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des grotesques ; PolyphĂšme est un grotesque terrible ; SilĂšne est un grotesque bouffon. Mais on sent ici que cette partie de lâart est encore dans lâenfance. LâĂ©popĂ©e, qui, Ă cette Ă©poque, imprime sa forme Ă tout, lâĂ©popĂ©e pĂšse sur elle, et lâĂ©touffe. Le grotesque antique est timide, et cherche toujours Ă se cacher. On sent quâil nâest pas sur son terrain, parce quâil nâest pas dans sa nature. Il se dissimule le plus quâil peut. Les satyres, les tritons, les sirĂšnes sont Ă peine difformes. Les parques, les harpies sont plutĂŽt hideuses par leurs attributs que par leurs traits ; les furies sont belles, et on les appelle eumĂ©nides, câest-Ă -dire douces, bienfaisantes. Il y a un voile de grandeur ou de divinitĂ© sur dâautres grotesques. PolyphĂšme est gĂ©ant ; Midas est roi ; SilĂšne est dieu. Aussi la comĂ©die passe-t-elle presque inaperçue dans le grand ensemble Ă©pique de lâantiquitĂ©. Ă cĂŽtĂ© des chars olympiques, quâest-ce que la charrette de Thespis ? PrĂšs des colosses homĂ©riques, Eschyle, Sophocle, Euripide, que sont Aristophane et Plaute ? HomĂšre les emporte avec lui, comme Hercule emportait les pygmĂ©es, cachĂ©s dans sa peau de lion. Dans la pensĂ©e des modernes, au contraire, le grotesque a un rĂŽle immense. Il y est partout ; dâune part, il crĂ©e le difforme et lâhorrible ; de lâautre, le comique et le bouffon.
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Victor Hugo (Préface de Cromwell l'integrale (présenter et expliquer ) (French Edition))