Le Premier Homme Quotes

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L’Africain a Ă©tĂ© le premier homme sur la Terre, les autres races ne sont venues qu'aprĂšs. Tous les hommes sont donc des immigrĂ©s, sauf les Africains qui sont chez eux ici-bas.
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Alain Mabanckou (Black bazar)
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La solitude offre Ă  l'homme intellectuellement haut placĂ© un double avantage : le premier, d'ĂȘtre avec soi-mĂȘme, et le second de n'ĂȘtre pas avec les autres.
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Arthur Schopenhauer (The Wisdom of Life)
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- J'ai horreur de m'ĂȘtre livrĂ©e au premier venu, dit Mathilde, en pleurant de rage contre elle-mĂȘme. - Au premier venu! s'Ă©cria Julien, et il s'Ă©lança sur une vieille Ă©pĂ©e du moyen Ăąge [...] Il eĂ»t Ă©tĂ© le plus heureux des hommes de pouvoir la tuer.
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Stendhal (The Red and the Black)
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PremiĂšre catastrophe inĂ©luctable : la Terre va mourir. DeuxiĂšme certitude absolue : je vais mourir aussi. La question du jour est : qui disparaĂźtra le premier ? La Terre ou moi ? Je prĂ©fĂšrerais la Terre, car cela reviendrait au mĂȘme pour moi. Quitte Ă  crever, autant que ce soit en mĂȘme temps que les autres. J'espĂšre la fin du monde, par narcissisme. Peut ĂȘtre tous les hommes sont-ils comme moi cela expliquerait pourquoi ils cherchent par tous les moyens Ă  dĂ©clencher l'Apocalypse : pour ne pas mourir seuls.
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FrĂ©dĂ©ric Beigbeder (L'ÉgoĂŻste romantique)
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Qu’est-ce qui dĂ©finit un home? Quelle est la question que l’on pose en premier a un homme, lorsqu’on souhaite s’informer de son Ă©tat ? Dans certaines sociĂ©tĂ©s, on lui demande d’abord s’il est mariĂ©, s’il a des enfants ; dans nos sociĂ©tĂ©s, on s’interroge en premier lieu sur sa profession. C’est sa place dans le processus de production, et pas son statut de reproducteur, qui dĂ©finit avant tout l’homme occidental.
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Michel Houellebecq (La carte et le territoire)
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Je condamne l'ignorance qui rĂšgne en ce moment dans les dĂ©mocraties aussi bien que dans les rĂ©gimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu'on la dirait voulue par le systĂšme, sinon par le rĂ©gime. J'ai souvent rĂ©flĂ©chi Ă  ce que pourrait ĂȘtre l'Ă©ducation de l'enfant. Je pense qu'il faudrait des Ă©tudes de base, trĂšs simples, oĂč l'enfant apprendrait qu'il existe au sein de l'univers, sur une planĂšte dont il devra plus tard mĂ©nager les ressources, qu'il dĂ©pend de l'air, de l'eau, de tous les ĂȘtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout dĂ©truire. Il apprendrait que les hommes se sont entre-tuĂ©s dans des guerres qui n'ont jamais fait que produire d'autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongĂšrement, de façon Ă  flatter son orgueil. On lui apprendrait assez du passĂ© pour qu'il se sente reliĂ© aux hommes qui l'ont prĂ©cĂ©dĂ©, pour qu'il les admire lĂ  oĂč ils mĂ©ritent de l'ĂȘtre, sans s'en faire des idoles, non plus que du prĂ©sent ou d'un hypothĂ©tique avenir. On essaierait de le familiariser Ă  la fois avec les livres et les choses ; il saurait le nom des plantes, il connaĂźtrait les animaux sans se livrer aux hideuses vivisections imposĂ©es aux enfants et aux trĂšs jeunes adolescents sous prĂ©texte de biologie ; il apprendrait Ă  donner les premiers soins aux blessĂ©s ; son Ă©ducation sexuelle comprendrait la prĂ©sence Ă  un accouchement, son Ă©ducation mentale la vue des grands malades et des morts. On lui donnerait aussi les simples notions de morale sans laquelle la vie en sociĂ©tĂ© est impossible, instruction que les Ă©coles Ă©lĂ©mentaires et moyennes n'osent plus donner dans ce pays. En matiĂšre de religion, on ne lui imposerait aucune pratique ou aucun dogme, mais on lui dirait quelque chose de toutes les grandes religions du monde, et surtout de celles du pays oĂč il se trouve, pour Ă©veiller en lui le respect et dĂ©truire d'avance certains odieux prĂ©jugĂ©s. On lui apprendrait Ă  aimer le travail quand le travail est utile, et Ă  ne pas se laisser prendre Ă  l'imposture publicitaire, en commençant par celle qui lui vante des friandises plus ou moins frelatĂ©es, en lui prĂ©parant des caries et des diabĂštes futurs. Il y a certainement un moyen de parler aux enfants de choses vĂ©ritablement importantes plus tĂŽt qu'on ne le fait. (p. 255)
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Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
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Et puis, chose bizarre, le premier symptÎme de l'amour vrai chez un jeune homme, c'est la timidité, chez une jeune fille, c'est la hardiesse.
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Victor Hugo (Les Misérables, Tome IV: L'idylle rue Plumet et l'épopée rue Saint-Denis (Les Misérables, #4))
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Quel est le premier objet de la société? c'est de maintenir les droits de l'homme. Quel est le premier de ces droits? celui d'exister.
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Maximilien Robespierre
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À l'Ăąge de quinze ans Annabelle faisait partie de ces trĂšs rares jeunes filles sur lesquelles tous les hommes s'arrĂȘtent, sans distinction d'Ăąge ni d'Ă©tat; de ces jeunes filles dont le simple passage, le long de la rue commerçante d'une ville d'importance moyenne, accĂ©lĂšre le rythme cardiaque des jeunes gens et des hommes d'Ăąge mĂ»r, fait pousser des grognements de regret aux vieillards. Elle prit rapidement conscience de ce silence qui accompagnait chacune de ses apparitions, dans un cafĂ© ou dans une salle de cours, mais il lui fallut des annĂ©es pour en comprendre pleinement la raison. Au CEG de CrĂ©cy-en-Brie, il Ă©tait communĂ©ment admis qu'elle «était avec» Michel; mais mĂȘme sans cela, Ă  vrai dire, aucun garçon n'aurait osĂ© tenter quoi que ce soit avec elle. Tel est l'un des principaux inconvĂ©nients de l'extrĂȘme beautĂ© chez les jeunes filles: seuls les dragueurs expĂ©rimentĂ©s, cyniques et sans scrupule se sentent Ă  la hauteur; ce sont donc en gĂ©nĂ©ral les ĂȘtres les plus vils qui obtiennent le trĂ©sor de leur virginitĂ©, et ceci constitue pour elles le premier stade d'une irrĂ©mĂ©diable dĂ©chĂ©ance.
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Michel Houellebecq (The Elementary Particles)
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Quatre hommes visitent l'Australie pour la premiÚre fois. En voyageant par train, ils aperçoivent le profil d'un mouton noir qui broute. Le premier homme en conclut que les moutons australiens sont noirs. Le second prétend que tout ce que l'on peut conclure est que certains moutons australiens sont noirs. Le troisiÚme objecte que la seule conclusion possible est qu'en Australie, au moins un mouton est noir ! Le quatriÚme homme, un sceptique, conclut : il existe en Australie au moins un mouton dont au moins un des cÎtés est noir ! Raymond Chevalier (Québec Sceptique, 1993) (p. 200)
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Normand Baillargeon (Petit cours d'autodéfense intellectuelle)
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Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l’empêche pas de durer. La bêtise insiste toujours, on s’en apercevrait si l’on ne pensait pas toujours à soi. Nos concitoyens à cet égard étaient comme tout le monde, ils pensaient à eux-mêmes, autrement dit ils étaient humanistes : ils ne croyaient pas aux fléaux. Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes en premier lieu, parce qu’ils n’ont pas pris leurs précautions.
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Albert Camus (The Plague)
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L'Amour qui n'est pas un mot Mon Dieu jusqu'au dernier moment Avec ce coeur dĂ©bile et blĂȘme Quand on est l'ombre de soi-mĂȘme Comment se pourrait-il comment Comment se pourrait-il qu'on aime Ou comment nommer ce tourment Suffit-il donc que tu paraisses De l'air que te fait rattachant Tes cheveux ce geste touchant Que je renaisse et reconnaisse Un monde habitĂ© par le chant Elsa mon amour ma jeunesse O forte et douce comme un vin Pareille au soleil des fenĂȘtres Tu me rends la caresse d'ĂȘtre Tu me rends la soif et la faim De vivre encore et de connaĂźtre Notre histoire jusqu'Ă  la fin C'est miracle que d'ĂȘtre ensemble Que la lumiĂšre sur ta joue Qu'autour de toi le vent se joue Toujours si je te vois je tremble Comme Ă  son premier rendez-vous Un jeune homme qui me ressemble M'habituer m'habituer Si je ne le puis qu'on m'en blĂąme Peut-on s'habituer aux flammes Elles vous ont avant tuĂ© Ah crevez-moi les yeux de l'Ăąme S'ils s'habituaient aux nuĂ©es Pour la premiĂšre fois ta bouche Pour la premiĂšre fois ta voix D'une aile Ă  la cime des bois L'arbre frĂ©mit jusqu'Ă  la souche C'est toujours la premiĂšre fois Quand ta robe en passant me touche Prends ce fruit lourd et palpitant Jettes-en la moitiĂ© vĂ©reuse Tu peux mordre la part heureuse Trente ans perdus et puis trente ans Au moins que ta morsure creuse C'est ma vie et je te la tends Ma vie en vĂ©ritĂ© commence Le jour que je t'ai rencontrĂ©e Toi dont les bras ont su barrer Sa route atroce Ă  ma dĂ©mence Et qui m'as montrĂ© la contrĂ©e Que la bontĂ© seule ensemence Tu vins au coeur du dĂ©sarroi Pour chasser les mauvaises fiĂšvres Et j'ai flambĂ© comme un geniĂšvre A la NoĂ«l entre tes doigts Je suis nĂ© vraiment de ta lĂšvre Ma vie est Ă  partir de toi
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Louis Aragon
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Les marchombres arpentent une voie qui leur est propre. Une voie pavée d'absolu mais périlleuse et solitaire. Une voie sans retour. Rares sont ceux qui s'y lancent. Elle ne t'apportera ni richesse, ni consécration, elle t'offrira en revanche un trésor que les hommes ont oublié : la liberté. Si tu le désires, je peux accompagner tes premiers pas.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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Je me mis dĂšs lors Ă  lire avec aviditĂ© et bientĂŽt la lecture fut ma passion. Tous mes nouveaux besoins, toutes mes aspirations rĂ©centes, tous les Ă©lans encore vagues de mon adolescence qui s’élevaient dans mon Ăąme d’une façon si troublante et qui Ă©taient provoquĂ©s par mon dĂ©veloppement si prĂ©coce, tout cela, soudainement, se prĂ©cipita dans une direction, parut se satisfaire complĂštement de ce nouvel aliment et trouver lĂ  son cours rĂ©gulier. BientĂŽt mon cƓur et ma tĂȘte se trouvĂšrent si charmĂ©s, bientĂŽt ma fantaisie se dĂ©veloppa si largement, que j’avais l’air d’oublier tout ce qui m’avait entourĂ©e jusqu’alors. Il semblait que le sort lui mĂȘme m’arrĂȘtĂąt sur le seuil de la nouvelle vie dans laquelle je me jetais, Ă  laquelle je pensais jour et nuit, et, avant de m’abandonner sur la route immense, me faisait gravir une hauteur d’oĂč je pouvais contempler l’avenir dans un merveilleux panorama, sous une perspective brillante, ensorcelante. Je me voyais destinĂ©e Ă  vivre tout cet avenir en l’apprenant d’abord par les livres ; de vivre dans les rĂȘves, les espoirs, la douce Ă©motion de mon esprit juvĂ©nile. Je commençai mes lectures sans aucun choix, par le premier livre qui me tomba sous la main. Mais, le destin veillait sur moi. Ce que j’avais appris et vĂ©cu jusqu’à ce jour Ă©tait si noble, si austĂšre, qu’une page impure ou mauvaise n’eĂ»t pu dĂ©sormais me sĂ©duire. Mon instinct d’enfant, ma prĂ©cocitĂ©, tout mon passĂ© veillaient sur moi ; et maintenant ma conscience m’éclairait toute ma vie passĂ©e. En effet, presque chacune des pages que je lisais m’était dĂ©jĂ  connue, semblait dĂ©jĂ  vĂ©cue, comme si toutes ces passions, toute cette vie qui se dressaient devant moi sous des formes inattendues, en des tableaux merveilleux, je les avais dĂ©jĂ  Ă©prouvĂ©es. Et comment pouvais-je ne pas ĂȘtre entraĂźnĂ©e jusqu’à l’oubli du prĂ©sent, jusqu’à l’oubli de la rĂ©alitĂ©, quand, devant moi dans chaque livre que je lisais, se dressaient les lois d’une mĂȘme destinĂ©e, le mĂȘme esprit d’aventure qui rĂšgnent sur la vie de l’homme, mais qui dĂ©coulent de la loi fondamentale de la vie humaine et sont la condition de son salut et de son bonheur ! C’est cette loi que je soupçonnais, que je tĂąchais de deviner par toutes mes forces, par tous mes instincts, puis presque par un sentiment de sauvegarde. On avait l’air de me prĂ©venir, comme s’il y avait en mon Ăąme quelque chose de prophĂ©tique, et chaque jour l’espoir grandissait, tandis qu’en mĂȘme temps croissait de plus en plus mon dĂ©sir de me jeter dans cet avenir, dans cette vie. Mais, comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, ma fantaisie l’emportait sur mon impatience, et, en vĂ©ritĂ©, je n’étais trĂšs hardie qu’en rĂȘve ; dans la rĂ©alitĂ©, je demeurais instinctivement timide devant l’avenir.
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Une autre soif lui Ă©tait venue, celle des femmes, du luxe et de tout ce que comporte l’existence parisienne. Il se sentait quelque peu Ă©tourdi, comme un homme qui descend d’un vaisseau; et, dans l’hallucination du premier sommeil, il voyait passer et repasser continuellement les Ă©paules de la Poissarde, les reins de la DĂ©bardeuse, les mollets de la Polonaise, la chevelure de la Sauvagesse. Puis deux grands yeux noirs, qui n’étaient pas dans le bal, parurent; et lĂ©gers comme des papillons, ardents comme des torches, ils allaient, venaient, vibraient, montaient dans la corniche, descendaient jusqu’à sa bouche. FrĂ©dĂ©ric s’acharnait Ă  reconnaĂźtre ces yeux sans y parvenir. Mais dĂ©jĂ  le rĂȘve l’avait pris; il lui semblait qu’il Ă©tait attelĂ© prĂšs d’Arnoux, au timon d’un fiacre, et que la MarĂ©chale, Ă  califourchon sur lui, l’éventrait avec ses Ă©perons d’or. (©BeQ)
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Gustave Flaubert (Sentimental Education)
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Si j'étais ce pigeon qui vomit sur les hommes de bronze fausses idoles carnassiers ivres se tùtant le pectoral gauche avec la main droite lavée par les colombes Qui d'autre est capable de provoquer l'amnésie octroyer la carence à ceux qu'il gouverne Qui d'autre sait appeler union ce qui est discorde pour s'arracher le premier pour s'arracher le meilleur des confins de toutes les colonies qui d'autre sait appeler croissance ce qui est régression
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Natasha Kanapé Fontaine (Bleuets et abricots)
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« Comment ! est-ce qu’on ne va pas se battre ? » dit FrĂ©dĂ©ric Ă  un ouvrier. L’homme en blouse lui rĂ©pondit : « Pas si bĂȘtes de nous faire tuer pour les bourgeois Qu’ils s’arrangent ! » Et un monsieur grommela, tout en regardant de travers le faubourien : « Canailles de socialistes ! Si on pouvait, cette fois, les exterminer ! » FrĂ©dĂ©ric ne comprenait rien Ă  tant de rancune et de sottise. Son dĂ©goĂ»t de Paris en augmenta ; et, le surlendemain, il partit pour Nogent par le premier convoi.
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Gustave Flaubert (Sentimental Education)
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nomment Sagesse et VĂ©ritĂ©, Jean vous nomme LumiĂšre, les Rois vous nomment Seigneur, l’Exode vous appelle Providence, le LĂ©vitique SaintetĂ©, Esdras Justice, la crĂ©ation vous nomme Dieu, l’homme vous nomme PĂšre ; mais Salomon vous nomme MisĂ©ricorde, et c’est lĂ  le plus beau de tous vos noms. » Vers neuf heures du soir, les deux femmes se retiraient et montaient Ă  leurs chambres au premier, le laissant jusqu’au matin seul au rez-de-chaussĂ©e. Ici il est nĂ©cessaire que nous donnions une idĂ©e exacte du logis de M. l’évĂȘque de Digne. q
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Vous avez joué au ballon, et vous avez été sobre, lui dit Zadig: apprenez qu'il n'y a point de basilic dans la nature, qu'on se porte toujours bien avec de la sobriété et de l'exercice, et que l'art de faire subsister ensemble l'intempérance et la santé est un art aussi chimérique que la pierre philosophale, l'astrologie judiciaire, et la théologie des mages. Le premier médecin d'Ogul, sentant combien cet homme était dangereux pour la médecine, s'unit avec l'apothicaire du corps pour envoyer Zadig chercher des basilics dans l'autre monde.
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Voltaire (Zadig et autres contes)
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- Maman, pourquoi les nuages vont dans un sens et nous dans l'autre ? Isaya sourit, caressa la joue de sa fille du bout des doigts. - Il y a deux rĂ©ponses Ă  ta question. Comme Ă  toutes les questions, tu le sais bien. Laquelle veux-tu entendre ? - Les deux. -Laquelle en premier alors ? La fillette plissa le nez. - Celle du savant. - Nous allons vers le nord parce que nous cherchons une terre oĂč nous Ă©tablir. Un endroit oĂč construire une belle maison, Ă©lever des coureurs et cultiver des racines de niam. C'est notre rĂȘve depuis des annĂ©es et nous avons quittĂ© Al-Far pour le vivre. - Je n’aime pas les galettes de niam... - Nous planterons aussi des fraises, promis. Les nuages, eux, n'ont pas le choix. Ils vont vers le sud parce que le vent les pousse et, comme ils sont trĂšs trĂšs lĂ©gers, il sont incapables de lui rĂ©sister. - Et la rĂ©ponse du poĂšte ? - Les hommes sont comme les nuages. Ils sont chassĂ©s en avant par un vent mystĂ©rieux et invisible face auquel ils sont impuissants. Ils croient maĂźtriser leur route et se moquent de la faiblesse des nuages, mais leur vent Ă  eux est mille fois plus fort que celui qui souffle lĂ -haut. La fillette croisa les bras et parut se dĂ©sintĂ©resser de la conversation afin d'observer un vol de canards au plumage chatoyant qui se posaient sur la riviĂšre proche. Indigo, Ă©meraude ou vert pĂąle, ils se bousculaient dans une cacophonie qui la fit rire aux Ă©clats. Lorsque les chariots eurent dĂ©passĂ© les volatiles, elle se tourna vers sa mĂšre. - Cette fois, je prĂ©fĂšre la rĂ©ponse du savant. -Pourquoi ? demande Isaya qui avait attendu sereinement la fin de ce qu'elle savait ĂȘtre une intense rĂ©flexion. - J'aime pas qu'on me pousse en cachette.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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«Regardez, regardez, continua le comte en saisissant chacun des deux jeunes gens par la main, regardez, car, sur mon Ăąme, c'est curieux, voilĂ  un homme qui Ă©tait rĂ©signĂ© Ă  son sort, qui marchait Ă  l'Ă©chafaud, qui allait mourir comme un lĂąche, c'est vrai, mais enfin il allait mourir sans rĂ©sistance et sans rĂ©crimination: savez-vous ce qui lui donnait quelque force? savez-vous ce qui le consolait? savez-vous ce qui lui faisait prendre son supplice en patience? c'est qu'un autre partageait son angoisse; c'est qu'un autre allait mourir comme lui; c'est qu'un autre allait mourir avant lui! Menez deux moutons Ă  la boucherie, deux bƓufs Ă  l'abattoir, et faites comprendre Ă  l'un d'eux que son compagnon ne mourra pas, le mouton bĂȘlera de joie, le bƓuf mugira de plaisir mais l'homme, l'homme que Dieu a fait Ă  son image, l'homme Ă  qui Dieu a imposĂ© pour premiĂšre, pour unique, pour suprĂȘme loi, l'amour de son prochain, l'homme Ă  qui Dieu a donnĂ© une voix pour exprimer sa pensĂ©e, quel sera son premier cri quand il apprendra que son camarade est sauvĂ©? un blasphĂšme. Honneur Ă  l'homme, ce chef-d'Ɠuvre de la nature, ce roi de la crĂ©ation!»
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Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo, Tome II (The Count of Monte Cristo, part 2 of 4))
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finalement, Ă©perdu d'amour et au comble de la frĂ©nĂ©sie Ă©rotique, je m'assis dans l'herbe et j'enlevai un de mes souliers en caoutchouc. — Je vais le manger pour toi, si tu veux. Si elle le voulait I Ha! Mais bien sĂ»r qu'elle le voulait, voyons! C'Ă©tait une vraie petite femme. --- Elle posa son cerceau par terre et s'assit sur ses ta-lons. Je crus voir dans ses yeux une lueur d'estime. Je n'en demandais pas plus. Je pris mon canif et enta-mai le caoutchouc. Elle me regardait faire. — Tu vas le manger cru ? — Oui. J'avalai un morceau, puis un autre. Sous son regard enfin admiratif, je me sentais devenir vraiment un homme. Et j'avais raison. Je venais de faire mon apprentissage. J'entamai le caoutchouc encore plus profondĂ©ment, soufflant un peu, entre les bouchĂ©es, et je continuai ainsi un bon moment, jusqu'Ă  ce qu'une sueur froide me montĂąt au front. Je continuai mĂȘme un peu au-delĂ , serrant les dents, luttant contre la nausĂ©e, ramassant toutes mes forces pour demeurer sur le terrain, comme il me fallut le faire tant de fois, depuis, dans mon mĂ©tier d'homme. Je fus trĂšs malade, on me transporta Ă  l'hĂŽpital, ma mĂšre sanglotait, Aniela hurlait, les filles de l'atelier geignaient, pendant qu'on me mettait sur un brancard dans l'ambulance. J'Ă©tais trĂšs fier de moi. Mon amour d'enfant m'inspira vingt ans plus tard mon premier roman Éducation europĂ©enne, et aussi certains passages du Grand Vestiaire. Pendant longtemps, Ă  travers mes pĂ©rĂ©grinations, j'ai transportĂ© avec moi un soulier d'enfant en caoutchouc, entamĂ© au couteau. J'avais vingt-cinq ans, puis trente, puis quarante, mais le soulier Ă©tait toujours lĂ , Ă  portĂ©e de la main. J'Ă©tais toujours prĂȘt Ă  m'y attabler, Ă  donner, une fois de plus, le meilleur de moi-mĂȘme. Ça ne s'est pas trouvĂ©. Finalement, j'ai abandonnĂ© le soulier quelque part derriĂšre moi. On ne vit pas deux fois. (La promesse de l'aube, ch. XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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La pensĂ©e de la mort Vivre au milieu de ce dĂ©dale de ruelles, de besoins, de voix suscite en moi un bonheur mĂ©lancolique : que de jouissance, d'impatience, de dĂ©sir, que de vie assoiffĂ©e et d'ivresse de vivre se rĂ©vĂšle ici Ă  chaque instant ! Et pourtant tous ces ĂȘtres bruyants, vivants, assoiffĂ©s de vie plongeront bientĂŽt dans un tel silence ! Comme chacun est suivi par son ombre, le sombre compagnon qu'il emmĂšne avec lui ! Il en est toujours comme Ă  l'ultime moment avant le dĂ©part d'un navire d'Ă©migrants : on a plus de choses Ă  se dire que jamais, l'heure presse, l'ocĂ©an et son mutisme dĂ©solĂ© attend, impatient, derriĂšre tout ce bruit–si avide, si sĂ»r de tenir sa proie. Et tous, tous pensent que le temps Ă©coulĂ© jusqu'alors n'est rien ou peu de chose, que le proche avenir est tout : d'oĂč cette hĂąte, ces cris, cet Ă©tourdissement de soi-mĂȘme, cette duperie de soi-mĂȘme ! Chacun veut ĂȘtre le premier dans cet avenir,–et pourtant c'est la mort et le silence de mort qui est l'unique certitude et le lot commun Ă  tous dans cet avenir ! Qu'il est Ă©trange que cette unique certitude et ce lot commun n'aient presque aucun pouvoir sur les hommes et qu'ils soient Ă  mille lieues de se sentir comme une confrĂ©rie de la mort ! Cela me rend heureux de voir que les hommes ne veulent absolument pas penser la pensĂ©e de la mort ! J'aimerais contribuer en quelque maniĂšre Ă  leur rendre la pensĂ©e de la vie encore cent fois plus digne d'ĂȘtre pensĂ©e.
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Friedrich Nietzsche (The Gay Science: With a Prelude in Rhymes and an Appendix of Songs)
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Se penchant a l'oreille d'Antoine: Et ils vivent toujours! L'empereur Constantin adore Apollon. Tu retrouveras la Trinite dans les mysteres de Samothrace, le bapteme chez Isis, la redemption chez Mithra, le martyr d'un Dieu aux fetes de Bacchus. Proserpine est la Vierge!... Aristee, Jesus! ANTOINE reste les yeux baisses; puis tout a coup il repete le symbole de Jerusalem,--comme il s'en souvient,--en poussant a chaque phrase un long soupir: Je crois en un seul Dieu, le Pere,--et en un seul Seigneur, Jesus-Christ,--fils premier-ne de Dieu,--qui s'est incarne et fait homme,--qui a ete crucifie--et enseveli,--qui est monte au ciel,--qui viendra pour juger les vivants et les morts--dont le royaume n'aura pas de fin;--et a un seul
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Gustave Flaubert (The Temptation of St. Antony)
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De ces deux choses combinĂ©es, puissance publique au dehors, bonheur individuel au dedans, rĂ©sulte la prospĂ©ritĂ© sociale. ProspĂ©ritĂ© sociale, cela veut dire l’homme heureux, le citoyen libre, la nation grande. L’Angleterre rĂ©sout le premier de ces deux problĂšmes. Elle crĂ©e admirablement la richesse ; elle la rĂ©partit mal. Cette solution qui n’est complĂšte que d’un cĂŽtĂ© la mĂšne fatalement Ă  ces deux extrĂȘmes : opulence monstrueuse, misĂšre monstrueuse. Toutes les jouissances Ă  quelques-uns, toutes les privations aux autres, c’est-Ă -dire au peuple ; le privilĂšge, l’exception, le monopole, la fĂ©odalitĂ©, naissant du travail mĂȘme. Situation fausse et dangereuse qui assoit la puissance publique sur la misĂšre privĂ©e, qui enracine la grandeur de l’état dans les souffrances de l’individu. Grandeur mal composĂ©e oĂč se combinent tous les Ă©lĂ©ments matĂ©riels et dans laquelle n’entre aucun Ă©lĂ©ment moral.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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« Écoute, Egor PĂ©trovitch, lui dit-il. Qu’est ce que tu fais de toi ? Tu te perds seulement avec ton dĂ©sespoir. Tu n’as ni patience ni courage. Maintenant, dans un accĂšs de tristesse, tu dis que tu n’as pas de talent. Ce n’est pas vrai. Tu as du talent ; je t’assure que tu en as. Je le vois rien qu’à la façon dont tu sens et comprends l’art. Je te le prouverai par toute ta vie. Tu m’as racontĂ© ta vie d’autrefois. À cette Ă©poque aussi le dĂ©sespoirte visitait sans que tu t’en rendisses compte. À cette Ă©poque aussi, ton premier maĂźtre, cet homme Ă©trange, dont tu m’as tant parlĂ©, a Ă©veillĂ© en toi, pour la premiĂšre fois, l’amour de l’art et a devinĂ© ton talent. Tu l’as senti alors aussi fortement que maintenant. Mais tu ne savais pas ce qui se passait en toi. Tu ne pouvais pas vivre dans la maison du propriĂ©taire, et tu ne savais toi-mĂȘme ce que tu dĂ©sirais. Ton maĂźtre est mort trop tĂŽt. Il t’a laissĂ© seulement avec des aspirations vagues et, surtout, il ne t’a pas expliquĂ© toimĂȘme. Tu sentais le besoin d’une autre route plus large, tu pressentais que d’autres buts t’étaient destinĂ©s, mais tu ne comprenais pas comment tout cela se ferait et, dans ton angoisse, tu as haĂŻ tout ce qui t’entourait alors. Tes six annĂ©es de misĂšre ne sont pas perdues. Tu as travaillĂ©, pensĂ©, tu as reconnu et toi-mĂȘme et tes forces ; tu comprends maintenant l’art et ta destination. Mon ami, il faut avoir de la patience et du courage. Un sort plus enviĂ© que le mien t’est rĂ©servĂ©. Tu es cent fois plus artiste que moi, mais que Dieu te donne mĂȘme la dixiĂšme partie de ma patience. Travaille, ne bois pas, comme te le disait ton bonpropriĂ©taire, et, principalement, commence par l’a, b, c. « Qu’est-ce qui te tourmente ? La pauvretĂ©, la misĂšre ? Mais la pauvretĂ© et la misĂšre forment l’artiste. Elles sont insĂ©parables des dĂ©buts. Maintenant personne n’a encore besoin de toi ; personne ne veut te connaĂźtre. Ainsi va le monde. Attends, ce sera autre chose quand on saura que tu as du talent. L’envie, la malignitĂ©, et surtout la bĂȘtise t’opprimeront plus fortement que la misĂšre. Le talent a besoin de sympathie ; il faut qu’on le comprenne. Et toi, tu verras quelles gens t’entoureront quand tu approcheras du but. Ils tĂącheront de regarder avec mĂ©pris ce qui s’est Ă©laborĂ© en toi au prix d’un pĂ©nible travail, des privations, des nuits sans sommeil. Tes futurs camarades ne t’encourageront pas, ne te consoleront pas. Ils ne t’indiqueront pas ce qui en toi est bon et vrai. Avec une joie maligne ils relĂšveront chacune de tes fautes. Ils te montreront prĂ©cisĂ©ment ce qu’il y a de mauvais en toi, ce en quoi tu te trompes, et d’un air calme et mĂ©prisant ils fĂȘteront joyeusement chacune de tes erreurs. Toi, tu esorgueilleux et souvent Ă  tort. Il t’arrivera d’offenser une nullitĂ© qui a de l’amour-propre, et alors malheur Ă  toi : tu seras seul et ils seront plusieurs. Ils te tueront Ă  coups d’épingles. Moi mĂȘme, je commence Ă  Ă©prouver tout cela. Prends donc des forces dĂšs maintenant. Tu n’es pas encore si pauvre. Tu peux encore vivre ; ne nĂ©glige pas les besognes grossiĂšres, fends du bois, comme je l’ai fait un soir chez de pauvres gens. Mais tu es impatient ; l’impatience est ta maladie. Tu n’as pas assez de simplicitĂ© ; tu ruses trop, tu rĂ©flĂ©chis trop, tu fais trop travailler ta tĂȘte. Tu es audacieux en paroles et lĂąche quand il faut prendra l’archet en main. Tu as beaucoup d’amour-propre et peu de hardiesse. Sois plus hardi, attends, apprends, et si tu ne comptes pas sur tes forces, alors va au hasard ; tu as de la chaleur, du sentiment, peut-ĂȘtre arriveras-tu au but. Sinon, va quand mĂȘme au hasard. En tout cas tu ne perdras rien, si le gain est trop grand. Vois-tu, aussi, le hasard pour nous est une grande chose. »
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Il y en a qui Ă©crivent pour rechercher les applaudissements humains, au moyen de nobles qualitĂ©s du coeur que l’imagination invente ou qu’ils peuvent avoir. Moi, je fais servir mon gĂ©nie Ă  peindre les dĂ©lices de la cruautĂ© ! DĂ©lices non passagĂšres, artificielles ; mais, qui ont commencĂ© avec l’homme, finiront avec lui. Le gĂ©nie ne peut-il pas s’allier avec la cruautĂ© dans les rĂ©solutions secrĂštes de la Providence ? ou, parce qu’on est cruel, ne peut-on pas avoir du gĂ©nie ? On en verra la preuve dans mes paroles ; il ne tient qu’à vous de m’écouter, si vous le voulez bien... Pardon, il me semblait que mes cheveux s’étaient dressĂ©s sur ma tĂȘte ; mais, ce n’est rien, car, avec ma main, je suis parvenu facilement Ă  les remettre dans leur premiĂšre position. Celui qui chante ne prĂ©tend pas que ses cavatines soient une chose inconnue ; au contraire, il se loue de ce que les pensĂ©es hautaines et mĂ©chantes de son hĂ©ros soient dans tous les hommes.
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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La Solitude offre Ă  l'homme intellectuellement haut placĂ© un double avantage : le premier, d'ĂȘtre avec soi-mĂȘme, et le second, de ne pas ĂȘtre avec les autres. On apprĂ©ciera hautement ce dernier si l'on rĂ©flĂ©chit Ă  tout ce que le commerce du monde apporte avec soi de contraintes, de peines et mĂȘme de dangers. "Tout notre malheur vient de ne pouvoir ĂȘtre seuls", a dit La BruyĂšre. La sociabilitĂ© appartient aux penchants dangereux et pernicieux, car elle nous met en contact avec des ĂȘtres qui en grande majoritĂ© sont moralement mauvais et intellectuellement bornĂ©s ou dĂ©traquĂ©s. L'homme insociable est celui qui n'a pas besoin de tous ces gens-lĂ . Avoir suffisamment en soi pour pouvoir se passer de sociĂ©tĂ© est dĂ©jĂ  un grand bonheur, par la mĂȘme que presque tous nos mauvais dĂ©rivent de la sociĂ©tĂ©, et que la tranquilitĂ© d'esprit qui, aprĂšs la santĂ©, forme l'essentiel de notre bonheur, y est mise en pĂ©ril et ne peut exister sans de longs moments de solitude.
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Arthur Schopenhauer
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Et si on faisait une trĂȘve ? S'il montait le [le Premier ministre] rĂ©conforter et le distraire un peu de sa solitude ? Il pourrait passer la nuit Ă  lui parler, d'homme Ă  homme. Il se garderait de toute polĂ©mique, il ne lui reprocherait rien, ne le culpabiliserait pas mais se contenterait de deviser avec lui, comme avec un ami cher dont on s'efforce, gentiment, de dessiller les yeux, un ami que de mauvaises gens auraient induit en erreur sur une affaire Ă©pineuse, apparemment insoluble mais qui en rĂ©alitĂ© avait une solution simple, logique, Ă©quitable, que les dĂ©tracteurs les plus acharnĂ©s devraient pouvoir accepter aprĂšs une brĂšve dĂ©monstration de son bien-fondĂ©, dans une atmosphĂšre cordiale et dĂ©tendue. A condition Ă©videmment de ne pas se buter, de ne pas s'abriter derriĂšre un mur de grossiers mensonges, d'ouvrir les oreilles, d'envisager l'Ă©ventail des possibilitĂ©s jusque-lĂ  rĂ©solument Ă©cartĂ©es, non par malice mais Ă  cause de prĂ©jugĂ©s, de jugements inflexibles ou de craintes profondĂ©ment enracinĂ©es. (p. 299)
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Amos Oz (Fima)
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L'acculturation des femmes à des comportements humanistes et celle des hommes à la violence et aux comportements à risque sont donc le fruit d'un véritable systÚme culturel qui se perpétue de génération en génération. Les parents en premier lieu, mais également l'entourage de l'enfant et la société dans son ensemble en sont acteurs. Concernant la virilité, l'éducation donnée aux garçons est la clé de voute de ce paradigme. Les conséquences négatives sont considérables et touchent tous les individus de façon plus ou moins dramatique, avec plus ou moins de gravité. L'organisation de notre société s'est faite en fonction de cette donnée, des conduites individuelles jusqu'au politique. Les femmes mettent par exemple en place des stratégies d'évitement de ces violences dÚs qu'elles sont dans l'espace public, et l'état, [...] consacre des moyens humains et financier colossaux pour enrayer le phénomÚne. Si tous les hommes ne sont pas des criminels et des délinquants, la quasi totalité des criminels et des délinquants sont des hommes.
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Lucile Peytavin (Le coût de la virilité : Ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes)
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Les scribes anciens apprirent non seulement Ă  lire et Ă  Ă©crire, mais aussi Ă  utiliser des catalogues, des dictionnaires, des calendriers, des formulaires et des tableaux. Ils Ă©tudiĂšrent et assimilĂšrent des techniques de catalogage, de rĂ©cupĂ©ration et de traitement de l’information trĂšs diffĂ©rentes de celles du cerveau. Dans le cerveau, les donnĂ©es sont associĂ©es librement. Quand, avec mon Ă©pouse, je vais signer une hypothĂšque pour notre nouvelle maison, je me souviens du premier endroit oĂč nous avons vĂ©cu ensemble, ce qui me rappelle notre lune de miel Ă  la Nouvelle-OrlĂ©ans, qui me rappelle les alligators, qui me font penser aux dragons, qui me rappelle L’Anneau des Nibelungen
 Et soudain, sans mĂȘme m’en rendre compte, je fredonne le leitmotiv de Siegfried devant l’employĂ© de banque interloquĂ©. Dans la bureaucratie, on se doit de sĂ©parer les choses. Un tiroir pour les hypothĂšques de la maison, un autre pour les certificats de mariage, un troisiĂšme pour les impĂŽts et un quatriĂšme pour les procĂšs. Comment retrouver quoi que ce soit autrement ? Ce qui entre dans plus d’un tiroir, comme les drames wagnĂ©riens (dois-je les ranger dans la rubrique « musique » ou « thĂ©Ăątre », voire inventer carrĂ©ment une nouvelle catĂ©gorie ?), est un terrible casse-tĂȘte. On n’en a donc jamais fini d’ajouter, de supprimer et de rĂ©organiser des tiroirs. Pour que ça marche, les gens qui gĂšrent ce systĂšme de tiroirs doivent ĂȘtre reprogrammĂ©s afin qu’ils cessent de penser en humains et se mettent Ă  penser en employĂ©s de bureau et en comptables. Depuis les temps les plus anciens jusqu’à aujourd’hui, tout le monde le sait : les employĂ©s de bureau et les comptables ne pensent pas en ĂȘtres humains. Ils pensent comme on remplit des dossiers. Ce n’est pas leur faute. S’ils ne pensent pas comme ça, leurs tiroirs seront tout mĂ©langĂ©s, et ils seront incapables de rendre les services que leur administration, leur sociĂ©tĂ© ou leur organisation demande. Tel est prĂ©cisĂ©ment l’impact le plus important de l’écriture sur l’histoire humaine : elle a progressivement changĂ© la façon dont les hommes pensent et voient le monde. Libre association et pensĂ©e holiste ont laissĂ© la place au compartimentage et Ă  la bureaucratie.
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Yuval Noah Harari (Sapiens : Une brÚve histoire de l'humanité)
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Je ne considĂšre les souffrances et les joies d'autrui que par rapport Ă  moi-mĂȘme, en tant que nourriture qui soutient les forces de mon Ăąme. Moi-mĂȘme, je ne suis pas capable d'aller jusqu'Ă  la folie sous l'emprise de la passion. L'ambition chez moi est assujettie aux circonstances, mais elle s'est manifestĂ©e sous un autre aspect; car l'ambition n'est rien d'autre qu'une soif de puissance; or mon plaisir principal est de soumettre tout ceux qui m'entourent Ă  ma volontĂ©. Éveiller les sentiments d'amour, de fidĂ©litĂ© ou de crainte, n'est-ce pas lĂ  les signes premiers et le grand triomphe d'un pouvoir absolu ? Être pour une personne la cause de souffrances ou de joies, sans avoir sur elle aucun droit positif, n'est-ce pas lĂ  un aliment dĂ©licieux pour notre orgueil ? Et qu'est-ce que le bonheur ? Un orgueil rassasiĂ© ! Si je me considĂ©rait comme l'ĂȘtre le meilleur, le plus puissant du monde, je serais heureux; si tout m'aimaient, je trouverais en moi d'infinies sources d'amour. Le mal enfante le mal. La premiĂšre souffrance nous donne le secret du plaisir de torturer autrui. L'idĂ©e du mal ne peut entrer dans la tĂȘte d'un homme sans qu'il ait le dĂ©sir de l'appliquer Ă  la rĂ©alitĂ©.
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Mikhail Lermontov (A Hero of Our Time)
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Mais rien ne servirait de s’ĂȘtre mis Ă  l’abri de tous les motifs personnels de tristesse, si parfois la misanthropie s’emparait de votre Ăąme, en voyant le crime partout heureux, la candeur si rare, l’innocence si peu connue, la bonne foi si nĂ©gligĂ©e quand elle est sans profit, les gains et les prodigalitĂ©s de la dĂ©bauche Ă©galement odieux ; enfin, l’ambition si effrĂ©nĂ©e que, se mĂ©connaissant elle-mĂȘme, elle cherche son Ă©clat dans la bassesse. Alors une sombre nuit environne notre Ăąme, et dans cet anĂ©antissement des vertus impossibles Ă  trouver chez les autres, et nuisibles Ă  celui qui les a, elle se remplit de doute et d’obscuritĂ©. Pour nous dĂ©tourner de ces idĂ©es, faisons en sorte que les vices des hommes ne nous paraissent pas odieux, mais ridicules ; et sachons imiter DĂ©mocrite plutĂŽt qu’HĂ©raclite. Le premier ne se montrait jamais en public sans pleurer ; le second, sans rire. L’un, dans tout ce que font les hommes, ne voyait que misĂšre ; le second, qu’ineptie. Il faut donc attacher peu d’importance Ă  toutes choses, et ne nous passionner pour aucune. Il est plus conforme Ă  l’humanitĂ© de se moquer des choses de la vie que d’en gĂ©mir. Ajoutez que mieux vaut pour le genre humain s’en moquer, que se lamenter Ă  son sujet.
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Seneca
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S’il est quelquefois logique de s’en rapporter Ă  l’apparence des phĂ©nomĂšnes, ce premier chant finit ici. Ne soyez pas sĂ©vĂšre pour celui qui ne fait encore qu’essayer sa lyre : elle rend un son si Ă©trange ! Cependant, si vous voulez ĂȘtre impartial, vous reconnaĂźtrez dĂ©jĂ  une empreinte forte, au milieu des imperfections. Quant Ă  moi, je vais me remettre au travail, pour faire paraĂźtre un deuxiĂšme chant, dans un laps de temps qui ne soit pas trop retardĂ©. La fin du dix-neuviĂšme siĂšcle verra son poĂšte (cependant, au dĂ©but, il ne doit pas commencer par un chef d’Ɠuvre, mais suivre la loi de la nature) ; il est nĂ© sur les rives amĂ©ricaines, Ă  l’embouchure de la Plata, lĂ  oĂč deux peuples, jadis rivaux, s’efforcent actuellement de se surpasser par le progrĂšs matĂ©riel et moral. Buenos-Ayres, la reine du Sud, et Montevideo, la coquette, se tendent une main amie, Ă  travers les eaux argentines du grand estuaire. Mais, la guerre Ă©ternelle a placĂ© son empire destructeur sur les campagnes, et moissonne avec joie des victimes nombreuses. Adieu, vieillard, et pense Ă  moi, si tu m’as lu. Toi, jeune homme, ne dĂ©sespĂšre point ; car, tu as un ami dans le vampire, malgrĂ© ton opinion contraire. En comptant l’acarus sarcopte qui produit la gale, tu auras deux amis !
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Le premier empereur est appelĂ© l'Empereur du Ciel. Il a dĂ©terminĂ© l'ordre du temps qu'il a divisĂ© en dix troncs cĂ©lestes et douze branches terrestres, le tout formant un cycle. Cet empereur vĂ©cut dix-huit mille ans. Le second empereur est l'Empereur de la Terre ; il vĂ©cut aussi dix-huit mille ans : on lui attribue la division du mois en trente jours. Le troisiĂšme empereur est l'Empereur des Hommes. Sous son rĂšgne apparaissent les premiĂšres Ă©bauches de la vie sociale. Il partage son territoire en neuf parties, et Ă  chacune d'elles il donne pour chef un des membres de sa famille. L'histoire cĂ©lĂšbre pour la premiĂšre fois les beautĂ©s de la nature et la douceur du climat. Ce rĂšgne eut quarante-cinq mille cinq cents ans de durĂ©e. Pendant ces trois rĂšgnes qui embrassent une pĂ©riode de quatre-vingt-un mille ans, il n'est question ni de l'habitation, ni du vĂȘtement. L'histoire nous dit que les hommes vivaient dans des cavernes, sans crainte des animaux, et la notion de la pudeur n'existait pas parmi eux. A la suite de quels Ă©vĂ©nements cet Ă©tat de choses se transforma-t-il ? L'histoire n'en dit mot. Mais on remarquera les noms des trois premiers empereurs qui comprennent trois termes, le ciel, la terre, les hommes, gradation qui conduit Ă  l'hypothĂšse d'une dĂ©cadence progressive dans l'Ă©tat de l'humanitĂ©.
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Tcheng-Ki-Tong (Les Chinois peints par eux-mĂȘmes)
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comme les mots sont une partie de l'imagination, c'est-Ă -dire que, selon qu'une certaine disposition du corps fait qu'ils se sont arrangĂ©s vaguement dans la mĂ©moire, nous nous formons beaucoup d'idĂ©es chimĂ©riques, il ne faut pas douter que les mots, ainsi que l'imagination, puissent ĂȘtre cause de beaucoup de grossiĂšres erreurs, si nous ne nous tenons fort en garde contre eux. Joignez Ă  cela qu'ils sont constituĂ©s arbitrairement et accommodĂ©s au goĂ»t du vulgaire, si bien que ce ne sont que des signes des choses telles qu'elles sont dans l'imagination, et non pas telles qu'elles sont dans l'entendement ; vĂ©ritĂ© Ă©vidente si l'on considĂšre que la plupart des choses qui sont seulement dans l'entendement ont reçu des noms nĂ©gatifs, comme immatĂ©riel, infini, etc., et beaucoup d'autres idĂ©es qui, quoique rĂ©ellement affirmatives, sont exprimĂ©es sous une forme nĂ©gative, telle qu'incrĂ©Ă©, indĂ©pendant, infini, immortel, et cela parce que nous imaginons beaucoup plus facilement les contraires de ces idĂ©es, et que ces contraires, se prĂ©sentant les premiers aux premiers hommes, ont usurpĂ© les noms affirmatifs. Il y a beaucoup de choses que nous affirmons et que nous nions parce que telle est la nature des mots, et non pas la nature des choses. Or, quand on ignore la nature des choses, rien de plus facile que de prendre le faux pour le vrai.
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Baruch Spinoza (On the Improvement of Understanding)
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Cher Monsieur Waters, Je reçois votre courrier Ă©lectronique en date du 14 avril dernier et suis comme il se doit impressionnĂ© par la complexitĂ© shakespearienne de votre drame. Chaque personnage dans votre histoire a une harmatia en bĂ©ton. La sienne : ĂȘtre trop malade. La vĂŽtre : ĂȘtre trop bien portant. FĂ»t-ce le contraire, vos Ă©toiles n'auraient pas Ă©tĂ© aussi contrariĂ©es, mais c'est dans la natures des Ă©toiles d'ĂȘtre contrariĂ©es. A ce propos, Shakespeare ne s'est jamais autant trompĂ© qu'en mettant ces mots dans la bouche de Cassius : « La faute, cher Brutus, n'en est pas Ă  nos Ă©toiles ; elle en est Ă  nous-mĂȘmes. » Facile Ă  dire lorsqu'on est un noble romain (ou Shakespeare!), mais nos Ă©toiles ne sont jamais Ă  court de tort. Puisque nous en sommes au chapitre des dĂ©faillances de ce cher vieux William, ce que vous me dites de la jeune Hazel me rappelle le sonnet 55, qui commence, bien entendu ainsi : « Ni le marbre, ni les mausolĂ©es dorĂ©s des princes ne dureront plus longtemps que ma rime puissante. Vous conserverez plus d'Ă©clat dans ces mesures que sous la dalle non balayĂ©e que le temps barbouille de sa lie. (Hors sujet, mais : quel cochon, ce temps ! Il bousille tout le monde.) Un bien joli poĂšme, mais trompeur : nul doute que la rime puissante de Shakespeare nous reste en mĂ©moire, mais que nous rappelons-nous de l'homme qu'il cĂ©lĂšbre ? Rien. Nous sommes certains qu'il Ă©tait de sexe masculin, le reste n'est qu'une hypothĂšse. Shakespeare nous raconte des clopinettes sur l'homme qu'il a enseveli Ă  l'intĂ©rieur de son sarcophage linguistique. (Remarquez que, lorsque nous parlons littĂ©rature, nous utilisons le prĂ©sent. Quand nous parlons d'un mort, nous ne sommes pas aussi gentils.) On ne peut pas immortaliser ceux qui nous ont quittĂ©s en Ă©crivant sur eux. La langue enterre, mais ne ressuscite pas. (Avertissement : je ne suis pas le premier Ă  faire cette observation, cf le poĂšme d'Archibald MacLeish « Ni le marbre, ni les mausolĂ©es dorĂ©s » qui renferme ce vers hĂ©roĂŻque : « Vous mourrez et nul ne se souviendra de vous ») Je m'Ă©loigne du sujet, mais votre le problĂšme : les morts ne sont visibles que dans l’Ɠil dĂ©nuĂ© de paupiĂšre de la mĂ©moire. Dieu merci, les vivants conservent l'aptitude de surprendre et de dĂ©cevoir. Votre Hazel est vivante, Waters, et vous ne pouvez imposer votre volontĂ© contre la dĂ©cision de quelqu'un d'autre, qui plus est lorsque celle-ci est mĂ»rement rĂ©flĂ©chie. Elle souhaite vous Ă©pargner de la peine et vous devriez l'accepter. Il se peut que la logique de la jeune Hazel ne vous convainque pas, mais j'ai parcouru cette vallĂ©e de larmes plus longtemps que vous, et de mon point de vue, Hazel n'est pas la moins saine d'esprit. Bien Ă  vous Peter Van Houten
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Nous nous tĂ»mes l'un et l'autre ; pendant que nous attendions, je l'examinai. Un homme petit et rĂąblĂ©, brun comme un grain de cafĂ©, ayant peut-ĂȘtre une tendance Ă  engraisser, mais pour le moment excessivement mince. Les rides profondes de son visage et de son cou n'Ă©taient pas seulement dues aux annĂ©es et aux intempĂ©ries : elles indiquaient Ă  ne pas s'y tromper les endroits oĂč la chair ou la graisse avait fondu et oĂč la peau s'Ă©tait dĂ©tendue. Le cou Ă©tait simplement une surface oĂč s'entrecroisaient les sillons et les rides et portait les traces laissĂ©es par le soleil brĂ»lant du dĂ©sert. L'ExtrĂȘme-Orient, les Tropiques, le dĂ©sert, chaque rĂ©gion laissait sa marque colorĂ©e. Mais toutes les trois Ă©taient diffĂ©rentes ; et un Ɠil qui avait su une fois pouvait ainsi les distinguer aisĂ©ment. La pĂąleur bistrĂ©e pour le premier ; le brun rouge et violent pour la seconde ; et pour le troisiĂšme, le hĂąle sombre et profond qui avait pris, semblait-il, le caractĂšre d'une coloration permanente. Mr. Corbeck avait une grosse tĂȘte pleine et massive ; avec des cheveux en dĂ©sordre, d'un brun-rouge foncĂ©, dĂ©garnis sur les tempes. Son front Ă©tait beau, haut et large ; et pour employer les termes de la physiognomonie, le sinus frontal Ă©tait hardiment marquĂ©. Sa forme carrĂ©e traduisait l'esprit raisonneur ; et la plĂ©nitude sous les yeux le don des langues. Il avait le nez court et large qui dĂ©note l'Ă©nergie ; le menton carrĂ© - qu'on discernait malgrĂ© la barbe Ă©paisse et non soignĂ©e - et la mĂąchoire massive qui montrent l'esprit de dĂ©cision. « Un homme pas mal pour le dĂ©sert ! » me disais-je en le regardant.
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Bram Stoker (Oeuvres)
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Depuis que j'ai doue ans, et depuis qu'elle est une terreur, la mort est une marotte. J'en ignorais l'existence jusqu'Ă  ce qu'un camarade de classe, le petit BonnecarĂšre, m'envoyĂąt au cinĂ©ma le Styx, oĂč l'on s'asseyait Ă  l'Ă©poque dans des cercueils, voir L'enterrĂ© vivant, un film de Roger Corman tirĂ© d'un conte 'Edgar Allan Poe. La dĂ©couverte de la mort par le truchement de cette vision horrifique d'un homme qui hurle d'impuissance Ă  l'intĂ©rieur de son cercueil devint une source capiteuse de cauchemars. Par la suite, je ne cessai de rechercher les attributs de les plus spectaculaires de la mort, suppliant mon pĂšre de me cĂ©der le crĂąne qui avait accompagnĂ© ses Ă©tudes de mĂ©decine, m'hypnotisant de films d'Ă©pouvante et commençant Ă  Ă©crire, sous le pseudonyme d'Hector Lenoir, un conte qui racontair les affres d'un fantĂŽmr rnchaĂźnĂ© dans les oubliettes du chĂąteau des Hohenzollern, me grisant de lectures macabres jusqu'aux stories sĂ©lectionnĂ©es par Hitschcock, errant dans les cimetiĂšres et Ă©trennant mon premier appareil avec des photographies de tombes d'enants, me dĂ©plaçant jusqu'Ă  Palerme uniquement pour contempler les momies des Capucins, collectionnant les rapaces empaillĂ©s comme Anthony Perkins dans Psychose, la mort me semblait horriblement belle, fĂ©eriquement atroce, et puis je pris en grippe son bric-Ă -brac, remisai le crĂąne de l'Ă©tudiant de mĂ©decine, fuis les cimetiĂšres comme la peste, j'Ă©tais passĂ© Ă  un autre stade de l'amour de la mort, comme imprĂ©gnĂ© par elle au plus profond je n'avais plus besoin de son dĂ©corum mais d'une intimitĂ© plus grande avec elle, je continuais inlassablement de quĂ©rir son sentiment, le plus prĂ©cieux et le plus haĂŻssable d'entre tous, sa peur et sa convoitise.
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HervĂ© Guibert (À l'ami qui ne m'a pas sauvĂ© la vie)
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Un jour, avec des yeux vitreux, ma mĂšre me dit: « Lorsque tu seras dans ton lit, que tu entendras les aboiements des chiens dans la campagne, cache-toi dans ta couverture, ne tourne pas en dĂ©rision ce qu'ils font: ils ont soif insatiable de l'infini, comme toi, comme moi, comme le reste des humains, Ă  la figure pĂąle et longue. MĂȘme, je te permets de te mettre devant la fenĂȘtre pour contempler ce spectacle, qui est assez sublime » Depuis ce temps, je respecte le voeu de la morte. Moi, comme les chiens, j'Ă©prouve le besoin de l'infini... Je ne puis, je ne puis contenter ce besoin! Je suis fils de l'homme et de la femme, d'aprĂšs ce qu'on m'a dit. Ça m'Ă©tonne... je croyais ĂȘtre davantage! Au reste, que m'importe d'oĂč je viens? Moi, si cela avait pu dĂ©pendre de ma volontĂ©, j'aurais voulu ĂȘtre plutĂŽt le fils de la femelle du requin, dont la faim est amie des tempĂȘtes, et du tigre, Ă  la cruautĂ© reconnue: je ne serais pas si mĂ©chant. Vous, qui me regardez, Ă©loignez-vous de moi, car mon haleine exhale un souffle empoisonnĂ©. Nul n'a encore vu les rides vertes de mon front; ni les os en saillie de ma figure maigre, pareils aux arĂȘtes de quelque grand poisson, ou aux rochers couvrant les rivages de la mer, ou aux abruptes montagnes alpestres, que je parcourus souvent, quand j'avais sur ma tĂȘte des cheveux d'une autre couleur. Et, quand je rĂŽde autour des habitations des hommes, pendant les nuits orageuses, les yeux ardents, les cheveux flagellĂ©s par le vent des tempĂȘtes, isolĂ© comme une pierre au milieu du chemin, je couvre ma face flĂ©trie, avec un morceau de velours, noir comme la suie qui remplit l'intĂ©rieur des cheminĂ©es : il ne faut pas que les yeux soient tĂ©moins de la laideur que l'Etre suprĂȘme, avec un sourire de haine puissante, a mise sur moi.
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Charlotte se trouvait seule ; aucun de ses frĂšres et sƓurs n’était autour d’elle ; elle s’abandonnait Ă  ses rĂ©flexions, qui passaient doucement sa situation en revue. Elle se voyait pour jamais unie Ă  un homme dont elle connaissait l’amour et la fidĂ©litĂ©, Ă  qui elle Ă©tait dĂ©vouĂ©e, dont le calme, la soliditĂ©, semblaient destinĂ©s par le ciel mĂȘme Ă  fonder, pour la vie, le bonheur d’une honnĂȘte femme ; elle sentait ce qu’il serait toujours pour elle et pour sa famille. D’un autre cĂŽtĂ©, Werther lui Ă©tait devenu bien cher ; dĂšs le premier moment oĂč ils avaient appris Ă  se connaĂźtre, la sympathie de leurs caractĂšres s’était rĂ©vĂ©lĂ©e de la maniĂšre la plus heureuse ; leur longue liaison, tant de situations diverses oĂč ils s’étaient trouvĂ©s, avaient fait sur le cƓur de Charlotte une impression ineffaçable. Tous les sentiments, toutes les pensĂ©es qui l’intĂ©ressaient, elle Ă©tait accoutumĂ©e Ă  les partager avec lui, et le dĂ©part de Werther menaçait de faire dans toute son existence un vide, qui ne pourrait plus ĂȘtre comblĂ©. Oh ! si elle avait pu dans ce moment le changer en un frĂšre ! qu’elle se serait trouvĂ©e heureuse !
 Si elle avait osĂ© le marier avec une de ses amies, elle aurait pu espĂ©rer de rĂ©tablir tout Ă  fait la bonne intelligence entre Albert et lui. Elle avait passĂ© en revue toutes ses amies, et trouvait Ă  chacune quelque dĂ©faut ; elle n’en voyait aucune Ă  qui elle eĂ»t donnĂ© Werther volontiers. En faisant toutes’ces rĂ©flexions, elle finit par sentir profondĂ©ment, sans se l’expliquer d’une maniĂšre bien claire, que le secret dĂ©sir, de son cƓur Ă©tait de le garder pour elle, et elle se disait en mĂȘme temps qu’elle ne pouvait, qu’elle ne devait pas le garder ; son Ăąme pure et belle, jusqu’alors si libre et si courageuse, sentit le poids d’une mĂ©lancolie Ă  laquelle est fermĂ©e la perspective du bonheur. Son cƓur Ă©tait oppressĂ©, et un sombre nuage couvrait ses yeux.
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Cherchez en vous-mĂȘmes. Explorez la raison qui vous commande d'Ă©crire; examinez si elle plonge ses racines au plus profond de votre cour; faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir s'il vous Ă©tait interdit d'Ă©crire. Ceci surtout : demandez-vous Ă  l'heure la plus silencieuse de votre nuit; me faut-il Ă©crire ? Creusez en vous-mĂȘmes Ă  la recherche d'une rĂ©ponse profonde. Et si celle-ci devait ĂȘtre affirmative, s'il vous Ă©tait donnĂ© d'aller Ă  la rencontre de cette grave question avec un fort et simple "il le faut", alors bĂątissez votre vie selon cette nĂ©cessitĂ©; votre vie, jusqu'en son heure la plus indiffĂ©rente et la plus infime, doit ĂȘtre le signe et le tĂ©moignage de cette impulsion. Puis vous vous approcherez de la nature. Puis vous essayerez, comme un premier homme, de dire ce que vous voyez et vivez, aimez et perdez. N'Ă©crivez pas de poĂšmes d'amour; Ă©vitez d'abord les formes qui sont trop courantes et trop habituelles : ce sont les plus difficiles, car il faut la force de la maturitĂ© pour donner, lĂ  oĂč de bonnes et parfois brillantes traditions se prĂ©sentent en foule, ce qui vous est propre. Laissez-donc les motifs communs pour ceux que vous offre votre propre quotidien; dĂ©crivez vos tristesses et vos dĂ©sirs, les pensĂ©es fugaces et la foi en quelque beautĂ©. DĂ©crivez tout cela avec une sincĂ©ritĂ© profonde, paisible et humble, et utilisez, pour vous exprimer, les choses qui vous entourent, les images de vos rĂȘves et les objets de votre souvenir. Si votre quotidien vous paraĂźt pauvre, ne l'accusez pas; accusez-vous vous-mĂȘme, dites-vous que vous n'ĂȘtes pas assez poĂšte pour appeler Ă  vous ses richesses; car pour celui qui crĂ©e il n'y a pas de pauvretĂ©, pas de lieu pauvre et indiffĂ©rent. Et fussiez-vous mĂȘme dans une prison dont les murs ne laisseraient parvenir Ă  vos sens aucune des rumeurs du monde, n'auriez-vous pas alors toujours votre enfance, cette dĂ©licieuse et royale richesse, ce trĂ©sor des souvenirs ? Tournez vers elle votre attention. Cherchez Ă  faire resurgir les sensations englouties de ce vaste passĂ©; votre personnalitĂ© s'affirmera, votre solitude s'Ă©tendra pour devenir une demeure de douce lumiĂšre, loin de laquelle passera le bruit des autres." (Lettres Ă  un jeune poĂšte)
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Rainer Maria Rilke (Letters to a Young Poet)
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Maldoror, Ă©coute-moi. Remarque ma figure, calme comme un miroir, et je crois avoir une intelligence Ă©gale Ă  la tienne. Un jour, tu m’appelas le soutien de ta vie. Depuis lors, je n’ai pas dĂ©menti la confiance que tu m’avais vouĂ©e. Je ne suis qu’un simple habitant des roseaux, c’est vrai ; mais, grĂące Ă  ton propre contact, ne prenant que ce qu’il y avait de beau en toi, ma raison s’est agrandie, et je puis te parler. Je suis venu vers toi, afin de te retirer de l’abĂźme. Ceux qui s’intitulent tes amis te regardent, frappĂ©s de consternation, chaque fois qu’ils te rencontrent, pĂąle et voĂ»tĂ©, dans les thĂ©Ăątres, dans les places publiques, ou pressant, de deux cuisses nerveuses, ce cheval qui ne galope que pendant la nuit, tandis qu’il porte son maĂźtre-fantĂŽme, enveloppĂ© dans un long manteau noir. Abandonne ces pensĂ©es, qui rendent ton cƓur vide comme un dĂ©sert ; elles sont plus brĂ»lantes que le feu. Ton esprit est tellement malade que tu ne t’en aperçois pas, et que tu crois ĂȘtre dans ton naturel, chaque fois qu’il sort de ta bouche des paroles insensĂ©es, quoique pleines d’une infernale grandeur. Malheureux ! qu’as-tu dit depuis le jour de ta naissance ? Ô triste reste d’une intelligence immortelle, que Dieu avait crĂ©Ă©e avec tant d’amour ! Tu n’as engendrĂ© que des malĂ©dictions, plus affreuses que la vue de panthĂšres affamĂ©es ! Moi, je prĂ©fĂ©rerais avoir les paupiĂšres collĂ©es, mon corps manquant des jambes et des bras, avoir assassinĂ© un homme, que ne pas ĂȘtre toi ! Parce que je te hais. Pourquoi avoir ce caractĂšre qui m’étonne ? De quel droit viens-tu sur cette terre, pour tourner en dĂ©rision ceux qui l’habitent, Ă©pave pourrie, ballottĂ©e par le scepticisme ? Si tu ne t’y plais pas, il faut retourner dans les sphĂšres d’oĂč tu viens. Un habitant des citĂ©s ne doit pas rĂ©sider dans les villages, pareil Ă  un Ă©tranger. Nous savons que, dans les espaces, il existe des sphĂšres plus spacieuses que la nĂŽtre, et donc les esprits ont une intelligence que nous ne pouvons mĂȘme pas concevoir. Eh bien, va-t’en !
 retire-toi de ce sol mobile !
 montre enfin ton essence divine, que tu as cachĂ©e jusqu’ici ; et, le plus tĂŽt possible, dirige ton vol ascendant vers la sphĂšre, que nous n’envions point, orgueilleux que tu es ! Car, je ne suis pas parvenu Ă  reconnaĂźtre si tu es un homme ou plus qu’un homme ! Adieu donc ; n’espĂšre plus retrouver le crapaud sur ton passage. Tu es la cause de ma mort. Moi, je pars pour l’éternitĂ©, afin d’implorer ton pardon !
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Comte de Lautréamont
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« Les Arabes auraient facilement pu ĂȘtre aveuglĂ©s par leurs premiĂšres conquĂȘtes et maltraiter leurs opposants ou les forcer Ă  embrasser l'islam, qu'ils souhaitaient rĂ©pandre Ă  travers le monde. Mais ils Ă©vitĂšrent cela. Les premiers califes, qui possĂ©daient un gĂ©nie politique que l'on retrouve rarement chez les adhĂ©rents aux nouvelles religions, avaient compris que la religion et les systĂšmes de pensĂ©e ne s'imposent pas par la force. Alors, ils traitĂšrent les peuples de Syrie, d'Égypte, d'Espagne et de tous les pays dont ils prirent le contrĂŽle avec beaucoup de considĂ©ration, comme on a pu le voir. Ils leur permirent de conserver intactes leurs lois, leurs rĂšgles et leurs croyances et ne leur imposĂšrent que la jizya, qui Ă©tait d'un montant dĂ©risoire lorsque comparĂ© Ă  ce qu'ils avaient du payer comme taxes, auparavant, en Ă©change de leur sĂ©curitĂ©. La vĂ©ritĂ© est que jamais les nations n'avaient connu de conquĂ©rants plus tolĂ©rants que les musulmans ni de religion plus tolĂ©rante que l'Islam. » - La civilisation des arabes, p.154, __________________________ Remarque : La Jizya n'Ă©tait imposĂ© qu'aux hommes adultes en bonne santĂ©. Pas aux femmes, aux enfants, aux handicapĂ©s, aux personnes ĂągĂ©es, aux pauvres et aux moines. *************************** Le Coran est entrĂ© dans peu de dĂ©veloppements sur le droit de propriĂ©tĂ©, mais tout ce qui le concerne a Ă©tĂ© bien rĂ©glĂ© par les commentateurs. Ce droit a toujours Ă©tĂ© trĂšs respectĂ© par les Arabes, mĂȘme Ă  l'Ă©gard des peuples vaincus. La terre, qui Ă©tait enlevĂ©e Ă  ces derniers par la conquĂȘte, leur Ă©tait rendue moyennant un tribut qui dĂ©passait rarement le cinquiĂšme de la rĂ©colte. L'occupation individuelle fondĂ©e sur le travail constituait pour les Arabes un droit Ă  la propriĂ©tĂ©. Dans leur opinion, dĂ©fricher c'est vivifier la terre morte, crĂ©er une valeur, et par consĂ©quent un droit Ă  la propriĂ©tĂ©. La prescription n'Ă©tant pas reconnue par la plupart des commentateurs, le droit de revendication est illimitĂ©. Le rite malĂ©kite admet cependant la prescription par dix ans entre Ă©trangers, quarante entre parents. L'Ă©tranger ne peut acquĂ©rir de terre ni possĂ©der d'esclaves sur le sol musulman,mais ce terme d'Ă©trangers s'adresse seulement aux infidĂšles, les musulmans, Ă  quelque nation qu'ils appartiennent, ne sont jamais des Ă©trangers les uns pour les autres. Un Chinois mahomĂ©tan, par le seul fait qu'il est mahomĂ©tan, a sur le sol de l'islam tous les droits que peut possĂ©der l'Arabe qui y est nĂ©. Le droit musulman diffĂšre Ă  ce point de vue d'une façon fondamentale du droit civil chez les peuples EuropĂ©ens." Gustave Le Bon - La civilisation des arabes, Livre IV, section 2 : "Institutions sociales des arabes
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Gustave Le Bon (ۭ۶ۧ۱۩ Ű§Ù„Űč۱ۚ)
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Le « mythe », comme l’« idole » n’a jamais Ă©tĂ© qu’un symbole incompris : l’un est dans l’ordre verbal ce que l’autre est dans l’ordre figuratif ; chez les Grecs, la poĂ©sie produisit le premier comme l’art produisit la seconde ; mais, chez les peuples Ă  qui, comme les Orientaux, le naturalisme et l’anthropomorphisme sont Ă©galement Ă©trangers, ni l’un ni l’autre ne pouvaient prendre naissance, et ils ne le purent en effet que dans l’imagination d’Occidentaux qui voulurent se faire les interprĂštes de ce qu’ils ne comprenaient point. L’interprĂ©tation naturaliste renverse proprement les rapports : un phĂ©nomĂšne naturel peut, aussi bien que n’importe quoi dans l’ordre sensible, ĂȘtre pris pour symboliser une idĂ©e ou un principe, et le symbole n’a de sens et de raison d’ĂȘtre qu’autant qu’il est d’un ordre infĂ©rieur Ă  ce qui est symbolisĂ©. De mĂȘme, c’est sans doute une tendance gĂ©nĂ©rale et naturelle Ă  l’homme que d’utiliser la forme humaine dans le symbolisme ; mais cela, qui ne prĂȘte pas en soi Ă  plus d’objections que l’emploi d’un schĂ©ma gĂ©omĂ©trique ou de tout autre mode de reprĂ©sentation, ne constitue nullement l’anthropomorphisme, tant que l’homme n’est point dupe de la figuration qu’il a adoptĂ©e. En Chine et dans l’Inde, il n’y eut jamais rien d’analogue Ă  ce qui se produisit en GrĂšce, et les symboles Ă  figure humaine, quoique d’un usage courant, n’y devinrent jamais des « idoles » ; et l’on peut encore noter Ă  ce propos combien le symbolisme s’oppose Ă  la conception occidentale de l’art : rien n’est moins symbolique que l’art grec, et rien ne l’est plus que les arts orientaux ; mais lĂ  oĂč l’art n’est en somme qu’un moyen d’expression et comme un vĂ©hicule de certaines conceptions intellectuelles, il ne saurait Ă©videmment ĂȘtre regardĂ© comme une fin en soi, ce qui ne peut arriver que chez les peuples Ă  sentimentalitĂ© prĂ©dominante. C’est Ă  ces mĂȘmes peuples seulement que l’anthropomorphisme est naturel, et il est Ă  remarquer que ce sont ceux chez lesquels, pour la mĂȘme raison, a pu se constituer le point de vue proprement religieux ; mais, d’ailleurs, la religion s’y est toujours efforcĂ©e de rĂ©agir contre la tendance anthropomorphique et de la combattre en principe, alors mĂȘme que sa conception plus ou moins faussĂ©e dans l’esprit populaire contribuait parfois au contraire Ă  la dĂ©velopper en fait. Les peuples dits sĂ©mitiques, comme les Juifs et les Arabes, sont voisins sous ce rapport des peuples occidentaux : il ne saurait, en effet, y avoir d’autre raison Ă  l’interdiction des symboles Ă  figure humaine, commune au JudaĂŻsme et Ă  l’Islamisme, mais avec cette restriction que, dans ce dernier, elle ne fut jamais appliquĂ©e rigoureusement chez les Persans, pour qui l’usage de tels symboles offrait moins de dangers, parce que, plus orientaux que les Arabes, et d’ailleurs d’une tout autre race, ils Ă©taient beaucoup moins portĂ©s Ă  l’anthropomorphisme.
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René Guénon (Introduction to the Study of the Hindu Doctrines)
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[...] Pourtant, s’il n’existe pas de moyen infaillible pour permettre au futur disciple d’identifier un MaĂźtre authentique par une procĂ©dure mentale uniquement, il existe nĂ©anmoins cette maxime Ă©sotĂ©rique universelle (127) que tout aspirant trouvera un guide authentique s’il le mĂ©rite. De mĂȘme que cette autre maxime qu’en rĂ©alitĂ©, et en dĂ©pit des apparences, ce n’est pas celui qui cherche qui choisit la voie, mais la voie qui le choisit. En d’autres termes, puisque le MaĂźtre incarne la voie, il a, mystĂ©rieusement et providentiellement, une fonction active Ă  l’égard de celui qui cherche, avant mĂȘme que l’initiation Ă©tablisse la relation maĂźtre-disciple. Ce qui permet de comprendre l’anecdote suivante, racontĂ©e par le Shaykh marocain al-’ArabĂź ad-DarqĂąwĂź (mort en 1823), l’un des plus grands MaĂźtres soufis de ces derniers siĂšcles. Au moment en question, il Ă©tait un jeune homme, mais qui reprĂ©sentait dĂ©jĂ  son propre Shaykh, ’AlĂź al-Jamal, Ă  qui il se plaignit un jour de devoir aller dans tel endroit oĂč il craignait de ne trouver aucune compagnie spirituelle. Son Shaykh lui coupa la parole : « Engendre celui qu’il te faut! » Et un peu plus tard, il lui rĂ©itĂ©ra le mĂȘme ordre, au pluriel : « Engendre-les! »(128) Nous avons vu que le premier pas dans la voie spirituelle est de « renaĂźtre »; et toutes ces considĂ©rations laissent entendre que nul ne « mĂ©rite » un MaĂźtre sans avoir Ă©prouvĂ© une certaine conscience d’« inexistence » ou de vide, avant-goĂ»t de la pauvretĂ© spirituelle (faqr) d’oĂč le faqĂźr tire son nom. La porte ouverte est une image de cet Ă©tat, et le Shaykh ad-DarqĂąwĂź dĂ©clare que l’un des moyens les plus puissants pour obtenir la solution Ă  un problĂšme spirituel est de tenir ouverte « la porte de la nĂ©cessitĂ© »(129) et de prendre garde qu’elle ne se referme. On peut ainsi en dĂ©duire que ce « mĂ©rite » se mesurera au degrĂ© d’acuitĂ© du sens de la nĂ©cessitĂ© chez celui qui cherche un MaĂźtre, ou au degrĂ© de vacuitĂ© de son Ăąme, qui doit ĂȘtre en effet suffisamment vide pour prĂ©cipiter l’avĂšnement de ce qui lui est nĂ©cessaire. Et soulignons pour terminer que cette « passivitĂ© » n’est pas incompatible avec l’attitude plus active prescrite par le Christ : « Cherchez et vous trouverez; frappez et l’on vous ouvrira », puisque la maniĂšre la plus efficace de « frapper » est de prier, et que supplier est la preuve d’un vide et l’aveu d’un dĂ©nuement, d’une « nĂ©cessitĂ© » justement. En un mot, le futur disciple a, aussi bien que le MaĂźtre, des qualifications Ă  actualiser. 127. Voir, dans le Treasury of Traditional Wisdom de Whitall Perry, Ă  la section rĂ©servĂ©e au MaĂźtre spirituel, pp. 288-95, les citations sur ce point particulier, de mĂȘme que sur d’autres en rapport avec cet appendice. 128. Lettres d'un MaĂźtre soufi, pp. 27-28. 129. Ibid., p. 20. - Le texte dit : « porte de la droiture », erreur de traduction corrigĂ©e par l’auteur, le terme arabe ayant bien le sens de « nĂ©cessitĂ© », et mĂȘme de « besoin urgent ». (NdT)
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Martin Lings (The Eleventh Hour: The spiritual crisis of the modern world in the light of tradition and prophecy)
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Il faut que je vous Ă©crive, mon aimable Charlotte, ici, dans la chambre d’une pauvre auberge de village, oĂč je me suis rĂ©fugiĂ© contre le mauvais temps. Dans ce triste gĂźte de D., oĂč je me traĂźne au milieu d’une foule Ă©trangĂšre, tout Ă  fait Ă©trangĂšre Ă  mes sentiments, je n’ai pas eu un moment, pas un seul, oĂč le cƓur in’ait dit de vous Ă©crire : et maintenant, dans cette cabane, dans cette solitude, dans cette prison, tandis que la neige et la grĂȘle se dĂ©chaĂźnent contre ma petite fenĂȘtre, ici, vous avez Ă©tĂ© ma premiĂšre pensĂ©e. DĂšs que je fus entrĂ©, votre image, ĂŽ Charlotte, votre pensĂ©e m’a saisi, si sainte, si vivante ! Bon Dieu, c’est le premier instant de bonheur que je retrouve. Si vous me voyiez, mon amie, dans ce torrent de dissipations ! Comme toute mon Ăąme se dessĂšche ! Pas un moment oĂč le cƓur soit plein ! pas une heure fortunĂ©e ! rien, rien ! Je suis lĂ  comme devant une chambre obscure : je vois de petits hommes et de petits chevaux tourner devant moi, et je me demande souvent si ce n’est pas une illusion d’optique. Je m’en amuse, ou plutĂŽt on s’amuse de moi comme d’une ma"rionnette ; je prends quelquefois mon voisin par sa main de bois, et je recule en frissonnant. Le soir, je fais le projet d’aller voir lever le soleil, et je reste au lit ; le jour, je me promets le plaisir du clair de lune, et je m’oublie dans ma chambre. Je ne sais trop pourquoi je me lĂšve, pourquoi je me coucha. Le levain qui faisait fermenter ma vie, je ne l’ai plus ; le charme qui me tenait Ă©veillĂ© dans les nuits profondes s’est Ă©vanoui ; l’enchantement qui, le matin, m’arrachait au sommeil a fui loin de moi. Je n’ai trouvĂ© ici qu’une femme, une seule, Mlle de B. Elle vous ressemble, ĂŽ Charlotte, si l’on peut vous ressembler. «.Eh quoi ? direz-vous, le voilĂ  qui fait de jolis compliments ! » Cela n’est pas tout Ă  fait imaginaire : depuis quelque temps je suis trĂšs-aimable, parce que je ne puis faire autre chose ; j’ai beaucoup d’esprit, at les dames disent que personne ne sait louer aussi finement
. «Ni mentir, ajouterez-vous, car l’un ne va pas sans l’autre, entendez-vous ?
 » Je voulais parler de Mlle B. Elle a beaucoup d’ñme, on le voit d’abord Ă  la flamme de ses yeux bleus. Son rang lui est Ă  charge ; il ne satisfait aucun des vƓux de son cƓur. Elle aspire Ă  sortir de ce tumulte, et nous rĂȘvons, des heures entiĂšres, au mijieu de scĂšnes champĂȘtres, un bonheur sans mĂ©lange ; hĂ©las ! nous rĂȘvons Ă  vous, Charlotte ! Que de fois n’est-elle pas obligĂ©e de vous rendre hommage !
 Non pas obligĂ©e : elle le fait de bon grĂ© ; elle entend volontiers parler de vous ; elle vous aime. Oh ! si j’étais assis Ă  vos pieds, dans la petite chambre, gracieuse et tranquille ! si nos chers petits jouaient ensemble autour de moi, et, quand leur bruit vous fatiguerait, si je pouvais les rassembler en cercle et les calmer avec une histoire effrayante ! Le soleil se couche avec magnificence sur la contrĂ©e Ă©blouissante de neige ; l’orage est passĂ© ; et moi
. il faut que je rentre dans ma cage
. Adieu. Albert est-il auprĂšs de vous ? Et comment ?
 Dieu veuille me pardonner cette question !
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Wilhelm, on deviendrait furieux de voir qu’il y ait des hommes incapables de goĂ»ter et de sentir le peu de biens qui ont encore quelque valeur sur la terre. Tu connais les noyers sous lesquels je me .suis assis avec Charlotte, Ă  St
, chez le bon pasteur, ces magnifiques noyers, qui, Dieu le sait, me remplissaient toujours d’une joie calme et profonde. Quelle paix, quelle fraĂźcheur ils rĂ©pandaient sur le presbytĂšre ! Que les rameaux Ă©taient majestueux ! Et le souvenir enfin des vĂ©nĂ©rables pasteurs qui les avaient plantĂ©s, tant d’annĂ©es auparavant !
 Le maĂźtre d’école nous a dit souvent le nom de l’un d’eux, qu’il avait appris de son grand-pĂšre. Ce fut sans doute un homme vertueux, et, sous ces arbres, sa mĂ©moire me fut toujours sacrĂ©e. Eh bien, le maĂźtre d’école avait hier les larmes aux yeux, comme nous parlions ensemble de ce qu’on les avait abattus. Abattus ! j’en suis furieux, je pourrais tuer le chien qui a portĂ© le premier coup de hache. Moi, qui serais capable de prendre le deuil, si, d’une couple d’arbres tels que ceux-lĂ , qui auraient existĂ© dans ma cour, l’un venait Ă  mourir de vieillesse, il faut que je voie une chose pareille !
 Cher Wilhelm, il y a cependant une compensation. Chose admirable que l’humanitĂ© ! Tout le village murmure, et j’espĂšre que la femme du pasteur s’apercevra au beurre, aux Ɠufs et autres marques d’amitiĂ©, de la blessure qu’elle a faite Ă  sa paroisse. Car c’est elle, la femme du nouveau pasteur (notre vieux est mort), une personne sĂšche, maladive, qui fait bien de ne prendre au monde aucun intĂ©rĂȘt, attendu que personne n’en prend Ă  elle. Une folle, qui se pique d’ĂȘtre savante ; qui se mĂȘle de l’étude du canon ; qui travaille Ă©normĂ©ment Ă  la nouvelle rĂ©formation morale et critique du christianisme ; Ă  qui les rĂȘveries de Lavater font lever les Ă©paules ; dont la santĂ© est tout Ă  fait dĂ©labrĂ©e, et qui ne goĂ»te, par consĂ©quent, aucune joie sur la terre de Dieu ! Une pareille crĂ©ature Ă©tait seule capable de faire abattre mes noyers. Vois-tu, je n’en reviens pas. Figure-toi que les feuilles tombĂ©es lui rendent la cour humide et malpropre ; les arbres interceptent le jour Ă  madame, et, quand les noix sont mĂ»res, les enfants y jettent des pierres, et cela lui donne sur les nerfs, la trouble dans ses profondes mĂ©ditations, lorsqu’elle pĂšse et met en parallĂšle Kennikot, Semler et MichaĂ«lis. Quand j’ai vu les gens du village, surtout les vieux, si mĂ©contents, je leur ai dit : « Pourquoi l’avez-vous souffert ?— A la campagne, m’ontils rĂ©pondu, quand le maire veut quelque chose, que peut-on /aire ? * Mais voici une bonne aventure. : le- pasteur espĂ©rait aussi tirer quelque avantage des caprices de sa femme, qui d’ordinaire ne rendent pas sa soupe plus grasse, et il croyait partager le produit avec le maire ; la chambre des domaines en fut avertie et dit : « A moi, s’il vous plaĂźt ! » car elle avait d’anciennes prĂ©tentions sur la partie du presbytĂšre oĂč les arbres Ă©taient plantĂ©s, et elle les a vendus aux enchĂšres. Ils sont Ă  bas ! Oh ! si j’étais prince, la femme du pasteur, le maire, la chambre des domaines, apprendraient
. Prince !
 Eh ! si j’étais prince, que m’importeraient les arbres de mon pays ?
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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II L'Association bretonne. Il est une institution qui distingue la Bretagne des autres provinces et oĂč se rĂ©flĂšte son gĂ©nie, l'Association bretonne. Dans ce pays couvert encore de landes et de terres incultes, et oĂč il reste tant de ruines des anciens Ăąges, des hommes intelligents ont compris que ces deux intĂ©rĂȘts ne devaient pas ĂȘtre sĂ©parĂ©s, les progrĂšs de l'agriculture et l'Ă©tude des monuments de l'histoire locale. Les comices agricoles ne s'occupent que des travaux d'agriculture, les sociĂ©tĂ©s savantes que de l'esprit; l'Association bretonne les a rĂ©unis: elle est Ă  la fois une association agricole et une association littĂ©raire. Aux expĂ©riences de l'agriculture, aux recherches archĂ©ologiques, elle donne de la suite et de l'unitĂ©; les efforts ne sont plus isolĂ©s, ils se font avec ensemble; l'Association bretonne continue, au XIXe siĂšcle, l'oeuvre des moines des premiers temps du christianisme dans la Gaule, qui dĂ©frichaient le sol et Ă©clairaient les Ăąmes. Un appel a Ă©tĂ© fait dans les cinq dĂ©partements de la Bretagne Ă  tous ceux qui avaient Ă  coeur les intĂ©rĂȘts de leur patrie, aux Ă©crivains et aux propriĂ©taires, aux gentilshommes et aux simples paysans, et les adhĂ©sions sont arrivĂ©es de toutes parts. L'Association a deux moyens d'action: un bulletin mensuel, et un congrĂšs annuel. Le bulletin rend compte des travaux des associĂ©s, des expĂ©riences, des essais, des dĂ©couvertes scientifiques; le congrĂšs ouvre des concours, tient des sĂ©ances publiques, distribue des prix et des rĂ©compenses. Afin de faciliter les rĂ©unions et d'en faire profiter tout le pays, le congrĂšs se tient alternativement dans chaque dĂ©partement; une annĂ©e Ă  Rennes, une autre Ă  Saint-Brieuc, une autre fois Ă  VitrĂ© ou Ă  Redon; en 1858, il s'est rĂ©uni Ă  Quimper. A chaque congrĂšs, des questions nouvelles sont agitĂ©es, discutĂ©es, Ă©claircies[1]: ces savants modestes qui consacrent leurs veilles Ă  des recherches longues et pĂ©nibles, sont assurĂ©s que leurs travaux ne seront pas ignorĂ©s; tant d'intelligences vives et distinguĂ©es, qui demeureraient oisives dans le calme des petites villes, voient devant elles un but Ă  leurs efforts; la publicitĂ© en est assurĂ©e, ils seront connus et apprĂ©ciĂ©s. D'un bout de la province Ă  l'autre, de Rennes Ă  Brest, de Nantes Ă  Saint-Malo, on se communique ses oeuvres et ses plans; tel antiquaire, Ă  Saint-Brieuc, s'occupe des mĂȘmes recherches qu'un autre Ă  Quimper: il est un jour dans l'annĂ©e oĂč ils se retrouvent, oĂč se resserrent les liens d'Ă©tudes et d'amitiĂ©. [Note 1: Voir l'Appendice.] Le congrĂšs est un centre moral et intellectuel, bien plus, un centre national: ces congrĂšs sont de vĂ©ritables assises bretonnes; ils remplacent les anciens États: on y voit rĂ©unis, comme aux États, les trois ordres, le clergĂ©, la noblesse et le tiers-Ă©tat, le tiers-Ă©tat plus nombreux qu'avant la RĂ©volution, et de plus, mĂȘlĂ©s aux nobles et aux bourgeois, les paysans. La Bretagne est une des provinces de France oĂč les propriĂ©taires vivent le plus sur leurs terres; beaucoup y passent l'annĂ©e tout entiĂšre. De lĂ  une communautĂ© d'habitudes, un Ă©change de services, des relations plus familiĂšres et plus intimes, qui n'ĂŽtent rien au respect d'une part, Ă  la dignitĂ© de l'autre. PropriĂ©taires et fermiers, rĂ©unis au congrĂšs, sont soumis aux mĂȘmes conditions et jugĂ©s par les mĂȘmes lois; souvent le propriĂ©taire concourt avec son fermier. Dans ces mĂȘlĂ©es animĂ©es, oĂč l'on se communique ses procĂ©dĂ©s, oĂč l'on s'aide de ses conseils, oĂč l'on distribue des prix et des encouragements, les riches propriĂ©taires et les nobles traitent les paysans sur le pied de l'Ă©galitĂ©; ici, la supĂ©rioritĂ© est au plus habile: c'est un paysan, GuĂ©venoux, qui, en 1857, eut les honneurs du congrĂšs de Redon. Voici quatorze ans que l'Association bretonne existe; l'ardeur a toujours Ă©tĂ© en croissant; les congrĂšs sont devenus des solennitĂ©s: on y vient de tous les points
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Anonymous
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La tradition biblique rapporte que la fĂ©licitĂ© du premier homme avant la chute avait pour condition l'absence du travail, l'oisivitĂ©. L'homme dĂ©chu a conservĂ© le gout de l'oisivitĂ©, mais la malĂ©diction pĂšse sur l'homme non pas seulement parce que nous devons gagner notre pain Ă  la sueur de notre front mais parce que, en vertu de notre nature, nous ne pouvons ĂȘtre Ă  la fois oisifs et en paix. Une voix mystĂ©rieuse nous dit qu'il est coupable d'ĂȘtre oisif. Si l'homme pouvait se trouver dans une situation oĂč tout en demeurant oisif il sentirait qu'il est utile et remplie son devoir, il retrouverait une des conditions de la fĂ©licitĂ© originelle.
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Leo Tolstoy (War and Peace)
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Ce n'est ni la femme ni l'homme qui doivent ĂȘtre idĂ©aux mais ce qu'ils veulent partager ensemble. Une grande histoire d'amour, c'est la rencontre de deux donneurs
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Marc Levy (Le premier jour)
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Aphex Twin acheva une chanson et commença la suivante : Zigomatic 17, dont les sonoritĂ©s court-circuitĂ©es esquissaient un Ă©lectroencĂ©phalogramme en forme de baobab phonique, et soudain je sus qui Ă©tait AliĂ©nor MalĂšze, et je prononçai ces paroles ailĂ©es, AliĂ©nor, tu es un baobab, c’est pour ça que tu ne bouges pas, les premiers hommes d’Afrique ont essayĂ© tous les arbres et chacun avait son utilitĂ© : tel brĂ»lait bien, tel faisait de bons arcs et de bons outils, tel gagnait Ă  ĂȘtre mĂąchouillĂ© pendant des heures, tel poussait si vite qu’on dĂ©guisait un paysage en un an, tel, si on le rĂąpait, parfumait la viande, tel lavait les cheveux, tel rendait sa virilitĂ© Ă  celui qui l’avait perdue Ă  la chasse, il n’y avait que le baobab qui dĂ©cidĂ©ment ne servait Ă  rien, ce n’était pas faute d’avoir expĂ©rimentĂ© son bois, que fait-on d’un arbre bon Ă  rien, que fait-on par ailleurs de ce qui n’est bon Ă  rien, arbre ou homme, on dĂ©crĂšte qu’il est sacrĂ©, voilĂ  son utilitĂ©, il sert Ă  ĂȘtre sacrĂ©, pas touche au baobab, il est sacrĂ©, on a besoin de sacrĂ©, tu sais c’est ce truc auquel on ne comprend rien mais qui aide on ne sait pas Ă  quoi, ça aide, si ton cƓur est oppressĂ©, va t’asseoir Ă  l’ombre du baobab, prends exemple sur lui, sois grand et inutile que celui qui ne sert Ă  rien, voilĂ , tu as compris, le grand est inutile, on a besoin de grandeur parce que c’est absolu, c’est une question de taille et non de structure, si le baobab rapetisse prodigieusement, il devient un brocoli, le brocoli peut ĂȘtre mangĂ©, le baobab est le brocoli cosmique dont parlait Salvador DalĂ­, AliĂ©nor, elle, c’est la version humaine du phĂ©nomĂšne, ses dimensions sont Ă  mi-chemin entre le baobab et le brocoli, c’est pour ça que ses Ă©crits fascinent.
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Amélie Nothomb (Le Voyage d'hiver)
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La traite nĂ©griĂšre n'a pas Ă©tĂ© une invention diabolique de l'Europe. C'est l'Islam qui, en contact trĂšs tĂŽt avec l'Afrique Noire par les pays entre Niger et Darfour et par ses places marchandes de l'Afrique orientale, a le premier pratiquĂ© en grand la traite nĂ©griĂšre, d'ailleurs pour les raisons mĂȘmes qui y amĂšneront plus tard l'Europe elle-mĂȘme: le manque d'hommes, pour des tĂąches multiples et trop lourdes, vu le moyens du bord. Mais le commerce des hommes a Ă©tĂ© un fait gĂ©nĂ©ral et de toutes les humanitĂ©s primitives. L'Islam, civilisation esclavagiste par excellence, n'a inventĂ©, lui non plus, ni l'esclavage ni le commerce des esclaves.
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Fernand Braudel (A History of Civilizations)
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A Schönbrunn, les fĂȘtes se suivent et se ressemblent, indiffĂ©rentes au temps qui passe, au monde qui change, aux moeurs qui Ă©voluent. ElĂ©gantes, poudrĂ©es, chamarrĂ©es, brillant des mille Ă©clats des diamants, des cristaux, de l’argenterie ; Ă©voluant aux pays glissĂ©s des valses, menuets et quadrilles ; bruissant de robes de soie, cliquetant de mĂ©dailles, bourdonnant d’intrigues de cour ; si charmantes, si convenables, si ennuyeuses 
 Pendant que l’on se pavane, selon un protocole immuable, dans les salons rococo et les jardins au cordeau, les premiĂšres locomotives Ă  vapeur ahanent sur les premiers kilomĂštres de rails, d’énormes machines de fonte et d’acier remplacent des contingents d’ouvriers dans les usines, l’éclairage au gaz arrive dans les thĂ©Ăątres et bientĂŽt dans les rues, on parvient Ă  produire et stocker de l’électricitĂ©, Niepce et Daguerre impressionnent les premiĂšres plaques photographiques 
 Des idĂ©es nouvelles issues de la RĂ©volution, sur la libertĂ©, l’égalitĂ©, les droits de l’homme, s’échafaudent en systĂšmes et s’enracinent dans les coeurs, un esprit de rĂ©volte fermente au centre des villes, au fond des campagnes, au sein des armĂ©es, partout le poids Ă©crasant de cette monarchie obsolĂšte devient insupportable
 Franz sait tout cela qui, du haut de ses onze printemps, regarde pavoiser ce beau monde. Boulimique de savoir et d’informations, François lui raconte raconte toutes ses visions dĂšs qu’ils ont l’occasion d’ĂȘtre seuls ; les sociĂ©tĂ©s qu’il lui dĂ©crit sont bien loin de l’atmosphĂšre empesĂ©e de Schönbrunn, les gens dont il lui parle sont bien plus vivants que ces momies figĂ©es dans leurs convenances. Aussi le petit duc pose-t’il sur cette fĂȘte - sa fĂȘte, pourtant - le regard blasĂ©, impatient et las de celui qui sait qu’il assiste Ă  la lente agonie d’un systĂšme sclĂ©rosĂ©, mais sans pouvoir y changer quoi que ce soit, ni avancer ni retarder l’échĂ©ance.
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Jean-Marc Ligny (La Dame Blanche)
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Pendant des millĂ©naires, l'homme a Ă©tĂ© le dĂ©tenteur du pouvoir ; il ne supporte pas l'idĂ©e que cela va finir avec lui, il veut le transmettre Ă  un autre ĂȘtre, semblable Ă  lui. Qui a le pouvoir jouit d'un grand prestige ; il prend la dimension d'un symbole, il a le droit et le devoir de se rĂ©aliser au maximum, on attend de lui qu'il devienne un individu, il est considĂ©rĂ© pour ce qu'il sera. On attend de la femme qu'elle soit un objet, et elle est considĂ©rĂ©e pour ce qu'elle donnera. Deux destins tout Ă  fait diffĂ©rents. Le premier implique la possibilitĂ© d'utiliser toutes les ressources personnelles, les ressources du milieu et celles d'autrui pour se rĂ©aliser, c'est le laissez-passer pour le futur, le bien-ĂȘtre par l'Ă©goĂŻsme. Le second destin prĂ©voit au contraire le renoncement aux aspirations personnelles et l'intĂ©riorisation de ses propres Ă©nergies pour laisser aux autres toutes les possibilitĂ©s. Le monde se maintient justement par la mise en rĂ©serve de toutes les Ă©nergies fĂ©minines, qui sont lĂ  comme un grand rĂ©servoir, Ă  la disposition de ceux qui emploient les leurs Ă  la poursuite de leurs ambitions de pouvoir.
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Elena Gianini Belotti (Dalla parte delle bambine)
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À l’époque primordiale, l’homme Ă©tait, en lui-mĂȘme, parfaitement Ă©quilibrĂ© quant au complĂ©mentarisme du yin et du yang ; d’autre part, il Ă©tait yin ou passif par rapport au Principe seul, et yang ou actif par rapport au Cosmos ou Ă  l’ensemble des choses manifestĂ©es ; il se tournait donc naturellement vers le Nord, qui est yin, comme vers son propre complĂ©mentaire. Au contraire, l’homme des Ă©poques ultĂ©rieures, par suite de la dĂ©gĂ©nĂ©rescence spirituelle qui correspond Ă  la marche descendante du cycle, est devenu yin par rapport au Cosmos ; il doit donc se tourner vers le Sud, qui est yang, pour en recevoir les influences du principe complĂ©mentaire de celui qui est devenu prĂ©dominant en lui, et pour rĂ©tablir, dans la mesure du possible, l’équilibre entre le yin et le yang. La premiĂšre de ces deux orientations peut ĂȘtre dite « polaire », tandis que la seconde est proprement « solaire » : dans le premier cas, l’homme, regardant l’Étoile polaire ou le « faĂźte du Ciel », a l’Est Ă  sa droite et l’Ouest Ă  sa gauche ; dans le second cas, regardant le Soleil au mĂ©ridien, il a au contraire l’Est Ă  sa gauche et l’Ouest Ă  sa droite ; et ceci donne l’explication d’une particularitĂ© qui, dans la tradition extrĂȘme-orientale, peut paraĂźtre assez Ă©trange Ă  ceux qui n’en connaissent pas la raison
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René Guénon (La Grande Triade)
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Dans son rapport inaugural, le Forum, Ă  propos de la mondialisation qu'il a symbolisĂ©e sous ses formes les plus conquĂ©rantes et sĂ»res d'elles-mĂȘmes, Ă©voque avec un sens exquis de l'euphĂ©misme "un risque de dĂ©sillusion". Mais dans les conversations, c'est autre chose. DĂ©sillusion ? Crise ? InĂ©galitĂ©s ? D'accord, si vous y tenez, mais enfin, comme nous le dit le trĂšs cordial et chaleureux PDG de la banque amĂ©ricaine Western Union, soyons clairs : si on ne paie pas les leaders comme ils le mĂ©ritent, ils s'en iront voir ailleurs. Et puis, capitalisme, ça veut dire quoi ? Si vous avez 100 dollars d'Ă©conomies et que vous les mettez Ă  la banque en espĂ©rant en avoir bientĂŽt 105, vous ĂȘtes un capitaliste, ni plus ni moins que moi. Et plus ces capitalistes comme vous et moi (il a rĂ©ellement dit "comme vous et moi", et mĂȘme si nous gagnons fort dĂ©cemment notre vie, mĂȘme si nous ne connaissons pas le salaire exact du PDG de la Western Union, pour ne rien dire de ses stock-options, ce "comme vous et moi" mĂ©rite Ă  notre sens le pompon de la "brĂšve de comptoir" version Davos), plus ces capitalistes comme vous et moi, donc, gagneront d'argent, plus ils en auront Ă  donner, pardon Ă  redistribuer, aux pauvres. L'idĂ©e ne semble pas effleurer cet homme enthousiaste, et Ă  sa façon, gĂ©nĂ©reux, que ce ne serait pas plus mal si les pauvres Ă©taient en mesure d'en gagner eux-mĂȘms et ne dĂ©pendaient pas des bonnes dispositions des riches. Faire le maximum d'argent, et ensuite le maximum de bien, ou pour les plus sophistiquĂ©s faire le maximum de bien en faisant le maximum d'argent, c'est le mantra du Forum, oĂč on n'est pas grand-chose si on n'a pas sa fondation caritative, et c'est mieux que rien, sans doute "(vous voudriez quoi ? Le communisme ?"). Ce qui est moins bien que rien, en revanche, beaucoup moins bien, c'est l'effarante langue de bois dans laquelle ce mantra se dĂ©cline. Ces mots dont tout le monde se gargarise : prĂ©occupation sociĂ©tale, dimension humaine, conscience globale, changement de paradigme
 De mĂȘme que l'imagerie marxiste se reprĂ©sentait autrefois les capitalistes ventrus, en chapeau haut de forme et suçant avec voluptĂ© le sang du prolĂ©tariat, on a tendance Ă  se reprĂ©senter les super-riches et super-puissants rĂ©unis Ă  Davos comme des cyniques, Ă  l'image de ces traders de Chicago qui, en rĂ©ponse Ă  Occupy Wall Street, ont dĂ©ployĂ© au dernier Ă©tage de leur tour une banderole proclamant : "Nous sommes les 1%". Mais ces petits cyniques-lĂ  Ă©taient des naĂŻfs, alors que les grands fauves qu'on cĂŽtoie Ă  Davos ne semblent, eux, pas cyniques du tout. Ils semblent sincĂšrement convaincus des bienfaits qu'ils apportent au monde, sincĂšrement convaincus que leur ingĂ©nierie financiĂšre et philanthropique (Ă  les entendre, c'est pareil) est la seule façon de nĂ©gocier en douceur le fameux changement de paradigme qui est l'autre nom de l'entrĂ©e dans l'Ăąge d'or. Ça nous a Ă©tonnĂ©s dĂšs le premier jour, le parfum de new age qui baigne ce jamboree de mĂąles dominants en costumes gris. Au second, il devient entĂȘtant, et au troisiĂšme on n'en peut plus, on suffoque dans ce nuage de discours et de slogans tout droit sortis de manuels de dĂ©veloppement personnel et de positive thinking. Alors, bien sĂ»r, on n'avait pas besoin de venir jusqu'ici pour se douter que l'optimisme est d'une pratique plus aisĂ©e aux heureux du monde qu'Ă  ses gueux, mais son inflation, sa dĂ©connexion de toute expĂ©rience ordinaire sont ici tels que l'observateur le plus modĂ©rĂ© se retrouve Ă  osciller entre, sur le versant idĂ©aliste, une indignation rĂ©volutionnaire, et, sur le versant misanthrope, le sarcasme le plus noir. (p. 439-441)
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Emmanuel CarrĂšre (Il est avantageux d'avoir oĂč aller)
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Quelle en est la cause ? La voici : dans les temps modernes et dans l'antiquitĂ©, il n'y avait plus de rois depuis longtemps; la maison des Tcheou (Zhou n.n.) s'Ă©tait affaiblie; quand les cinq hĂ©gĂ©mons eurent cessĂ© d'ĂȘtre, ses ordres n'eurent plus d'autoritĂ© dans l'empire; c'est pourquoi les seigneurs gouvernĂšrent par la violence ; les forts tyrannisĂšrent les faibles; la majoritĂ© opprima la minoritĂ©; les armes et les cuirasses ne furent point dĂ©posĂ©es; les hommes de valeur et le peuple furent Ă©puisĂ©s. Or, quand Ts'in (Qin n.n.) se tourna du cĂŽtĂ© du sud et rĂ©gna sur l'empire, il y eut dĂšs lors en haut un Fils du Ciel ; aussitĂŽt la multitude innombrable du peuple espĂ©ra obtenir la paix conforme Ă  sa nature et Ă  sa destinĂ©e ; il n’y eut per- sonne qui ne se portĂąt vers lui de tout son cƓur et qui ne regardĂąt en haut avec respect. Dans ces circonstances, c’était lĂ  que se trouvait le principe du prestige protecteur, de la gloire assurĂ©e, du pĂ©ril conjurĂ©. Le roi de Ts’in (Qin n.n.) nourrissait des sentiments avides et bas; il appliquait les connaissances qui sortaient de son propre esprit; il ne donnait pas sa confiance aux ministres Ă©prouvĂ©s et ne contractait pas des liens Ă©troits avec les gens de valeur et le peuple ; il abandonna la ligne de conduite suivie par les rois et Ă©tablit son pou- voir autocratique; il interdit les Ă©crits et les livres et rendit impitoyables les chĂątiments et les lois ; il mit au premier rang la tromperie et la violence, et au dernier rang la bontĂ© et la justice; il fit de la tyrannie le fonde- ment de l'empire. Or, si celui qui conquiert et annexe met en avant la tromperie et la violence, d’autre part, celui qui pacifie et affermit tient en estime la douceur et l’équitĂ© ; cela signifie que les mĂ©thodes ne sont pas les mĂȘmes pour prendre et pour conserver.
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Sima Qian (MĂ©moires historiques - DeuxiĂšme Section (French Edition))
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C’était Ă  lui de faire le premier geste. Ce n’était ni un test ni un jeu, mais April ne pouvait pas restĂ©e mariĂ©e avec lui sans un minimum de dĂ©sir, de passion et d’efforts de sa part. Si c’était elle qui proposait de le retrouver, elle ne saurait jamais s’il avait acceptĂ© par pitiĂ© ou par mauvaise conscience. Il fallait que Troy lui montre ce qu’elle reprĂ©sentait pour lui. En toute honnĂȘtetĂ©, elle n’aurait su dire si le Troy d’autrefois serait venu la voir en France ou s’il aurait attendu son retour Ă  New York pour la retrouver. Depuis quelques mois, elle avait tendance Ă  confondre l’homme dont elle Ă©tait tombĂ©e amoureuse avec l’homme qu’elle aurait voulu qu’il soit.
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Michelle Gable (L'appartement oublié)
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Quand le premier numĂ©ro de La Voz de la Mujer a paru, il fallait s'y attendre, il fut accueilli comme le cheval de Troie ! " Il ne fut exagĂ©rer quand mĂȘme ! " " C'est n'importe quoi ! " " la nĂŽtre d'abord ! Et une fois que, nous, les hommes, serons libres et Ă©mancipĂ©s, on y rĂ©flĂ©chira.
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La Voz de la Mujer (Ni Dieu ni patron ni mari)
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Zelfs in de beklaagdenbank is het altijd interessant om over jezelf te horen praten.
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Albert Camus (L'Ă©tranger / La peste / La chute / Le premier homme)
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йД, Ń‰ĐŸ Đșарає ĐŸĐŽĐœĐžŃ…, ĐČтішає Ń–ĐœŃˆĐžŃ…
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ĐĐ»ŃŒĐ±Đ”Ń€ ĐšĐ°ĐŒŃŽ (Le premier homme)
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Tenir dans mes mains le seul livre de ma mĂšre m'a ramenĂ© Ă  notre premier traumatisme. Quelque chose s'Ă©tait alors brisĂ© entre nous deux. Je devais avoir quatre ans, elle Ă©tait sortie faire ne course en me laissant avec Sita, ma nourrice haĂŻtienne. Lorsqu'elle est revenue, je savais qu'un homme malfaisant avait pris les traits de ma mĂšre, pour me faire du mal. À partir de ce jour-lĂ , je me suis mĂ©fiĂ© d'elle. On l'avait remplacĂ©e.
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Alain Farah (Pourquoi Bologne)
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Until then, he had only known the riches and the joys of poverty. But now, heat and boredom and fatigue were showing him their curse, the curse of work so stupid you could weep and so interminably monotonous that it made the days too long and, at the same time, life too short.
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Camus Albert (Le premier homme)
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contemporaine. Aristote plaide dĂ©jĂ  pour un rĂ©gime rĂ©publicain oĂč l'autoritĂ© s'exerce par la loi et non par la force. AthĂšnes, modĂšle premier de la dĂ©mocratie, conjure le recours Ă  la violence. Et Confucius, dans la Chine ancienne, plaide pour la loi liant harmonieusement et pacifiquement l'homme Ă  la nature. C'est Ă  partir de la Renaissance qu'en Occident analyses et Ă©nergies convergent pour juguler le
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Jean-Marie Pelt (La loi de la jungle : L'agressivité chez les plantes, les animaux, les humains (Documents) (French Edition))
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J'etais arrete a regarder, dans une exposition d'oeuvres de Rodin, une enorme main de bronze, la ,,Main de Dieu''.La paume en etait a moitie fermee et dans cette paume, extatiques, enlaces, luttaient et se melaient un homme et une femme. Une jeune fille s'approcha et s'arreta a cote de moi.Troublee elle aussi, elle regardait l'inquietant et eternel enlacement de l'homme et de la femme.Elle etait mince, bien habillee, avec d'epais cheveux blonds, un menton fort, des levres etroites.Elle avait quelque chose de decide et de viril.Et moi qui deteste engager des conversations faciles, je ne sais ce qui me poussa.Je me retournai: -A quoi pensez-vous? -Si on pouvait s'echapper! murmura-t-elle avec depit. -Pour aller ou?La main de Dieu est partout.Pas de salut.Vous le regrettez? -Non.Il se peut que l'amour soit la joie la plus intense sur cette terre.C'est possible.Mais maintenant que je vois cette main de bronze, je voudrais m'echapper. -Vous preferez la liberte? -Oui. -Mais si ce n'est que lorsqu'on obeit a la main de bronze qu'on est libres?Si le mot "Dieu" n'avait pas le sens commode que lui donne la masse? Elle me regarda,inquiete.Ses yeux etaient d'un gris metallique, ses levres seches et ameres. -Je ne comprends pas, dit-elle, et elle s'eloigna, comme effrayee. Elle disparut.[...]Oui , je m'etais mal conduit, Zorba avait raison.C'etait un bon pretexte que cette main de bronze, la premiere prise de contact etait reussie, les premieres douces paroles amorcees, et nous aurions pu, sans en prendre conscience ni l'un ni l'autre, noue etreindre et nous unir en toute tranquillite dans la paume de Dieu.Mais moi je m'etais elance brusquement de la terre vers le ciel et la femme effarouchee s'etait enfuie.
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Nikos Kazantzakis
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Que signifie qu’il n’y pas une continuation de l’Ɠuvre de RenĂ© GuĂ©non par consensus ? Je ne sais ce que font les Maçons guĂ©noniens, mais je sais que le groupe soufique de VĂąlsan correspond pleinement Ă  tout ce que dĂ©sirait GuĂ©non ; quant Ă  moi l’Ɠuvre de GuĂ©non en tant qu’ensemble indivisible ne me concerne pas puisque je n’en accepte pas tous les axiomes, et on ne peut en bonne logique me reprocher de ne pas avoir rĂ©alisĂ© un programme que je n’ai jamais eu l’intention de rĂ©aliser. » « On peut ironiser sur des « excommunications rĂ©ciproques » quand il s’agit d’une secte intrinsĂšquement hĂ©tĂ©rodoxe, donc d’une caricature, – de mormons, de bĂ©haĂŻstes, d’anthroposophes – mais non quand il s’agit d’un milieu normal et honorable se rĂ©fĂ©rant Ă  des vĂ©ritĂ©s spirituelles ; dans ce dernier cas, mĂȘme les anathĂšmes peuvent ĂȘtre honorables, et il y eut dans tous les climats, dans les premiers siĂšcles du Christianisme aussi bien qu’aux dĂ©buts de l’Islam, et jusque dans les ordres monastiques et les confrĂ©ries. « Les divergences des sages sont une bĂ©nĂ©diction » disait le ProphĂšte. Les guĂ©noniens, dans leur ensemble sont des hommes respectables, et il faut respecter mĂȘme leur divergences, lesquelles ne peuvent prĂȘter au ridicule, ou plutĂŽt au mĂ©pris, que dans les cas oĂč un individu se mĂȘle sottement ou effrontĂ©ment des choses qui le dĂ©passent ; or je revendique la plus rigoureuse honorabilitĂ© non seulement pour moi-mĂȘme, mais aussi pour mon ancien adversaire VĂąlsan, dont j’ai toujours respectĂ© la position – ce fut celle de GuĂ©non – et avec lequel j’ai eu de bons rapports jusqu’à sa mort, malgrĂ© nos divergences. Mais il va sans dire que je ne saurais revendiquer cette honorabilitĂ© pour des personnes, guĂ©noniennes ou non, qui n’ont ni vertu ni bonne foi. » « VĂąlsan me disait une fois qu’il y a peu d’hommes intelligents parmi les guĂ©noniens, quelqu’en puisse ĂȘtre la raison ; il parlait Ă©videmment, non d’un groupe, mais de tous les guĂ©noniens ; et il avait une certaine expĂ©rience de leur moyenne, comme je l’ai moi-mĂȘme. Une des raisons de cet Ă©tat de choses est la suivante : l’ésotĂ©risme attire, non seulement les hommes d’élite mais aussi les mĂ©diocres souffrant de sentiments d’infĂ©rioritĂ© qu’ils cherchent Ă  compenser par quelque sublimation ; et il y a ausi des psychopathes Ă  la recherche soit d’un espace de rĂȘve, soit d’un abri donnant un sentiment de sĂ©curitĂ©. On ne peut pas empĂȘcher que de tels hommes existent, mais ce n’est pas une raison pour ĂȘtre dupe de leur « orthodoxie », ni surtout de leur mythomanie. » « J’ajouterai que VĂąlsan fut la personnification du guĂ©nonisme intĂ©gral et inflexible, qu’il fut – lui seul – le « dauphin » de GuĂ©non ; qu’il fut un homme fort intelligent et profondĂ©ment spirituel, en sorte qu’il me fut possible d’avoir avec lui les meilleurs rapports, malgrĂ© nos divergences. C’est d’ailleurs sa paix avec moi, et son dĂ©sir de m’avoir comme collaborateur Ă  la revue, qui est le principal chef d’accusation de la part des sectaires de Turin ; » [Frithjof Schuon – Lettre Ă  Jean-Pierre Laurant (Pully avril 1976)]
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Frithjof Schuon
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Il faudrait pouvoir restituer au mot « philosophie » sa signification originelle : la philosophie — l'« amour de la sagesse » — est la science de tous les principes fondamentaux ; cette science opĂšre avec l'intuition, qui « perçoit », et non avec la seule raison, qui « conclut ». Subjectivement parlant, l'essence de la philosophie est la certitude ; pour les modernes au contraire, l'essence de la philosophie est le doute : le philosophe est censĂ© raisonner sans aucune prĂ©misse (voraussetzungsloses Denken), comme si cette condition n'Ă©tait pas elle-mĂȘme une idĂ©e prĂ©conçue ; c'est la contradiction classique de tout relativisme. On doute de tout, sauf du doute(1). La solution du problĂšme de la connaissance — si problĂšme il y a — ne saurait ĂȘtre ce suicide intellectuel qu'est la promotion du doute ; c'est au contraire le recours Ă  une source de certitude qui transcende le mĂ©canisme mental, et cette source — la seule qui soit — est le pur Intellect, ou l'Intelligence en soi. Le soi-disant « siĂšcle des lumiĂšres » n'en soupçonnait pas l'existence ; tout ce que l'Intellect pouvait offrir — de Pythagore jusqu'aux scolastiques — n'Ă©tait pour les encyclopĂ©distes que dogmatisme naĂŻf, voire « obscurantisme ». Fort paradoxalement, le culte de la raison a fini dans cet infra-rationalisme — ou dans cet « Ă©sotĂ©risme de la sottise » — qu'est l'existentialisme sous toutes ses formes ; c'est remplacer illusoirement l'intelligence par de l'« existence ». D'aucuns ont cru pouvoir remplacer la prĂ©misse de la pensĂ©e par cet Ă©lĂ©ment arbitraire, empirique et tout subjectif qu'est la « personnalitĂ© » du penseur, ce qui est la destruction mĂȘme de la notion de vĂ©ritĂ© ; autant renoncer Ă  toute philosophie. Plus la pensĂ©e veut ĂȘtre « concrĂšte », et plus elle est perverse ; cela a commencĂ© avec l'empirisme, premier pas vers le dĂ©mantĂšlement de l'esprit ; on cherche l'originalitĂ©, et pĂ©risse la vĂ©ritĂ©(2). (...) ! Somme toute, la philosophie moderne est la codification d'une infirmitĂ© acquise ; l'atrophie intellectuelle de l'homme marquĂ© par la « chute » avait pour consĂ©quence une hypertrophie de l'intelligence pratique, d'oĂč en fin de compte l'explosion des sciences physiques et l'apparition de pseudo-sciences telles que la psychologie et la sociologie.
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Frithjof Schuon (The Transfiguration of Man)
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IsraĂ«l est l’essence de la spiritualitĂ© proprement judaĂŻque et le patriarche Ă©ponyme du peuple juif. Étymologiquement, ce Nom est liĂ© Ă  une idĂ©e de puissance et de victoire, car il signifie : â‰Ș que Dieu rĂšgne ! Qu’Il se montre fort ! ≫. Et c’est ce Nom sacrĂ© qui va ĂȘtre porte par un Etat moderne, subversif dans sa constitution mĂȘme puisqu’il prĂ©tend mettre fin par des moyens profanes a une sanction divine ! Il faut toute l’indiffĂ©rence et l’inconscience du monde occidentale pour ne pas rĂ©aliser l’énormitĂ© d’une telle usurpation. Imagine-t-on une â‰Ș RĂ©publique d’Allah ≫, un â‰Ș Royaume du Christ-Roi ≫ ou â‰Ș du Voyage Nocturne ≫ s’installant en Palestine ? En l’occurrence, l’acte profanateur est d’autant plus dangereux qu’il comporte une astuce tactique. La prĂ©occupation majeure d’un Etat illĂ©gitime, pour ne pas dire sa hantise, est naturellement d’ĂȘtre reconnu. Or, dans le cas prĂ©sent cette reconnaissance ne porte pas seulement sur l’existence de cet Etat, mais aussi sur le droit Ă  porter le nom qu’il s’est attribuĂ©. ReconnaĂźtre l’ â‰Ș Etat d’IsraĂ«l ≫ implique que l’on valide la profanation dont il s’est rendu coupable, que l’on devienne son complice, et surtout qu’on le dĂ©clare, Ă  tort, favorisĂ© par une bĂ©nĂ©diction divine et investi de la charge d’instaurer le rĂšgne de Dieu et d’assurer Sa puissance. Combattre un tel Etat, c’est le renforcer ; le reconnaĂźtre, c’est le renforcer davantage : tel est le dilemme infernal. Pour tout esprit traditionnel, la seule attitude lĂ©gitime, fondĂ©e Ă  la fois sur la vĂ©ritĂ© et le droit, est de refuser cette reconnaissance, quel que soit le prix Ă  payer pour ce dĂ©ni. Le premier devoir d’un juif orthodoxe, d’un chrĂ©tien ou d’un musulman est de ne pas reconnaĂźtre l’Etat juif. Ceci dit, il va de soi que la duplicitĂ© et la faiblesse des hommes n’ont pas le pouvoir de modifier le Droit divin ou de le rendre caduc. En vertu de sa mission propre et grĂące Ă  sa position cyclique, l’islam est mieux Ă  mĂȘme que toute autre religion de veiller au respect de ce Droit et au maintien de l’orthodoxie traditionnelle. On peut tenir pour assurĂ© qu’il n’acceptera jamais le fais accompli.
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Charles-André Gilis
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Marie est la « servante du Seigneur », la servante par excellence, ce qui indique une similitude annonciatrice de la fonction du ProphĂšte de l’islĂąm. Ce caractĂšre servitorial est liĂ© au symbolisme du voile. Selon Michel VĂąlsan : « La RĂ©alitĂ© muhammadienne constitue le mystĂšre du Verbe suprĂȘme et universel, car elle est en mĂȘme temps la ThĂ©ophanie intĂ©grale (de l’Essence, des Attributs et des Actes) et son occultation sous le voile de la Servitude absolue et totale ». C’est parce qu’elle est la servante parfaite que Marie est toujours voilĂ©e, aussi bien dans ses apparitions que dans les reprĂ©sentations de l’Art sacrĂ©, notamment celui des icĂŽnes. Comme elle est, par ailleurs, le modĂšle de toutes les vertus, l’Eglise aurait Ă©tĂ© bien inspirĂ©e de reconnaĂźtre que l’attachement islamique au port du voile pouvait constituer un exemple pour les femmes catholiques. Les querelles et les rĂ©sistances modernes sur ce point sont rĂ©vĂ©latrices d’un Ă©tat d’esprit antitraditionnel. Ibn ArabĂź enseigne que le statut subordonnĂ© de la femme exprime, non pas un abaissement, mais au contraire sa supĂ©rioritĂ© spirituelle sur l’homme qui, crĂ©Ă© directement Ă  l’image de Dieu, a tendance Ă  oublier sa servitude et Ă  se poser en rival de son CrĂ©ateur . Toute forme traditionnelle est fondĂ©e sur une alliance impliquant une soumission Ă  la volontĂ© divine ; c’est ce qu’indique parfaitement le terme « islam » qui apparaĂźt, par lĂ  mĂȘme, comme une dĂ©signation de la Tradition universelle. Au lieu de reconnaĂźtre cette signification traditionnelle du voile de Marie, l’Église, sur cette question comme sur beaucoup d’autres, donne l’impression de suivre l’air du temps et, sans doute pour mieux se dĂ©marquer de l’islĂąm, d’encourager les femmes catholiques, en particulier les souveraines, Ă  se montrer tĂȘte nue ailleurs qu’au Vatican. L’enseignement de saint Paul est cependant fort clair, et semblable Ă  celui de l’islam : « Femmes, soyez soumises Ă  vos maris, comme il se doit dans le Seigneur » (Col, 3, 18) ; « Je ne permets pas Ă  la femme d’enseigner ni de faire la loi Ă  l’homme. Qu’elle se tienne tranquille. C’est Adam en effet qui fut formĂ© le premier, Eve ensuite. Et ce n’est pas Adam qui se laissa sĂ©duire » (I Tim, 2, 12-13).
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Charles-AndrĂ© Gilis (La papautĂ© contre l'Islam - GenĂšse d’une dĂ©rive)
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La guillotine avait quittĂ© la Pointe-Ă -Pitre, elle hantait maintenant les deux ailes de l'Ăźle, escaladait les mornes les plus raides, les plus abandonnĂ©s, Ă  la recherche de citoyens qui ne comprenaient pas leurs nouveaux devoirs. N'ombre d'entre eux, fuyant la libertĂ©, l'Ă©galitĂ© et la fraternitĂ©, gagnaient l'obscuritĂ© profonde des bois, s'y reposaient de leurs nouveaux tourments. Des dĂ©tachements spĂ©ciaux Ă©taient sur leurs traces jour et nuit. On ne disposait plus de chiens Ă  nĂšgres, les grands dogues mouchetĂ©s d'antan, ceux-ci ayant Ă©tĂ© exterminĂ©s dĂšs les premiers jours de l'Abolition ; mais les nĂšgres rĂ©publicains y supplĂ©aient eux-mĂȘmes, trĂšs efficacement, grĂące Ă  leur expĂ©rience, Ă  leurs affinitĂ©s secrĂȘtes avec les hommes des bois, et Ă  toutes les possibilitĂ©s que leur donnait le partage en commun d'une peau noire. Peu Ă  peu disparurent toutes les bandes organisĂ©es, puis les groupes, les unitĂ©s de deux ou trois. Seul demeura le campement des marrons de la Goyave, bastion ultime des nĂšgres d'eau salĂ©e de Guadeloupe.
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André Schwarz-Bart (LaMulatresse Solitude)
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Toutefois, cette participation du peuple, c'est-Ă -dire d'hommes reprĂ©sentant la moyenne de la collectivitĂ©, Ă  la spiritualitĂ© de l'Ă©lite ne s'explique pas uniquement par des raisons d'opportunitĂ©, mais aussi, et surtout, par la loi de polaritĂ© ou de compensation suivant laquelle « les extrĂȘmes se touchent. », et c'est pour cela que « la voix du peuple est la Voix de Dieu » (Vox populi, Vox Dei) ; nous voulons dire que le peuple est, en tant que porteur passif et inconscient des symboles, comme la pĂ©riphĂ©rie ou le reflet passif ou fĂ©minin de l'Ă©lite qui, elle, possĂšde et transmet les symboles en mode actif et conscient. C'est lĂ  ce qui explique aussi l'affinitĂ© curieuse et apparemment paradoxale qui existe entre le peuple et l'Ă©lite ; par exemple, le TaoĂŻsme est Ă©sotĂ©rique et populaire Ă  la fois, tandis que le Confucianisme est exotĂ©rique et plus ou moins aristocratique et lettrĂ© ; ou bien, pour prendre un autre exemple, les confrĂ©ries soufiques ont toujours eu, Ă  cotĂ© de leur aspect d'Ă©lite, un aspect populaire en quelque sorte corrĂ©latif ; cela parce que le peuple n'a pas seulement un aspect pĂ©riphĂ©rique, mais aussi un aspect de totalitĂ©, et celle-ci correspond analogiquement au centre. On peut dire que les fonctions intellectuelles du peuple sont l'artisanat et le folklore, le premier reprĂ©sentant la mĂ©thode ou la rĂ©alisation et le second la doctrine ; le peuple reflĂšte ainsi passivement et collectivement la fonction essentielle de l'Ă©lite, Ă  savoir la transmission de l'aspect proprement intellectuel de la tradition, aspect dont le vĂȘtement sera le symbolisme sous toutes ses formes.
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Frithjof Schuon
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Il y a une logique dans la succession de ces plaies. Le Nil devient rouge comme le sang. Sans doute une crue inhabituelle du Nil a drainĂ© des argiles rouges polluant l’eau au point d’y tuer les poissons. AprĂšs ce phĂ©nomĂšne, il y a une invasion de grenouilles. Ces gentils batraciens fuyaient sans doute le Nil polluĂ©. Puis, autre plaie, les mouches et les moustiques pullulent. Les cadavres de poissons et autres animaux empoisonnĂ©s au bord du Nil y sont sans doute pour quelque chose. AprĂšs quoi, c’est le bĂ©tail qui est malade et les hommes qui attrapent des furoncles. Responsables, les insectes piquants. Parce qu’un malheur n’arrive jamais seul, aprĂšs six plaies, la septiĂšme : la grĂȘle. LĂ , c’est la mĂ©tĂ©o qui se dĂ©chaĂźne. Cette grĂȘle hache les cultures, et ce qu’il en reste est ensuite attaquĂ© par l’invasion de sauterelles comme ces pays en connaissent parfois. Est-ce un vent venant d’Éthiopie qui amena les sauterelles avant d’amener des poussiĂšres telles que, durant trois jours, on n’y voyait plus rien ? Enfin, derniĂšre et terrifiante plaie : la mort des premiers-nĂ©s mĂąles de chaque famille Ă©gyptienne ! Un Ă©cho affreux Ă  tous ces garçons hĂ©breux jetĂ©s dans le Nil.
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Eric Denimal (La Bible pour les Nuls (French Edition))
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C’est une erreur commune — et caractĂ©ristique pour la mentalitĂ© «positive» ou «existentialiste» de notre Ă©poque — que de croire que la constatation d’un fait dĂ©pend de la connaissance des causes ou des remĂšdes, suivant les cas, comme si l’homme n’avait pas le droit de voir ce qu’il ne peut ni expliquer ni modifier; on appelle «critique stĂ©rile» le signalement d’un mal et on oublie que le premier pas vers une guĂ©rison Ă©ventuelle est la constatation de la maladie. Quoi qu’il en soit, toute situation offre la possibilitĂ©, sinon d’une solution objective, du moins d’une mise en valeur subjective, d’une libĂ©ration par l’esprit; qui comprend la vraie nature du machinisme, Ă©chappera par lĂ  mĂȘme aux servitudes psychologiques de la machine, ce qui est dĂ©jĂ  beaucoup. Nous disons cela sans aucun «optimisme», et sans perdre de vue que le monde actuel est un «mal nĂ©cessaire» dont la racine mĂ©taphysique est, en derniĂšre analyse, dans l’infinitĂ© du Possible divin.
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Frithjof Schuon (Caste e Razze)
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Jamais aucun agent ne voudrait lire ses textes
 Il continuait de les Ă©crire pour vider son esprit de toutes les idĂ©es qui le hantaient. Les coucher sur papier Ă©tait une forme de thĂ©rapie bon marchĂ©, mais son revers Ă©tait tout autre. Il ne serait jamais un Ă©crivain publiĂ©, son nom ne se retrouverait jamais sur la couverture de ses romans, aucun lecteur ne l’achĂšterait dans une librairie. Il sauvegarda ses documents d’un clic, puis jeta la clĂ© USB dans un bocal au fond du premier tiroir de son bureau, avec les onze prĂ©cĂ©dentes. Il referma le tiroir sans mĂȘme une priĂšre. Il Ă©tait vouĂ© Ă  l’échec, sa mĂšre le lui avait toujours dit.
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Jo Ann von Haff (La RĂ©elle Hauteur Des Hommes)
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A la question de savoir ce que les hommes veulent donc atteindre avant tout, je me dis que le premier but des hommes est tout de mĂȘme le bonheur. Sous le nom de bonheur, je me figure un Ă©tat qui consiste en ce que le fait d’exister ne constitue en aucune maniĂšre un tourment pour l’homme, qu’on aime bien vivre et mĂȘme que la vie nous apporte du plaisir. (p. 242)
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Fritz Zorn (Mars)
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Les femmes conduisent quand la vitesse est limitĂ©e ; elles fument quand le tabac tue ; elles obtiennent la paritĂ© quand la politique ne sert plus Ă  grand-chose ; elles votent Ă  gauche quand la RĂ©volution est finie ; elles deviennent un argument de marketing littĂ©raire quand la littĂ©rature se meurt ; elles dĂ©couvrent le football quand la magie de mon enfance est devenue un tiroir-caisse. Il y a une malĂ©diction fĂ©minine qui est l’envers de la bĂ©nĂ©diction. Elles ne dĂ©truisent pas, elles protĂšgent. Elles ne crĂ©ent pas, elles entretiennent. Elles n’inventent pas, elles conservent. Elles ne forcent pas, elles prĂ©servent. Elles ne transgressent pas, elles civilisent. Elles ne rĂšgnent pas, elles rĂ©gentent. En se fĂ©minisant, les hommes se stĂ©rilisent, ils s’interdisent toute audace, toute innovation, toute transgression. Ils se contentent de conserver. On explique en gĂ©nĂ©ral la stagnation intellectuelle et Ă©conomique de l’Europe par le vieillissement de sa population. On ne songe jamais -ou on n’ose jamais songer- Ă  sa fĂ©minisation.
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Éric Zemmour (Le Premier Sexe)
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Pour moi, une nouvelle vie commençait, et, dorĂ©navant, ce serait ma vie, fruit de mes dĂ©cisions, de mes choix, de ma volontĂ©. Adieu les doutes, les hĂ©sitations, les peurs d'ĂȘtre jugĂ©, de ne pas ĂȘtre capable, de ne pas ĂȘtre aimĂ©. Je vivrai chaque instant en conscience, en accord avec moi-mĂȘme et avec mes valeurs. Je resterai altruiste, mais en gardant Ă  l'esprit que le premier cadeau Ă  faire aux autres est mon Ă©quilibre. J'accepterai les difficultĂ©s comme des Ă©preuves Ă  passer, des cadeaux que m'offre la vie pour apprendre ce que je dois apprendre afin d'Ă©voluer. Je ne serai plus victime des Ă©vĂ©nements, mais acteur d'un jeu dont les rĂšgles se dĂ©couvrent au fur et Ă  mesure, et dont la finalitĂ© gardera toujours une part de mystĂšre.
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Laurent Gounelle (L'homme qui voulait ĂȘtre heureux)
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L'homme, comme tous les ĂȘtres organisĂ©s, a une passion naturelle pour l'oisivetĂ©. Il y a pourtant deux motifs qui le portent au travail: le besoin de vivre, le dĂ©sir d'amĂ©liorer les conditions de l'existence. L'expĂ©rience a prouvĂ© que la plupart des hommes ne pouvaient ĂȘtre suffisament excitĂ©s au travail que par le premier de ces motifs, et que le second n'Ă©tait puissant que sur un petit nombre. Or, un Ă©tablissement charitable, ouvert indistinctement Ă  tous ceux qui sont dans le besoir, ou une loi qui donne Ă  tous les pauvres, quelle que soit l'origine de la pauvretĂ©, un droit au secours du public, affaiblit ou dĂ©triut le premier stimulant et ne laisse intact que le second.
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Alexis de Tocqueville (Sur le paupérisme)
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Le premier symbole oĂč nous reconnaissons l'humanitĂ© dans ses vestiges est la sĂ©pulture, et le truchement de la mort se reconnaĂźt en toute relation oĂč l'homme vient Ă  la vie de son histoire.
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Jacques Lacan
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Homo erectus ne se rĂ©fugie plus dans les arbres, c’est un vĂ©ritable chasseur qui parcourt de grandes distances en milieu dĂ©couvert. Il est bien adaptĂ© Ă  la chaleur des savanes et des steppes. Il est peut-ĂȘtre le premier Ă  possĂ©der une peau nue, capable de transpirer.
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Jean-Jacques Hublin (Quand d'autres hommes peuplaient la Terre : nouveaux regards sur nos origines)
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Plusieurs espĂšces humaines ont ainsi coexistĂ© sur la planĂšte jusqu’à une Ă©poque extraordinairement rĂ©cente. Tandis que le primitif Homo erectus et peut-ĂȘtre Homo floresiensis se maintenaient en Asie, l’homme de NĂ©andertal et l’ancĂȘtre de l’homme moderne, dont nous parlerons dans les chapitres suivants, prospĂ©raient dĂ©jĂ , en Europe pour le premier, en Afrique pour le second. Cette coexistence sur la planĂšte bouleverse une conception linĂ©aire de l’évolution de l’homme et pose la question de sa place dans la nature. L’existence d’une seule espĂšce humaine dominatrice est l’exception actuelle, aprĂšs trois millions d’annĂ©es au cours desquelles la rĂ©partition des territoires entre plusieurs hominines avait Ă©tĂ© la rĂšgle.
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Jean-Jacques Hublin (Quand d'autres hommes peuplaient la Terre : nouveaux regards sur nos origines)
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Nous pouvons supposer que les premiers hommes modernes europĂ©ens avaient la peau sombre des populations tropicales. La couleur de la peau est, schĂ©matiquement, liĂ©e Ă  la quantitĂ© d’ultraviolets qui atteignent le sol. Une peau sombre protĂšge contre les risques de cancers de la peau. En revanche, sous les hautes latitudes, une peau claire facilite la pĂ©nĂ©tration des rayons ultraviolets nĂ©cessaires Ă  la synthĂšse de la vitamine D, dont la carence provoque le rachitisme.
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Jean-Jacques Hublin (Quand d'autres hommes peuplaient la Terre : nouveaux regards sur nos origines)
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ĐĐ»ŃŒĐ±Đ”Ń€ ĐšĐ°ĐŒŃŽ (Le premier homme)
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Nous savons que la propriĂ©tĂ© masculine du corps des femmes a prĂ©cĂ©dĂ© l'histoire Ă©crite. Nous savons que les femmes ont Ă©tĂ© les premiĂšres esclaves et que leurs corps ont Ă©tĂ© le premier capital. Nous savons que la propriĂ©tĂ© masculine des enfants est antĂ©rieure Ă  la comprĂ©hension par les hommes de la relation entre coĂŻt et grossesse. Nous ne savons pas ce que les mĂšres savaient parce que leur savoir a Ă©tĂ© effacĂ©. Mais nous savons que le premier pĂšre savait qu'il Ă©tait un pĂšre du fait d'ĂȘtre un propriĂ©taire.
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John Stoltenberg (REFUSER D ETRE UN HOMME)
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Un homme, une famille chassĂ©s de leur terre ; cette vieille auto rouillĂ©e qui brimbale sur la route dans la direction de l'Ouest. J'ai perdu ma terre. Il a suffi d'un seul tracteur pour me prendre ma terre. Je suis seul et je suis dĂ©sorientĂ©. Et une nuit une famille campe dans un fossĂ© et une autre famille s'amĂšne et les tentes se dressent. Les deux hommes s'accroupissent sur leurs talons et les femmes et les enfants Ă©coutent. Tel est nƓud. Vous qui n'aimez pas les changements et craignez les rĂ©volutions, sĂ©parez ces deux hommes accroupis ; faites-les se haĂŻr, se craindre, se soupçonner. VoilĂ  le germe de ce que vous craignez. VoilĂ  le zygote. Car le "J'ai perdu ma terre" a changĂ© ; une cellule s'est partagĂ©e en deux et de ce partage naĂźt la chose que vous haĂŻssez : "Nous avons perdu notre terre." C'est lĂ  qu'est le danger, car deux hommes ne sont pas si solidaires, si dĂ©semparĂ©s qu"un seul. Et de ce premier "nous" naĂźt une chose encore plus redoutable : "J'ai encore un peu Ă  manger" plus "Je n'ai rien". Si ce problĂšme se rĂ©sout par "Nous avons assez Ă  manger" la chose est en route, le mouvement a une direction. Une multiplication maintenant, et cette terre, ce tracteur sont Ă  nous. Les deux hommes accroupis dans le fossĂ©, le petit feu, le lard qui mijote dans une marmite unique, les femmes muettes, au regard fixe ; derriĂšre, les enfants qui Ă©coutent de toute leur Ăąme les mots que leurs cerveaux ne peuvent pas comprendre. La nuit tombe. Le bĂ©bĂ© Ă  froid. tenez, prenez cette couverture. Elle est en laine. C'Ă©tait la couverture de ma mĂšre... prenez-la pour votre bĂ©bĂ©. VoilĂ  ce qu'il faut bombarder. C'est le commencement... du "Je" au "Nous".
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John Steinbeck (The Grapes of Wrath)
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Ainsi, j'avais appris comment mon pays avait Ă©tĂ© conquis par la France. On ne m'en avait jamais parlĂ©. Ce n'Ă©tait pas que nos aĂźnĂ©s voulaient dissimuler ce pan de notre histoire peu glorieux mais ils en Ă©taient ignorants. Un coup d'Ă©ventail. Le dey Hussein d'Alger - sorte d'administrateur -, qui gĂ©rait l'AlgĂ©rie pour le compte de l'empire ottoman, avait exigĂ© du reprĂ©sentant du roi Charles X qu'il honore la dette de son pays. À l'Ă©poque, l'AlgĂ©rie Ă©tait le premier exportateur de cĂ©rĂ©ales pour la France. Le reprĂ©sentant de Charles X avait mĂ©prisĂ© Hussein, arguant qu'un sous-fifre ne donnait pas d'ordre au roi de France. Hussein, humiliĂ© et ridiculisĂ© devant sa cour, l'avait souffletĂ© trois fois avec son Ă©ventail. Quelques mois plus tard, Charles X envoyait son armada corriger la piĂštre armĂ©e du Dey Hussein. Battu sans livrer combat, il avait Ă©tĂ© chassĂ© comme un malpropre d'Alger. Quatre-vingt-dix ans plus tard, des hommes comme moi se retrouvaient Ă  porter l'uniforme pour dĂ©fendre cette France qui nous avait mis Ă  genoux.
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Akli Tadjer (d'Amour et de Guerre)
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p.302 C'est un hors-temps dans le temps... Quand ai-je pour la premiere fois ressenti cet abandon exquis qui n'est possible qu'Ă  deux? La quiĂ©tude que nous Ă©prouvons lorsque nous sommes seuls, cette certitude de nous-mĂȘmes dans la sĂ©rĂ©nitĂ© de la solitude ne sont rien en comparaison du laisser-aller, laisser-venir et laisser-parler qui se vit avec l'autre, en compagnie complice... Quand ai-je pour la premiĂšre fois ressenti ce dĂ©lassement heureux en prĂ©sence d'un homme? Aujourd hui, c'est la premiĂšre fois.
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Muriel Barbery (The Elegance of the Hedgehog)
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Jamais il ne commence une phrase par : La vie, tu verras 
 Je ne tiens de lui aucune parole de sagesse, aucune recommandation sur l’avenir, aucun cadeau de son expĂ©rience. Je ne l’entends pas m’encourager Ă  faire mes premiers pas ni Ă  tenir en Ă©quilibre sur un vĂ©lo. Il ne m’apprend ni Ă  ma raser ni Ă  planter un clou. Certes, j’entends parler ici ou lĂ  des principes fondateurs d’une vie d’homme, des bienfaits du travail, des vertus de la patience et des commandements de l’honnĂȘtetĂ©, mais comment les faire siens si aucun ĂȘtre de confiance ne vous les souffle Ă  l’oreille comme un secret dont vous ĂȘtes l’unique destinataire ? MĂȘme l’idiot, le taiseux, l’égocentrique, le poĂšte ou le tyran, quelles que soient ses valeurs, se sent investi du devoir de les transmettre. Je me serais contentĂ© d’un peu de sens commun, d’un poncif, d’un dicton populaire. MĂȘme un proverbe napolitain aurait fait l’affaire.
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Tonino Benacquista (Porca miseria)
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Je suis nĂ©. Je n’insisterai pas sur ce fait, peu caractĂ©ristique en lui-mĂȘme. Mais ce petit malheur devait ĂȘtre le premier maillon d’une chaĂźne de calamitĂ©s du mĂȘme ordre : imposĂ©es par les circonstances, jamais librement acceptĂ©es. L’homme vient au monde de façon peu digne, indĂ©pendante non seulement de sa propre volontĂ© mais souvent mĂȘme de celle des auteurs responsables. Ainsi la naissance est-elle une leçon de choses, la premiĂšre mais non la moins magistrale. La nature nous dit, comme elle nous le rĂ©pĂ©tera plus tard jusqu’à la nausĂ©e : « Tu es le plus faible, tu dois te laisser faire. » NaĂźtre n’est que la premiĂšre Ă©tape d’une longue sĂ©rie noire. On commence en se laissant enfanter ; puis on se fait nourrir, instruire, Ă©duquer, et l’on devient ainsi, petit Ă  petit, la proie des hommes, des femmes et des Ă©vĂ©nements. Et l’habitude est si bien prise qu’il devient bientĂŽt impossible de remonter le courant.
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Marcel LĂ©vy (Das Leben und ich)
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Ceci est ta vie. Ceci est à toi. Tu peux faire l'exact inventaire de ta maigre fortune, le bilan précis de ton premier quart de siÚcle. Tu as vingt cinq ans et vingt-neuf dents, trois chemises et huit chaussettes, quelques livres que tu ne lis plus, quelques disques que tu n'écoutes plus. Tu n'as pas envie de te souvenir d'autre chose, ni de ta famille, ni de tes études, ni de tes amours, ni de tes amis, ni de tes vacances, ni de tes projets. Tu as voyagé et tu n'as rien rapporté de tes voyages. Tu es assis et tu ne veux qu'attendre, attendre seulement jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à attendre : que vienne la nuit, que sonnent les heures, que les jours s'en aillent, que les souvenirs s'estompent.
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Georges Perec (Un homme qui dort)
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PĂ©nombre propice aux rencontres, Ă  la confidence, aux Ă©changes confiants. Calet n'a pas eu tort de vouloir s'y tenir et d'attendre qu'on vienne l'y retrouver. BrisĂ©e la glace du premier contact –un peu rude dans "La Belle Lurette"– des liens se tissent, intimes et solides, d'auteur Ă  lecteur, d'homme Ă  homme, de cƓur Ă  cƓur. Ces attachements-lĂ  rĂ©sistent au temps. (p. 117)
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Maurice Nadeau (Le chemin de la vie: Entretiens avec Laure Adler (0000))
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J'ai rencontrĂ© Constantin Noica un certain nombre de fois dans les derniĂšres annĂ©es de sa vie. Au premier abord (je m'en souviens si bien !) on voyait apparaĂźtre un petit monsieur en bottines, parlant un français Ă©lĂ©gant et montrant une rare courtoisie. On ne remarquait, du dehors, ni la force intĂ©rieure de l'homme, ni son immense Ă©rudition. Mais, derriĂšre le sourire bienveillant et derriĂšre la douceur, l'on ne tardait pas Ă  sentir en lui, comme une armature, un fond de fermetĂ© irrĂ©ductible–celle d'un homme que rien, jamais, ne saurait faire dĂ©vier du chemin de la vĂ©ritĂ©. (Jacqueline de Romilly, PrĂ©face)
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Constantin Noica (Șase maladii ale spiritului contemporan)
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Le sentier est, peut-ĂȘtre, le premier tĂ©moignage de la place que l’homme allait prendre dans l’univers, et, dans les temps les plus reculĂ©s, il Ă©tait probablement riche de significations importantes. Avec lui, l’errance et le chaos prenaient fin, pour faire place Ă  une Ăšre nouvelle, celle de la certitude. De la grotte Ă  la riviĂšre, et de la riviĂšre Ă  la grotte, une gĂ©nĂ©ration finit par coucher l’herbe, et les suivantes hĂ©ritĂšrent du sentier battu, et le conservĂšrent, comme un trĂ©sor lĂ©guĂ© par les ancĂȘtres. Aujourd’hui encore, au fond des bois dans lesquels le rĂšgne des temps immĂ©moriaux n’a pas Ă©tĂ© troublĂ©, rien n’a autant d’importance que cette corde poudreuse, la seule capable de chasser des cƓurs l’inquiĂ©tude et la peur de s’égarer. Pour les premiers hommes, mis brusquement face Ă  l’immensitĂ© et Ă  l’énigme de l’espace, le sentier a dĂ» ĂȘtre plus important que la hache ou que l’arc pour la chasse. Telle une liane infinie, il liait un horizon Ă  un autre, permettant aux hommes de s’agripper les uns aux autres, pour ne pas sombrer dans l’inconnu, comme dans un gouffre sans fond. À des Ă©poques totalement oubliĂ©es, un sentier aura signifiĂ© toute une civilisation. Une civilisation pour la conquĂȘte de laquelle de nombreuses gĂ©nĂ©rations d’hommes et de femmes, dont personne ne se rappelle plus l’origine, n’ont cessĂ© de durcir la plante de leurs pieds en parcourant des sols vierges et rudes. MillĂ©naire aprĂšs millĂ©naire, Ăšre aprĂšs Ăšre, des tribus et des peuplades ont parcouru la terre de long en large, guidĂ©es par le soleil et les Ă©toiles, jusqu’à ce qu’elles eussent rĂ©ussi Ă  la marquer de l’empreinte de leurs pieds, imprimant en elle les mĂ©ridiens de leur audace et de leur opiniĂątretĂ©. (traduction Dolores Toma)
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Geo Bogza (Cartea Oltului)
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À la mĂȘme Ă©poque, la rue du Colonel Orero (hĂ©ros de la guerre d’IndĂ©pendance de 1877) prend le nom d' Avram Goldfaden (un grand homme de l'Histoire de la communautĂ© juive de Roumanie, celui qui rĂ©alisa en 1876, Ă  Jassy, le premier spectacle en yiddish et qui aujourd'hui est considĂ©rĂ© comme le pĂšre fondateur du thĂ©Ăątre en langue yiddish). Tot atunci, strada Colonel Orero (erou Ăźn Războiul de Independență din 1877) capătă numele de Avram Goldfaden (un mare om din istoria comunității evreiești din RomĂąnia, cel care a realizat Ăźn 1876, la Iași, primul spectacol Ăźn idiș din lume, fiind astăzi considerat părintele teatrului Ăźn limba idiș de pe mapamond). (p. 43, traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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Gheorghe Florescu (Confesiunile unui cafegiu)
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Sur sa table de nuit Ă©taient posĂ©s en Ă©vidence deux livres et un disque dont les illustrations de couverture formaient la trame dramatique de ses enseignements. Le premier, l’Église des saints et des martyrs de Daniel Rops, Ă©tait illustrĂ© par une scĂšne de martyre trĂšs rĂ©aliste. L’on y voyait un chrĂ©tien dont l’Ɠil s’apprĂȘtait Ă  ĂȘtre crevĂ© par une Ă©norme vrille qu’un bourreau jovial et sadique tenait fermement. Le second Ă©tait une Ă©dition de poche de Via Mala de John Knittel. L’illustration de couverture montrait au premier plan un personnage au visage verdĂątre qui tenait dans sa main un Ă©norme gourdin. Il sortait d’une piĂšce que l’on voyait au second plan. A travers la porte ouverte, on distinguait les pieds d’un homme Ă©tendu. On pouvait penser qu’il avait Ă©tĂ© occis par le personnage principal dont le regard laissait voir toute la mĂ©chancetĂ© qu’il pouvait exprimer. Sans jamais oser lire une seule ligne de ces deux ouvrages j’imaginais leur contenu Le disque, Peer Gynt de Grieg, apportait l’accompagnement sonore idĂ©al aux illustrations des couvertures des livres.
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Denis Nunez (Le chemin de l'oued)
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Il Ă©tait le porteur de la mĂ©moire de mon premier monde. Agiter le sucre dans sa tasse de cafĂ© pour qu’il fonde plus vite, couper ses spaghettis, dĂ©tailler une pomme en petits morceaux piquĂ©s ensuite au bout du couteau, autant de gestes oubliĂ©s que je retrouvais en lui, de façon troublante. J’avais de nouveau dix, quinze ans, et j’étais Ă  table avec ma famille, mes cousins, dont il avait la peau blanche, les pommettes rouges des Normands. Il Ă©tait le passĂ© incorporĂ©. Avec lui je parcourais tous les Ăąges de la vie, ma vie.
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Annie Ernaux (Le jeune homme)
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Je suis de plus en plus certain que l'homme est un animal malheureux, abandonnĂ© dans le monde, condamnĂ© Ă  se trouver une modalitĂ© de vie propre, telle que la nature n'en a jamais connu. Sa prĂ©tendue libertĂ© le fait souffrir plus que n'importe quell forme de vie captive dans la nature. Rien d'Ă©tonnant, par consĂ©quent, Ă  ce que l'homme en arrive parfois Ă  ĂȘtre jaloux d'une plante, d'une fleure. [...] Seule cette Ă©chappĂ©e cosmique, vĂ©cue suivant l'arabesque des formes vitales et le pittoresque des plants, saurait rĂ©veiller en moi l'envie de redevenir homme. Car si la diffĂ©rence de l'animal Ă  l'homme consiste en ceci, que le premier ne saurait ĂȘtre autre chose qu'animal, tandis que l'homme peut ĂȘtre non-homme, c'est-Ă -dire autre chose que lui-mĂȘme - eh bien, je suis un non-homme.
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Emil M. Cioran (Oeuvres)
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Qu’est-ce qui dĂ©finit un homme ? Quelle est la question que l’on pose en premier Ă  un homme, lorsqu’on souhaite s’informer de son Ă©tat ? Dans certaines sociĂ©tĂ©s, on lui demande d’abord s’il est mariĂ©, s’il a des enfants ; dans nos sociĂ©tĂ©s, on s’interroge en premier lieu sur sa profession. C’est sa place dans le processus de production, et pas son statut de reproducteur, qui dĂ©finit avant tout l’homme occidental. »
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Michel Houellebecq (La carte et le territoire (French Edition))
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I am on your side. But you have no way of knowing it, because your heart is blind.
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Albert Camus (L'Ă©tranger / La peste / La chute / Le premier homme)