mystĂ©rieuse)
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Rien n’est si facile et si commun que de se duper soi-mĂȘme quand on ne manque pas d’esprit et quand on connaĂźt bien toutes les finesses de la langue. C’est une reine prostituĂ©e qui descend et s’élĂšve Ă  tous les rĂŽles, qui se dĂ©guise, se pare, se dissimule et s’efface ; c’est une plaideuse qui a rĂ©ponse Ă  tout, qui a toujours tout prĂ©vu, et qui prend mille formes pour avoir raison. Le plus honnĂȘte des hommes est celui qui pense et qui agit le mieux, mais le plus puissant est celui qui sait le mieux Ă©crire et parler.
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George Sand (32 Oeuvres de George Sand (La Mare au Diable, La Petite Fadette, Indiana, Nanon ...))
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Attestant la prĂ©sence massive d’athĂ©es, il recherche les causes de cette incroyance, Ă  ses yeux dangereuse, et prĂ©conise de sĂ©vĂšres mesures Ă  l’encontre des athĂ©es. À bien des Ă©gards, on peut estimer que Platon est Ă  l’origine de l’opinion pĂ©jorative qui va peser sur l’athĂ©isme pendant deux milles ans : en liant l’incroyance et l’immoralitĂ©, il franchit un pas dĂ©cisif qui frappe les athĂ©es d’une tache indĂ©lĂ©bile. — Platon va l’enraciner dans une conception mĂ©taphysique et Ă©thique fondamentale qui va en faire le crime par excellence.
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Georges Minois (Histoire de L'athéisme: les incroyants dans le monde occidental des origines à nos jours)
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So far as Louis XVI. was concerned, I said `no.' I did not think that I had the right to kill a man; but I felt it my duty to exterminate evil. I voted the end of the tyrant, that is to say, the end of prostitution for woman, the end of slavery for man, the end of night for the child. In voting for the Republic, I voted for that. I voted for fraternity, concord, the dawn. I have aided in the overthrow of prejudices and errors. The crumbling away of prejudices and errors causes light. We have caused the fall of the old world, and the old world, that vase of miseries, has become, through its upsetting upon the human race, an urn of joy." "Mixed joy," said the Bishop. "You may say troubled joy, and to-day, after that fatal return of the past, which is called 1814, joy which has disappeared! Alas! The work was incomplete, I admit: we demolished the ancient regime in deeds; we were not able to suppress it entirely in ideas. To destroy abuses is not sufficient; customs must be modified. The mill is there no longer; the wind is still there." "You have demolished. It may be of use to demolish, but I distrust a demolition complicated with wrath." "Right has its wrath, Bishop; and the wrath of right is an element of progress. In any case, and in spite of whatever may be said, the French Revolution is the most important step of the human race since the advent of Christ. Incomplete, it may be, but sublime. It set free all the unknown social quantities; it softened spirits, it calmed, appeased, enlightened; it caused the waves of civilization to flow over the earth. It was a good thing. The French Revolution is the consecration of humanity.
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Victor Hugo (Fantine: Les Misérables #1)
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- Maman, pourquoi les nuages vont dans un sens et nous dans l'autre ? Isaya sourit, caressa la joue de sa fille du bout des doigts. - Il y a deux rĂ©ponses Ă  ta question. Comme Ă  toutes les questions, tu le sais bien. Laquelle veux-tu entendre ? - Les deux. -Laquelle en premier alors ? La fillette plissa le nez. - Celle du savant. - Nous allons vers le nord parce que nous cherchons une terre oĂč nous Ă©tablir. Un endroit oĂč construire une belle maison, Ă©lever des coureurs et cultiver des racines de niam. C'est notre rĂȘve depuis des annĂ©es et nous avons quittĂ© Al-Far pour le vivre. - Je n’aime pas les galettes de niam... - Nous planterons aussi des fraises, promis. Les nuages, eux, n'ont pas le choix. Ils vont vers le sud parce que le vent les pousse et, comme ils sont trĂšs trĂšs lĂ©gers, il sont incapables de lui rĂ©sister. - Et la rĂ©ponse du poĂšte ? - Les hommes sont comme les nuages. Ils sont chassĂ©s en avant par un vent mystĂ©rieux et invisible face auquel ils sont impuissants. Ils croient maĂźtriser leur route et se moquent de la faiblesse des nuages, mais leur vent Ă  eux est mille fois plus fort que celui qui souffle lĂ -haut. La fillette croisa les bras et parut se dĂ©sintĂ©resser de la conversation afin d'observer un vol de canards au plumage chatoyant qui se posaient sur la riviĂšre proche. Indigo, Ă©meraude ou vert pĂąle, ils se bousculaient dans une cacophonie qui la fit rire aux Ă©clats. Lorsque les chariots eurent dĂ©passĂ© les volatiles, elle se tourna vers sa mĂšre. - Cette fois, je prĂ©fĂšre la rĂ©ponse du savant. -Pourquoi ? demande Isaya qui avait attendu sereinement la fin de ce qu'elle savait ĂȘtre une intense rĂ©flexion. - J'aime pas qu'on me pousse en cachette.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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J’allais ouvrir la bouche et aborder cette fille , quand quelqu’un me toucha l’épaule. Je me retournai, surpris, et j’aperçus un homme d’aspect ordinaire, ni jeune ni vieux, qui me regardait d’un air triste. — Je voudrais vous parler, dit-il. Je fis une grimace qu’il vit sans doute, car il ajouta : — « C’est important. » Je me levai et le suivis Ă  l’autre bout du bateau : — « Monsieur, reprit-il, quand l’hiver approche avec les froids, la pluie et la neige, votre mĂ©decin vous dit chaque jour : « Tenez-vous les pieds bien chauds, gardez-vous des refroidissements, des rhumes, des bronchites, des pleurĂ©sies. » Alors vous prenez mille prĂ©cautions, vous portez de la flanelle, des pardessus Ă©pais, des gros souliers, ce qui ne vous empĂȘche pas toujours de passer deux mois au lit. Mais quand revient le printemps avec ses feuilles et ses fleurs, ses brises chaudes et amollissantes, ses exhalaisons des champs qui vous apportent des troubles vagues, des attendrissements sans cause, il n’est personne qui vienne vous dire : « Monsieur, prenez garde Ă  l’amour ! Il est embusquĂ© partout ; il vous guette Ă  tous les coins ; toutes ses ruses sont tendues, toutes ses armes aiguisĂ©es, toutes ses perfidies prĂ©parĂ©es ! Prenez garde Ă  l’amour !
 Prenez garde Ă  l’amour ! Il est plus dangereux que le rhume, la bronchite et la pleurĂ©sie ! Il ne pardonne pas, et fait commettre Ă  tout le monde des bĂȘtises irrĂ©parables. » Oui, monsieur, je dis que, chaque annĂ©e, le gouvernement devrait faire mettre sur les murs de grandes affiches avec ces mots : « Retour du printemps. Citoyens français, prenez garde Ă  l’amour ; » de mĂȘme qu’on Ă©crit sur la porte des maisons : « Prenez garde Ă  la peinture ! » — Eh bien, puisque le gouvernement ne le fait pas, moi je le remplace, et je vous dis : « Prenez garde Ă  l’amour ; il est en train de vous pincer, et j’ai le devoir de vous prĂ©venir comme on prĂ©vient, en Russie, un passant dont le nez gĂšle. » Je demeurai stupĂ©fait devant cet Ă©trange particulier, et, prenant un air digne : — « Enfin, monsieur, vous me paraissez vous mĂȘler de ce qui ne vous regarde guĂšre. » Il fit un mouvement brusque, et rĂ©pondit : — « Oh ! monsieur ! monsieur ! si je m’aperçois qu’un homme va se noyer dans un endroit dangereux, il faut donc le laisser pĂ©rir ?
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Guy de Maupassant
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« — Tu as entendu parler de Marcion, Martin ? Marcion Ă©tait un chrĂ©tien qui vivait il y a mille huit cents ans Ă  Rome. En regardant autour de lui, en regardant cet univers traversĂ© de souffrances, de massacres, de maladies, de guerres et de violence, Marcion l’hĂ©rĂ©tique en conclut que le Dieu qui avait crĂ©Ă© tout ça ne pouvait pas ĂȘtre bon, que le mal Ă©tait une composante de sa crĂ©ation. Les scĂ©naristes de la chrĂ©tientĂ© trouvĂšrent un rebondissement assez vaseux pour rĂ©pondre Ă  la question du mal : ils inventĂšrent Lucifer. Mais la version de Marcion Ă©tait bien meilleure : Dieu est responsable du mal comme de tout le reste, il est responsable de la maladie de Gustav aussi. Non seulement le mal fait partie de sa crĂ©ation, mais il en est un des leviers. C’est grĂące Ă  la violence et au conflit que la crĂ©ation Ă©volue vers des formes toujours supĂ©rieures. Regarde Rome. Selon Plutarque, Jules CĂ©sar a pris plus de huit cents villes, soumis trois cents nations, fait un million de prisonniers et tuĂ© un autre million de ses ennemis. Rome Ă©tait une sociĂ©tĂ© vicieuse, avec un goĂ»t certain pour la cruautĂ©. Pourtant, son ascension a permis au monde d’évoluer[
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Bernard Minier
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L'exode relĂšve de la condition humaine. Pourtant, ceux qui ,e fuient pas refusent cette rĂ©alitĂ©. Provisoirement Ă  l'abri, campĂ©s sur leur terrain ainsi qu'un chĂȘne dans le sol, prenant leurs pieds pour des racines, ils estiment que l'espace leur appartient et considĂšrent le migrant comme un ĂȘtre infĂ©rieur doublĂ© d'une nuisance. Quelle bĂȘtise aveugle ! J'aimerais tant que l'esprit de leurs aĂŻeux circule en eux pour leur rappeler les kilomĂštres parcourus, les transhumances sans fin, la peur au ventre, l'incertitude, la faim. Pourquoi, au fond de leur chair, ne subsistent pas les souvenirs de leurs anciens qui survĂ©curent au danger, Ă  l'hostilitĂ©, Ă  la misĂšre, aux guerres ? La mĂ©moire de ces courages ou des ces sacrifices auxquels ils doivent leur vie les rendraient moins sots. S'ils connaissaient et reconnaissaient leur histoire, leur fragilitĂ© constitutive, la volatilitĂ© de leur identitĂ©, ils perdraient l'illusion de leur supĂ©rioritĂ©. Il n'existe pas d'humain plus lĂ©gitime Ă  habiter ici que lĂ . Le migrant, ce n'est pas l'autre ; le migrant, c'est moi hier ou moi demain. Par ses ancĂȘtres ou par ses descendants, chacun de nous porte mille migrants en lui.
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Éric-Emmanuel Schmitt (Paradis perdus (La traversĂ©e des temps, #1))
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« Dans nos Ă©coles on nous enseigne le doute et l’art d’oublier. Avant tout l’oubli de ce qui est personnel et localisĂ©. » « — Personne ne peut lire deux mille livres. Depuis quatre siĂšcles que je vis je n’ai pas dĂ» en lire plus d’une demi-douzaine. D’ailleurs ce qui importe ce n’est pas de lire mais de relire. L’imprimerie, maintenant abolie, a Ă©tĂ© l’un des pires flĂ©aux de l’humanitĂ©, car elle a tendu Ă  multiplier jusqu’au vertige des textes inutiles. — De mon temps Ă  moi, hier encore, rĂ©pondis-je, triomphait la superstition que du jour au lendemain il se passait des Ă©vĂ©nements qu’on aurait eu honte d’ignorer. » « — À cent ans, l’ĂȘtre humain peut se passer de l’amour et de l’amitiĂ©. Les maux et la mort involontaire ne sont plus une menace pour lui. Il pratique un art quelconque, il s’adonne Ă  la philosophie, aux mathĂ©matiques ou bien il joue aux Ă©checs en solitaire. Quand il le veut, il se tue. MaĂźtre de sa vie, l’homme l’est aussi de sa mort[30]. — Il s’agit d’une citation ? lui demandai-je. — Certainement. Il ne nous reste plus que des citations. Le langage est un systĂšme de citations. » Extrait de: Borges,J.L. « Le livre de sable. » / Utopie d’un homme qui est fatiguĂ©
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Jorge Luis Borges (The Book of Sand and Shakespeare's Memory)
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Il me semble qu'ils confondent but et moyen ceux qui s'effraient par trop de nos progrĂšs techniques. Quiconque lutte dans l'unique espoir de biens matĂ©riels, en effet, ne rĂ©colte rien qui vaille de vivre. Mais la machine n'est pas un but. L'avion n'est pas un but : c'est un outil, un outil comme la charrue. Si nous croyons que la machine abĂźme l'homme c'est que, peut-ĂȘtre, nous manquons un peu de recul pour juger les effets de transformations aussi rapides que celles que nous avons subies. Que sont les cent annĂ©es de l'histoire de la machine en regard des deux cent mille annĂ©es de l'histoire de l'homme? C'est Ă  peine si nous nous installons dans ce paysage de mines et de centrales Ă©lectriques. C'est Ă  peine si nous commençons d'habiter cette maison nouvelle, que nous n'avons mĂȘme pas achevĂ© de bĂątir. Tout a changĂ© si vite autour de nous : rapports humains, conditions de travail, coutumes. Notre psychologie elle-mĂȘme a Ă©tĂ© bousculĂ©e dans ses bases les plus intimes. Les notions de sĂ©paration, d'absence, de distance, de retour, si les mots sont demeurĂ©s les mĂȘmes, ne contiennent plus les mĂȘmes rĂ©alitĂ©s. Pour saisir le monde aujourd'hui, nous usons d'un langage qui fut Ă©tabli pour le monde d'hier. Et la vie du passĂ© nous semble mieux rĂ©pondre Ă  notre nature, pour la seule raison qu'elle rĂ©pond mieux Ă  notre langage. Pour le colonial qui fonde un empire, le sens de la vie est de conquĂ©rir. Le soldat mĂ©prise le colon. Mais le but de cette conquĂȘte n'Ă©tait-il pas l'Ă©tablissement de ce colon? Ainsi dans l'exaltation de nos progrĂšs, nous avons fait servir les hommes Ă  l'Ă©tablissement des voies ferrĂ©es, Ă  l'Ă©rection des usines, au forage de puits de pĂ©trole. Nous avions un peu oubliĂ© que nous dressions ces constructions pour servir les hommes. (Terre des Hommes, ch. III)
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Antoine de Saint-Exupéry
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A ce propos, il y aurait lieu de se poser certaines questions assez curieuses : ainsi, on pourrait se demander pourquoi la langue chinoise reprĂ©sente symboliquement l’indĂ©fini par le nombre dix mille ; l’expression « les dix mille ĂȘtres », par exemple, signifie tous les ĂȘtres, qui sont rĂ©ellement en multitude indĂ©finie ou « innombrable ». Ce qui est trĂšs remarquable, c’est que la mĂȘme chose prĂ©cisĂ©ment se produit aussi en grec, oĂč un seul mot, avec une simple diffĂ©rence d’accentuation... sert Ă©galement Ă  exprimer Ă  la fois l’une et l’autre de ces deux idĂ©es : ΌύρÎčÎżÎč, dix mille ; ΌυρÎčÌÎżÎč, une indĂ©finitĂ©.
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René Guénon (La Grande Triade)
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Quand je suis arrivĂ© dans ce pays, je ne parvenais pas Ă  comprendre que de grands messieurs barbus sanglotent et s'affligent pour un meurtre commis il y a mille deux cents ans. Maintenant, j'ai compris. Si les Persans vivent dans le passĂ©, c'est parce que le passĂ© est leur patrie, parce que le prĂ©sent leur est une contrĂ©e Ă©trangĂšre oĂč rien ne leur appartient. Tout ce qui est pour nous est symbole de vie moderne, d'expansion libĂ©ratrice de l'homme, est pour eux symbole de domination Ă©trangĂšre : les routes, c'est la Russie ; le rail, le tĂ©lĂ©graphe, la banque, c'est l'Angleterre ; la poste, c'est l'Autriche-Hongrie...
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Amin Maalouf (Samarkand)
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Accroche-toi Ă  tes rĂȘves et fonce. Ne lĂąche pas. Remonte mille fois la montagne s'il le faut, puisque tu es si sĂ»re que c'est de l'autre cĂŽtĂ© que tu dois aller. Peut-ĂȘtre que ce sera de l'autre cĂŽtĂ© de l'autre cĂŽtĂ©, derriĂšre la montagne qui se trouve derriĂšre la montagne. Qu'importe. Ne lĂąche pas, c'est lĂ -bas que poussent tes rĂȘves, sur le fil de l'horizon. Tu as peur ? Alors crie, hurle, chante Ă  tue-tĂȘte. Va chercher cette gorgĂ©e d'air qui te manque. Ce feu qui te dĂ©vore, qui court dans tes veines, tu le sens ? Cette Ă©nergie qui couve en toi, cette impatience dans chacun de tes gestes ? Bien sĂ»r que tu le sens. Accepte ce feu. Fais-en ton moteur.
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Manon Fargetton (À quoi rĂȘvent les Ă©toiles)
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L'homme qui se juge supĂ©rieur, infĂ©rieur ou Ă©gal Ă  un autre ne comprend pas la rĂ©alitĂ©. Cette idĂ©e-lĂ  n'a peut-ĂȘtre de sens que dans le cadre d'une doctrine qui considĂšre le "moi" comme une illusion et, Ă  moins d'y adhĂ©rer, mille contre-exemples se pressent, tout notre systĂšme de pensĂ©e repose sur une hiĂ©rarchie des mĂ©rites selon laquelle, disons, le Mahatma Gandhi est une figure humaine plus haute que le tueur pĂ©dophile Marc Dutroux. Je prends Ă  dessein un exemple peu contestable, beaucoup de cas se discutent, les critĂšres varient, par ailleurs les bouddhistes eux-mĂȘmes insistent sur la nĂ©cessitĂ© de distinguer, dans la conduite de la vie, l'homme intĂšgre du dĂ©pravĂ©. Pourtant, et bien que je passe mon temps Ă  Ă©tablir de telles hiĂ©rarchies, bien que comme Limonov je ne puisse pas rencontrer un de mes semblables sans me demander plus ou moins consciemment si je suis au-dessus ou au-dessous de lui et en tirer soulagement ou mortification, je pense que cette idĂ©e - je rĂ©pĂšte : "L'homme qui se juge supĂ©rieur, infĂ©rieur ou Ă©gal Ă  un autre, ne comprends pas la rĂ©alitĂ©" est le sommet de la sagesse et qu'une vie ne suffit pas Ă  s'en imprĂ©gner, Ă  la digĂ©rer, Ă  se l'incorporer, en sorte qu'elle cesse d'ĂȘtre une idĂ©e pour informer le regard et l'action en toutes circonstances. Faire ce livre, pour moi, est une façon bizarre d'y travailler. (p. 227-228)
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Emmanuel CarrĂšre (Limonov)
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La pensĂ©e de la mort Vivre au milieu de ce dĂ©dale de ruelles, de besoins, de voix suscite en moi un bonheur mĂ©lancolique : que de jouissance, d'impatience, de dĂ©sir, que de vie assoiffĂ©e et d'ivresse de vivre se rĂ©vĂšle ici Ă  chaque instant ! Et pourtant tous ces ĂȘtres bruyants, vivants, assoiffĂ©s de vie plongeront bientĂŽt dans un tel silence ! Comme chacun est suivi par son ombre, le sombre compagnon qu'il emmĂšne avec lui ! Il en est toujours comme Ă  l'ultime moment avant le dĂ©part d'un navire d'Ă©migrants : on a plus de choses Ă  se dire que jamais, l'heure presse, l'ocĂ©an et son mutisme dĂ©solĂ© attend, impatient, derriĂšre tout ce bruit–si avide, si sĂ»r de tenir sa proie. Et tous, tous pensent que le temps Ă©coulĂ© jusqu'alors n'est rien ou peu de chose, que le proche avenir est tout : d'oĂč cette hĂąte, ces cris, cet Ă©tourdissement de soi-mĂȘme, cette duperie de soi-mĂȘme ! Chacun veut ĂȘtre le premier dans cet avenir,–et pourtant c'est la mort et le silence de mort qui est l'unique certitude et le lot commun Ă  tous dans cet avenir ! Qu'il est Ă©trange que cette unique certitude et ce lot commun n'aient presque aucun pouvoir sur les hommes et qu'ils soient Ă  mille lieues de se sentir comme une confrĂ©rie de la mort ! Cela me rend heureux de voir que les hommes ne veulent absolument pas penser la pensĂ©e de la mort ! J'aimerais contribuer en quelque maniĂšre Ă  leur rendre la pensĂ©e de la vie encore cent fois plus digne d'ĂȘtre pensĂ©e.
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Friedrich Nietzsche (The Gay Science: With a Prelude in Rhymes and an Appendix of Songs)
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Serais-je donc le seul lùche sur la terre ? pensais-je. Et avec quel effroi !
 Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaßnés et armés jusqu'aux cheveux ? Avec casques, sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlants, en autos, sifflants, tirailleurs, comploteurs, volants, à genoux, creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers, pétaradant, enfermés sur la terre comme dans un cabanon, pour y tout détruire, Allemagne, France et Continents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas), cent, mille fois plus enragés que mille chiens et tellement plus vicieux ! Nous étions jolis ! Décidément, je le concevais, je m'étais embarqué dans une croisade apocalyptique.
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Journey to the End of the Night)
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C’était une femme originale et solitaire. Elle entretenait un commerce Ă©troit avec les esprits, Ă©pousait leurs querelles et refusait de voir certaines personnes de sa famille mal considĂ©rĂ©es dans le monde oĂč elle se rĂ©fugiait. Un petit hĂ©ritage lui Ă©chut qui venait de sa soeur. Ces cinq mille francs, arrivĂ©s Ă  la fin d’une vie, se rĂ©vĂ©lĂšrent assez encombrants. Il fallait les placer. Si presque tous les hommes sont capables de se servir d’une grosse fortune, la difficultĂ© commence quand la somme est petite. Cette femme resta fidĂšle Ă  elle-mĂȘme. PrĂšs de la mort, elle voulut abriter ses vieux os. Une vĂ©ritable occasion s’offrait Ă  elle. Au cimetiĂšre de sa ville, une concession venait d’expirer et, sur ce terrain, les propriĂ©taires avaient Ă©rigĂ© un somptueux caveau, sobre de lignes, en marbre noir, un vrai trĂ©sor Ă  tout dire, qu’on lui laissait pourla somme de quatre mille francs. Elle acheta ce caveau. C’était lĂ  une valeur sĂ»re, Ă  l’abri des fluctuations boursiĂšres et des Ă©vĂ©nements politiques. Elle fit amĂ©nager la fosse intĂ©rieure, la tint prĂȘte Ă  recevoir son propre corps. Et, tout achevĂ©, elle fit graver son nom en capitales d’or. Cette affaire la contenta si profondĂ©ment qu’elle fut prise d’un vĂ©ritable amour pour son tombeau. Elle venait voir au dĂ©but les progrĂšs des travaux Elle finit par se rendre visite tous les dimanches aprĂšs-midi. Ce fut son unique sortie et sa seule distraction. Vers deux heures de l’aprĂšs-midi, elle faisait le long trajet qui l’amenait aux portes de la ville oĂč se trouvait le cimetiĂšre. Elle entrait dans le petit caveau, refermait soigneusement la porte, et s’agenouillait sur le prie-Dieu. C’est ainsi que, mise en prĂ©sence d’elle-mĂȘme, confrontant ce qu’elle Ă©tait et ce qu’elle devait ĂȘtre, retrouvant l’anneau d’une chaĂźne toujours rompue, elle perça sans effort les desseins secrets de la Providence. Par un singulier symbole, elle comprit mĂȘme un jour qu’elle Ă©tait morte aux yeux du monde. À la Toussaint, arrivĂ©e plus tard que d’habitude, elle trouva le pas de la porte pieusement jonchĂ© de violettes. Par une dĂ©licate attention, des inconnus compatissants devant cette tombe laissĂ©e sans fleurs, avaient partagĂ© les leurs et honorĂ© la mĂ©moire de ce mort abandonnĂ© Ă  lui-mĂȘme.
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Albert Camus (L'envers et l'endroit)
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Il ne faut pas s’attendre Ă  trouver, dans les descendants de Fohi et dans les contemporains de Laotseu, ces affirmations nettes et franches, dont nous tirons une singuliĂšre vanitĂ©, affirmations qui sont sans doute exactes, mais qui, Ă  force d’ĂȘtre Ă©troites et strictes, ne renferment qu’une minime partie de vĂ©ritĂ© ; toutes ces portions infinitĂ©simales, affirmĂ©es les unes Ă  cĂŽtĂ© des autres, et indĂ©pendamment les unes des autres, par nos esprits analytiques, cachent la vĂ©ritĂ© entiĂšre Ă  nos yeux dĂ©licats et myopes. C’est ainsi qu’un visage se reproduit, avec les pires dĂ©formations, dans un miroir taillĂ© Ă  mille facettes juxtaposĂ©es en des plans diffĂ©rents. Les discussions microscopiques nous ont rendus inaptes Ă  goĂ»ter et Ă  saisir les larges synthĂšses.
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Matgioi (La voie métaphysique)
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C’est de lĂ  que je vous Ă©cris, ma porte grande ouverte, au bon soleil. Un joli bois de pins tout Ă©tincelant de lumiĂšre dĂ©gringole devant moi jusqu’au bas de la cĂŽte. À l’horizon, les Alpilles dĂ©coupent leurs crĂȘtes fines
 Pas de bruit
 À peine, de loin en loin, un son de fifre, un courlis dans les lavandes, un grelot de mules sur la route
 Tout ce beau paysage provençal ne vit que par la lumiĂšre. Et maintenant, comment voulez-vous que je le regrette, votre Paris bruyant et noir ? Je suis si bien dans mon moulin ! C’est si bien le coin que je cherchais, un petit coin parfumĂ© et chaud, Ă  mille lieues des journaux, des fiacres, du brouillard !
 Et que de jolies choses autour de moi ! Il y a Ă  peine huit jours que je suis installĂ©, j’ai dĂ©jĂ  la tĂȘte bourrĂ©e d’impressions et de souvenirs

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Alphonse Daudet
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Pour qu'un produit majeur de l'esprit soit capable d'avoir aussitĂŽt un effet vaste et profond, il faut qu'une affinitĂ© secrĂšte, qu'un accord mĂȘme existe entre le destin personnel de son auteur et celui, gĂ©nĂ©ral, de ses contemporains. Les hommes ne savent pas pourquoi ils cĂ©lĂšbrent une oeuvre d'art. A mille lieues d'ĂȘtre des connaisseurs, ils croient y dĂ©couvrir cent qualitĂ©s qui justifient d'autant leur intĂ©rĂȘt; mais la vĂ©ritable cause de leur approbation est un impondĂ©rable, c'est la sympathie. Aschenbach avait une fois dĂ©clarĂ© sans ambages au dĂ©tour d'une phrase que presque tout ce qui existait de grand existait comme un "malgrĂ©", et s'Ă©tait accompli malgrĂ© le chagrin et la souffrance, malgrĂ© la pauvretĂ©, l'abandon, la faiblesse corporelle, le vice, malgrĂ© la passion et mille autres entraves.
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Thomas Mann (Death in Venice)
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je n'ai jamais contemplĂ© l'inceste sous cette terrible lueur de caveau et de damnation Ă©ternelle qu'une fausse morale s'est dĂ©libĂ©rĂ©ment appliquĂ©e Ă  jeter sur une forme d'exubĂ©rance sexuelle qui, pour moi, n'occupe qu'une place extrĂȘmement modeste dans l'Ă©chelle monumentale de nos dĂ©gradations. Toutes les frĂ©nĂ©sies de l'inceste me paraissent infiniment plus acceptables que celles d'Hiroshima, de Buchenwald, des pelotons d'exĂ©cution, de la terreur et de la torture policiĂšres, mille fois plus aimables que les leucĂ©mies et autres belles consĂ©quences gĂ©nĂ©tiques probables des efforts de nos savants. Personne ne me fera jamais voir dans le comportement sexuel des ĂȘtres le critĂšre du bien et du mal. La funeste physionomie d'un certain physicien illustre recommandant au monde civilisĂ© de poursuivre les explosions nuclĂ©aires m'est incomparablement plus odieuse que l'idĂ©e d'un fils couchant avec sa mĂšre. A cĂŽtĂ© des aberrations intellectuelles, scientifiques, idĂ©ologiques de notre siĂšcle, toutes celles de la sexualitĂ© Ă©veillent dans mon coeur les plus tendres pardons. Une fille qui se fait payer pour ouvrir ses cuisses au peuple me paraĂźt une soeur de charitĂ© et une honnĂȘte dispensatrice de bon pain lorsqu'on compare sa modeste vĂ©nalitĂ© Ă  la prostitution des savants prĂȘtant leurs cerveaux Ă  l'Ă©laboration de l'empoisonnement gĂ©nĂ©tique et de la terreur atomique. A cĂŽtĂ© de la perversion de l'Ăąme, de l'esprit et de l'idĂ©al Ă  laquelle se livrent ces traĂźtres Ă  l'espĂšce, nos Ă©lucubrations sexuelles, vĂ©nales ou non, incestueuses ou non, prennent, sur les trois humbles sphincters dont dispose notre anatomie, toute l'innocence angĂ©lique d'un sourire d'enfant. (La promesse de l'aube, ch. X)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Et, assurĂ©ment, la rĂ©alitĂ© est plus sombre encore que n'osait la prĂ©voir le savant [F. Schrader] qui formulait en 1911 ces conclusions, dont les technocrates et les promoteurs de l'Ă©poque ont dĂ» sourire. Il ne pouvait imaginer ni les pluies acides, ni la pollution des riviĂšres et des mers par le mercure et les autres dĂ©chets de l'industrie chimique et atomique, ou par l'Ă©lĂ©vation artificielle de la tempĂ©rature de l'eau due aux usines riveraines. Il n'avait pas prĂ©vu que plus de deux mille espĂšces animales seraient exterminĂ©es avant la fin du siĂšcle ; il ne savait encore rien de l'usage des herbicides, ni des sournois dĂ©potoirs atomiques, cachĂ©s dans des endroits Ă©cartĂ©s, quand ce n'est pas aux abords des villes, ou transportĂ©s secrĂštement Ă  prix d'or pour continuer leur cycle millĂ©naire de nuisance dans le sous-sol des continents pauvres. Il n'eĂ»t mĂȘme pas Ă©tĂ© capable d'imaginer le dĂ©sastre de nos marĂ©es noires, fruit de l'incurie et de l'aviditĂ©, car une construction plus solide et plus rationnelle des pĂ©troliers obligerait Ă  en Ă©liminer la plupart. Il ne pouvait pas prĂ©voir non plus la destruction de la stratosphĂšre, la rarĂ©faction de l'oxygĂšne et de l'ozone, la calotte thermique obscurcissant la lumiĂšre solaire et Ă©levant artificiellement la tempĂ©rature au ras du sol. On voit du moins qu'il en savait assez pour signaler le chemin pris par nos apprentis sorciers et par nos marchands du Temple, qui de nos jours n'encombrent plus seulement les abords des sanctuaires mais la terre entiĂšre. Ce qu'il disait, avec quelques autres (Albert Schweitzer, un peu plus tard, en Afrique, Ă©tait alertĂ© lui aussi par les trop soudains changements de climat), nous le crions aujourd'hui. (p. 275)
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Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
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- Ma mĂšre dit que le cinĂ©ma substituait Ă  notre regard un monde qui s'accordait Ă  nos dĂ©sirs... souffla-t-il. Mais Nuit et Brouillard ne cadrait pas avec cette dĂ©finition. - Le cinĂ©ma est plutĂŽt comme une bataille, dĂ©clara Fuji. - Une bataille contre quoi ? - Contre mille ennemis diffĂ©rents et contradictoires. Contre l'ennui. Contre la frĂ©nĂ©sie. Contre le quotidien dĂ©senchantĂ©. Contre les lendemains qui chantent. Contre les bourrasques qui avalent nos cauchemars. Contre les usines qui broient nos rĂȘves. Contre les laisses invisibles qui nous Ă©tranglent. Contre les habitudes qui nous ferment les yeux. Fuji soupira et reprit : - Et dans cette bataille, Nuit et Brouillard, avec son texte et ses images implacables, lutte aux avant-postes. Contre l'oubli. Contre les monstres du passĂ©. Contre l'effacement des crimes effroyables de l'Histoire. Nuit et Brouillard lutte contre tout cela. Et prouve que le cinĂ©ma peut abriter le temps.
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Guillaume Guéraud (La Brigade De L'oeil)
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### PauvretĂ© de la sagesse Je hais les sages pour leur complaisance, leur lĂąchetĂ© et leur reserve. J'aime infiniment plus les passions dĂ©vorantes que l'humeur Ă©gale qui rend insensible au plaisir comme Ă  la douleur. Le sage ignore le tragique de la passion et la peur de la mort, de mĂȘme qu'il mĂ©connait l'Ă©lan et le risque, l'hĂ©roisme barbare, grotesque ou sublime. Il s'exprime en maximes et donne des conseils. Le sage ne vit rien, ne ressent rien, il ne dĂ©sire ni n'attend. Il se plaĂźt Ă  niveler les divers contenus de la vie, et en assume toutes les consĂ©quences. Bien plus complexes me semblent ceux qui, malgrĂ© ce nivellement, ne cessent pourtant de se tourmenter. L'existence du sage est vide et stĂ©rile, car dĂ©pourvue d'antinomies et de dĂ©sespoir. Mais les existences que dĂ©vorent des contradictions insurmontables sont infiniment plus fĂ©condes. La rĂ©signation du sage surgit du vide. et non du feu intĂ©rieur. J'aimerais mille fois mieux mourir de ce feu que du vide et de la rĂ©signation.
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Emil M. Cioran (Oeuvres)
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Face Ă  ces chiffres, comme on ne sait plus quoi faire, on fait n'importe quoi. Le 14 mars, le ministĂšre de la SantĂ© et du Travail augmente la dose maximale autorisĂ©e pour les travailleurs de la centrale de cent millisieverts pour cinq ans... Ă  deux cent cinquante mille millisieverts par an ! C'est vrai, quoi, Ă  quoi bon des normes si ce n'est pour les transgresser ? En avril, il fera encore mieux : il Ă©lĂšvera la dose maximale pour les enfants Ă  vingt millisieverts par an... ce qui est tout simplement le taux maximum en France (et pour la Commission internationale de protection radiologique) auquel on peut exposer les travailleurs du nuclĂ©aire ! Le gouvernement fera ensuite machine arriĂšre sous la pression des parents et de plusieurs associations, mais c'est dire le degrĂ© de cynisme que l'on peut atteindre pour dĂ©fendre Ă  tout prix la filiĂšre : considĂ©rer des gamins sans dĂ©fense au mĂȘme niveau que les spĂ©cialistes du nuclĂ©aire les plus exposĂ©s, il fallait le faire. ils l'ont fait. (p. 234)
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Michaël Ferrier (Fukushima : Récit d'un désastre)
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Ellana. Le prĂ©nom voletait au-dessus d'elle. Sans qu'elle parvienne Ă  l’attraper. Sans qu'il s’éloigne tout Ă  fait. Ellana. Comment s'appelait-elle avant ? Pourquoi son passĂ© lui Ă©tait-il devenu Ă©tranger ? Qui Ă©tait-elle dĂ©sormais ? Ellana. Elle ferma les yeux, tentant d'oublier l'odeur rance qui flottait dans la grande salle. Ellana. Les enfants Ă©taient partis. RentrĂ©s chez eux puisque tous avaient un chez eux. "À demain, Ellana." Ellana. Elle avait rĂ©sistĂ© Ă  l'envie de courir vers le large, vers la MĂšre Nature qui la guidait autrefois. Ne pas se retourner, aller de l'avant. Toujours. Elle s'Ă©tait arrangĂ© un coin dans la grande salle dĂ©serte, s'Ă©tait allongĂ©e. Ellana. Elle avait 18 ans. Des milliers de choses Ă  raconter. Et mille fois plus Ă  vivre. Elle s'endormit sans s'en apercevoir. Ellana. Doucement le prĂ©nom se posa sur ses paupiĂšres closes, se glissa le long de sa respiration rĂ©guliĂšre, se coula dans son cƓur, son Ăąme et chacune des cellules de son corps. Il devint elle. Elle devint lui. Ellana.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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Cette qualitĂ© de la joie n’est-elle pas le fruit le plus prĂ©cieux de la civilisation qui est nĂŽtre ? Une tyrannie totalitaire pourrait nous satisfaire, elle aussi, dans nos besoins matĂ©riels. Mais nous ne sommes pas un bĂ©tail Ă  l’engrais. La prospĂ©ritĂ© et le confort ne sauraient suffire Ă  nous combler. Pour nous qui fĂ»mes Ă©levĂ©s dans le culte du respect de l’homme, pĂšsent lourd les simples rencontres qui se changent parfois en fĂȘtes merveilleuses
 Respect de l’homme ! Respect de l’homme !
 LĂ  est la pierre de touche ! Quand le Naziste respecte exclusivement qui lui ressemble, il ne respecte rien que soi-mĂȘme ; il refuse les contradictions crĂ©atrices, ruine tout espoir d’ascension, et fonde pour mille ans, en place d’un homme, le robot d’une termitiĂšre. L’ordre pour l’ordre chĂątre l’homme de son pouvoir essentiel, qui est de transformer et le monde et soi-mĂȘme. La vie crĂ©e l’ordre, mais l’ordre ne crĂ©e pas la vie. Il nous semble, Ă  nous, bien au contraire, que notre ascension n’est pas achevĂ©e, que la vĂ©ritĂ© de demain se nourrit de l’erreur d’hier, et que les contradictions Ă  surmonter sont le terreau mĂȘme de notre croissance. Nous reconnaissons comme nĂŽtres ceux mĂȘmes qui diffĂšrent de nous. Mais quelle Ă©trange parenté ! elle se fonde sur l’avenir, non sur le passĂ©. Sur le but, non sur l’origine. Nous sommes l’un pour l’autre des pĂšlerins qui, le long de chemins divers, peinons vers le mĂȘme rendez-vous. Mais voici qu’aujourd’hui le respect de l’homme, condition de notre ascension, est en pĂ©ril. Les craquements du monde moderne nous ont engagĂ©s dans les tĂ©nĂšbres. Les problĂšmes sont incohĂ©rents, les solutions contradictoires. La vĂ©ritĂ© d’hier est morte, celle de demain est encore Ă  bĂątir. Aucune synthĂšse valable n’est entrevue, et chacun d’entre nous ne dĂ©tient qu’une parcelle de la vĂ©ritĂ©. Faute d’évidence qui les impose, les religions politiques font appel Ă  la violence. Et voici qu’à nous diviser sur les mĂ©thodes, nous risquons de ne plus reconnaĂźtre que nous nous hĂątons vers le mĂȘme but. Le voyageur qui franchit sa montagne dans la direction d’une Ă©toile, s’il se laisse trop absorber par ses problĂšmes d’escalade, risque d’oublier quelle Ă©toile le guide. S’il n’agit plus que pour agir, il n’ira nulle part. La chaisiĂšre de cathĂ©drale, Ă  se prĂ©occuper trop Ăąprement de la location de ses chaises, risque d’oublier qu’elle sert un dieu. Ainsi, Ă  m’enfermer dans quelque passion partisane, je risque d’oublier qu’une politique n’a de sens qu’à condition d’ĂȘtre au service d’une Ă©vidence spirituelle. Nous avons goĂ»tĂ©, aux heures de miracle, une certaine qualitĂ© des relations humaines : lĂ  est pour nous la vĂ©ritĂ©. Quelle que soit l’urgence de l’action, il nous est interdit d’oublier, faute de quoi cette action demeurera stĂ©rile, la vocation qui doit la commander. Nous voulons fonder le respect de l’homme. Pourquoi nous haĂŻrions-nous Ă  l’intĂ©rieur d’un mĂȘme camp ? Aucun d’entre nous ne dĂ©tient le monopole de la puretĂ© d’intention. Je puis combattre, au nom de ma route, telle route qu’un autre a choisie. Je puis critiquer les dĂ©marches de sa raison. Les dĂ©marches de la raison sont incertaines. Mais je dois respecter cet homme, sur le plan de l’Esprit, s’il peine vers la mĂȘme Ă©toile. Respect de l’Homme ! Respect de l’Homme !
 Si le respect de l’homme est fondĂ© dans le cƓur des hommes, les hommes finiront bien par fonder en retour le systĂšme social, politique ou Ă©conomique qui consacrera ce respect. Une civilisation se fonde d’abord dans la substance. Elle est d’abord, dans l’homme, dĂ©sir aveugle d’une certaine chaleur. L’homme ensuite, d’erreur en erreur, trouve le chemin qui conduit au feu.
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Antoine de Saint-Exupéry (Lettre à un otage)
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Fallait-il, se demanda-t-elle [...] voyager dans les pays qu’on avait aimĂ©s en lisant? Ces pays existaient-ils, d’ailleurs? L’Angleterre de Virginia Woolf avait disparu aussi sĂ»rement que l’Orient de Mille et Une Nuits ou la NorvĂšge de Sigrid Undset. À Venise, l’hĂŽtel oĂč sĂ©journaient les personnages du roman de Thomas Mann ne subsistait plus qu’à travers les somptueuses images de Luchino Visconti. Et la Russie... De la tröika des contes, qui glissait inlassablement dans la steppe, on voyait des loups, des cabanes montĂ©es sur des pattes de poule, d’immenses Ă©tendues enneigĂ©es, des bois noirs pleins de pĂ©rils, des palais fĂ©eriques. On dansait devant le tsar sous les lustres de cristal, on buvait le thĂ© dans des bols d’or, on se coiffait de toques de fourrure (quelle horreur!) faits avec la peau d’un renard argentĂ©. Que retrouverait-elle de tout cela, si elle prenait l’avion pour visiter l’une de ces parties du monde - contrĂ©es confuses, aux frontiĂšres mouvantes, oĂč elle avait couvert, en un Ă©clair, des distances presque inconcevables, oĂč elle avait lassĂ© les siĂšcles glisser sur elle, virevoltĂ© parmi les constellations, parlĂ© aux animaux et aux dieux, pris le thĂ© avec un lapin, goĂ»tĂ© la ciguĂ« et l’ambroisie?
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Christine FĂ©ret-Fleury (The Girl Who Reads on the MĂ©tro)
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Wilhelm, que serait pour notre cƓur le monde sans l’amour ? Ce qu’une lanterne magique est sans lumiĂšre. A peine la petite lampe est-elle introduite, que les images les plus variĂ©es apparaissent sur la muraille blanche. Et ne fussent-elles que des fantĂŽmes passagers, cela fait pourtant notre bonheur, lorsque nous nous arrĂȘtons devant, comme des enfants joyeux, nous extasiant sur ces apparitions merveilleuses. Aujourd’hui je n’ai pu aller voir Charlotte : une sociĂ©tĂ© inĂ©vitable m’a retenu. Que faire ? J’ai envoyĂ© chez elle mon domestique, uniquement pour avoir quelqu’un prĂšs de moi qui eĂ»t approchĂ© d’elle aujourd’hui. Avec quelle impatience je l’attendais ! avec quelle joie je l’ai revu ! Je l’aurais embrassĂ©, si j’avais osĂ© m’en croire. On conte que la pierre de Bologne, si on l’expose au soleil, en absorbe les rayons, et qu’elle Ă©claire quelque temps pendant la nuit. Il en Ă©tait de mĂȘme pour moi de ce garçon. L’idĂ©e que les yeux de Charlotte s’étaient arrĂȘtĂ©s sur son visage, sur ses joues, sur les boutons de son habit et le collet de son surtout, me rendait tout cela prĂ©cieux et sacrĂ©. Dans ce moment, je n’aurais pas donnĂ© mon valet pour mille Ă©cus. Sa prĂ©sence nie faisait du bien
. Dieu te garde d’en rire ! Wilhelm, sont-ce lĂ  des fantĂŽmes, si nous sommes heureux ?
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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AssurĂ©ment, si mon mal pouvait se guĂ©rir, ces gens le guĂ©riraient. C’est aujourd’hui mon jour de naissance ; et, de grand matin, je reçois d’Albert un petit paquet. En l’ouvrant, ce qui frappe d’abord mes yeux, c’est un des nƓuds de rubans rosĂ©s que Charlotte portait, le premier jour oĂč je la vis, et que depuis lors je l’avais quelquefois priĂ©e de me donner ; puis deux petits volumes in-douze, le petit HomĂšre de Wetstein, Ă©dition que j’avais souvent dĂ©sirĂ©e, pour.ne pas traĂźner Ă  la promenade celle d’Ernesti. VoilĂ  comme ils prĂ©viennent mes dĂ©sirs, comme ils cherchent Ă  me tĂ©moigner toutes les petites complaisances de l’amitiĂ©, mille fois plus prĂ©cieuses que ces prĂ©sents magnifiques, par lesquels la vanitĂ© du donateur nous humilie. Je baise ce nƓud mille fois le jour, et, Ă  chaque aspiration, je savoure le souvenir des fĂ©licitĂ©s dont me comblĂšrent ce peu de jours heureux, passĂ©s pour jamais. Wilhelm, c’est comme cela, et je ne murmure point : les fleurs de la terre ne sont que des apparitions. Combien se flĂ©trissent sans laisser aucune trace. Combien peu fructifient, et combien peu de ces fruits mĂ»rissent ! Et pourtant il en est assez encore ; et pourtant
. ĂŽ mon frĂšre
. pouvons-nous nĂ©gliger les fruits mĂ»rs, les mĂ©priser, et, sans en jouir, les abandonner Ă  la pourriture ?
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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On a parlĂ© avec raison de l'optique spĂ©ciale du thĂ©Ăątre. Il en existe une, sans doute, mais ses rĂšgles sont le plus souvent sans parentĂ© avec le bon sens et la logique. L'art de parler aux foules est d'ordre infĂ©rieur, mais exige des aptitudes toutes spĂ©ciales. On s'explique mal parfois Ă  la lecture le succĂšs de certaines piĂšces. Les directeurs des thĂ©Ăątres, quand ils les reçoivent, sont eux-mĂȘmes gĂ©nĂ©ralement trĂšs incertains de la rĂ©ussite, car pour juger, il leur faudrait se transformer en foule 1. 1 - C'est ce qui permet de comprendre pourquoi certaines piĂšces refusĂ©es par tous les directeurs de thĂ©Ăątre obtiennent de prodigieux succĂšs lorsque, par hasard, elles sont jouĂ©es. On sait le succĂšs de la piĂšce de M. COPPÉE, Pour la couronne, refusĂ©e dix ans par les directeurs des premiers thĂ©Ăątres, malgrĂ© le nom de son auteur, La marraine de Charley, montĂ©e aux frais d'un agent de change, aprĂšs de successifs refus, obtint deux cents reprĂ©sentations en France et plus de mille en Angleterre. Sans l'explication donnĂ©e plus haut sur l'impossibilitĂ© oĂč se trouvent les directeurs de thĂ©Ăątre de pouvoir se substituer mentalement Ă  la foule, de telles aberrations de jugement de la part d'individus compĂ©tents et trĂšs intĂ©ressĂ©s Ă  ne pas commettre d'aussi lourdes erreurs seraient incomprĂ©hensibles.
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Gustave Le Bon (ŰłÙŠÙƒÙˆÙ„ÙˆŰŹÙŠŰ© Ű§Ù„ŰŹÙ…Ű§Ù‡ÙŠŰ±)
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Le premier empereur est appelĂ© l'Empereur du Ciel. Il a dĂ©terminĂ© l'ordre du temps qu'il a divisĂ© en dix troncs cĂ©lestes et douze branches terrestres, le tout formant un cycle. Cet empereur vĂ©cut dix-huit mille ans. Le second empereur est l'Empereur de la Terre ; il vĂ©cut aussi dix-huit mille ans : on lui attribue la division du mois en trente jours. Le troisiĂšme empereur est l'Empereur des Hommes. Sous son rĂšgne apparaissent les premiĂšres Ă©bauches de la vie sociale. Il partage son territoire en neuf parties, et Ă  chacune d'elles il donne pour chef un des membres de sa famille. L'histoire cĂ©lĂšbre pour la premiĂšre fois les beautĂ©s de la nature et la douceur du climat. Ce rĂšgne eut quarante-cinq mille cinq cents ans de durĂ©e. Pendant ces trois rĂšgnes qui embrassent une pĂ©riode de quatre-vingt-un mille ans, il n'est question ni de l'habitation, ni du vĂȘtement. L'histoire nous dit que les hommes vivaient dans des cavernes, sans crainte des animaux, et la notion de la pudeur n'existait pas parmi eux. A la suite de quels Ă©vĂ©nements cet Ă©tat de choses se transforma-t-il ? L'histoire n'en dit mot. Mais on remarquera les noms des trois premiers empereurs qui comprennent trois termes, le ciel, la terre, les hommes, gradation qui conduit Ă  l'hypothĂšse d'une dĂ©cadence progressive dans l'Ă©tat de l'humanitĂ©.
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Tcheng-Ki-Tong (Les Chinois peints par eux-mĂȘmes)
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Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel. Elles ne vous disent jamais: "Quel est le son de sa voix? Quels sont les jeux qu'il prĂ©fĂšre? Est-ce qu'il collectionne les papillons?" Elles vous demandent: Quel Ăąge a-t-il? Combien a-t-il de frĂšres? Combien gagne son pĂšre?" alors seulement elles croient le connaĂźtre. Si vous dites aux grandes personnes: "J'ai vu une belle maison en briques roses, avec des gĂ©raniums aux fenĂȘtres et des colombes sur le toit..." elles ne parviennent pas Ă  s'imaginer cette maison. Il faut leur dire: "J'ai vu une maison de cent mille francs." Alors elles s'Ă©crient: "Comme c'est joli !". Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel. Elles ne vous disent jamais: "Quel est le son de sa voix? Quels sont les jeux qu'il prĂ©fĂšre? Est-ce qu'il collectionne les papillons?" Elles vous demandent: Quel Ăąge a-t-il? Combien a-t-il de frĂšres? Combien gagne son pĂšre?" alors seulement elles croient le connaĂźtre. Si vous dites aux grandes personnes: "J'ai vu une belle maison en briques roses, avec des gĂ©raniums aux fenĂȘtres et des colombes sur le toit..." elles ne parviennent pas Ă  s'imaginer cette maison. Il faut leur dire: "J'ai vu une maison de cent mille francs." Alors elles s'Ă©crient: "Comme c'est joli !".
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Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami elles ne vous ques
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J'ai de sĂ©rieuses raisons de croire que la planĂšte d'oĂč venait le petit prince est l'astĂ©roĂŻde B 612. Cet astĂ©roĂŻde n'a Ă©tĂ© aperçu qu'une fois au tĂ©lescope, en 1909, par un astronome turc. Il avait fait alors une grande dĂ©monstration de sa dĂ©couverte Ă  un CongrĂšs International d'Astronomie. Mais personne ne l'avait cru Ă  cause de son costume. Les grandes personnes sont comme ça. Heureusement pour la rĂ©putation de l'astĂ©roĂŻde B 612 un dictateur turc imposa Ă  son peuple, sous peine de mort, de s'habiller Ă  l'EuropĂ©enne. L'astronome refit sa dĂ©monstration en 1920, dans un habit trĂšs Ă©lĂ©gant. Et cette fois-ci tout le monde fut de son avis. Si je vous ai racontĂ© ces dĂ©tails sur l'astĂ©roĂŻde B 612 et si je vous ai confiĂ© son numĂ©ro, c'est Ă  cause des grandes personnes. Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel. Elles ne vous disent jamais: 'Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu'il prĂ©fĂšre ? Est-ce qu'il collectionne les papillons ?' Elles vous demandent: 'Quel Ăąge a-t-il ? Combien a-t-il de frĂšres ? Combien pĂšse-t-il ? Combien gagne son pĂšre ?' Alors seulement elles croient le connaĂźtre. Si vous dites aux grandes personnes: 'J'ai vu une belle maison en briques roses, avec des gĂ©raniums aux fenĂȘtres et des colombes sur le toit...' elles ne parviennent pas Ă  s'imaginer cette maison. Il faut leur dire: 'J'ai vu une maison de cent mille francs.' Alors elles s'Ă©crient: 'Comme c'est joli !
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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TOUZENBACH Si vous voulez. De quoi parlerons-nous ? VERCHININE De quoi ? RĂȘvons ensemble... par exemple de la vie telle qu’elle sera aprĂšs nous, dans deux ou trois cents ans. TOUZENBACH Eh bien, aprĂšs nous on s’envolera en ballon, on changera la coupe des vestons, on dĂ©couvrira peut-ĂȘtre un sixiĂšme sens, qu’on dĂ©veloppera, mais la vie restera la mĂȘme, un vie difficile, pleine de mystĂšre, et heureuse. Et dans mille ans, l’homme soupirera comme aujourd’hui : « Ah ! qu’il est difficile de vivre ! » Et il aura toujours peur de la mort et ne voudra pas mourir. VERCHININE, aprĂšs avoir rĂ©flĂ©chi. Comment vous expliquer ? Il me semble que tout va se transformer peu Ă  peu, que le changement s’accomplit dĂ©jĂ , sous nos yeux. Dans deux ou trois cents ans, dans mille ans peut-ĂȘtre, peu importe le dĂ©lai, s’établira une vie nouvelle, heureuse. Bien sĂ»r, nous ne serons plus lĂ , mais c’est pour cela que nous vivons, travaillons, souffrons enfin, c’est nous qui la crĂ©ons, c’est mĂȘme le seul but de notre existence, et si vous voulez, de notre bonheur. Macha rit doucement. TOUZENBACH Pourquoi riez-vous ? MACHA Je ne sais pas. Je ris depuis ce matin. VERCHININE J’ai fait les mĂȘmes Ă©tudes que vous, je n’ai pas Ă©tĂ© Ă  l’AcadĂ©mie militaire. Je lis beaucoup, mais je ne sais pas choisir mes lectures, peut-ĂȘtre devrais-je lire tout autre chose ; et cependant, plus je vis, plus j’ai envie de savoir. Mes cheveux blanchissent, bientĂŽt je serai vieux, et je ne sais que peu, oh ! trĂšs peu de chose. Pourtant, il me semble que je sais l’essentiel, et que je le sais avec certitude. Comme je voudrais vous prouver qu’il n’y a pas, qu’il ne doit pas y avoir de bonheur pour nous, que nous ne le connaĂźtrons jamais... Pour nous, il n’y a que le travail, rien que le travail, le bonheur, il sera pour nos lointains descendants. (Un temps.) Le bonheur n’est pas pour moi, mais pour les enfants de mes enfants. TOUZENBACH Alors, d’aprĂšs vous, il ne faut mĂȘme pas rĂȘver au bonheur ? Mais si je suis heureux ? VERCHININE Non. TOUZENBACH, joignant les mains et riant. Visiblement, nous ne nous comprenons pas. Comment vous convaincre ? (Macha rit doucement. Il lui montre son index.) Eh bien, riez ! (À Verchinine :) Non seulement dans deux ou trois cents ans, mais dans un million d’annĂ©es, la vie sera encore la mĂȘme ; elle ne change pas, elle est immuable, conforme Ă  ses propres lois, qui ne nous concernent pas, ou dont nous ne saurons jamais rien. Les oiseaux migrateurs, les cigognes, par exemple, doivent voler, et quelles que soient les pensĂ©es, sublimes ou insignifiantes, qui leur passent par la tĂȘte, elles volent sans relĂąche, sans savoir pourquoi, ni oĂč elles vont. Elles volent et voleront, quels que soient les philosophes qu’il pourrait y avoir parmi elles ; elles peuvent toujours philosopher, si ça les amuse, pourvu qu’elles volent... MACHA Tout de mĂȘme, quel est le sens de tout cela ? TOUZENBACH Le sens... VoilĂ , il neige. OĂč est le sens ? MACHA Il me semble que l’homme doit avoir une foi, du moins en chercher une, sinon sa vie est complĂštement vide... Vivre et ignorer pourquoi les cigognes volent, pourquoi les enfants naissent, pourquoi il y a des Ă©toiles au ciel... Il faut savoir pourquoi l’on vit, ou alors tout n’est que balivernes et foutaises. Comme dit Gogol : « Il est ennuyeux de vivre en ce monde, messieurs. »
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Anton Chekhov (The Three Sisters)
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En ce qui concerne l’arabe et le berbĂšre, je ne dirai qu’une chose : j’estime qu’un berbĂšre qui ne connaĂźt pas l’arabe, ne connaĂźt pas le Maroc et l’arabe qui ne sait pas le berbĂšre, non plus. Quant Ă  l’origine des uns et des autres, et puisqu’on parle beaucoup ces derniers temps d’ADN, je voudrais dĂ©plorer le fait que chez nous, on a l’esprit insuffisamment scientifique pour remettre en cause des donnĂ©es historiques hĂ©ritĂ©es, qu’on s’en tient Ă  ce qui a Ă©tĂ© dit il y a mille ans. Or, je peux vous dire que les civilisations berbĂšre et Ă©gyptienne ont une mĂȘme origine, le centre du Grand Sahara. Quand je travaillais sur le dictionnaire berbĂšre (j’y ai consacrĂ© 27 ans de ma vie), il y a eu une racine berbĂšre qui m’a intriguĂ©e. Il s’agit d’un verbe, Sko, qui veut dire dans tous les dialectes berbĂšres, « bĂątir », sauf chez les touaregs oĂč il veut dire « enterrer ». Or, c’est de notoriĂ©tĂ© publique, le touareg est un isolant linguistique, conservateur, qui peut porter les traces d’une signification originelle. Petit Ă  petit, j’ai rĂ©uni suffisamment d’élĂ©ments pour affirmer qu’à l’époque des hordes dans le Grand Sahara, on a commencĂ© Ă  enterrer les morts. Puis, les gens n’étant pas sĂ©dentarisĂ©s, on a Ă©tĂ© obligĂ©s de construire un Ă©difice reconnaissable sur chaque tombe. Par ce dĂ©tail linguistique, je suis arrivĂ© Ă  l’hypothĂšse de l’origine historique commune, saharienne, des BerbĂšres et des Egyptiens. Quand j’ai exposĂ© ma thĂšse Ă  l’AcadĂ©mie Royale du Maroc, elle a Ă©tĂ© accueillie trĂšs froidement. Mais une anthroplogue amĂ©ricaine qui menait une recherche sur les deux civilisations puis un livre paru en 2000 2 ont corroborĂ© mon propos et montrĂ© qu’au moment de la dĂ©sertification, les populations ont Ă©migrĂ© vers l’Ouest (le Maghreb) et l’Est (l’Egypte) au plus proche des points d’eau 3, avec une particularitĂ© bovine du cĂŽtĂ© du Nil et une orientation pastoraliste ovine du cĂŽtĂ© du Maghreb. [Interview Economia, Octobre 2010]
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Mohammed Chafik
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Porteurs Notre monde repose sur les Ă©paules de l'autre. Sur des enfants au travail, sur des plantations et des matiĂšres premiĂšres payĂ©es bon marchĂ© : des Ă©paules d'inconnus portent notre poids, obĂšse de disproportion de richesses. Je l'ai vu. Dans les ascensions qui durent bien des jours vers les camps de base des hautes altitudes, des hommes et aussi des femmes et des enfants portent notre poids dans des hottes tressĂ©es. Tables, chaises, vaisselle, tentes, cuisiniĂšres, combustibles cordes, matĂ©riel d'escalade, nourriture pour plusieurs semaines, en somme un village pour vivre lĂ  oĂč il n'y a rien. Ils portent notre poids pour le prix moyen de trois cents roupies nĂ©palaises par jour, moins de quatre euros. Les hottes pĂšsent quarante kilos, mais certains en portent de plus lourdes. Les Ă©tapes sont longues, elles fatiguent le voyageur avec son petit sac Ă  dos et le minimum nĂ©cessaire. Des porteurs de tout notre confort marchent avec des tongs ou bien pieds nus sur des pentes qui manquent d'oxygĂšne, la tempĂ©rature baissant. La nuit, ils campent en plein air autour d'un feu, ils font cuire du riz et des lĂ©gumes cueillis dans les parages, tant que quelque chose sort de terre. Au NĂ©pal, la vĂ©gĂ©tation monte jusqu'Ă  trois mille cinq cents mĂštres. Nous autres, nous dormons dans une tente avec un repas chaud cuisinĂ© par eux. Ils portent notre poids et ne perdent pas un gramme. Il ne manque pas un mouchoir au bagage remis en fin d'Ă©tape. Ils ne sont pas plus faits pour l'altitude que nous, la nuit je les entends tousser. Ce sont souvent des paysans des basses vallĂ©es de riziĂšres. Nous avançons pĂ©niblement en silence, eux ne renoncent pas Ă  se parler, Ă  raconter, tout en marchant. Nous habillĂ©s de couches de technologie lĂ©gĂšre, aĂ©rĂ©e, chaude, coupe-vent, et cetera, eux avec des vĂȘtements usĂ©s, des pulls en laine archiĂ©limĂ©s : ils portent notre poids et sourient cent plus que le plus extraverti de nos joyeux compĂšres. Ils nous prĂ©parent des pĂątes avec l'eau de la neige, ils nous ont mĂȘme apportĂ© des oeufs ici, Ă  cinq mille mĂštres. Sans eux, nous ne serions ni agiles, ni athlĂ©tiques, ni riches. Ils disparaissent en fin de transport, ils se dispersent dans les vallĂ©es, juste Ă  temps pour le travail du riz et de l'orge. (p. 11-12)
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Erri De Luca (Sulla traccia di Nives)
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J’ai fait ma visite au lieu natal avec toute la piĂ©tĂ© d’un pĂšlerin, et bien des sentiments inattendus m’ont saisi. Je fis arrĂȘter prĂšs du grand tilleul qui se trouve Ă  un quart de lieue de la ville du cĂŽtĂ© de S
 ; je quittai la voiture, et je l’envoyai en avant, afin de cheminer Ă  pied et de savourer Ă  mon grĂ© chaque souvenir, dans toute sa vie et sa nouveautĂ©. Je m’arrĂȘtai sous le tilleul, qui avait Ă©tĂ©, dans mon enfance, le but et le terme de mes promenades. Quelle diffĂ©rence ! Alors, dans une heureuse ignorance, je m’élançais avec ardeur vers ce monde inconnu, oĂč j’espĂ©rais pour mon cƓur tant de nourriture, tant de jouissances, qui devaient combler et satisfaire l’ardeur de mes dĂ©sirs. Maintenant, j’en reviens de ce vaste monde
. O mon ami, avec combien d’espĂ©rances déçues, avec combien de plans renversĂ©s !
 Les voilĂ  devant moi les montagnes qui mille fois avaient Ă©tĂ© l’objet de mes vƓux. Je pouvais rester des heures assis Ă  cette place, aspirant Ă  franchir ces hauteurs, Ă©garant ma pensĂ©e au sein des bois et des vallons, qui s’offraient Ă  mes yeux dans un gracieux crĂ©puscule, et, lorsqu’au moment fixĂ© il me fallait revenir, avec quel regret ne quittais-je pas cette place chĂ©rie !
 J’approchai de la ville : je saluai tous les anciens pavillons de jardin ; les nouveaux me dĂ©plurent, comme tous les changements qu’on avait faits. Je franchis la porte de la ville, et d’abord je me retrouvai tout Ă  fait. Mon ami, je ne veux pas m’arrĂȘter au dĂ©tail : autant il eut de charme pour moi, autant il serait monotone dans le rĂ©cit. J’avais rĂ©solu de me loger sur la place, tout Ă  cĂŽtĂ© de notre ancienne maison. Je remarquai, sur mon passage, que la chambre d’école, oĂč une bonne vieille femme avait parquĂ© notre enfance, s’était transformĂ©e en une boutique de dĂ©tail. Je me rappelai l’inquiĂ©tude, les chagrins, l’étourdissement, l’angoisse que j’avais endurĂ©s dans ce trou
. Je ne pouvais faire un pas qui ne m’offrĂźt quelque chose de remarquable. Un pĂšlerin ne trouve pas en terre sainte autant de places consacrĂ©es par de religieux souvenirs, et je doute que son ame soit aussi remplie de saintes Ă©motions
. Encore un exemple sur mille : je descendis le long de la riviĂšre, jusqu’à une certaine mĂ©tairie. C’était aussi mon chemin autrefois, et la petite place oĂč les enfants s’exerçaient Ă  qui ferait le plus souvent rebondir les pierres plates Ă  la surface de l’eau. Je me rappelai vivement comme je m’arrĂȘtais quelquefois Ă  suivre des yeux le cours de la riviĂšre ; avec quelles merveilleuses conjectures je l’accompagnais ; quelles Ă©tranges peintures je me faisais des contrĂ©es oĂč elle allait courir ; comme je trouvais bientĂŽt les bornes de mon imagination, et pourtant me sentais entraĂźnĂ© plus loin, toujours plus loin, et finissais par me perdre dans la contemplation d’un vague lointain
. Mon ami, aussi bornĂ©s, aussi heureux, Ă©taient les vĂ©nĂ©rables pĂšres du genre humain ; aussi enfantines, leurs impressions, leur poĂ©sie. Quand Ulysse parle de la mer immense et de la terre infinie, cela est vrai, humain, intime, saisissant et mystĂ©rieux. Que me sert maintenant de pouvoir rĂ©pĂ©ter, avec tous les Ă©coliers, qu’elle est ronde ? Il n’en faut Ă  l’homme que quelques mottes pour vivre heureux dessus, et moins encore pour dormir dessous

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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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J’ai remarquĂ© souvent que quand deux amis pĂ©tersbourgeois se rencontrent quelque part, aprĂšs s’ĂȘtre saluĂ©s, ils demandent en mĂȘme temps : Quoi de neuf ? il y a une tristesse particuliĂšre dans leurs voix, quelle qu’ait Ă©tĂ© l’intonation initiale de leur conversation. En effet, une dĂ©sespĂ©rance totale est liĂ©e Ă  cette question Ă  PĂ©tersbourg. Mais le plus agaçant c’est que, trĂšs souvent, l’homme qui la pose est tout Ă  fait indiffĂ©rent, un PĂ©tersbourgeois de naissance, qui connaĂźt trĂšs bien la coutume, sait d’avance qu’on ne lui rĂ©pondra rien, qu’il n’y a rien de nouveau, qu’il a posĂ© cette question peut-ĂȘtre mille fois sans aucun succĂšs ; cependant, il la pose, et il a l’air de s’y intĂ©resser, comme si les convenances l’obligeaient de participer lui aussi Ă  la vie publique, d’avoir des intĂ©rĂȘts publics. Mais les intĂ©rĂȘts publics... C’est-Ă -dire nous ne nions pas que nous ayons des intĂ©rĂȘts publics ; nous tous aimons ardemment la patrie, nous aimons notre cher PĂ©tersbourg, nous aimons jouer si l’occasion se prĂ©sente. En un mot il y a beaucoup d’intĂ©rĂȘts publics. Mais ce qu’il y a surtout chez nous, ce sont les groupes. On sait que PĂ©tersbourg n’est que la rĂ©union d’un nombre considĂ©rable de petits groupes dont chacun a ses statuts, ses conventions, ses lois, sa logique et son oracle. C’est en quelque sorte le produit de notre caractĂšre national qui a encore peur de la vie publique et tient plutĂŽt au foyer. En outre, la vie publique exige un certain art ; il faut s’y prĂ©parer ; il faut beaucoup de conditions. Aussi, l’on prĂ©fĂšre la maison. LĂ , tout est plus simple ; il ne faut aucun art ; on est plus tranquille. Dans le groupe, on vous rĂ©pondra bravement Ă  la question : Quoi de neuf ? La question reçoit tout de suite un sens particulier, et l’on vous rĂ©pond ou par un potin, ou par un bĂąillement, ou par quelque chose qui vous force vous-mĂȘme Ă  bĂąiller cyniquement, magistralement. Dans le groupe, on peut traĂźner de la façon la meilleure et la plus douce une vie utile entre le bĂąillement et le ragot, jusqu’au moment oĂč la grippe, ou bien la fiĂšvre chaude, visite votre demeure ; et vous quittez alors la vie stoĂŻquement, avec indiffĂ©rence, sans savoir comment et pourquoi tout cela Ă©tait avec vous jusqu’alors. Aujourd’hui, dans l’obscuritĂ©, au crĂ©puscule, aprĂšs une triste journĂ©e, plein d’étonnement que tout se soit arrangĂ© ainsi, il semble qu’on ait vĂ©cu, qu’on ait atteint quelque chose, et tout Ă  coup, on ne sait pas pourquoi, il faut quitter ce monde agrĂ©able et sans soucis pour Ă©migrer dans un monde meilleur. Dans certains groupes, d’ailleurs, on parle fortement de la cause. Quelques personnes instruites et bien intentionnĂ©es se rĂ©unissent. On bannit sĂ©vĂšrement tous les plaisirs innocents, comme les potins et la prĂ©fĂ©rence, et, avec un entrain incomprĂ©hensible, on parle de diffĂ©rents sujets trĂšs importants. Enfin, aprĂšs avoir bavardĂ©, parlĂ©, rĂ©solu quelques questions d’utilitĂ© gĂ©nĂ©rale, et aprĂšs avoir rĂ©ussi Ă  imposer aux uns et aux autres une opinion sur toutes choses, le groupe est saisi d’une irritation quelconque et commence Ă  s’affaiblir considĂ©rablement. Finalement, tous se fĂąchent les uns contre les autres. On se dit quelques dures vĂ©ritĂ©s. Quelques caractĂšres tranchants se font jour et tout se termine par la dislocation totale. Ensuite on se calme ; on fait provision de bon sens et, peu Ă  peu, l’on se rĂ©unit de nouveau dans le groupe dĂ©crit ci-dessus. Sans doute il est agrĂ©able de vivre ainsi. Mais Ă  la longue cela devient irritant ; cela irrite fortement.
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Fyodor Dostoevsky
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JULIETTE.—Oh! manque, mon coeur! Pauvre banqueroutier, manque pour toujours; emprisonnez-vous, mes yeux; ne jetez plus un seul regard sur la libertĂ©. Terre vile, rends-toi Ă  la terre; que tout mouvement s’arrĂȘte, et qu’une mĂȘme biĂšre presse de son poids et RomĂ©o et toi. LA NOURRICE.—O Tybalt, Tybalt! le meilleur ami que j’eusse! O aimable Tybalt, honnĂȘte cavalier, faut-il que j’aie vĂ©cu pour te voir mort! JULIETTE.—Quelle est donc cette tempĂȘte qui souffle ainsi dans les deux sens contraires? RomĂ©o est-il tuĂ©, et Tybalt est-il mort? Mon cousin chĂ©ri et mon Ă©poux plus cher encore? Que la terrible trompette sonne donc le jugement universel. Qui donc est encore en vie, si ces deux-lĂ  sont morts? LA NOURRICE.—Tybalt est mort, et RomĂ©o est banni: RomĂ©o, qui l’a tuĂ©, est banni. JULIETTE.—O Dieu! la main de RomĂ©o a-t-elle versĂ© le sang de Tybalt? LA NOURRICE.—Il l’a fait, il l’a fait! O jour de malheur! il l’a fait! JULIETTE.—O coeur de serpent cachĂ© sous un visage semblable Ă  une fleur! jamais dragon a-t-il choisi un si charmant repaire? Beau tyran, angĂ©lique dĂ©mon, corbeau couvert des plumes d’une colombe, agneau transportĂ© de la rage du loup, mĂ©prisable substance de la plus divine apparence, toi, justement le contraire de ce que tu paraissais Ă  juste titre, damnable saint, traĂźtre plein d’honneur! O nature, qu’allais-tu donc chercher en enfer, lorsque de ce corps charmant, paradis sur la terre, tu fis le berceau de l’ñme d’un dĂ©mon? Jamais livre contenant une aussi infĂąme histoire porta-t-il une si belle couverture? et se peut-il que la trahison habite un si brillant palais? LA NOURRICE.—Il n’y a plus ni sincĂ©ritĂ©, ni foi, ni honneur dans les hommes; tous sont parjures, corrompus, hypocrites. Ah! oĂč est mon valet? Donnez-moi un peu d’aqua vité
.. Tous ces chagrins, tous ces maux, toutes ces peines me vieillissent. Honte soit Ă  RomĂ©o! JULIETTE.—Maudite soit ta langue pour un pareil souhait! Il n’est pas nĂ© pour la honte: la honte rougirait de s’asseoir sur son front; c’est un trĂŽne oĂč on peut couronner l’honneur, unique souverain de la terre entiĂšre. Oh! quelle brutalitĂ© me l’a fait maltraiter ainsi? LA NOURRICE.—Quoi! vous direz du bien de celui qui a tuĂ© votre cousin? JULIETTE.—Eh! dirai-je du mal de celui qui est mon mari? Ah! mon pauvre Ă©poux, quelle langue soignera ton nom, lorsque moi, ta femme depuis trois heures, je l’ai ainsi dĂ©chirĂ©? Mais pourquoi, traĂźtre, as-tu tuĂ© mon cousin? Ah! ce traĂźtre de cousin a voulu tuer mon Ă©poux.—Rentrez, larmes insensĂ©es, rentrez dans votre source; c’est au malheur qu’appartient ce tribut que par mĂ©prise vous offrez Ă  la joie. Mon Ă©poux vit, lui que Tybalt aurait voulu tuer; et Tybalt est mort, lui qui aurait voulu tuer mon Ă©poux. Tout ceci est consolant, pourquoi donc pleurĂ©-je? Ah! c’est qu’il y a lĂ  un mot, plus fatal que la mort de Tybalt, qui m’a assassinĂ©e.—Je voudrais bien l’oublier; mais, ĂŽ ciel! il pĂšse sur ma mĂ©moire comme une offense digne de la damnation sur l’ñme du pĂ©cheur. Tybalt est mort, et RomĂ©o est
.. banni! Ce banni, ce seul mot banni, a tuĂ© pour moi dix mille Tybalt. La mort de Tybalt Ă©tait un assez grand malheur, tout eĂ»t-il fini lĂ ; ou si les cruelles douleurs se plaisent Ă  marcher ensemble, et qu’il faille nĂ©cessairement que d’autres peines les accompagnent, pourquoi, aprĂšs m’avoir dit: «Tybalt est mort,» n’a-t-elle pas continuĂ©: «ton pĂšre aussi, ou ta mĂšre, ou tous les deux?» cela eĂ»t excitĂ© en moi les douleurs ordinaires. Mais par cette arriĂšre-garde qui a suivi la mort de Tybalt, RomĂ©o est banni; par ce seul mot, pĂšre, mĂšre, Tybalt, RomĂ©o, Juliette, tous sont assassinĂ©s, tous morts. RomĂ©o banni! Il n’y a ni fin, ni terme, ni borne, ni mesure dans la mort qu’apporte avec lui ce mot, aucune parole ne peut sonder ce malheur.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)