Le Temps Perdu Quotes

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Happiness is beneficial for the body, but it is grief that develops the powers of the mind.
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Marcel Proust
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C'est le temps que tu a perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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n'oublie pas, dit le renard, c'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. -c'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de souvenir...
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince: Pangeran Kecil)
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J'ai perdu assez de temps Ă  me justifier, Ă  vouloir convaincre, Ă  tenter d'expliquer qui je suis et ce que je fais et pourquoi je le fais. Maintenant il faut agir. Et je me fous de ce qu'en pensent les autres.
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Bernard Werber (Le miroir de Cassandre)
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Le temps perdu est comme le pain oubliĂ© sur la table, le pain sec. On peut le donner aux moineaux. On peut aussi le jeter. On peut encore le manger, comme dans l'enfance le pain perdu : trempĂ© dans du lait pour l'adoucir, recouvrir de jaune d’Ɠuf et de sucre, et cuit dans une poĂȘle. Il n'est pas perdu, le pain perdu, puisqu'on le mange. Il n'est pas perdu le temps perdu, puisqu'on y touche Ă  la fin des temps et qu'on y mange Ă  sa mort, Ă  chaque seconde, Ă  chaque bouchĂ©e. (p90)
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Christian Bobin (La part manquante)
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Adieu, dit-il
 - Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est trĂšs simple : on ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux. - L’essentiel est invisible pour les yeux, rĂ©pĂ©ta le petit prince, afin de se souvenir. - C’est le temps que tu a perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. - C’est le temps que j’ai perdu pour ma rose
 fit le petit prince, afin de se souvenir. - Les hommes ont oubliĂ© cette vĂ©ritĂ©, dit le renard. Mais tu ne dois pas l’oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisĂ©. Tu es responsable de ta rose
 - Je suis responsable de ma rose
 rĂ©pĂ©ta le petit prince, afin de se souvenir.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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Toute grande oeuvre est soit une Iliade soit une OdysĂ©e, les odysĂ©es Ă©tant beaucoup plus nombreuse que les iliades: le Satiricon, La Divine ComĂ©die, Pantagruel, Don Quichotte, et naturellement Ulysse (oĂč l'on reconnaĂźt d'ailleurs l'influence directe de Bouvard et PĂ©cuchet) sont des odysĂ©es, c'est-Ă -dire des rĂ©cits de temps pleins. Les iliades sont au contraire des recherches du temps perdu: devant Troie, sur une Ăźle dĂ©serte ou chez les Guermantes.
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Raymond Queneau
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Quittant Neuilly pour Paris XVIe, nous sommes entrés dans une vitesse sans mémoire, la rapidité des gens qui n'ont plus de temps à perdre, ou plutÎt : nous inventions une nouvelle bourgeoisie qui n'avait plus le luxe de s'intéresser au temps perdu.
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Frédéric Beigbeder
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Que de temps perdu de maniĂšre improductive ! Le sommeil est pour moi Ă©quivalent Ă  la mort, et la mort n’est effrayante qu’en tant qu’elle est un sommeil Ă©ternel qui interrompt mes travaux. Combien de choses inachevĂ©es ! Combien de projets vont mourir !...
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Alexandre BeliaĂŻev (L'homme qui ne dormait pas)
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Visur mes ieĆĄkome savęs. Mums patinka tik tos knygos, kuriose randame uĆŸfiksuotą savo pačiĆł pasaulio viziją arba iĆĄgyvenimą, pasaulÄŻ, kurÄŻ mes patys bĆ«tumėm norėję sukurti ir jame gyventi, tai, ką mes bĆ«tumėm norėję pasakyti, dalintis su kitais. Mums patinka tik tokie paveikslai, kuriuos mes norėtumėm bĆ«ti nutapę, tik tokia muzika, kurią mes norėtumėm bĆ«ti sukomponavę. Dėl to dabar aĆĄ „norėčiau“ bĆ«ti paraơęs Stendhalio La Chartreuse de Varme, Tolstojaus Anna Karenina, Prousto A la recherche du temps perdu, Th. Manno Der Tod in Venedig ir Der Zauberberg; sukomponavęs Vivaldi I quattro staggioni, Mozarto Koncertą klarnetui A-Dur (K. 622), Kvintetus G-Moll ir D-Dur (K. 516, 593), nebaigtas MiĆĄias C-Moll (K. 427), Ravelio Le Tombeau de Couperin; nutapęs Watteau L’Enseigne de Geisaint, G. de la Tour (de la Tur) La nativitĂ©, kai kuriuos Chardino natiurmortus, Renoiro Le Sentier a travers les champs, Soutine’o Jour de vent Ă  Auxerre. Bet nenorėčiau bĆ«ti niekieno poezijos autorius.
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Alfonsas Nyka-NiliĆ«nas (Dienoraơčio fragmentai 1938-1975)
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Depuis que tu es partie, j’ai pu compter jusqu’au sept millions neuf cent quarante-huit mille cents. Tu as eu le temps d’aller te cacher loin. Je cherche partout. Je ne te trouve pas, je dĂ©sespĂšre. La partie de cache-cache dure trop longtemps. Allez, tu as gagnĂ©, tu peux sortir de ta cachette. Je t’en supplie. J’ai perdu. J’ai tout perdu.
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Jean-Louis Fournier (Veuf (La Bleue) (French Edition))
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le regardait avec un respect attendri, mais pas trop fixement pour ne pas chercher à percer le mystÚre de ses supériorités.
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Marcel Proust (A la recherche du temps perdu)
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Yo no era mĂĄs que el instrumento de unos hĂĄbitos de no trabajar.
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Marcel Proust (Le CĂŽtĂ© de Guermantes: À la recherche du temps perdu (Volume 3))
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le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instant; et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas! comme les années.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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bémolise le clair de lune. Mais à un moment donné, sans pouvoir nettement
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Marcel Proust (À la recherche du temps perdu (Edition intĂ©grale ''Les 7 Tomes'' - Version EntiĂšrement IllustrĂ©e))
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tout le monde sait ça, un plumitif c’est un Ă©crivain, c’est quelqu’un qui tient une plume. Mais c’est une horreur de mot. C’est Ă  vous faire tomber vos dents de sagesse.
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Marcel Proust (A la recherche du temps perdu)
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Les faits ne pĂ©nĂštrent pas dans le monde oĂč vivent nos croyances, ils n'ont pas fait naĂźtre celles-ci, ils ne les dĂ©truisent pas.
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Marcel Proust (Du cote de chez Swann: A la recherche du temps perdu (French Edition))
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C'est le temps que tu as perdu pour ta rose, qui rend ta rose importante.
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince (French Edition))
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C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de se souvenir.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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Je dĂ©mĂȘlai seulement que rĂ©pĂ©ter ce que tout le monde pensait n’était pas en politique une marque d’infĂ©rioritĂ© mais de supĂ©rioritĂ©.
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Marcel Proust (A la recherche du temps perdu)
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Et voici que le monde(qui n’a pas Ă©tĂ© crĂ©Ă© une fois, mais aussi souvent qu’un artiste original est survenu) nous apparait entiĂšrement diffĂ©rent de l’ancien, mais parfaitement clair.
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Marcel Proust (À la recherche du temps perdu, Tome III)
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Les trois quarts des frais d'esprit et des mensonges de vanité qui ont été prodigués depuis que le monde existe par des gens qu'ils ne faisaient que diminuer, l'ont été pour des inférieurs.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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Ressaisir notre vie ; et aussi la vie des autres ; car le style, pour l’écrivain aussi bien que pour le peintre, est une question non de technique, mais de vision. Il est la rĂ©vĂ©lation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients, de la diffĂ©rence qualitative qu’il y a dans la façon dont nous apparaĂźt le monde, diffĂ©rence qui, s’il n’y avait pas l’art, resterait le secret Ă©ternel de chacun.
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Marcel Proust (À la recherche du temps perdu)
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Mais le plus beau voyage dans le temps que je connaisse c’est celui que procure la lecture. On vous croit dans cette piùce alors que vous vagabondez dans d’autres siùcles. Et cela sans faire le moindre bruit.
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Dany LaferriĂšre (L'art presque perdu de ne rien faire)
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Je fis comme eux avec cet air naturel d’un libre-penseur dans une Ă©glise, lequel ne connaĂźt pas la messe, mais se lĂšve quand tout le monde se lĂšve et se met Ă  genoux un peu aprĂšs que tout le monde s’est mis Ă  genoux.
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Marcel Proust (A la recherche du temps perdu)
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Le dĂŽme de l'Institut avait une vraie grĂące, dut-il convenir un peu malgrĂ© lui. Évidemment, donner une forme arrondie Ă  un bĂątiment ne pouvait se justifier en aucune maniĂšre; sur le plan rationnel, c'Ă©tait simplement de la place perdue. La modernitĂ© Ă©tait peut-ĂȘtre une erreur, se dit Jed pour la premiĂšre fois de sa vie. Question purement rhĂ©torique, d'ailleurs: la modernitĂ© Ă©tait terminĂ©e en Europe occidentale depuis pas mal de temps dĂ©jĂ .
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Michel Houellebecq (La carte et le territoire)
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Persino l’atto cosĂŹ elementare che chiamiamo “vedere una persona conosciuta” Ăš in parte un atto intellettuale. Noi riempiamo l’apparenza fisica dell’individuo che vediamo con tutte le nozioni che possediamo sul suo conto, e nell’immagine totale che di lui ci rappresentiamo queste nozioni hanno senza dubbio la parte piĂč considerevole. Esse finiscono per gonfiare con tanta perfezione le sue guance, per seguire con tale esatta aderenza la linea del suo naso, si incaricano cosĂŹ efficacemente di sfumare la sonoritĂ  della sua voce, come se si trattasse soltanto di un involucro trasparente, che ogni volta che vediamo quel viso e sentiamo quella voce sono loro, le nozioni, a presentarsi al nostro sguardo, a offrirsi al nostro ascolto
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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N’arrive-t-il pas tous les jours qu’un ami nous demande de ne pas manquer de l’excuser auprĂšs d’une femme Ă  qui il a Ă©tĂ© empĂȘchĂ© d’écrire, et que nous nĂ©gligions de le faire, jugeant que cette personne ne peut pas attacher d’importance Ă  un silence qui n’en a pas pour nous.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann (à la recherche du temps perdu #1))
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Avez-vous remarquĂ© que la mort seule rĂ©veille nos sentiments? Comme nous aimons les amis qui viennent de nous quitter, n’est-ce pas? Comme nous admirons ceux de nos maĂźtres qui ne parlent plus, la bouche pleine de terre! L’hommage vient alors tout naturellement, cet hommage que, peut-ĂȘtre, ils avaient attendu de nous toute leur vie. Mais savez-vous pourquoi nous sommes toujours plus justes et plus gĂ©nĂ©reux avec les morts? La raison est simple ! Avec eux, il n’y a pas d’obligation. Ils nous laissent libres, nous pouvons prendre notre temps, caser l’hommage entre le cocktail et une gentille maĂźtresse, Ă  temps perdu, en somme. S’ils nous obligeaient Ă  quelque chose, ce serait Ă  la mĂ©moire, et nous avons la mĂ©moire courte. Non, c’est le mort frais que nous aimons chez nos amis, le mort douloureux, notre Ă©motion, nous-mĂȘmes enfin!
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Albert Camus (The Fall)
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Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goĂ»t, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin Ă  Combray (parce que ce jour-lĂ  je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante LĂ©onie m’offrait aprĂšs l’avoir trempĂ© dans son infusion de thĂ© ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelĂ© avant que je n’y eusse goĂ»tĂ© ; peut-ĂȘtre parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pĂątissiers, leur image avait quittĂ© ces jours de Combray pour se lier Ă  d’autres plus rĂ©cents ; peut-ĂȘtre parce que, de ces souvenirs abandonnĂ©s si longtemps hors de la mĂ©moire, rien ne survivait, tout s’était dĂ©sagrĂ©gĂ© ; les formes — et celle aussi du petit coquillage de pĂątisserie, si grassement sensuel sous son plissage sĂ©vĂšre et dĂ©vot — s’étaient abolies, ou, ensommeillĂ©es, avaient perdu la force d’expansion qui leur eĂ»t permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passĂ© ancien rien ne subsiste, aprĂšs la mort des ĂȘtres, aprĂšs la destruction des choses, seules, plus frĂȘles mais plus vivaces, plus immatĂ©rielles, plus persistantes, plus fidĂšles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des Ăąmes, Ă  se rappeler, Ă  attendre, Ă  espĂ©rer, sur la ruine de tout le reste, Ă  porter sans flĂ©chir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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; et le petit chemin qu’il suit va ĂȘtre gravĂ© dans son souvenir par l’excitation qu’il doit Ă  des lieux nouveaux, Ă  des actes inaccoutumĂ©s, Ă  la causerie rĂ©cente et aux adieux sous la lampe Ă©trangĂšre qui le suivent encore dans le silence de la nuit, Ă  la douceur prochaine du retour.
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Marcel Proust (A la recherche du temps perdu)
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Le chien est un animal si difforme, d’un caractĂšre si dĂ©sordonnĂ©, que de tout temps il a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme un monstre, nĂ© et formĂ© en dĂ©pit de toutes les lois. En effet, lorsque le repos est l’état naturel, comment expliquer qu’un animal soit toujours remuant, affairĂ©, et cela sans but ni besoin, lors mĂȘme qu’il est repu et n’a point peur ? Lorsque la beautĂ© consiste universellement dans la souplesse, la grĂące et la prudence, comment admettre qu’un animal soit toujours brutal, hurlant, fou, se jetant au nez des gens, courant aprĂšs les coups de pied et les rebuffades ? Lorsque le favori et le chef-d’oeuvre de la crĂ©ation est le chat, comment comprendre qu’un animal le haĂŻsse, coure sur lui sans en avoir reçu une seule Ă©gratignure, et lui casse les reins sans avoir envie de manger sa chair ? Ces contrariĂ©tĂ©s prouvent que les chien sont des damnĂ©s ; trĂšs certainement les Ăąmes coupables et punies passent dans leurs corps. Elles y souffrent : c’est pourquoi ils se tracassent et s’agitent sans cesse. Elles ont perdu la raison : c’est pourquoi ils gĂątent tout, se font battre, et sont enchaĂźnĂ©s les trois quarts du jour. Elles haĂŻssent le beau et le bien : c’est pourquoi ils tĂąchent de nous Ă©trangler.
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Hippolyte Taine
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Na realidade, todo leitor Ă©, quando lĂȘ, o leitor de si mesmo. A obra nĂŁo passa de uma especie de instrumento Ăłptico oferecido ao leitor a fim de lhe ser possĂ­vel discernir o que, sem ela, nĂŁo teria certamente visto em si mesmo. O reconhecimento, por seu foro Ă­ntimo, do que diz o livro, Ă© a prova da verdade deste [...].
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Marcel Proust (Le Temps retrouvé, 1 (A la recherche du temps perdu, 14))
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les Ă©lans de notre sensibilitĂ© ont peu d’empire sur la suite de nos actes et la conduite de notre vie, et que le respect des obligations morales, la fidĂ©litĂ© aux amis, l’exĂ©cution d’une Ɠuvre, l’observance d’un rĂ©gime, ont un fondement plus sĂ»r dans des habitudes aveugles que dans ces transports momentanĂ©s, ardents et stĂ©riles.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann (à la recherche du temps perdu #1))
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n'oublie pas, dit le renard, c'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. -c'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de souvenir..." "unutma, dedi tilki, gĂŒlĂŒn için harcadiğin zamandir gĂŒlĂŒnĂŒ bu kadar önemli yapan. - gĂŒlĂŒm için harcadiğim zaman... dedi kĂŒĂ§ĂŒk prens, hatirlamak için...
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince (Chinese Edition))
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Ce genre de fraudes qui consiste Ă  avoir l’audace de proclamer la vĂ©ritĂ©, mais en y mĂȘlant, pour une bonne part, des mensonges qui la falsifient, est plus rĂ©pandu qu’on ne pense et mĂȘme, chez ceux qui ne le pratiquent pas habituellement, certaines crises dans la vie, notamment celles oĂč une liaison amoureuse est en jeu, leur donnent l’occasion de s’y livrer.
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Marcel Proust (A la recherche du temps perdu)
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Les faits ne pĂ©nĂštrent pas dans le monde oĂč vivent nos croyances, ils n'ont pas fait naĂźtre celles-ci, ils ne les dĂ©truisent pas; ils peuvent leur infliger les plus constants dĂ©mentis sans les affaiblir, et une avalanche de malheurs ou de maladies se succĂ©dant sans interruption dans une famille ne la fera pas douter de la bontĂ© de son Dieu ou du talent de son mĂ©decin.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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Le GoĂ»t du nĂ©ant Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte, L’Espoir, dont l’épĂ©ron attisait ton ardeur, Ne veut plus t’enfourcher! Couche-toi sans pudeur, Vieux cheval dont le pied Ă  chaque obstacle bute. RĂ©signe-toi, mon coeur; dors ton sommeil de brute. Esprit vaincu, fourbu! Pour toi, vieux maraudeur, L’amour n’a plus de goĂ»t, non plus que la dispute; Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flĂ»te! Plaisirs, ne tentez plus un coeur sombre et boudeur! Le Printemps adorable a perdu son odeur! Et le Temps m’engloutit minute par minute, Comme la neige immense un corps pris de roideur; Je contemple d’en haut le globe en sa rondeur Et je n’y cherche plus l’abri d’une cahute. Avalance, veux-tu m’emporter dans ta chute?
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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La muraille de l’escalier oĂč je vis monter le reflet de sa bougie n’existe plus depuis longtemps. En moi aussi bien des choses ont Ă©tĂ© dĂ©truites que je croyais devoir durer toujours, et de nouvelles se sont Ă©difiĂ©es, donnant naissance Ă  des peines et Ă  des joies nouvelles que je n’aurais pu prĂ©voir alors, de mĂȘme que les anciennes me sont devenues difficiles Ă  comprendre.
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Marcel Proust (A la recherche du temps perdu)
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Si, comme il arrivait quelquefois, elle avait les traits d’une femme que j’avais connue dans la vie, j’allais me donner tout entier Ă  ce but : la retrouver, comme ceux qui partent en voyage pour voir de leurs yeux une citĂ© dĂ©sirĂ©e et s’imaginent qu’on peut goĂ»ter dans une rĂ©alitĂ© le charme du songe. Peu Ă  peu son souvenir s’évanouissait, j’avais oubliĂ© la fille de mon rĂȘve.
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Gustave Flaubert (A la recherche du temps perdu)
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L'Ă©tudiant parquĂ© dans le quartier latin y a la connaissance la plus exacte des Temps : il sait quand les haricots et les petits pois rĂ©ussissent, quand la Halle regorge de choux, quelle salade y abonde, et si la betterave a manquĂ©. Une vieille calomnie, rĂ©pĂ©tĂ©e au moment oĂč Lucien y venait, consistait Ă  attribuer l'apparition des beafteaks Ă  quelque mortalitĂ© sur les chevaux. Peu
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Honoré de Balzac (Etudes de moeurs. 2e livre. ScÚnes de la vie de province. T. 4. Illusions perdues. 2. Un grand homme de province à Paris (French Edition))
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Le systÚme de gouvernement représentatif connaßt aujourd'hui une crise en partie parce qu'il a perdu, avec le temps, toutes les institutions qui pouvaient permettre une participation effective des citoyens et, d'autre part, parce qu'il est gravement atteint par le mal qui affecte le systÚme des partis: la bureaucratisation et la tendance des deux partis à ne représenter que leurs appareils.
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Hannah Arendt (Du Mensonge Ă  la violence)
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SabĂ­a que hasta el recuerdo del piano falseaba el plano en que veĂ­a las cosas de la mĂșsica, porque el campo que se le abre al pianista no es un mezquino teclado de siete notas, sino un teclado inconmensurable, desconocido casi por completo, donde aquĂ­ y allĂĄ, separadas por espesas tinieblas inexploradas, han sido descubiertas algunos millones de teclas de ternura, de coraje, de pasiĂłn, de serenidad que le componen, tan distintas entre sĂ­ como un mundo de otro mundo, por unos cuantos grandes artistas que nos han hecho el favor, despertando en nosotros la equivalencia del tema que ellos descubrieron, de mostrarnos la gran riqueza, la gran variedad oculta, sin que nos demos cuenta, en esa noche enorme, impenetrada y descorazonadora de nuestra alma, que consideramos como el vacĂ­o y la nada.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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Comme tous ceux qui possĂšdent une chose, pour savoir ce qui arriverait s’il cessait un moment de la possĂ©der, il avait ĂŽtĂ© cette chose de son esprit, en y laissant tout le reste dans le mĂȘme Ă©tat que quand elle Ă©tait lĂ . Or l’absence d’une chose, ce n’est pas que cela, ce n’est pas un simple manque partiel, c’est un bouleversement de tout le reste, c’est un Ă©tat nouveau qu’on ne peut prĂ©voir dans l’ancien.
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Marcel Proust (À la recherche du temps perdu (Edition intĂ©grale ''Les 7 Tomes'' - Version EntiĂšrement IllustrĂ©e))
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Car ce que les gens ont fait, ils le recommencent indĂ©finiment. Et qu’on aille voir chaque annĂ©e un ami qui les premiĂšres fois n’a pu venir Ă  votre rendez-vous, ou s’est enrhumĂ©, on le retrouvera avec un autre rhume qu’il aura pris, on le manquera Ă  un autre rendez-vous oĂč il ne sera pas venu, pour une mĂȘme raison permanente Ă  la place de laquelle il croit voir des raisons variĂ©es, tirĂ©es des circonstances.
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Marcel Proust (A la recherche du temps perdu)
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Ma seule consolation, quand je montais me coucher, Ă©tait que maman viendrait m’embrasser quand je serais dans mon lit. Mais ce bonsoir durait si peu de temps, elle redescendait si vite, que le moment oĂč je l’entendais monter, puis oĂč passait dans le couloir Ă  double porte le bruit lĂ©ger de sa robe de jardin en mousseline bleue, Ă  laquelle pendaient de petits cordons de paille tressĂ©e, Ă©tait pour moi un moment douloureux.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann (à la recherche du temps perdu #1))
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Et cette maladie qu'Ă©tait l'amour de Swann avait tellement multipliĂ©, il Ă©tait si Ă©troitement mĂȘlĂ© Ă  toutes les habitudes de Swann, Ă  tous ses actes, Ă  sa pensĂ©e, Ă  sa santĂ©, Ă  son sommeil, Ă  sa vie, mĂȘme Ă  ce qu'il dĂ©sirait pour aprĂšs sa mort, il ne faisait tellement plus qu'un avec lui, qu'on n'aurait pas pu l'arracher de lui sans le dĂ©truire lui-mĂȘme Ă  peu prĂšs tout entier : comme on dit en chirurgie, son amour n'Ă©tait plus opĂ©rable.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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Il s'Ă©tonna de rĂ©flĂ©chir sur des problĂšmes qu'il ne s'Ă©tait jamais posĂ©s. Et pourtant revenait contre lui, avec un murmure mĂ©lancolique, la masse des douceurs qu'il avait toujours Ă©cartĂ©es: un ocĂ©an perdu. "Tout cela est donc si proche?..." Il s'aperçut qu'il avait peu Ă  peu repoussĂ© vers la vieillesse, pour "quand il aurait le temps" ce qui fait douce la vie des hommes.(...) Mais il n'y a pas de paix. Il n'y a peut-ĂȘtre pas de victoire.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Nous arrivons Ă  un temps oĂč, les fortunes diminuant par leur Ă©galisation, tout s'appauvrira : nous voudrons du linge et des livres Ă  bon marchĂ©, comme on commence Ă  vouloir de petits tableaux, faute d'espace pour en placer de grands. Les chemises et les livres ne dureront pas, voilĂ  tout. La soliditĂ© des produits s'en va de toutes parts. Aussi le problĂšme Ă  rĂ©soudre est-il de la plus haute importance pour la littĂ©rature, pour les sciences et pour la politique. Il
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Honoré de Balzac (Etudes de moeurs . 2e livre. ScÚnes de la vie de province. T. 4. Illusions perdues. 3. Eve et David (French Edition))
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En effet l'Ă©cart que le vice mettait entre la vie rĂ©elle d'Odette et la vie relativement innocente que Swann avait cru, et bien souvent croyait encore, que menait sa maitresse, cet Ă©cart, Odette en ignorait l'Ă©tendue, un ĂȘtre vicieux, affectant toujours la mĂȘme vertu devant les ĂȘtres de qui il ne veut pas que soient soupçonnĂ©s ses vices, n'a pas de contrĂŽle pour se rendre compte combien ceux-ci, dont la croissance continue est insensible pour lui-mĂȘme, l'entrainent peu Ă  peu loin des façons de vivre normales.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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Mi padre me negaba constantemente licencias que se me consentĂ­an en los pactos mĂĄs generosos otorgados por mi madre y mi abuela, porque no le daba importancia a los "principios" y para Ă©l no existĂ­a el "derecho de gentes". Por un motivo contingente, o sin motivo alguno, me suprimĂ­a a Ășltima hora un paseo tan habitual ya, tan consagrado, que no se me podĂ­a quitar sin cometer dolor, o hacĂ­a lo que aquella noche, decirme que me fuera a acostar. Pero precisamente por carecer de principios, tampoco tenĂ­a intransigencia.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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- Tu crois ça ? Alors, pour toi, les choses sont simples : il y a les bons et les méchants ? Quelle chance tu as ! Tiens, si tu avais le choix au moment des élections entre trois candidats : le premier à moitié paralysé par la polio, souffrant d'hypertension, d'anémie et de nombreuses pathologies lourdes, menteur à l'occasion, consultant une astrologue, trompant sa femme, fumant des cigarettes à la chaßne et buvant trop de martinis ; le deuxiÚme obÚse, ayant déjà perdu trois élections, fait une dépression et deux crises cardiaques, fumant des cigares et s'imbibant le soir au champagne, au porto, au cognac et au whisky avant de prendre deux somnifÚres ; le troisiÚme enfin un héros de guerre décoré, respectant les femmes, aimant les animaux, ne buvant qu'une biÚre de temps en temps et ne fumant pas, lequel choisirais-tu ? Servaz sourit. - Je suppose que vous vous attendez à ce que je réponde le troisiÚme ? - Eh bien bravo, tu viens de rejeter Roosevelt et Churchill et d'élire Adolf Hitler. Tu vois : les choses ne sont jamais ce qu'elles paraissent.
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Bernard Minier
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L'année précédente, dans une soirée, il avait entendu une oeuvre musicale exécutée au piano et au violon. D'abord, il n'avait goûté que la qualité matérielle des sons sécrétés par les instruments. Et ç'avait déjà été un grand plaisir quand au-dessous de la petite ligne du violon mince, résistante, dense et directrice, il avait vu tout d'un coup chercher à s'élever en un clapotement liquide, la masse de la partie de piano, multiforme, indivise, plane et entrechoquée comme la mauve agitation des flots que charme et bémolise le clair de lune.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
“
Mais plus Emma s’apercevait de son amour, plus elle le refoulait, afin qu’il ne parĂ»t pas, et pour le diminuer. Elle aurait voulu que LĂ©on s’en doutĂąt ; et elle imaginait des hasards, des catastrophes qui l’eussent facilitĂ©. Ce qui la retenait, sans doute, c’était la paresse ou l’épouvante, et la pudeur aussi. Elle songeait qu’elle l’avait repoussĂ© trop loin, qu’il n’était plus temps, que tout Ă©tait perdu. Puis l’orgueil, la joie de se dire : « je suis vertueuse », et de se regarder dans la glace en prenant des poses rĂ©signĂ©es, la consolait un peu du sacrifice qu’elle croyait faire.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Certes, le beau visage de ma mĂšre brillait encore de jeunesse ce soir-lĂ  oĂč elle me tenait si doucement les mains et cherchait Ă  arrĂȘter mes larmes ; mais justement il me semblait que cela n’aurait pas dĂ» ĂȘtre, sa colĂšre eĂ»t Ă©tĂ© moins triste pour moi que cette douceur nouvelle que n’avait pas connue mon enfance ; il me semblait que je venais d’une main impie et secrĂšte de tracer dans son Ăąme une premiĂšre ride et d’y faire apparaĂźtre un premier cheveu blanc. Cette pensĂ©e redoubla mes sanglots, et alors je vis maman, qui jamais ne se laissait aller Ă  aucun attendrissement avec moi, ĂȘtre tout d’un coup gagnĂ©e par le mien et essayer de retenir une envie de pleurer.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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Quell’anno, quando, un po’ prima del solito, i miei genitori ebbero fissato la data del ritorno a Parigi, la mattina della partenza, poichĂ© per fotografarmi mi avevano fatto arricciare i capelli, sistemato con cautela un cappello che non avevo ancora mai portato e fatto indossare un cappottino di velluto, mia madre, dopo avermi cercato dappertutto, mi trovĂČ in lacrime sul breve, ripido sentiero, vicino a Tansonville, nell'atto di dire addio ai biancospini, mentre abbracciavo i rami pungenti, e, come una principessa da tragedia a cui pesassero quei vani ornamenti, ingrato verso la mano importuna che intrecciando tutti quei nodi aveva avuto cura di raccogliermi i capelli sulla fronte, calpestavo i miei bigodini strappati e il mio cappello nuovo. La mamma non si commosse alle mie lacrime, ma non potĂ© trattenere un grido alla vista del cappello sfondato e del cappotto da buttar via. Non l’udii: «Miei poveri, piccoli biancospini, dicevo piangendo, non voi, certo, vorreste farmi del male, costringermi a partire. Voi, voi non m’avete mai fatto soffrire! PerciĂČ vi amerĂČ sempre». E, asciugandomi le lacrime, promettevo loro che, quando fossi stato grande, non avrei imitato la vita insensata degli altri uomini e, anche a Parigi, nei giorni di primavera, invece di recarmi a far visite e ad ascoltare sciocchezze, sarei corso in campagna a vedere i primi biancospini.
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Marcel Proust (À la recherche du temps perdu, Tome I)
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Depuis, plus personne ne parle du 27eme battalion. Pourtant, refusant de rejoindre le ciel, les fantÎmes, les demons nés de cette défaite continuent à errer parmi les buissons, à l'orée de la jungle, sur les rives du ruisseau. On a donné à ce coin de jungle perdu dans les brumes empoisonnées le nom effrayant de "terre des Ames hurlantes". De temps en temps, à l'occasion des cérémonies de l'enfer les morts se rassemblent sur cette langue de terre comme pour la revue des troupes. On peut entendre leurs voix dans le murmure du ruisseau, les plaintes étouffées, lancinantes de la jungle la nuit, les hurlements du vent à travers les gorges des montagnes. On peut les entendre, les comprendre.
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BáșŁo Ninh (The Sorrow of War)
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Ma rose Ă  moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous ressemble. Mais Ă  elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosĂ©e. Puisque c'est elle que j'ai mise sous globe. Puisque c'est elle que j'ai abritĂ©e par le paravent. Puisque c'est elle dont j'ai tuĂ© les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c'est elle que j'ai Ă©coutĂ©e se plaindre, ou se vanter, ou mĂȘme quelquefois se taire. Puisque c'est ma rose [...] on ne voit bien qu'avec le cƓur. L'essentiel est invisible pour les yeux... - C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisĂ©. Tu es responsable de ta rose...
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince)
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Ce papier, qui d’abord a l’inconvĂ©nient de se couper et de se casser, se dissout dans l’eau si facilement qu’un livre en papier de coton s’y mettrait en bouillie en y restant un quart d’heure, tandis qu’un vieux livre ne serait pas perdu en y restant deux heures. On ferait sĂ©cher le vieux livre ; et, quoique jauni, passĂ©, le texte en serait encore lisible, l’Ɠuvre ne serait pas dĂ©truite. Nous arrivons Ă  un temps oĂč, les fortunes diminuant par leur Ă©galisation, tout s’appauvrira : nous voudrons du linge et des livres Ă  bon marchĂ©, comme on commence Ă  vouloir de petits tableaux, faute d’espace pour en placer de grands. Les chemises et les livres ne dureront pas, voilĂ  tout. La soliditĂ© des produits s’en va de toutes parts.
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Honoré de Balzac (Illusions perdues; Tome 3 (French Edition))
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Avec le temps, j'ai simplement aperçu que mĂȘme ceux qui Ă©taient meilleurs que d'autres ne pouvaient s'empĂȘcher aujourd'hui de tuer ou de laisser tuer parce que c'Ă©tait dans la logique oĂč ils vivaient, et que nous ne pouvions pas faire un geste en ce monde sans risquer de faire mourir. Oui, j'ai continuĂ© d'avoir honte, j'ai appris cela, que nous Ă©tions tous dans la peste, et j'ai perdu la paix. Je la cherche encore aujourd'hui, essayant de les comprendre tous et de n'ĂȘtre l'ennemi mortel de personne. Je sais seulement qu'il faut faire ce qu'il faut pour ne plus ĂȘtre un pestifĂ©rĂ© et que c'est lĂ  ce qui peut, seul, nous faire espĂ©rer la paix, ou une bonne mort Ă  son dĂ©faut. C'est cela qui peut soulager les hommes et, sinon les sauver, du moins leur faire le moins de mal possible et mĂȘme parfois un peu de bien. Et c'est pourquoi j'ai dĂ©cidĂ© de refuser tout ce qui, de prĂšs ou de loin, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, fait mourir ou justifie qu'on fasse mourir. « C'est pourquoi encore cette Ă©pidĂ©mie ne m'apprend rien, sinon qu'il faut la combattre Ă  vos cĂŽtĂ©s. Je sais de science certaine (oui, Rieux, je sais tout de la vie, vous le voyez bien) que chacun la porte en soi, la peste, parce que personne, non, personne au monde n'en est indemne. Et qu'il faut se surveiller sans arrĂȘt pour ne pas ĂȘtre amenĂ©, dans une minute de distraction, Ă  respirer dans la figure d'un autre et Ă  lui coller l'infection. Ce qui est naturel, c'est le microbe. Le reste, la santĂ©, l'intĂ©gritĂ©, la puretĂ©, si vous voulez, c'est un effet de la volontĂ© et d'une volontĂ© qui ne doit jamais s'arrĂȘter.
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Albert Camus (The Plague)
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Êtes-vous ce qu’on appelle un heureux ? Eh bien, vous ĂȘtes triste tous les jours. Chaque jour a son grand chagrin ou son petit souci. Hier, vous trembliez pour une santĂ© qui vous est chĂšre, aujourd’hui vous craignez pour la vĂŽtre, demain ce sera une inquiĂ©tude d’argent, aprĂšs-demain la diatribe d’un calomniateur, l’autre aprĂšs-demain le malheur d’un ami ; puis le temps qu’il fait, puis quelque chose de cassĂ© ou de perdu, puis un plaisir que la conscience et la colonne vertĂ©brale vous reprochent ; une autre fois, la marche des affaires publiques. Sans compter les peines de cƓur. Et ainsi de suite. Un nuage se dissipe, un autre se reforme. À peine un jour sur cent de pleine joie et de plein soleil. Et vous ĂȘtes de ce petit nombre qui a le bonheur ! Quant aux autres hommes, la nuit stagnante est sur eux.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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J’étais tout de mĂȘme heureux comme un enfant nĂ© dans une prison ou dans un hĂŽpital et qui ayant cru longtemps que l’organisme humain ne peut digĂ©rer que du pain sec et des mĂ©dicaments, a appris tout d’un coup que les peches, les abricots, le raisin, ne sont pas une simple parure de la campagne, mais des aliments dĂ©licieux et assimilables. MĂȘme si son geĂŽlier ou son garde-malade ne lui permettent pas de cueillir ce beux fruits, le monde cependant lui paraĂźt meilleur et l’existence plus clĂ©mente. Car un dĂ©sir nous semple plus beau, nous nous appuyons Ă  lui avec plus de confiance quand nous savons d’en dehors de nous la rĂ©alitĂ© s’y conforme, mĂȘme si pour nous il n’est pas rĂ©alisable. Et nous pensons avec plus de joie Ă  une vie oĂč, Ă  condition que nous Ă©cartions pour un instant de notre pensĂ©e le petit obstacle accidentel et particulier qui nous empĂȘche personnellement de le faire, nous pouvons nous imaginer l’assouvissant.
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Marcel Proust (À la recherche du temps perdu, Tome II)
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..j’étais tout de mĂȘme heureux comme un enfant nĂ© dans une prison ou dans un hĂŽpital et qui, ayant cru longtemps que l’organisme humain ne peut digĂ©rer que du pain sec et des mĂ©dicaments, a appris tout d’un coup que les pĂȘches, les abricots, le raisin, ne sont pas une simple parure de la campagne, mais des aliments dĂ©licieux et assimilables. MĂȘme si son geĂŽlier ou son garde-malade ne lui permettent pas de cueillir ces beaux fruits, le monde cependant lui paraĂźt meilleur et l’existence plus clĂ©mente. Car un dĂ©sir nous semble plus beau, nous nous appuyons Ă  lui avec plus de confiance quand nous savons qu’en dehors de nous la rĂ©alitĂ© s’y conforme, mĂȘme si pour nous il n’est pas rĂ©alisable. Et nous pensons avec plus de joie Ă  une vie oĂč, Ă  condition que nous Ă©cartions pour un instant de notre pensĂ©e le petit obstacle accidentel et particulier qui nous empĂȘche personnellement de le faire, nous pouvons nous imaginer l’assouvissant
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Marcel Proust (À la recherche du temps perdu, Tome II)
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No era posible dar las gracias a mi padre; lo que él llamaba sensiblerías le hubiera irritado. (...) Ya hace muchos años de esto. La pared de la escalera por donde yo vi ascender el reflejo de la bujía, hace largo tiempo que ya no existe. En mí también se han deshecho muchas cosas que yo creí que durarían siempre, y se han alzado otras nuevas, preñadas de penas y alegrías nuevas que entonces no sabía prever, lo mismo que hoy me son difíciles de comprender muchas de las antiguas. Hace mucho tiempo también que mi padre ya no puede decir a mamå: "Vete con el niño". Para mí nunca volverån a ser posibles horas semejantes. Pero desde hace poco otra vez empiezo a percibir, si escucho atentamente, los sollozos de aquella noche, los sollozos que tuve valor para contener en presencia de mi padre, y que estallaron cuando me vi a solas con mamå. En realidad, esos sollozos no cesaron nunca; y porque la vida va callåndose cada vez mås en torno a mí, es por lo que los vuelvo a oír.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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L’agonie de notre temps gĂźt lĂ . Le siĂšcle ne s’effondre pas faute de soutien matĂ©riel. Jamais l’univers ne fut si riche, comblĂ© de tant de confort, aidĂ© par une industrialisation Ă  ce point productrice. Jamais il n’y eut tant de ressources ni de biens offerts. C’est le cƓur de l’homme, et lui seul, qui est en Ă©tat de faillite. C’est faute d’aimer, c’est faute de croire et de se donner, que le monde s’accable lui-mĂȘme des coups qui l’assassinent. Le siĂšcle a voulu n’ĂȘtre plus que le siĂšcle des appĂ©tits. Son orgueil l’a perdu. Il a cru aux machines, aux stocks, aux lingots, sur lesquels il rĂ©gnerait en maĂźtre. Il a cru, tout autant, Ă  la victoire des passions charnelles projetĂ©es au delĂ  de toutes les limites, Ă  la libĂ©ration des formes les plus diverses des jouissances, sans cesse multipliĂ©es, toujours plus avilies et plus avilissantes, dotĂ©es d’une « technique » qui n’est, en somme, gĂ©nĂ©ralement, qu’une accumulation, sans grande imagination, d’assez pauvres vices, d’ĂȘtres vidĂ©s.
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Leon Degrelle (Almas ardiendo: notas de paz, de guerra y de exilio)
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C’est que les soirs oĂč des Ă©trangers, ou seulement M. Swann, Ă©taient lĂ , maman ne montait pas dans ma chambre. Je dĂźnais avant tout le monde et je venais ensuite m’asseoir Ă  table, jusqu’à huit heures oĂč il Ă©tait convenu que je devais monter ; ce baiser prĂ©cieux et fragile que maman me confiait d’habitude dans mon lit au moment de m’endormir, il me fallait le transporter de la salle Ă  manger dans ma chambre et le garder pendant tout le temps que je me dĂ©shabillais, sans que se brisĂąt sa douceur, sans que se rĂ©pandĂźt et s’évaporĂąt sa vertu volatile, et, justement ces soirs-lĂ  oĂč j’aurais eu besoin de le recevoir avec plus de prĂ©caution, il fallait que je le prisse, que je le dĂ©robasse brusquement, publiquement, sans mĂȘme avoir le temps et la libertĂ© d’esprit nĂ©cessaires pour porter Ă  ce que je faisais cette attention des maniaques qui s’efforcent de ne pas penser Ă  autre chose pendant qu’ils ferment une porte, pour pouvoir, quand l’incertitude maladive leur revient, lui opposer victorieusement le souvenir du moment oĂč ils l’ont fermĂ©e.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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- Eh bien... je ne suis pas sĂ»r de pourvoir l'expliquer, mais je viens de me rendre compte que j'avais vĂ©cu plus longtemps que mon pĂšre, ce Ă  quoi je ne m'Ă©tais jamais attendu. C'est juste que... cela me fait bizarre, c'est tout. Toi qui as perdu ta mĂšre si jeune, tu n'y penses jamais ? - Si. Mon visage Ă©tait enfoui contre son torse, ma voix se perdant dans les plis de sa chemise. - ... Autrefois, quand j'Ă©tais jeune. C'est comme partir en voyage sans carte. Sa main dans mon dos s'arrĂȘta un instant. - Oui, c'est ça. Je savais plus ou moins ce que signifiait ĂȘtre un homme trentenaire, quadragĂ©naire... mais maintenant ? Il Ă©mit un petit bruit, un mĂ©lange d'amusement et de perplexitĂ©. - Il faut s'inventer soit-mĂȘme, dis-je doucement. On regarde les autres femmes, ou les autres hommes. On essaie leur vie pour voir si elle nous va. Puis, on cherche Ă  l'intĂ©rieur de soi ce qu'on ne trouve pas ailleurs. Et on se demande toujours... toujours... si on a fait ce qu'il fallait. Sa main Ă©tait lourde et chaude dans mon dos. Il sentit les larmes qui s'Ă©taient brusquement mises Ă  couler du coin de mes yeux sur sa chemise. Son autre main se posa sur ma tĂȘte et caressa mes cheveux. - Oui, c'est ça, rĂ©pĂ©ta-t-il tout doucement.
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Diana Gabaldon (La Croix de feu / Le Temps des rĂȘves (Le Cercle de Pierre #5-6))
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Avant le chariot du supermarchĂ©, le qu'est-ce qu'on va manger ce soir, les Ă©conomies pour s'acheter un canapĂ©, une chaĂźne hi-fi, un appart. Avant les couches, le petit seau et la pelle sur la plage, les hommes que je ne vois plus, les revues de consommateurs pour ne pas se faire entuber, le gigot qu'il aime par-dessus tout et le calcul rĂ©ciproque des libertĂ©s perdues. Une pĂ©riode oĂč l'on peut dĂźner d'un yaourt, faire sa valise en une demi-heure pour un week-end impromptu, parler toute une nuit. Lire un dimanche entier sous les couvertures. S'amollir dans un cafĂ©, regarder les gens entrer et sortir, se sentir flotter entre ces existences anonymes. Faire la fĂȘte sans scrupule quand on a le cafard. Une pĂ©riode oĂč les conversations des adultes installĂ©s paraissent venir d'un univers futile, presque ridicule, on se fiche des embouteillages, des morts de la PentecĂŽte, du prix du bifteck et de la mĂ©tĂ©o. Personne ne vous colle aux semelles encore. Toutes les filles l'ont connue, cette pĂ©riode, plus ou moins longue, plus ou moins intense, mais dĂ©fendu de s'en souvenir avec nostalgie. Quelle honte ! Oser regretter ce temps Ă©goĂŻste, oĂč l'on n'Ă©tait responsable que de soi, douteux, infantile. La vie de jeune fille, ça ne s'enterre pas, ni chanson ni folklore lĂ -dessus, ça n'existe pas. Une pĂ©riode inutile.
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Annie Ernaux (A Frozen Woman)
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MĂȘme quand il ne pensait pas Ă  la petite phrase, elle existait latente dans son esprit au mĂȘme titre que certaines autres notions sans Ă©quivalent, comme les notions de la lumiĂšre, du son, du relief, de la voluptĂ© physique, qui sont les riches possessions dont se diversifie et se pare notre domaine intĂ©rieur. Peut-ĂȘtre les perdrons-nous, peut-ĂȘtre s'effaceront-elles, si nous retournons au nĂ©ant. Mais tant que nous vivons, nous ne pouvons pas plus faire que nous ne les ayons connues que nous ne le pouvons pour quelque objet rĂ©el, que nous ne pouvons par exemple douter de la lumiĂšre de la lampe qu'on allume devant les objets mĂ©tamorphosĂ©s de notre chambre d'oĂč s'est Ă©chappĂ© jusqu'au souvenir de l'obscuritĂ©. Par lĂ , la phrase de Vinteuil avait [...] Ă©pousĂ© notre condition mortelle, pris quelque chose d'humain qui Ă©tait assez touchant. Son sort Ă©tait liĂ© Ă  l'avenir, Ă  la rĂ©alitĂ© de notre Ăąme dont elle Ă©tait un des ornements les plus particuliers, les mieux diffĂ©renciĂ©s. Peut-ĂȘtre est-ce le nĂ©ant qui est le vrai et tout notre rĂȘve est-il inexistant, mais alors nous sentons qu'il faudra que ces phrases musicales, ces notions qui existent par rapport Ă  lui, ne soient rien non plus. Nous pĂ©rirons, mais nous avons pour otages ces captives divines qui suivront notre chance. Et la mort avec elles a quelque chose de moins amer, de moins inglorieux, peut-ĂȘtre de moins probable.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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Faut-il regretter le temps des guerres "Ă  sens" ? souhaiter que les guerres d'aujourd'hui "retrouvent" leur sens perdu ? le monde irait-il mieux, moins bien, indiffĂ©remment, si les guerres avaient, comme jadis, ce sens qui les justifiait ? Une part de moi, celle qui a la nostalgie des guerres de rĂ©sistance et des guerres antifascistes, a tendance Ă  dire : oui, bien sĂ»r ; rien n'est plus navrant que la guerre aveugle et insensĂ©e ; la civilisation c'est quand les hommes, tant qu'Ă  faire, savent Ă  peu prĂšs pourquoi ils se combattent ; d'autant que, dans une guerre qui a du sens, quand les gens savent Ă  peu prĂšs quel est leur but de guerre et quel est celui de leur adversaire, le temps de la raison, de la nĂ©gociation, de la transaction finit toujours par succĂ©der Ă  celui de la violence ; et d'autant (autre argument) que les guerres sensĂ©es sont aussi celles qui, par principe, sont les plus accessibles Ă  la mĂ©diation, Ă  l'intervention - ce sont les seules sur lesquelles des tiers, des arbitres, des observateurs engagĂ©s, peuvent espĂ©rer avoir quelque prise...Une autre part hĂ©site. L'autre part de moi, celle qui soupçonne les guerres Ă  sens d'ĂȘtre les plus sanglantes, celle qui tient la "machine Ă  sens" pour une machine de servitude et le fait de donner un sens Ă  ce qui n'en a pas, c'est-Ă -dire Ă  la souffrance des hommes, pour un des tours les plus sournois par quoi le Diabolique nous tient, celle qui sait, en un mot, qu'on n'envoie jamais mieux les pauvres gens au casse-pipe qu'en leur racontant qu'ils participent d'une grande aventure ou travaillent Ă  se sauver, cette part-lĂ , donc, rĂ©pond : "non ; le pire c'Ă©tait le sens"; le pire c'est, comme disait Blanchot, "que le dĂ©sastre prenne sens au lieu de prendre corps" ; le pire, le plus terrible, c'est d'habiller de sens le pur insensĂ© de la guerre ; pas question de regretter, non, le "temps maudit du sens". (ch. 10 De l'insensĂ©, encore)
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Bernard-Henri LĂ©vy (War, Evil, and the End of History)
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J'achĂšte un roman marocain d'expression française le vendredi. Je commence Ă  le lire le samedi et dĂšs les premiĂšres pages, je crie: "Encore un qui croit que la littĂ©rature, c'est raconter son enfance et sublimer ou dramatiser son passĂ©. Je me dis; "continue quand mĂȘme, il a ratĂ© le dĂ©but mais tu trouveras sĂ»rement quelque chose de beau plus loin." Rien, walou, nada, niet. chercher des effets de styles, une narration travaillĂ©e, un souffle, une sensibilitĂ©, une sincĂ©ritĂ© est inutile. Tout sonne faux. Le mec continue de nous bassiner avec ses misĂšres et ses amours d'enfance en utilisant la langue la plus plate que j'ai eu Ă  lire ces derniers temps. Pourquoi tant d'Ă©gocentrisme et de nombrilisme? L'HÉGÉMONIE DU "JE" EST DEVENUE UN VÉRITABLE CANCER POUR LA LITTÉRATURE MAROCAINE. Beaucoup de ceux qui s'adonnent Ă  l'Ă©criture au Maroc, surtout en français, croient qu'Ă©crire, c'est reparler de leur mĂšre, leur pĂšre, leurs voisins, leurs frustrations... et surtout LEUR PERSONNE. Si au moins ils avaient l'existence d'un Rimbaud ou d'un DostoĂŻevski. Je continue Ă  lire malgrĂ© tout, d'abord parce que je suis maso, et ensuite pour ne pas ĂȘtre injuste Ă  l'Ă©gard de l'auteur. Peine perdue. Le livre me tombe des mains et je le balance loin de moi Ă  la page 94. MĂȘme le masochisme a des limites. Je n'ai rien contre quelqu'un qui raconte sa vie. Je n'ai rien contre un nombriliste, un Ă©gocentrique, un maniaque, un narcissique, un mĂ©galo, etc, du moment qu'il me propose un objet littĂ©raire, un vrai, avec un style... Oui un style. Je ne dis pas avec une langue parfaite; non; je dis avec sa langue Ă  lui, qui fait ressortir sa sincĂ©ritĂ©, son dilemme, ses tripes, son Ăąme. C'est ça le style qui fait l'oeuvre et non pas le bavardage. Pour le bavardage, le "regardez-moi, je suis beau et je suis devenu Ă©crivain"; le "Admirez-moi!", il y a les JamaĂ€s Fna (avec tous mes respects pour les conteurs de Jamaa Fna) et les Shows. Alors SVP! un peu de respect pour la littĂ©rature.
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Mokhtar Chaoui
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La sociĂ©tĂ© moderne a commis la sĂ©rieuse faute de substituer, dĂšs le plus bas Ăąge, l’école Ă  l’enseignement familial. Elle y a Ă©tĂ© obligĂ©e par la trahison des femmes. Celles-ci abandonnent leurs enfants au kindergarten pour s’occuper de leur carriĂšre, de leurs ambitions mondaines, de leurs plaisirs sexuels, de leurs fantaisies littĂ©raires ou artistiques, ou simplement pour jouer au bridge, aller au cinĂ©ma, perdre leur temps dans une paresse affairĂ©e. Elles ont causĂ© ainsi l’extinction du groupe familial, oĂč l’enfant grandissait en compagnie d’adultes et apprenait beaucoup d’eux. Les jeunes chiens Ă©levĂ©s dans des chenils avec des animaux du mĂȘme Ăąge sont moins dĂ©veloppĂ©s que ceux qui courent en libertĂ© avec leurs parents. Il en est de mĂȘme des enfants perdus dans la foule des autres enfants et de ceux qui vivent avec des adultes intelligents. L’enfant modĂšle facilement ses activitĂ©s physiologiques, affectives et mentales sur celles de son milieu. Aussi reçoit-il peu des enfants de son Ăąge. Quand il est rĂ©duit Ă  n’ĂȘtre qu’une unitĂ© dans une Ă©cole, il se dĂ©veloppe mal. Pour progresser, l’individu demande la solitude relative, et l’attention du petit groupe familial. C’est Ă©galement grĂące Ă  son ignorance de l’individu que la sociĂ©tĂ© moderne atrophie les adultes. L’homme ne supporte pas impunĂ©ment le mode d’existence et le travail uniforme et stupide imposĂ© aux ouvriers d’usine, aux employĂ©s de bureau, Ă  ceux qui doivent assurer la production en masse. Dans l’immensitĂ© des villes modernes, il est isolĂ© et perdu. Il est une abstraction Ă©conomique, une tĂȘte du troupeau. Il perd sa qualitĂ© d’individu. Il n’a ni responsabilitĂ©, ni dignitĂ©. Au milieu de la foule Ă©mergent les riches, les politiciens puissants, les bandits de grande envergure. Les autres ne sont qu’une poussiĂšre anonyme. Au contraire, l’individu garde sa personnalitĂ© quand il fait partie d’un groupe oĂč il est connu, d’un village, d’une petite ville, oĂč son importance relative est plus grande, dont il peut espĂ©rer devenir, Ă  son tour, un citoyen influent. La mĂ©connaissance thĂ©orique de l’individualitĂ© a amenĂ© sa disparition rĂ©elle.
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Alexis Carrel (Ű§Ù„Ű„Ù†ŰłŰ§Ù† Ű°Ù„Ùƒ Ű§Ù„Ù…ŰŹÙ‡ÙˆÙ„)
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PEER GYNT L'Ăąme, souffle et lumiĂšre du verbe, te viendra plus tard, ma fille Quand, en lettres d'or, sur le fond rose de l'Orient, apparaĂźtront ces mots : Voici le jour, alors commenceront les leçons ; ne crains rien, tu seras instruite. Mais je serais un sot de vouloir, dans le calme de cette tiĂšde nuit,me parer de quelques baillons d'un vieux savoir usĂ©, pour te traiter en maĂźtre d'Ă©cole. AprĂšs tout, le principal, quand on y rĂ©flĂ©chit, ce n'est point l'Ăąme, c'est le cƓur. ANITRA Parle seigneur. Quand tu parles, il me semble voir comme des lueurs d'opale. PBER GYNT La raison poussĂ©e Ă  l'excĂšs est de la bĂȘtise. La poltronnerie s'Ă©panouit en cruautĂ©. L'exagĂ©ration de la vĂ©ritĂ©, c'est de la sagesse Ă  l'envers. Oui, mon enfant, le diable m'emporte s'il n'y a pas de par le monde des ĂȘtres gavĂ©s d'Ăąme qui n'en ont que plus de peine Ă  voir clair. J'ai connu un individu de cette sorte, une vraie perle pourtant, qui a manquĂ© son but et perdu la boussole. Vois-tu ce dĂ©sert qui entoure l'oasis? Je n'aurais qu'Ă  agiter mon turban pour que les flots de l'OcĂ©an en comblassent toute l'Ă©tendue. Mais je serais un imbĂ©cile de crĂ©er ainsi des continents et des mers nouvelles. Sais-tu, ce que c'est que de vivre? ANITRA Enseigne-le-moi. PEER GYNT C'est planer au-dessus du temps qui coule, en descendre le courant sans se mouiller les pieds, et sans jamais rien perdre de soi-mĂȘme. Pour ĂȘtre celui qu'on est, ma petite amie, il faut la force de l'Ăąge! Un vieil aigle perd son piumage, une vieille rosse son allure, une vieille commĂšre ses dents. La peau se ride, et l'Ăąme aussi. Jeunesse ! jeunesse ! Par toi je veux rĂ©gner non sur les palmes et les vignes de quelque Gyntiana, mais sur la pensĂ©e vierge d'une femme dont je serai le sultan ardent et vigoureux. Je t'ai fait, ma petite, la grĂące de te sĂ©duire, d'Ă©lire ton cƓur pour y fonder un kalifat nouveau. Je veux ĂȘtre le maĂźtre de tes soupirs. Dans mon royaume, j'introduirai le rĂ©gime absolu. Nous sĂ©parer sera la mort... pour toi, s'entend. Pas une fibre, pas une parcelle de toi qei ne m'appartienne. Ni oui, ni non, tu n'auras d'autre volontĂ© que la mienne. Ta chevelure, noire comme la nuit, et tout ce qui, chez toi, est doux Ă  nommer, s'inclinera devant mon pouvoir souverain. Ce seront mes jardins de Babylone.
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Henrik Ibsen (Peer Gynt)
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Ses visites Ă©taient la grande distraction de ma tante LĂ©onie qui ne recevait plus guĂšre personne d’autre, en dehors de M. le CurĂ©. Ma tante avait peu Ă  peu Ă©vincĂ© tous les autres visiteurs parce qu’ils avaient le tort Ă  ses yeux de rentrer tous dans l’une ou l’autre des deux catĂ©gories de gens qu’elle dĂ©testait. Les uns, les pires et dont elle s’était dĂ©barrassĂ©e les premiers, Ă©taient ceux qui lui conseillaient de ne pas « s’écouter » et professaient, fĂ»t-ce nĂ©gativement et en ne la manifestant que par certains silences de dĂ©sapprobation ou par certains sourires de doute, la doctrine subversive qu’une petite promenade au soleil et un bon bifteck saignant (quand elle gardait quatorze heures sur l’estomac deux mĂ©chantes gorgĂ©es d’eau de Vichy !) lui feraient plus de bien que son lit et ses mĂ©decines. L’autre catĂ©gorie se composait des personnes qui avaient l’air de croire qu’elle Ă©tait plus gravement malade qu’elle ne pensait, qu’elle Ă©tait aussi gravement malade qu’elle le disait. Aussi, ceux qu’elle avait laissĂ© monter aprĂšs quelques hĂ©sitations et sur les officieuses instances de Françoise et qui, au cours de leur visite, avaient montrĂ© combien ils Ă©taient indignes de la faveur qu’on leur faisait en risquant timidement un : « Ne croyez-vous pas que si vous vous secouiez un peu par un beau temps », ou qui, au contraire, quand elle leur avait dit : « Je suis bien bas, bien bas, c’est la fin, mes pauvres amis », lui avaient rĂ©pondu : « Ah ! quand on n’a pas la santĂ© ! Mais vous pouvez durer encore comme ça », ceux-lĂ , les uns comme les autres, Ă©taient sĂ»rs de ne plus jamais ĂȘtre reçus. Et si Françoise s’amusait de l’air Ă©pouvantĂ© de ma tante quand de son lit elle avait aperçu dans la rue du Saint-Esprit une de ces personnes qui avait l’air de venir chez elle ou quand elle avait entendu un coup de sonnette, elle riait encore bien plus, et comme d’un bon tour, des ruses toujours victorieuses de ma tante pour arriver Ă  les faire congĂ©dier et de leur mine dĂ©confite en s’en retournant sans l’avoir vue, et, au fond admirait sa maĂźtresse qu’elle jugeait supĂ©rieure Ă  tous ces gens puisqu’elle ne voulait pas les recevoir. En somme, ma tante exigeait Ă  la fois qu’on l’approuvĂąt dans son rĂ©gime, qu’on la plaignĂźt pour ses souffrances et qu’on la rassurĂąt sur son avenir.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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Le beau dialogue que Swann entendit entre le piano et le violon au commencement du dernier morceau! La suppression des mots humains, loin d'y laisser rĂ©gner la fantaisie, comme on aurait pu croire, l'en avait Ă©liminĂ©e ; jamais le langage parlĂ© ne fut si inflexiblement nĂ©cessitĂ©, ne connut Ă  ce point la pertinence des questions, l'Ă©vidence des rĂ©ponses. D'abord le piano solitaire se plaignit, comme un oiseau abandonnĂ© de sa compagne ; le violon l'entendit, lui rĂ©pondit comme d'un arbre voisin. C'Ă©tait comme au commencement du monde, comme s'il n'y avait encore eu qu'eux deux sur la terre, ou plutĂŽt dans ce monde fermĂ© Ă  tout le reste, construit par la logique d'un crĂ©ateur et oĂč ils ne seraient jamais que tous les deux : cette sonate. Est-ce un oiseau, est-ce l'Ăąme incomplĂšte encore de la petite phrase, est-ce une fĂ©e, invisible et gĂ©missant dont le piano ensuite redisait tendrement la plainte? Ses cris Ă©taient si soudains que le violoniste devait se prĂ©cipiter sur son archet pour les recueillir. Merveilleux oiseau! le violoniste semblait vouloir le charmer, l'apprivoiser, le capter. DĂ©jĂ  il avait passĂ© dans son Ăąme, dĂ©jĂ  la petite phrase Ă©voquĂ©e agitait comme celui d'un mĂ©dium le corps vraiment possĂ©dĂ© du violoniste. Swann savait qu'elle allait parler encore une fois. Et il s'Ă©tait si bien dĂ©doublĂ© que l'attente de l'instant imminent oĂč il allait se retrouver en face d'elle le secoua d'un de ces sanglots qu'un beau vers ou une triste nouvelle provoquent en nous, non pas quand nous sommes seuls, mais si nous les apprenons Ă  des amis en qui nous nous apercevons comme un autre dont l'Ă©motion probable les attendrit. Elle reparut, mais cette fois pour se suspendre dans l'air et se jouer un instant seulement, comme immobile, et pour expirer aprĂšs. Aussi Swann ne perdait-il rien du temps si court oĂč elle se prorogeait. Elle Ă©tait encore lĂ  comme une bulle irisĂ©e qui se soutient. Tel un arc-en-ciel, dont l'Ă©clat faiblit, s'abaisse, puis se relĂšve et avant de s'Ă©teindre, s'exalte un moment comme il n'avait pas encore fait : aux deux couleurs qu'elle avait jusque-lĂ  laissĂ© paraĂźtre, elle ajouta d'autres cordes diaprĂ©es, toutes celles du prisme, et les fit chanter. Swann n'osait pas bouger et aurait voulu faire tenir tranquilles aussi les autres personnes, comme si le moindre mouvement avait pu compromettre le prestige surnaturel, dĂ©licieux et fragile qui Ă©tait si prĂšs de s'Ă©vanouir.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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Mais j’avais revu tantĂŽt l’une, tantĂŽt l’autre, des chambres que j’avais habitĂ©es dans ma vie, et je finissais par me les rappeler toutes dans les longues rĂȘveries qui suivaient mon rĂ©veil ; chambres d’hiver oĂč quand on est couchĂ©, on se blottit la tĂȘte dans un nid qu’on se tresse avec les choses les plus disparates : un coin de l’oreiller, le haut des couvertures, un bout de chĂąle, le bord du lit, et un numĂ©ro des DĂ©bats roses, qu’on finit par cimenter ensemble selon la technique des oiseaux en s’y appuyant indĂ©finiment ; oĂč, par un temps glacial, le plaisir qu’on goĂ»te est de se sentir sĂ©parĂ© du dehors (comme l’hirondelle de mer qui a son nid au fond d’un souterrain dans la chaleur de la terre), et oĂč, le feu Ă©tant entretenu toute la nuit dans la cheminĂ©e, on dort dans un grand manteau d’air chaud et fumeux, traversĂ© des lueurs des tisons qui se rallument, sorte d’impalpable alcĂŽve, de chaude caverne creusĂ©e au sein de la chambre mĂȘme, zone ardente et mobile en ses contours thermiques, aĂ©rĂ©e de souffles qui nous rafraĂźchissent la figure et viennent des angles, des parties voisines de la fenĂȘtre ou Ă©loignĂ©es du foyer et qui se sont refroidies ; – chambres d’étĂ© oĂč l’on aime ĂȘtre uni Ă  la nuit tiĂšde, oĂč le clair de lune appuyĂ© aux volets entr’ouverts, jette jusqu’au pied du lit son Ă©chelle enchantĂ©e, oĂč on dort presque en plein air, comme la mĂ©sange balancĂ©e par la brise Ă  la pointe d’un rayon – ; parfois la chambre Louis XVI, si gaie que mĂȘme le premier soir je n’y avais pas Ă©tĂ© trop malheureux, et oĂč les colonnettes qui soutenaient lĂ©gĂšrement le plafond s’écartaient avec tant de grĂące pour montrer et rĂ©server la place du lit ; parfois au contraire celle, petite et si Ă©levĂ©e de plafond, creusĂ©e en forme de pyramide dans la hauteur de deux Ă©tages et partiellement revĂȘtue d’acajou, oĂč, dĂšs la premiĂšre seconde, j’avais Ă©tĂ© intoxiquĂ© moralement par l’odeur inconnue du vĂ©tiver, convaincu de l’hostilitĂ© des rideaux violets et de l’insolente indiffĂ©rence de la pendule qui jacassait tout haut comme si je n’eusse pas Ă©tĂ© là ; – oĂč une Ă©trange et impitoyable glace Ă  pieds quadrangulaires barrant obliquement un des angles de la piĂšce se creusait Ă  vif dans la douce plĂ©nitude de mon champ visuel accoutumĂ© un emplacement qui n’y Ă©tait pas prĂ©vu ; – oĂč ma pensĂ©e, s’efforçant pendant des heures de se disloquer, de s’étirer en hauteur pour prendre exactement la forme de la chambre et arriver Ă  remplir jusqu’en haut son gigantesque entonnoir, avait souffert bien de dures nuits, tandis que j’étais Ă©tendu dans mon lit, les yeux levĂ©s, l’oreille anxieuse, la narine rĂ©tive, le cƓur battant ; jusqu’à ce que l’habitude eĂ»t changĂ© la couleur des rideaux, fait taire la pendule, enseignĂ© la pitiĂ© Ă  la glace oblique et cruelle, dissimulĂ©, sinon chassĂ© complĂštement, l’odeur du vĂ©tiver et notablement diminuĂ© la hauteur apparente du plafond.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann (à la recherche du temps perdu #1))
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moi je suis fĂąchĂ© contre notre cercle patriarcal parce qu’il y vient toujours un homme du type le plus insupportable. Vous tous, messieurs, le connaissez trĂšs bien. Son nom est LĂ©gion. C’est un homme qui a bon coeur, et n’a rien qu’un bon coeur. Comme si c’était une chose rare Ă  notre Ă©poque d’avoir bon coeur ; comme si, enfin, on avait besoin d’avoir bon coeur ; cet Ă©ternel bon coeur ! L’homme douĂ© d’une si belle qualitĂ© a l’air, dans la vie, tout Ă  fait sĂ»r que son bon coeur lui suffira pour ĂȘtre toujours content et heureux. Il est si sĂ»r du succĂšs qu’il nĂ©glige tout autre moyen en venant au monde. Par exemple, il ne connaĂźt ni mesure ni retenue. Tout, chez lui, est dĂ©bordant, Ă  coeur ouvert. Cet homme est enclin Ă  vous aimer soudain, Ă  se lier d’amitiĂ©, et il est convaincu qu’aussitĂŽt, rĂ©ciproquement, tous l’aimeront, par ce seul fait qu’il s’est mis Ă  aimer tout le monde. Son bon coeur n’a mĂȘme jamais pensĂ© que c’est peu d’aimer chaudement, qu’il faut possĂ©der l’art de se faire aimer, sans quoi tout est perdu, sans quoi la vie n’est pas la vie, ni pour son coeur aimant ni pour le malheureux que, naĂŻvement, il a choisi comme objet de son attachement profond. Si cet homme se procure un ami, aussitĂŽt celui-ci se transforme pour lui en un meuble d’usage, quelque chose comme un crachoir. Tout ce qu’il a dans le coeur, n’importe quelle saletĂ©, comme dit Gogol, tout s’envole de la langue et tombe dans le coeur de l’ami. L’ami est obligĂ© de tout Ă©couter et de compatir Ă  tout. Si ce monsieur est trompĂ© par sa maĂźtresse, ou s’il perd aux cartes, aussitĂŽt, comme un ours, il fond, sans y ĂȘtre invitĂ©, sur l’ñme de l’ami et y dĂ©verse tous ses soucis. Souvent il ne remarque mĂȘme pas que l’ami lui-mĂȘme a des chagrins par-dessus la tĂȘte : ou ses enfants sont morts, ou un malheur est arrivĂ© Ă  sa femme, ou il est excĂ©dĂ© par ce monsieur au coeur aimant. Enfin on lui fait dĂ©licatement sentir que le temps est splendide et qu’il faut en profiter pour une promenade solitaire. Si cet homme aime une femme, il l’offensera mille fois par son caractĂšre avant que son coeur aimant le remarque, avant de remarquer (si toutefois il en est capable) que cette femme s’étiole de son amour, qu’elle est dĂ©goĂ»tĂ©e d’ĂȘtre avec lui, qu’il empoisonne toute son existence. Oui, c’est seulement dans l’isolement, dans un coin, et surtout dans un groupe que se forme cette belle oeuvre de la nature, ce « spĂ©cimen de notre matiĂšre brute », comme disent les AmĂ©ricains, en qui il n’y a pas une goutte d’art, en qui tout est naturel. Un homme pareil oublie – il ne soupçonne mĂȘme pas –, dans son inconscience totale, que la vie est un art, que vivre c’est faire oeuvre d’art par soi-mĂȘme ; que ce n’est que dans le lien des intĂ©rĂȘts, dans la sympathie pour toute la sociĂ©tĂ© et ses exigences directes, et non dans l’indiffĂ©rence destructrice de la sociĂ©tĂ©, non dans l’isolement, que son capital, son trĂ©sor, son bon coeur, peut se transformer en un vrai diamant taillĂ©.
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Fyodor Dostoevsky
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Le dĂ©ment - N'avez-vous pas entendu parler de ce dĂ©ment qui, dans la clartĂ© de midi alluma une lanterne, se prĂ©cipita au marchĂ© et cria sans discontinuer : « Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu ! » –Étant donnĂ© qu'il y avait justement lĂ  beaucoup de ceux qui ne croient pas en Dieu, il dĂ©chaĂźna un Ă©norme Ă©clat de rire. S'est-il donc perdu ? disait l'un. S'est-il Ă©garĂ© comme un enfant ? disait l'autre. Ou bien s'est-il cachĂ© ? A-t-il peur de nous ? S'est-il embarquĂ© ? A-t-il Ă©migrĂ© ?–ainsi criaient-ils en riant dans une grande pagaille. Le dĂ©ment se prĂ©cipita au milieu d'eux et les transperça du regard. « OĂč est passĂ© Dieu ? lança-t-il, je vais vous le dire ! Nous l'avons tuĂ©,–vous et moi ! Nous sommes tous ses assassins ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment pĂ»mes-nous boire la mer jusqu'Ă  la derniĂšre goutte ? Qui nous donna l'Ă©ponge pour faire disparaĂźtre tout l'horizon ? Que fĂźmes-nous en dĂ©tachant cette terre de son soleil ? OĂč l'emporte sa course dĂ©sormais ? OĂč nous emporte notre course ? Loin de tous les soleils ? Ne nous abĂźmons-nous pas dans une chute permanente ? Et ce en arriĂšre, de cĂŽtĂ©, en avant, de tous les cĂŽtĂ©s ? Est-il encore un haut et un bas ? N'errons-nous pas comme Ă  travers un nĂ©ant infini ? L'espace vide ne rĂ©pand-il pas son souffle sur nous ? Ne s'est-il pas mis Ă  faire plus froid ? La nuit ne tombe-t-elle pas continuellement, et toujours plus de nuit ? Ne faut-il pas allumer des lanternes Ă  midi ? N'entendons-nous rien encore du bruit des fossoyeurs qui ensevelissent Dieu ? Ne sentons-nous rien encore de la dĂ©composition divine ?–les dieux aussi se dĂ©composent ! Dieu est mort ! Dieu demeure mort ! Et nous l'avons tuĂ© ! Comment nous consolerons-nous, nous, assassins entre les assassins ? Ce que le monde possĂ©dait jusqu'alors de plus saint et de plus puissant, nos couteaux l'ont vidĂ© de son sang,–qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles cĂ©rĂ©monies expiatoires, quels jeux sacrĂ©s nous faudra-t-il inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne nous faut-il pas devenir nous-mĂȘmes des dieux pour apparaĂźtre seulement dignes de lui ? Jamais il n'y eut acte plus grand,–et quiconque naĂźt aprĂšs nous appartient du fait de cet acte Ă  une histoire supĂ©rieure Ă  ce que fut jusqu'alors toute histoire ! » Le dĂ©ment se tut alors et considĂ©ra de nouveau ses auditeurs : eux aussi se taisaient et le regardaient dĂ©concertĂ©s. Il jeta enfin sa lanterne Ă  terre : elle se brisa et s'Ă©teignit. « Je viens trop tĂŽt, dit-il alors, ce n'est pas encore mon heure. Cet Ă©vĂ©nement formidable est encore en route et voyage,–il n'est pas encore arrivĂ© jusqu'aux oreilles des hommes. La foudre et le tonnerre ont besoin de temps, la lumiĂšre des astres a besoin de temps, les actes ont besoin de temps, mĂȘme aprĂšs qu'ils ont Ă©tĂ© accomplis, pour ĂȘtre vus et entendus. Cet acte est encore plus Ă©loignĂ© d'eux que les plus Ă©loignĂ©s des astres,–et pourtant ce sont eux qui l'ont accompli. » On raconte encore que ce mĂȘme jour, le dĂ©ment aurait fait irruption dans diffĂ©rentes Ă©glises et y aurait entonnĂ© son Requiem aeternam deo. ExpulsĂ© et interrogĂ©, il se serait contentĂ© de rĂ©torquer constamment ceci : « Que sont donc encore ces Ă©glises si ce ne sont pas les caveaux et les tombeaux de Dieu ? »
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Friedrich Nietzsche (The Gay Science: With a Prelude in Rhymes and an Appendix of Songs)
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Mais vous ne m'avez jamais dit non plus que vous ne m'aimez point; et vraiment, me dire de semblables paroles, ce serait de la part de Votre MajestĂ© une trop grande ingratitude. Car, dites-moi, oĂč trouverez-vous un amour pareil au mien, um amour que ni le temps, ni l'absence, ni le dĂ©sepoir ne peuvent enteindre; un amour que se contente d'un ruban Ă©garĂ©, d'un regard perdu, d'une parole Ă©chappĂ©e?
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Alexandre Dumas (Unknown Book 13115370)
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Les pays que nous dĂ©sirons tiennent Ă  chaque moment beaucoup plus de place dans notre vie vĂ©ritable, que le pays oĂč nous nous trouvons effectivement.
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Marcel Proust (À la recherche du temps perdu)
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Per me l'atto di pensare e quello di esprimere i pensieri non sono simultanei, e neppure necessariamente consecutivi. So di pensare e parlare nella stessa lingua, e so che in teoria non c’ù ragione per cui io non possa comunicare i miei pensieri non appena si formano o immediatamente dopo; eppure la lingua in cui io penso e quella in cui parlo sembrano spesso talmente lontane che mi pare impossibile colmare il vuoto sul momento, o anche retroattivamente. Mi ha sempre affascinato l’idea della traduzione simultanea, come alle Nazioni Unite, dove nel pubblico tutti hanno gli auricolari e si sa che nelle retrovie gli interpreti ascoltano quello che viene detto e lo trasformano in un’altra lingua. Capisco che questo sia possibile, ma per me ha del miracoloso – che le parole siano lanciate in aria in una lingua e ricadano a terra in un’altra come una palla. Credo che nel mio cervello ci sia una specie di setaccio che impedisce un rapido (e tanto meno simultaneo) travaso dei pensieri in parole. Un po’ come il filtro nello scarico della vasca da bagno; c’ù qualcosa che mantiene i miei pensieri nel cervello, e cosĂŹ bisogna cavarli a forza, come quegli schifosi grovigli di capelli bagnati. Riflettevo sui concetti di pensiero e di linguaggio, a quanto sarebbe stato difficile esprimerli – o quantomeno spossante, come se pensarli fosse giĂ  abbastanza e dirli fosse pleonastico o riduttivo, perchĂ© lo sanno tutti che la traduzione svilisce un testo, Ăš sempre meglio leggere un libro nella lingua originale (À la recherche du temps perdu). Le traduzioni sono delle approssimazioni soggettive e questo Ăš esattamente quello che provo quando parlo: quello che dico non Ăš quello che penso ma solo quello che piĂč gli si avvicina, con tutti i limiti e le imperfezioni del linguaggio. Quindi penso spesso che sia meglio stare zitto anzichĂ© esprimermi in modo inesatto.
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Peter Cameron
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Cette nuit-lĂ , il est seul sans l’ĂȘtre vraiment, car les fantĂŽmes de son passĂ© font sentir leur prĂ©sence. Et le temps passe, comme il sait si bien le faire. Louis a perdu toute notion des heures. La nuit distend et tord le rĂ©el. Quand les premiĂšres lueurs de l’aube apparaissent, il est Ă©puisĂ©.
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Julie Turconi (Les Marches)
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Mais si c'Ă©tait l'exil, dans la majoritĂ© des cas c'Ă©tait l'exil chez soi. Et quoique le narrateur n'ait connu que l'exil de tout le monde, il ne doit pas oublier ceux, comme le journaliste Rambert ou d'autres, pour qui, au contraire, les peines de la sĂ©paration s'amplifiĂšrent du fait que, voyageurs surpris par la peste et retenus dans la ville, ils se trouvaient Ă©loignĂ©s Ă  la fois de l'ĂȘtre qu'ils ne pouvaient rejoindre et du pays qui Ă©tait le leur. Dans l'exil gĂ©nĂ©ral, ils Ă©taient les plus exilĂ©s, car si le temps suscitait chez eux, comme chez tous, l'angoisse qui lui est propre, ils Ă©taient attachĂ©s aussi Ă  l'espace et se heurtaient sans cesse aux murs qui sĂ©paraient leur refuge empestĂ© de leur patrie perdue. C'Ă©tait eux sans doute qu'on voyait errer Ă  toute heure du jour dans la ville poussiĂ©reuse, appelant en silence des soirs qu'ils Ă©taient seuls Ă  connaĂźtre, et les matins de leur pays. Ils nourrissaient alors leur mal de signes impondĂ©rables et de messages dĂ©concertants comme un vol d'hirondelles, une rosĂ©e de couchant, ou ces rayons bizarres que le soleil abandonne parfois dans les rues dĂ©sertes. Ce monde extĂ©rieur qui peut toujours sauver de tout, ils fermaient les yeux sur lui, entĂȘtĂ©s qu'ils Ă©taient Ă  caresser leurs chimĂšres trop rĂ©elles et Ă  poursuivre de toutes leurs forces les images d'une terre oĂč une certaine lumiĂšre, deux ou trois collines, l'arbre favori et des visages de femmes composaient un climat pour eux irremplaçable.
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Albert Camus (The Plague)
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Alors voilĂ . On faisait des mĂŽmes, ils chopaient la rougeole, et tombaient de vĂ©lo, avaient les genoux au mercurochrome et rĂ©citaient des fables et puis ce corps de sumo miniature qu'on avait baignĂ© dans un lavabo venait Ă  disparaĂźtre, l'innocence Ă©tait si tĂŽt passĂ©e, et on n'en avait mĂȘme pas profitĂ© tant que ça. Il restait heureusement des photos, cet air surpris de l'autre cĂŽtĂ© du temps, et un Babyphone au fond d'un tiroir qu'on ne pouvait se rĂ©soudre Ă  jeter. Des jours sans lui, des jours avec, l'amour en courant discontinu. Mais le pire Ă©tait encore Ă  venir. Car il arrivait cela, qu'une petite brute Ă  laquelle vous supposiez des excuses socioĂ©conomiques et des parents Ă  la main leste s'en prenait Ă  votre gamin. La violence venait d'entrer dans sa vie et on se demandait comment s'y prendre. Car aprĂšs tout, c'Ă©tait le jeu. Lui aussi devait apprendre Ă  se dĂ©fendre. C'Ă©tait en somme le dĂ©but d'une longue guerre. On cherchait des solutions, lui enseigner l'art de foutre des coups de pied et prendre rendez-vous avec la maĂźtresse, pour finalement en arriver lĂ  : avoir tout simplement envie de casser la gueule Ă  un enfant dont on ne savait rien sinon qu'il Ă©tait en CE1 et portait des baskets rouges. [...] Certains dimanches soirs, quand Christophe le laissait devant chez sa mĂšre, et le regardait traverser la rue avec son gros sac sur le dos, il pouvait presque sentir l'accĂ©lĂ©ration jusque dans ses os. En un rien de temps, il aurait dix, douze, seize ans, deviendrait un petit con, un ado, il n'Ă©couterait plus les conseils et ne penserait plus qu'Ă  ses potes, il serait amoureux, il en baverait parce que l'Ă©cole, les notes, le stress dĂ©jĂ , il le tannerait pour avoir un sac Eastpak, une doudoune qui coĂ»te un bras, un putain de scooter pour se tuer, il fumerait des pet, roulerait des pelles, apprendrait le goĂ»t des clopes, de la biĂšre et du whisky, se ferait emmerder par des plus costauds, trouverait d'autres gens pour l'Ă©couter et lui prendre la main, il voudrait dĂ©coucher, passer des vacances sans ses parents, leur demanderait toujours plus de thune et les verrait de moins en moins. Il faudrait aller le chercher au commissariat ou payer ses amendes, lire dans un carnet de correspondance le portrait d'un total Ă©tranger, crĂ©ature capable de peloter des filles ou d'injurier un CPE, Ă  moins qu'il ne soit effacĂ©, souffre-douleur, totalement transparent, on ne savait quelle calamitĂ© craindre le plus. Un jour, avec un peu de chance, Ă  l'occasion d'un trajet en bagnole ou dans une cuisine tard le soir, cet enfant lui raconterait un peu de sa vie. Christophe dĂ©couvrirait alors qu'il ne le connaissait plus. Qu'il avait fait son chemin et qu'il Ă©tait dĂ©sormais plus fort que lui, qu'il comprenait mieux les objets et les usages, et il se moquerait gentiment de l'inadĂ©quation de son pĂšre avec l'Ă©poque. Christophe dĂ©couvrirait que le petit le dĂ©bordait maintenant de toute part et ce serait bien la meilleure nouvelle du monde. Simplement, il n'aurait rien vu passer. Gabriel aurait grandi Ă  demi sans lui. Ce temps serait dĂ©finitivement perdu.
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Nicolas Mathieu (Connemara)
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Il regarde autour de lui la ville dans la nuit, les silhouettes tranquilles des passants, ses bùtiments, ses éclairages, les voitures qu'il croise, les feux aux carrefours, égrenant, imperturbables, leur code de couleurs, tout cet ordonnancement, ce décorum nocturne, opérationnel de la civilisation industrielle, et il se demande comment tout ça tient encore debout, tous ces réseaux, cette énergie, cet assemblage complexe, tant cela lui semble relever d'un chùteau de cartes auquel on en rajoute sans cesse une autre puis une autre en pariant sur la stabilité de l'ensemble. Il est persuadé, Jourdan, que ça va se casser la gueule, que les lumiÚres s'éteindront, que les images saturant les écrans, les voix surgies du lointain n'arriveront plus nulle part, perdues dans d'infranchissables distances comme ces oueds absorbés par le désert. Il ne sait pas quand ni comment mais il est sûr que ça se produira, chaos climatique, incendies géants, épidémies, les conjugaisons du pire sont déjà imprimées, leurs rÚgles implacables connues de tous, au futur exclusivement. Temps barbare vers quoi on apprend encore des enfants à marcher.
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Hervé Le Corre (Traverser la nuit)
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À regarder les uns souffrir, les autres se damner pour une ration de pain ; Ă  s’efforcer de faire les braves pour ne pas devenir victimes ; nous avions tous perdu le fil du temps et de la vie. Notre humanitĂ© commençait dĂ©jĂ  Ă  nous Ă©chapper.
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Luc-Angélique Gounot (Odyssée d'un forçat)
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La peinture et la sculpture se ressemblent dans le dĂ©sir qu'elles partagent de donner forme Ă  la rĂ©alitĂ© du monde : il faut fixer, sur le tendu de la toile, ou dans le charnu de la pierre, le mouvement ondoyant et multiple du temps qui passe et du monde qui bruit. Mais elles diffĂšrent en un point majeur : quand le peintre ajoute, le sculpteur retranche. [...] Il existe beaucoup d'Ă©crivains qui sont des peintres ; plus rares sont ceux qui s'apparentent Ă  des sculpteurs. Peintre, Ă©videmment, Victor Hugo : ses romans sont des fresques, ses poĂšmes, des tableaux. [...V]eut-il montrer un marin aux prises avec une bourrasque en Manche qu'il en fait une Iliade, trempĂ©e d'adjectifs sonores, Ă©claboussant tout de mĂ©taphores Ă©cumantes. [...] Sculpteur, ValĂ©ry [...]. Il noircit ses cahiers. Des bordĂ©es de lignes, tirĂ©es en rafales. [...] Et de ces traĂźnĂ©es d'encre, il extraira ses pĂ©pites [...]. Ainsi : « Le temps du monde fini commence. » A la fin, la phrase a jailli, ensemencĂ©e de tout ce qui n'a plus sa raison d'ĂȘtre, de toutes ces scories insignifiantes, vouĂ©es Ă  la corbeille. [...] Et le reste ne valait pas d'ĂȘtre gravĂ©. [...] Les peintres ajoutent de la substance [au] monde. Les sculpteurs retranchent, pour mieux donner.
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Frank Lanot (Éloge du temps perdu - à l usage de ceux qui aiment les livres et la lecture)
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Le style pour l'écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique mais de vision. Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients, de la différence qualitative qu'il y a dans la façon dont nous apparaßt le monde, différence qui, s'il n'y avait pas l'art, resterait le secret éternel de chacun.
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Marcel Proust (A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU - Édition intĂ©grale en 2 volumes - VOLUME I: Du cĂŽtĂ© de chez Swann - À l'ombre des jeunes filles en fleurs - Le cĂŽtĂ© de guermantes)
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Beaucoup d'entre nous cherchons Ă  donner du sens Ă  nos vies, mais nos vies n'ont de sens que si nous sommes capables d'accomplir ces trois destinĂ©es: aimer, ĂȘtre aimĂ© et savoir pardonner. Le reste n'est que du temps perdu.
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Joël Dicker
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C’est l’instant oĂč le malade qui a Ă©tĂ© obligĂ© de partir en voyage et a dĂ» coucher dans un hĂŽtel inconnu, rĂ©veillĂ© par une crise, se rĂ©jouit en apercevant sous la porte une raie de jour. Quel bonheur ! c’est dĂ©jĂ  le matin ! Dans un moment les domestiques seront levĂ©s, il pourra sonner, on viendra lui porter secours. L’espĂ©rance d’ĂȘtre soulagĂ© lui donne du courage pour souffrir. Justement il a cru entendre des pas ; les pas se rapprochent, puis s’éloignent. Et la raie de jour qui Ă©tait sous sa porte a disparu. C’est minuit ; on vient d’éteindre le gaz ; le dernier domestique est parti et il faudra rester toute la nuit Ă  souffrir sans remĂšde.
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Marcel Proust (Du cĂŽtĂ© de chez Swann : Édition intĂ©grale (À la recherche du temps perdu, #1&4-6))
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Na manhĂŁ seguinte, muito cedo, Fabrizio entrou numa igreja e, fixando o altar, disse humildemente: «Pai: nĂŁo vim pedir-te perdĂŁo nem agradecer-te. SĂł posso pedir-te perdĂŁo dos erros cometidos e, quanto Ă s minhas opçÔes, sabes que nĂŁo tenho culpa. NĂŁo vim agradecer-te. É tal a felicidade que me invade, que Ă© como se me fosse dada por um destino: nascida comigo, ou para mim, pelos sĂ©culos dos sĂ©culos. Vim aqui, Pai, testemunhar-te que ouvi a tua voz e identifiquei o teu sinal. Vim pedir-te que nĂŁo me faças indigno dele. Vim dizer-te que, ao olhar Laurent, Ă© a ti que descubro: tu jĂĄ nĂŁo Ă©s invisĂ­vel, difuso, indiferente, mas vivo, concreto, actuante, confortante. Fonte de amor: amor. Ajuda-me por isso, tu que Ă©s amor, a amar. Ajuda-me a consumir-me no amor, a nĂŁo temer o seu fogo, a nĂŁo vacilar frente ao risco e ao medo do ridĂ­culo, a nĂŁo traficar, a nĂŁo aviltar, a nĂŁo degradar, a nĂŁo corromper. Ajuda-me a distinguir o verdadeiro amor do falso amor. Ajuda-me a nĂŁo ceder Ă s emboscadas dos inimigos do amor. Ajuda-me a suportar os ataques dos padres que, do amor, sĂł conhecem o nome. Dos juizes que, com leis adulteradas, dĂŁo sentenças sobre o amor. Dos poetas, que elogiam os atributos, nĂŁo a substĂąncia, do amor. Dos moralistas, que encarceram o amor numa prisĂŁo de dogmas. Ajuda-me, tu que Ă©s amor, agora que o teu tempo chegou.» (...) A carta era esta: «Je t’ai parlĂ© de plĂ©nitude: je veux te dire maintenant ce que je vois dans tes yeux. Chacun de nous possĂ©dait un paradis qu’un jour nous avons perdu ; la nostalgie de ce paradis nous fait vivre et quelquesfois nous fait mourir. Cela, si tu veux, Laurent, c’est de la litĂ©rature ; mais, quand je te regarde dans les yeux, et que tu me regardes un instant, ce n’est pas de la litĂ©rature : C’est le temp de Dieu. En toi, je le retrouve. Et je me retrouve mois-mĂȘme. Je regardais hier soir (nous Ă©tions dans le metro) ta peau ; et je me disais : C’est ma peau. De tes mains, je disais : Ce sont mes mains. Je me sens si exaltĂ© devant cette dĂ©couverte ! Je t’aime. Je n’ai plus peur. Tu es grand et beau comme le soleil ; quand tu ris, c’est un rayon de soleil qui sort de toi. Je t’aime.»
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Carlo Coccioli (Fabrizio Lupo)
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Et, figurez-vous que je danse aussi! Et je me contrefiche d'avoir l'air d'un ours ou d'un hippopotame, vous devriez essayer. MĂȘme si on ne rattrape jamais le temps perdu, on peut dĂ©cider de ne plus en perdre.
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Anne-Laure Bondoux
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Comme si une douce brise s’était levĂ©e, les cheveux de Shim ont commencĂ© Ă  remuer. Son nez s’est mis Ă  grossir. Puis ses oreilles. Puis le reste de sa tĂȘte, son cou, ses Ă©paules
 Ses bras ont gonflĂ©, ainsi que sa poitrine, ses hanches, ses jambes et ses pieds. Ses vĂȘtements s’élargissaient, grandissaient en mĂȘme temps que lui, Ă  toute vitesse
 Et le miracle est arrivé : Shim a ouvert les yeux ! Plus Ă©merveillĂ© que nous tous, il se tĂątait partout avec ses mains de plus en plus grandes. — Je grandis ! Je grandis ! s’est-il exclamĂ©.
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T.A. Barron (Les années perdues)
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La fin tronquĂ©e de Marc Les derniĂšres phrases de l’Évangile de Marc semblent ne pas ĂȘtre de lui. Plusieurs spĂ©cialistes pensent que nous sommes en face d’une difficultĂ©. En effet, la conclusion de Marc dans nos Bibles est absente des meilleurs et des plus anciens manuscrits. Ce qui fait planer un doute sur l’authenticitĂ© des douze derniers versets. C’est dans les copies du IIe siĂšcle qu’une fin semble ajoutĂ©e, pour terminer un texte qui reste en suspend. Il est possible que les derniĂšres pages authentiques de l’Évangile de Marc aient Ă©tĂ© perdues. Il est possible aussi que Marc n’ait pas eu le temps de terminer son texte, ce qui sous-entend une fin tragique et prĂ©coce de l’évangĂ©liste, et ce qui accentue la dimension d’urgence, dĂ©jĂ  mentionnĂ©e, Ă  rĂ©diger ce texte.
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Eric Denimal (La Bible pour les Nuls (French Edition))
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L’impĂ©ratrice Tarunesh inclina son visage gĂ©nĂ©reux aux traits rĂ©guliers Ă  son adresse, bien que le jeune Sorcelier ne puisse affirmer si c’était en signe de remerciement ou une simple notification de sa remarque. Le Dejazmach Elias sembla vouloir en tirer parti : - Voyez, Ô Reine des Rois, une bĂȘte fauve et quoi d’autre par-dessus le marchĂ© ! Permettez-moi de risquer ma vie plutĂŽt que d’exposer votre auguste personne inutilement
 Il y eut des murmures d’approbation mais CĂ©lian nota que Nyssa, qui Ă  son grand plaisir le rejoignait, ne partageait visiblement pas l’avis d’Elias. - Votre inquiĂ©tude n’est pas de mise, Dejazmach, s’exclama Tarunesh avec une douceur voilĂ©e, ses yeux brillants emplis d’assurance. Le jour oĂč une bĂȘte des herbes grasses aura ma vie, je ne serai effectivement plus digne de rĂ©gner ! Assez perdu de temps. Selamawit, Mengistu, escortez notre Nigiste Negest ! commanda le Dejazmach Elias en se redressant vivement, se tournant vers les guerriers et la foule assemblĂ©s derriĂšre lui.
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Cyrille Mendes (Les Épieurs d'Ombre)
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Une analyse adĂ©quate de la mythologie diffuse de l'homme moderne demanderait des volumes. Car, laĂŻcisĂ©s, dĂ©gradĂ©s, camouflĂ©s, les mythes et les images mythiques de rencontrent partout : il n'est que de les reconnaitre. Nous avons fait allusion Ă  la structure mythologique des rĂ©jouissances du Nouvel An ou des fĂȘtes qui saluent un "commencement" : on dĂ©chiffre encore la nostalgie de la renovatio, l'espoir que le monde se renouvelle, qu'on peut commencer une nouvelle Histoire dans un monde rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©, c'est-Ă -dire crĂ©Ă© Ă  nouveau. On multiplierait facilement les exemples. Le Mythe du Paradis perdu survit encore dans les images de l'Ile paradisiaque et du paysage Ă©dĂ©nique, territoire privilĂ©giĂ© oĂč les lois sont abolies, oĂč le temps s'arrĂȘte
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Mircea Eliade (Myths, Dreams and Mysteries: The Encounter Between Contemporary Faiths and Archaic Realities)
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Combien de fois au cours de ces derniĂšres annĂ©es n’a-t-on pas entendu un(e) responsable « en situation » expliquer « les yeux dans les yeux » que le pays Ă©tait « à la croisĂ©e des chemins », ou affirmer que telle « rĂ©forme d’ampleur » Ă©tait « la mĂšre de toutes les batailles » ? Quels que soient les gouvernements, tout nouvel accord est forcĂ©ment qualifiĂ© de « gagnant-gagnant », de mĂȘme que l’emploi, l’éducation ou la lutte contre le terrorisme sont toujours « la prioritĂ© des prioritĂ©s »  Ces mots, forts en apparence, ont en rĂ©alitĂ© perdu de leur substance au fil du temps : des coquilles vides rendant leurs locuteurs inaudibles par les Français qui Ă©prouvent de plus en plus de dĂ©fiance envers leurs dirigeants.
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Anonymous
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Les exemples irakien et libyen devraient nous dessiller : le regime change, comme disent les AmĂ©ricains, cela ne marche pas. DĂ©jĂ , du temps de la colonisation, les changements de rĂ©gime par la force et la politique de la canonniĂšre n’avaient pas fait preuve de leur efficacitĂ© Ă  long terme. Mais aujourd’hui, oĂč l’on a perdu toute expĂ©rience humaine des gestions coloniales, l’on ne sait pas faire. L’enfer africain et moyen-oriental est pavĂ© des bonnes intentions occidentales.
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Randa Kassis (Le Chaos Syrien, printemps arabes et minorités face à l'islamisme (French Edition))
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Tout le monde a la sensation d'avoir eu la possibilité d'améliorer son existence à un instant clé de sa vie, et la certitude d'avoir fait le mauvais choix. Nous faisons tous le bilan à un moment ou un autre. Nous avons alors majoritairement le sentiment amer d'avoir perdu du temps, qu'on aurait pu mieux faire. Différemment en tout cas. Et ça, ce n'est pas réservé aux adultes.
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Eli Esseriam (Cavalier pĂąle : Elias (Apocalypsis, #4))
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Nous avons dĂ©jĂ  parlĂ© de la notion temporelle propre Ă  chaque saison, l'Ă©tĂ© Ă©tant l'Ă©poque oĂč il ne faut plus attendre, quand la rĂ©colte est mĂ»re, pour la recueillir. J'ai ainsi connu des Ă©tĂ©s bretons oĂč les pluies risquaient de gĂącher le travail de toute une annĂ©e; les Recteurs, en chaire, autorisaient exceptionnellement le travail le dimanche. Cette pĂ©riode de rĂ©colte n'est pas une phase tranquille oĂč il suffit de contempler les champs de blĂ© mĂ»r, mais une pĂ©riode de travail impĂ©ratif pour mettre la rĂ©colte Ă  l'abri Ă  temps. Les cultivateurs de l'Ă©poque -- comme maintenant -- n'avaient pas toujours leur temps normal de sommeil; l'Ă©tĂ©, quand il fallait suivre les battages de ferme en ferme, les paysans finissaient Ă  la nuit pour reprendre Ă  l'aube dans la ferme suivante, ce qui ne les empĂȘchait pas, d'ailleurs, d'aller au bal le samedi et d'y gagner une nouvelle nuit blanche. La rĂ©colte n'attends pas, « quand le vin est tirĂ©, il faut le boire » ; si le fruit du travail psychologique n'est pas engrangĂ© en temps voulu, il risque d'ĂȘtre perdu. Psychologiquement, on peut dire que si le sujet ne prends pas conscience de certains progrĂšs, de certains Ă©volutions, aux moments oĂč ceux-ci se prĂ©sentent, ils risquent d'ĂȘtre perdus et de repartir dans l'inconscient. Il faudra un nouveau cycle pour retrouver Ă  nouveau les solutions nĂ©gligĂ©es. Il est nĂ©cessaire de reconnaĂźtre que les choses ont changĂ©. Ainsi, en faisant avec quelqu'un le bilan d'une annĂ©e d'entretiens et en se reportant aux problĂšmes qui se posaient un an plus tĂŽt, il est possible de mesurer le chemin parcouru, de s'apercevoir que des problĂšmes, cruciaux alors, sont pasĂ©s au second plan et ont Ă©tĂ© rĂ©solus. Il est permis d'espĂ©rer que les nouvelles questions qui se posent trouveront elles aussi leurs rĂ©ponses. Ainsi, le sujet n'a pas l'impression de nager continuellement dans la mĂȘme problĂ©matique, comme s'il tournait en rond, et pourra mĂȘme dĂ©couvrir que si certains questions reviennent Ă  l'ordre du jour, elles le font selon un mouvement spirale qui ne pose plus de problĂšmes de la mĂȘme façon que l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente. C'est la prise de conscience du chemin parcouru hier qui peut donner le courage d'en entreprendre un nouveau demain.
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Marie-Claire Dolghin-Loyer