Le Premier Amour Quotes

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Le premier amour est toujours le dernier.
Tahar Ben Jelloun
Quand les enfants commencent à voir, ils sourient; quand une jeune fille entrevoit le sentiment dans la nature, elle sourit comme elle souriait enfant. Si la lumière est le premier amour de la vie, l'amour n'est-il pas la lumière du cœur?
Honoré de Balzac (Eugénie Grandet)
Le premier verre est aussi doux que la vie, le deuxième est aussi fort que l'amour, le troisième est aussi amer que la mort.
Ziggy Zezsyazeoviennazabrizkie (Jakarta Sebelum Pagi)
Les enfants qui s'aiment s'embrassent debout Contre les portes de la nuit Et les passants qui passent les désignent du doigt Mais les enfants qui s'aiment Ne sont là pour personne Et c'est seulement leur ombre Qui tremble dans la nuit Excitant la rage des passants Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie Les enfants qui s'aiment ne sont là pour personne Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit Bien plus haut que le jour Dans l'éblouissante clarté de leur premier amour
Jacques Prévert (Paroles)
Il y a des journées illuminées de petites choses, des riens du tout qui vous rendent incroyablement heureux ; un après-midi à chiner, un jouet qui surgit de l’enfance sur l’étal d’un brocanteur, une main qui s’attache à la votre, un appel que l’on attendait pas, une parole douce, vote enfant qui vous prend dans ses bras sans rien vous demander d’autre qu’un moment d’amour. Il y a des journées illuminées de petits moments de grâce, une odeur qui vous met l’âme en joie, un rayon de soleil qui entre par la fenêtre, le bruit de l’averse alors qu’on est encore au lit, les trottoirs enneigés ou l’arrivée du printemps et ses premiers bourgeons.
Marc Levy (Le premier jour)
En effet, si les premiers amours paraissent, en général, plus honnêtes, et comme on dit plus purs ; s'ils sont au moins plus lents dans leur marche, ce n'est pas, comme on le pense, délicatesse ou timidité, c'est que le cœur, étonné par un sentiment inconnu, s'arrête pour ainsi dire à chaque pas, pour jouir du charme qu'il éprouve, et que ce charme est si puissant sur un cœur neuf, qu'il l'occupe au point de lui faire oublier tout autre plaisir.
Pierre Choderlos de Laclos (Les Liaisons dangereuses)
En amour, celui qui est guéri le premier est toujours le mieux guéri.
François de La Rochefoucauld
Je pense à Iris qui fut importante tout de même, à Emilie aussi, à Céline bien sûr, et puis d'autres prénoms dans d'autres pénombres, mais c'est Alice, toujours Alice qui est là, immuable, avec encore des rires au-dessus de nos têtes, comme si le premier amour était une condamnation à perpétuité.
David Foenkinos (Nos séparations)
Et puis, chose bizarre, le premier symptôme de l'amour vrai chez un jeune homme, c'est la timidité, chez une jeune fille, c'est la hardiesse.
Victor Hugo (Les Misérables, Tome IV: L'idylle rue Plumet et l'épopée rue Saint-Denis (Les Misérables, #4))
A Paris Quand un amour fleurit Ça fait pendant des semaines Deux cœurs qui se sourient Tout ça parce qu´ils s´aiment A Paris Au printemps Sur les toits les girouettes Tournent et font les coquettes Avec le premier vent Qui passe indifférent Nonchalant Car le vent Quand il vient à Paris N´a plus qu´un seul souci C´est d´aller musarder Dans tous les beaux quartiers De Paris' À Paris, Francis Lemarque
Lepota L. Cosmo (Love in Paris - Poetic Guide to the Romance of the City)
L'Amour qui n'est pas un mot Mon Dieu jusqu'au dernier moment Avec ce coeur débile et blême Quand on est l'ombre de soi-même Comment se pourrait-il comment Comment se pourrait-il qu'on aime Ou comment nommer ce tourment Suffit-il donc que tu paraisses De l'air que te fait rattachant Tes cheveux ce geste touchant Que je renaisse et reconnaisse Un monde habité par le chant Elsa mon amour ma jeunesse O forte et douce comme un vin Pareille au soleil des fenêtres Tu me rends la caresse d'être Tu me rends la soif et la faim De vivre encore et de connaître Notre histoire jusqu'à la fin C'est miracle que d'être ensemble Que la lumière sur ta joue Qu'autour de toi le vent se joue Toujours si je te vois je tremble Comme à son premier rendez-vous Un jeune homme qui me ressemble M'habituer m'habituer Si je ne le puis qu'on m'en blâme Peut-on s'habituer aux flammes Elles vous ont avant tué Ah crevez-moi les yeux de l'âme S'ils s'habituaient aux nuées Pour la première fois ta bouche Pour la première fois ta voix D'une aile à la cime des bois L'arbre frémit jusqu'à la souche C'est toujours la première fois Quand ta robe en passant me touche Prends ce fruit lourd et palpitant Jettes-en la moitié véreuse Tu peux mordre la part heureuse Trente ans perdus et puis trente ans Au moins que ta morsure creuse C'est ma vie et je te la tends Ma vie en vérité commence Le jour que je t'ai rencontrée Toi dont les bras ont su barrer Sa route atroce à ma démence Et qui m'as montré la contrée Que la bonté seule ensemence Tu vins au coeur du désarroi Pour chasser les mauvaises fièvres Et j'ai flambé comme un genièvre A la Noël entre tes doigts Je suis né vraiment de ta lèvre Ma vie est à partir de toi
Louis Aragon
Il m'arrive de relire mes romans préférés en partant de la fin. Je commence par le dernier chapitre, et je relis à rebours jusqu'au premier. Quand on lit de cette manière, les personnages vont de l'espoir vers le désespoir, de la connaissance de soi vers le doute. Dans les histoires d'amour, les couples sont d'abord amants avant de devenir des étrangers. Les récits d'initiation se transforment en récit d'égarement. Des personnages reviennent même à la vie. Si ma vie était un roman qu'on lisait à l'envers, rien ne changerait.
Nicola Yoon (Everything, Everything)
Quand je mets à vos pieds un éternel hommage, Voulez-vous qu'un instant je change de visage ? Vous avez capturé les sentiments d'un cœur Que pour vous adorer forma le créateur. Je vous chéris, amour, et ma plume en délire Couche sur le papier ce que je n'ose dire. Avec soin de mes vers lisez les premiers mots, Vous saurez quel remède apporter à mes maux. [ Alfred de Musset a George Sand ] "Cette insigne faveur que votre cœur réclame Nuit a ma renommée et répugne a mon âme." [ George Sand a Alfred de Musset ] [ lisez le premier mot de chaque ligne ]
George Sand (Correspondance de George Sand et d'Alfred de Musset)
La sève bouillonnait en moi, et mon cœur languissait d’une façon douce et plaisamment romanesque. J’attendais je ne sais quoi, je m’intimidais, je m’étonnais et j’étais toujours sur le quivive. Mon imagination vagabondait et voltigeait rapidement autour des mêmes images, comme, à l’aube, les martinets autour du clocher.
Ivan Tourgueniev (Premier Amour)
Renan, dans sa Vie de Jésus — ce gracieux cinquième évangile, l’évangile selon saint Thomas, pourrait-on l’appeler —, dit quelque part que le grand accomplissement du Christ fut de s’être fait aimer autant après sa mort que pendant sa vie. Et si, assurément, sa place est parmi les poètes, il est le guide de tous les amants. Il vit que l’amour est le premier secret du monde, ce secret qu’ont cherché les sages, et que c’est seulement grâce à l’amour que l’on peut approcher du cœur du lépreux ou des pieds de Dieu.
Oscar Wilde (De Profundis)
«Regardez, regardez, continua le comte en saisissant chacun des deux jeunes gens par la main, regardez, car, sur mon âme, c'est curieux, voilà un homme qui était résigné à son sort, qui marchait à l'échafaud, qui allait mourir comme un lâche, c'est vrai, mais enfin il allait mourir sans résistance et sans récrimination: savez-vous ce qui lui donnait quelque force? savez-vous ce qui le consolait? savez-vous ce qui lui faisait prendre son supplice en patience? c'est qu'un autre partageait son angoisse; c'est qu'un autre allait mourir comme lui; c'est qu'un autre allait mourir avant lui! Menez deux moutons à la boucherie, deux bœufs à l'abattoir, et faites comprendre à l'un d'eux que son compagnon ne mourra pas, le mouton bêlera de joie, le bœuf mugira de plaisir mais l'homme, l'homme que Dieu a fait à son image, l'homme à qui Dieu a imposé pour première, pour unique, pour suprême loi, l'amour de son prochain, l'homme à qui Dieu a donné une voix pour exprimer sa pensée, quel sera son premier cri quand il apprendra que son camarade est sauvé? un blasphème. Honneur à l'homme, ce chef-d'œuvre de la nature, ce roi de la création!»
Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo, Tome II (The Count of Monte Cristo, part 2 of 4))
finalement, éperdu d'amour et au comble de la frénésie érotique, je m'assis dans l'herbe et j'enlevai un de mes souliers en caoutchouc. — Je vais le manger pour toi, si tu veux. Si elle le voulait I Ha! Mais bien sûr qu'elle le voulait, voyons! C'était une vraie petite femme. --- Elle posa son cerceau par terre et s'assit sur ses ta-lons. Je crus voir dans ses yeux une lueur d'estime. Je n'en demandais pas plus. Je pris mon canif et enta-mai le caoutchouc. Elle me regardait faire. — Tu vas le manger cru ? — Oui. J'avalai un morceau, puis un autre. Sous son regard enfin admiratif, je me sentais devenir vraiment un homme. Et j'avais raison. Je venais de faire mon apprentissage. J'entamai le caoutchouc encore plus profondément, soufflant un peu, entre les bouchées, et je continuai ainsi un bon moment, jusqu'à ce qu'une sueur froide me montât au front. Je continuai même un peu au-delà, serrant les dents, luttant contre la nausée, ramassant toutes mes forces pour demeurer sur le terrain, comme il me fallut le faire tant de fois, depuis, dans mon métier d'homme. Je fus très malade, on me transporta à l'hôpital, ma mère sanglotait, Aniela hurlait, les filles de l'atelier geignaient, pendant qu'on me mettait sur un brancard dans l'ambulance. J'étais très fier de moi. Mon amour d'enfant m'inspira vingt ans plus tard mon premier roman Éducation européenne, et aussi certains passages du Grand Vestiaire. Pendant longtemps, à travers mes pérégrinations, j'ai transporté avec moi un soulier d'enfant en caoutchouc, entamé au couteau. J'avais vingt-cinq ans, puis trente, puis quarante, mais le soulier était toujours là, à portée de la main. J'étais toujours prêt à m'y attabler, à donner, une fois de plus, le meilleur de moi-même. Ça ne s'est pas trouvé. Finalement, j'ai abandonné le soulier quelque part derrière moi. On ne vit pas deux fois. (La promesse de l'aube, ch. XI)
Romain Gary (Promise at Dawn)
Ils firent lire à leurs élèves des historiettes tendant à inspirer l’amour de la vertu. Elles assommèrent Victor. Pour frapper son imagination, Pécuchet suspendit aux murs de sa chambre des images, exposant la vie du Bon Sujet, et celle du Mauvais Sujet. Le premier, Adolphe, embrassait sa mère, étudiait l’allemand, secourait un aveugle, et était reçu à l’Ecole Polytechnique. Le mauvais, Eugène, commençait par désobéir à son père, avait une querelle dans un café, battait son épouse, tombait ivre mort, fracturait une armoire – et un dernier tableau le représentait au bagne, où un monsieur accompagné d’un jeune garçon disait, en le montrant : Tu vois, mon fils, les dangers de l’inconduite.
Gustave Flaubert (Bouvard et Pécuchet)
« Écoute, Egor Pétrovitch, lui dit-il. Qu’est ce que tu fais de toi ? Tu te perds seulement avec ton désespoir. Tu n’as ni patience ni courage. Maintenant, dans un accès de tristesse, tu dis que tu n’as pas de talent. Ce n’est pas vrai. Tu as du talent ; je t’assure que tu en as. Je le vois rien qu’à la façon dont tu sens et comprends l’art. Je te le prouverai par toute ta vie. Tu m’as raconté ta vie d’autrefois. À cette époque aussi le désespoirte visitait sans que tu t’en rendisses compte. À cette époque aussi, ton premier maître, cet homme étrange, dont tu m’as tant parlé, a éveillé en toi, pour la première fois, l’amour de l’art et a deviné ton talent. Tu l’as senti alors aussi fortement que maintenant. Mais tu ne savais pas ce qui se passait en toi. Tu ne pouvais pas vivre dans la maison du propriétaire, et tu ne savais toi-même ce que tu désirais. Ton maître est mort trop tôt. Il t’a laissé seulement avec des aspirations vagues et, surtout, il ne t’a pas expliqué toimême. Tu sentais le besoin d’une autre route plus large, tu pressentais que d’autres buts t’étaient destinés, mais tu ne comprenais pas comment tout cela se ferait et, dans ton angoisse, tu as haï tout ce qui t’entourait alors. Tes six années de misère ne sont pas perdues. Tu as travaillé, pensé, tu as reconnu et toi-même et tes forces ; tu comprends maintenant l’art et ta destination. Mon ami, il faut avoir de la patience et du courage. Un sort plus envié que le mien t’est réservé. Tu es cent fois plus artiste que moi, mais que Dieu te donne même la dixième partie de ma patience. Travaille, ne bois pas, comme te le disait ton bonpropriétaire, et, principalement, commence par l’a, b, c. « Qu’est-ce qui te tourmente ? La pauvreté, la misère ? Mais la pauvreté et la misère forment l’artiste. Elles sont inséparables des débuts. Maintenant personne n’a encore besoin de toi ; personne ne veut te connaître. Ainsi va le monde. Attends, ce sera autre chose quand on saura que tu as du talent. L’envie, la malignité, et surtout la bêtise t’opprimeront plus fortement que la misère. Le talent a besoin de sympathie ; il faut qu’on le comprenne. Et toi, tu verras quelles gens t’entoureront quand tu approcheras du but. Ils tâcheront de regarder avec mépris ce qui s’est élaboré en toi au prix d’un pénible travail, des privations, des nuits sans sommeil. Tes futurs camarades ne t’encourageront pas, ne te consoleront pas. Ils ne t’indiqueront pas ce qui en toi est bon et vrai. Avec une joie maligne ils relèveront chacune de tes fautes. Ils te montreront précisément ce qu’il y a de mauvais en toi, ce en quoi tu te trompes, et d’un air calme et méprisant ils fêteront joyeusement chacune de tes erreurs. Toi, tu esorgueilleux et souvent à tort. Il t’arrivera d’offenser une nullité qui a de l’amour-propre, et alors malheur à toi : tu seras seul et ils seront plusieurs. Ils te tueront à coups d’épingles. Moi même, je commence à éprouver tout cela. Prends donc des forces dès maintenant. Tu n’es pas encore si pauvre. Tu peux encore vivre ; ne néglige pas les besognes grossières, fends du bois, comme je l’ai fait un soir chez de pauvres gens. Mais tu es impatient ; l’impatience est ta maladie. Tu n’as pas assez de simplicité ; tu ruses trop, tu réfléchis trop, tu fais trop travailler ta tête. Tu es audacieux en paroles et lâche quand il faut prendra l’archet en main. Tu as beaucoup d’amour-propre et peu de hardiesse. Sois plus hardi, attends, apprends, et si tu ne comptes pas sur tes forces, alors va au hasard ; tu as de la chaleur, du sentiment, peut-être arriveras-tu au but. Sinon, va quand même au hasard. En tout cas tu ne perdras rien, si le gain est trop grand. Vois-tu, aussi, le hasard pour nous est une grande chose. »
Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
Je ne considère les souffrances et les joies d'autrui que par rapport à moi-même, en tant que nourriture qui soutient les forces de mon âme. Moi-même, je ne suis pas capable d'aller jusqu'à la folie sous l'emprise de la passion. L'ambition chez moi est assujettie aux circonstances, mais elle s'est manifestée sous un autre aspect; car l'ambition n'est rien d'autre qu'une soif de puissance; or mon plaisir principal est de soumettre tout ceux qui m'entourent à ma volonté. Éveiller les sentiments d'amour, de fidélité ou de crainte, n'est-ce pas là les signes premiers et le grand triomphe d'un pouvoir absolu ? Être pour une personne la cause de souffrances ou de joies, sans avoir sur elle aucun droit positif, n'est-ce pas là un aliment délicieux pour notre orgueil ? Et qu'est-ce que le bonheur ? Un orgueil rassasié ! Si je me considérait comme l'être le meilleur, le plus puissant du monde, je serais heureux; si tout m'aimaient, je trouverais en moi d'infinies sources d'amour. Le mal enfante le mal. La première souffrance nous donne le secret du plaisir de torturer autrui. L'idée du mal ne peut entrer dans la tête d'un homme sans qu'il ait le désir de l'appliquer à la réalité.
Mikhail Lermontov (A Hero of Our Time)
Je me rappelle mon entrée sur la scène, à mon premier concert. […] Je n'aimais pas ce public pour qui l'art n'est qu'une vanité nécessaire, ces visage composés dissimulant les âmes, l'absence des âmes. Je concevais mal qu'on pût jouer devant des inconnus, à heure fixe, pour un salaire versé d'avance. Je devinais les appréciations toutes faites, qu'ils se croyaient obligés de formuler en sortant ; je haïssais leur goût pour l'emphase inutile, l'intérêt même qu'ils me portaient, parce que j'étais de leur monde, et l'éclat factice dont se paraient les femmes. Je préférais encore les auditeurs de concerts populaires, donnés le soir dans quelque salle misérable, où j'acceptais parfois de jouer gratuitement. Des gens venaient là dans l'espoir de s'instruire. Ils n'étaient pas plus intelligents que les autres, ils étaient seulement de meilleur volonté. Ils avaient dû, après leur repas, s'habiller le mieux possible ; ils avaient dû consentir à avoir froid, pendant deux longues heures, dans une salle presque noire. Les gens qui vont au théâtre cherchent à s'oublier eux-mêmes ; ceux qui vont au concert cherchent plutôt à se retrouver. Entre la dispersion du jour et la dissolution du sommeil, ils se retrempent dans ce qu'ils sont. Visage fatigués des auditeurs du soir, visages qui se détendent dans leurs rêves et semblent s'y baigner. Mon visage… En ne suis-je pas aussi très pauvre, moi qui n'ai ni amour, ni foi, ni désir avouable, moi qui n'ai que moi-même sur qui compter, et qui me suis presque toujours infidèle ? (p. 82-83)
Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grâce)
Depuis que j'ai doue ans, et depuis qu'elle est une terreur, la mort est une marotte. J'en ignorais l'existence jusqu'à ce qu'un camarade de classe, le petit Bonnecarère, m'envoyât au cinéma le Styx, où l'on s'asseyait à l'époque dans des cercueils, voir L'enterré vivant, un film de Roger Corman tiré d'un conte 'Edgar Allan Poe. La découverte de la mort par le truchement de cette vision horrifique d'un homme qui hurle d'impuissance à l'intérieur de son cercueil devint une source capiteuse de cauchemars. Par la suite, je ne cessai de rechercher les attributs de les plus spectaculaires de la mort, suppliant mon père de me céder le crâne qui avait accompagné ses études de médecine, m'hypnotisant de films d'épouvante et commençant à écrire, sous le pseudonyme d'Hector Lenoir, un conte qui racontair les affres d'un fantômr rnchaîné dans les oubliettes du château des Hohenzollern, me grisant de lectures macabres jusqu'aux stories sélectionnées par Hitschcock, errant dans les cimetières et étrennant mon premier appareil avec des photographies de tombes d'enants, me déplaçant jusqu'à Palerme uniquement pour contempler les momies des Capucins, collectionnant les rapaces empaillés comme Anthony Perkins dans Psychose, la mort me semblait horriblement belle, féeriquement atroce, et puis je pris en grippe son bric-à-brac, remisai le crâne de l'étudiant de médecine, fuis les cimetières comme la peste, j'étais passé à un autre stade de l'amour de la mort, comme imprégné par elle au plus profond je n'avais plus besoin de son décorum mais d'une intimité plus grande avec elle, je continuais inlassablement de quérir son sentiment, le plus précieux et le plus haïssable d'entre tous, sa peur et sa convoitise.
Hervé Guibert (À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie)
Charlotte se trouvait seule ; aucun de ses frères et sœurs n’était autour d’elle ; elle s’abandonnait à ses réflexions, qui passaient doucement sa situation en revue. Elle se voyait pour jamais unie à un homme dont elle connaissait l’amour et la fidélité, à qui elle était dévouée, dont le calme, la solidité, semblaient destinés par le ciel même à fonder, pour la vie, le bonheur d’une honnête femme ; elle sentait ce qu’il serait toujours pour elle et pour sa famille. D’un autre côté, Werther lui était devenu bien cher ; dès le premier moment où ils avaient appris à se connaître, la sympathie de leurs caractères s’était révélée de la manière la plus heureuse ; leur longue liaison, tant de situations diverses où ils s’étaient trouvés, avaient fait sur le cœur de Charlotte une impression ineffaçable. Tous les sentiments, toutes les pensées qui l’intéressaient, elle était accoutumée à les partager avec lui, et le départ de Werther menaçait de faire dans toute son existence un vide, qui ne pourrait plus être comblé. Oh ! si elle avait pu dans ce moment le changer en un frère ! qu’elle se serait trouvée heureuse !… Si elle avait osé le marier avec une de ses amies, elle aurait pu espérer de rétablir tout à fait la bonne intelligence entre Albert et lui. Elle avait passé en revue toutes ses amies, et trouvait à chacune quelque défaut ; elle n’en voyait aucune à qui elle eût donné Werther volontiers. En faisant toutes’ces réflexions, elle finit par sentir profondément, sans se l’expliquer d’une manière bien claire, que le secret désir, de son cœur était de le garder pour elle, et elle se disait en même temps qu’elle ne pouvait, qu’elle ne devait pas le garder ; son âme pure et belle, jusqu’alors si libre et si courageuse, sentit le poids d’une mélancolie à laquelle est fermée la perspective du bonheur. Son cœur était oppressé, et un sombre nuage couvrait ses yeux.
Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
Cherchez en vous-mêmes. Explorez la raison qui vous commande d'écrire; examinez si elle plonge ses racines au plus profond de votre cour; faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir s'il vous était interdit d'écrire. Ceci surtout : demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit; me faut-il écrire ? Creusez en vous-mêmes à la recherche d'une réponse profonde. Et si celle-ci devait être affirmative, s'il vous était donné d'aller à la rencontre de cette grave question avec un fort et simple "il le faut", alors bâtissez votre vie selon cette nécessité; votre vie, jusqu'en son heure la plus indifférente et la plus infime, doit être le signe et le témoignage de cette impulsion. Puis vous vous approcherez de la nature. Puis vous essayerez, comme un premier homme, de dire ce que vous voyez et vivez, aimez et perdez. N'écrivez pas de poèmes d'amour; évitez d'abord les formes qui sont trop courantes et trop habituelles : ce sont les plus difficiles, car il faut la force de la maturité pour donner, là où de bonnes et parfois brillantes traditions se présentent en foule, ce qui vous est propre. Laissez-donc les motifs communs pour ceux que vous offre votre propre quotidien; décrivez vos tristesses et vos désirs, les pensées fugaces et la foi en quelque beauté. Décrivez tout cela avec une sincérité profonde, paisible et humble, et utilisez, pour vous exprimer, les choses qui vous entourent, les images de vos rêves et les objets de votre souvenir. Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l'accusez pas; accusez-vous vous-même, dites-vous que vous n'êtes pas assez poète pour appeler à vous ses richesses; car pour celui qui crée il n'y a pas de pauvreté, pas de lieu pauvre et indifférent. Et fussiez-vous même dans une prison dont les murs ne laisseraient parvenir à vos sens aucune des rumeurs du monde, n'auriez-vous pas alors toujours votre enfance, cette délicieuse et royale richesse, ce trésor des souvenirs ? Tournez vers elle votre attention. Cherchez à faire resurgir les sensations englouties de ce vaste passé; votre personnalité s'affirmera, votre solitude s'étendra pour devenir une demeure de douce lumière, loin de laquelle passera le bruit des autres." (Lettres à un jeune poète)
Rainer Maria Rilke (Letters to a Young Poet)
Il est tragique que si peu de gens « possèdent leur âme » avant de mourir. « Rien n’est plus rare pour un homme, dit Emerson, que de commettre un acte bien à lui. » C’est parfaitement vrai. La plupart des gens ne sont pas eux-mêmes. Leurs pensées sont les opinions des autres, leur vie une imitation, leurs passions une citation. Le Christ fut non seulement l’individualiste suprême, mais le premier individualiste de l’histoire. Certains ont tenté d’en faire un philanthrope ordinaire semblable aux horribles philanthropes du XIXe siècle ou l’ont classé comme altruiste parmi les incultes et les sentimentaux. Mais il n’était vraiment ni l’un ni l’autre. Naturellement, les pauvres, ceux qui sont enfermés dans des prisons, les humbles, les misérables, lui inspiraient de la pitié ; mais il éprouvait une pitié plus grande encore pour les possédants, pour les hédonistes au cœur dur, pour ceux qui perdent leur liberté à devenir les esclaves de leurs possessions, pour ceux qui sont richement vêtus et vivent dans des palais. La fortune et le plaisir lui paraissaient être de plus grandes tragédies que la pauvreté et la douleur. Quant à l’altruisme, qui mieux que lui savait que c’est la vocation, et non la volonté, qui nous détermine et que l’on ne peut cueillir des raisins sur des ronces ou des figues sur des chardons ? Vivre pour les autres n’était pas son but conscient et défini, ce n’était pas sa croyance. Lorsqu’il dit : « Pardonnez à vos ennemis », ce n’est pas pour l’amour de l’ennemi, mais pour l’amour de soi et parce que l’amour est plus beau que la haine. Lorsqu’il adjure ainsi le jeune homme qu’il veut sauver : « Vends tout ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres », ce n’est pas à la condition des pauvres qu’il pense, mais à l’âme du jeune homme, cette âme que gâte la richesse. Dans sa conception de la vie, il s’identifie à l’artiste qui sait que, par l’inévitable loi de la perfection de soi, le poète doit chanter, le sculpteur penser en bronze et le peintre faire du monde le miroir de ses impressions, aussi inévitablement que l’aubépine doit fleurir au printemps, que le blé doit dorer ses épis au temps de la moisson et que la lune, dans ses inéluctables phases, doit se métamorphoser de bouclier en faucille et de faucille en bouclier.
Oscar Wilde (De Profundis)
Maldoror, écoute-moi. Remarque ma figure, calme comme un miroir, et je crois avoir une intelligence égale à la tienne. Un jour, tu m’appelas le soutien de ta vie. Depuis lors, je n’ai pas démenti la confiance que tu m’avais vouée. Je ne suis qu’un simple habitant des roseaux, c’est vrai ; mais, grâce à ton propre contact, ne prenant que ce qu’il y avait de beau en toi, ma raison s’est agrandie, et je puis te parler. Je suis venu vers toi, afin de te retirer de l’abîme. Ceux qui s’intitulent tes amis te regardent, frappés de consternation, chaque fois qu’ils te rencontrent, pâle et voûté, dans les théâtres, dans les places publiques, ou pressant, de deux cuisses nerveuses, ce cheval qui ne galope que pendant la nuit, tandis qu’il porte son maître-fantôme, enveloppé dans un long manteau noir. Abandonne ces pensées, qui rendent ton cœur vide comme un désert ; elles sont plus brûlantes que le feu. Ton esprit est tellement malade que tu ne t’en aperçois pas, et que tu crois être dans ton naturel, chaque fois qu’il sort de ta bouche des paroles insensées, quoique pleines d’une infernale grandeur. Malheureux ! qu’as-tu dit depuis le jour de ta naissance ? Ô triste reste d’une intelligence immortelle, que Dieu avait créée avec tant d’amour ! Tu n’as engendré que des malédictions, plus affreuses que la vue de panthères affamées ! Moi, je préférerais avoir les paupières collées, mon corps manquant des jambes et des bras, avoir assassiné un homme, que ne pas être toi ! Parce que je te hais. Pourquoi avoir ce caractère qui m’étonne ? De quel droit viens-tu sur cette terre, pour tourner en dérision ceux qui l’habitent, épave pourrie, ballottée par le scepticisme ? Si tu ne t’y plais pas, il faut retourner dans les sphères d’où tu viens. Un habitant des cités ne doit pas résider dans les villages, pareil à un étranger. Nous savons que, dans les espaces, il existe des sphères plus spacieuses que la nôtre, et donc les esprits ont une intelligence que nous ne pouvons même pas concevoir. Eh bien, va-t’en !… retire-toi de ce sol mobile !… montre enfin ton essence divine, que tu as cachée jusqu’ici ; et, le plus tôt possible, dirige ton vol ascendant vers la sphère, que nous n’envions point, orgueilleux que tu es ! Car, je ne suis pas parvenu à reconnaître si tu es un homme ou plus qu’un homme ! Adieu donc ; n’espère plus retrouver le crapaud sur ton passage. Tu es la cause de ma mort. Moi, je pars pour l’éternité, afin d’implorer ton pardon !
Comte de Lautréamont
Quand on me retrouvera, les yeux brûlés on imaginera que j'ai beaucoup appelé et beaucoup souffert. Mais les élans, mais les regrets, mais les tendres souffrances, ce sont encore des richesses. Et moi je n'ai plus de richesses. Les fraîches jeunes filles, au soir de leur premier amour, connaissent le chagrin et pleurent. Le chagrin est lié aux frémissements de la vie. Et moi je n'ai plus de richesses. Les fraîches jeunes filles, au soir de leur premier amour, connaissent le chagrin et pleurent. Le chagrin est lié aux frémissements de la vie. Et moi je n'ai plus de chagrin. Le désert, c'est moi. Je ne forme plus de salive, mais je ne forme plus, non plus, les images douces vers lesquelles j'aurais pu gémir. Le soleil a séché en moi la source des larmes. [...] Je regarde Prévot. Il est frappé du même étonnement que moi, mais il ne comprend pas non plus ce qu'il éprouve. [...] Nous sommes sauvés, il y a des traces dans le sable !... Ah ! nous avions perdu la piste de l'espèce humaine, nous étions retranchés d'avec la tribu, nous nous étions retrouvés seuls au monde, oubliés par une migration universelle, et voici que nous découvrons, imprimés dans le sable, les pieds miraculeux de l'homme. [...] Et cependant, nous ne sommes point sauvés encore. Il ne nous suffit pas d'attendre. Dans quelques heures, on ne pourra plus nous secourir. La marche de la soif, une fois la toux commencée, est trop rapide. Et notre gorge. Mais je crois en cette caravane, qui se balance quelque part, dans le désert. Nous avons donc marché encore, et tout à coup j'ai entendu le chant du coq. Guillaumet m'avait dit : « Vers la fin, j'entendais des coqs dans les Andes. J'entendais aussi des chemins de fer. » Je me souviens de son récit à l'instant même où le coq chante et je me dis : « Ce sont mes yeux qui m'ont trompé d'abord. C'est sans doute l'effet de la soif. Mes oreilles ont mieux résisté. » Mais Prévot m'a saisi par le bras : « Vous avez entendu ? - Quoi ? - Le coq ! - Alors... Alors... » Alors, bien sûr, imbécile, c'est la vie... J'ai eu une dernière hallucination : celle de trois chiens qui se poursuivaient. Prévot, qui regardait aussi, n'a rien vu. Mais nous sommes deux à tendre les bras vers ce Bédouin. Nous sommes deux à user vers lui tout le souffle de nos poitrines. Nous sommes deux à rire de bonheur !... Mais nos voix ne portent pas à trente mètres. Nos cordes vocales sont déjà sèches. Nous nous parlions tout bas l'un à l'autre, et nous ne l'avions même pas remarqué ! Mais ce Bédouin et son chameau, qui viennent de se démasquer de derrière le tertre, voilà que lentement, lentement, ils s'éloignent. Peut-être cet homme est-il seul. Un démon cruel nous l'a montré et le retire... Et nous ne pourrions plus courir ! Un autre Arabe apparaît de profil sur la dune. Nous hurlons, mais tout bas. Alors, nous agitons les bras et nous avons l'impression de remplir le ciel de signaux immenses. Mais ce Bédouin regarde toujours vers la droite... Et voici que, sans hâte, il a amorcé un quart de tour. À la seconde même où il se présentera de face, tout sera accompli. À la seconde même où il regardera vers nous, il aura déjà effacé en nous la soif, la mort et les mirages. Il a amorcé un quart de tour qui, déjà, change le monde. Par un mouvement de son seul buste, par la promenade de son seul regard, il crée la vie, et il me paraît semblable à un dieu... C'est un miracle... Il marche vers nous sur le sable, comme un dieu sur la mer... L'Arabe nous a simplement regardés. Il a pressé, des mains, sur nos épaules, et nous lui avons obéi. Nous nous sommes étendus. Il n'y a plus ici ni races, ni langages, ni divisions. Il y a ce nomade pauvre qui a posé sur nos épaules des mains d'archange.
Antoine de Saint-Exupéry
Être aimé d'une jeune fille chaste, lui révéler le premier cet étrange mystère de l'amour, certes, c'est une grande félicité, mais c'est la chose du monde la plus simple. S'emparer d'un cœur qui n'a pas l'habitude des attaques, c'est entrer dans une ville ouverte et sans garnison. L'éducation, le sentiment des devoirs et la famille sont de très fortes sentinelles ; mais il n'y a sentinelles si vigilantes que ne trompe une fille de seize ans, à qui, par la voix de l'homme qu'elle aime, la nature donne ses premiers conseils d'amour qui sont d'autant plus ardents qu'ils paraissent plus purs. Plus la jeune fille croit au bien, plus elle s'abandonne facilement, sinon à l'amant, du moins à l'amour, car étant sans défiance, elle est sans force, et se faire aimer d'elle est un triomphe que tout homme de vingt-cinq ans pourra se donner quand il voudra. Et cela est si vrai que voyez comme on entoure les jeunes filles de surveillance et de remparts ! Les couvents n'ont pas de murs assez hauts, les mères de serrures assez fortes, la religion de devoirs assez continus pour renfermer tous ces charmants oiseaux dans leur cage, sur laquelle on ne se donne même pas la peine de jeter des fleurs. Aussi comme elles doivent désirer ce monde qu'on leur cache, comme elles doivent croire qu'il est tentant, comme elles doivent écouter la première voix qui, à travers les barreaux, vient leur en raconter les secrets, et bénir la main qui lève, la première, un coin du voile mystérieux. Mais être réellement aimé d'une courtisane, c'est une victoire bien autrement difficile. Chez elles, le corps a usé l'âme, les sens ont brûlé le cœur, la débauche a cuirassé les sentiments. Les mots qu'on leur dit, elles les savent depuis longtemps ; les moyens que l'on emploie, elles les connaissent, l'amour même qu'elles inspirent, elles l'ont vendu. Elles aiment par métier et non par entraînement. Elles sont mieux gardées par leurs calculs qu'une vierge par sa mère et son couvent ; aussi ont-elles inventé le mot caprice pour ces amours sans trafic qu'elles se donnent de temps en temps comme repos, comme excuse, ou comme consolation ; semblables à ces usuriers qui rançonnent mille individus, et qui croient tout racheter en prêtant un jour vingt francs à quelque pauvre diable qui meurt de faim, sans exiger d'intérêt et sans lui demander de reçu. Puis, quand Dieu permet l'amour à une courtisane, cet amour, qui semble d'abord un pardon, devient presque toujours pour elle un châtiment. Il n'y a pas d'absolution sans pénitence. Quand une créature, qui a tout son passé à se reprocher, se sent tout à coup prise d'un amour profond, sincère, irrésistible, dont elle ne se fût jamais crue capable ; quand elle a avoué cet amour, comme l'homme aimé ainsi la domine ! Comme il se sent fort avec ce droit cruel de lui dire : « vous ne faites pas plus pour de l'amour que vous n'avez fait pour de l'argent. » Alors elles ne savent quelles preuves donner. Un enfant, raconte la fable, après s'être longtemps amusé dans un champ à crier : « au secours ! » Pour déranger des travailleurs, fut dévoré un jour par un ours, sans que ceux qu'il avait trompés si souvent crussent cette fois aux cris réels qu'il poussait. Il en est de même de ces malheureuses filles, quand elles aiment sérieusement. Elles ont menti tant de fois qu'on ne veut plus les croire, et elles sont, au milieu de leurs remords, dévorées par leur amour. De là, ces grands dévouements, ces austères retraites dont quelques-unes ont donné l'exemple. Mais, quand l'homme qui inspire cet amour rédempteur a l'âme assez généreuse pour l'accepter sans se souvenir du passé, quand il s'y abandonne, quand il aime enfin, comme il est aimé, cet homme épuise d'un coup toutes les émotions terrestres, et après cet amour son cœur sera fermé à tout autre.
Alexandre Dumas fils (La dame aux camélias)
Il est curieux qu'un premier amour, si, par la fragilité qu'il laisse à notre coeur, il fraye la voie aux amours suivantes, ne nous donne pas des moins, par l'identité même des symptômes et des souffrances, le moyen de les guérir.
Marcel Proust
- On parle tant du premier amour, hein Marco ? On ment comme pour tout le reste. - C'est ainsi, Modesta, moi non plus je n'aurais jamais imaginé, et malheureusement il faut arriver à notre âge pour le savoir. Tu as vu aujourd'hui sur le pont comme ces jeunes nous regardaient ? J'ai presque eu la tentation de le leur dire, mais ils ne m'auraient pas cru. Non, on ne peut communiquer à personne cette plénitude de joie que donne l'excitation vitale de défier le temps à deux, d'être partenaire dans l'art de le dilater, en le vivant le plus intensément possible avant que ne sonne l'heure de la dernière aventure.
Goliarda Sapienza (L'arte della gioia)
Ainsi, j'avais appris comment mon pays avait été conquis par la France. On ne m'en avait jamais parlé. Ce n'était pas que nos aînés voulaient dissimuler ce pan de notre histoire peu glorieux mais ils en étaient ignorants. Un coup d'éventail. Le dey Hussein d'Alger - sorte d'administrateur -, qui gérait l'Algérie pour le compte de l'empire ottoman, avait exigé du représentant du roi Charles X qu'il honore la dette de son pays. À l'époque, l'Algérie était le premier exportateur de céréales pour la France. Le représentant de Charles X avait méprisé Hussein, arguant qu'un sous-fifre ne donnait pas d'ordre au roi de France. Hussein, humilié et ridiculisé devant sa cour, l'avait souffleté trois fois avec son éventail. Quelques mois plus tard, Charles X envoyait son armada corriger la piètre armée du Dey Hussein. Battu sans livrer combat, il avait été chassé comme un malpropre d'Alger. Quatre-vingt-dix ans plus tard, des hommes comme moi se retrouvaient à porter l'uniforme pour défendre cette France qui nous avait mis à genoux.
Akli Tadjer (d'Amour et de Guerre)
L'Amour engendre l'Amour; lorsque j'ai envie que l'on m'aime, je suis le premier à aimer.
Gregory Skovoroda
De cette assise sortent les spirales des liserons à cloches blanches, les brindilles de la bugrane rose, mêlées de quelques fougères, de quelques jeunes pousses de chêne aux feuilles magnifiquement colorées et lustrées ; toutes s’avancent prosternées, humbles comme des saules pleureurs, timides et suppliantes comme des prières. Au-dessus, voyez les fibrilles déliées, fleuries, sans cesse agitées de l’amourette purpurine qui verse à flots ses anthères presque jaunes ; les pyramides neigeuses du paturin des champs et des eaux, la verte chevelure des bromes stériles, les panaches effilés de ces agrostis nommés les épis du vent ; violâtres espérances dont se couronnent les premiers rêves et qui se détachent sur le fond gris de lis où la lumière rayonne autour de ces herbes en fleurs. Mais déjà plus haut, quelques roses du Bengale clairsemées parmi les folles dentelles du daucus, les plumes de la linaigrette, les marabous de la reine des prés, les ombellules du cerfeuil sauvage, les blonds cheveux de la clématite en fruits, les mignons sautoirs de la croisette au blanc de lait, les corymbes des millefeuilles, les tiges diffuses de la fumeterre aux fleurs roses et noires, les vrilles de la vigne, les brins tortueux des chèvrefeuilles ; enfin tout ce que ces naïves créatures ont de plus échevelé, de plus déchiré, des flammes et de triples dards, des feuilles lancéolées, déchiquetées, des tiges tourmentées comme les désirs entortillés au fond de l’âme. Du sein de ce prolixe torrent d’amour qui déborde, s’élance un magnifique double pavot rouge accompagné de ses glands prêts à s’ouvrir, déployant les flammèches de son incendie au- dessus des jasmins étoilés et dominant la pluie incessante du pollen, beau nuage qui papillote dans l’air en reflétant le jour dans ses mille parcelles luisantes ! Quelle femme enivrée par la senteur d’Aphrodise cachée dans la flouve, ne comprendra ce luxe d’idées soumises, cette blanche tendresse troublée par des mouvements indomptés, et ce rouge désir de l’amour qui demande un bonheur refusé dans les luttes cent fois recommencées de la passion contenue, infatigable, éternelle ? Mettez ce discours dans la lumière d’une croisée, afin d’en montrer les frais détails, les délicates oppositions, les arabesques, afin que la souveraine émue y voie une fleur plus épanouie et d’où tombe une larme ; elle sera bien près de s’abandonner, il faudra qu’un ange ou la voix son enfant la retienne au bord de l’abîme. Que donne-t-on à Dieu ? des parfums, de la lumière et des chants, les expressions les plus épurées de notre nature. Eh! bien, tout ce qu’on offre à Dieu n’était-il pas offert à l’amour dans ce poème de fleurs lumineuses qui bourdonnait incessamment ses mélodies au cœur, en y caressant des voluptés cachées, des espérances inavouées, des illusions qui s’enflamment et s’éteignent comme des fils de la vierge par une nuit chaude.
Honoré de Balzac
Je vous demandais tout à l'heure si vous aviez aimé ; vous m'avez répondu comme un voyageur à qui l'on demanderait s'il a été en Italie ou en Allemagne, et qui dirait : oui j'y ai été ; puis qui penserait à aller en Suisse, ou dans le premier pays venu. Est-ce donc une monnaie que votre amour pour qu'il puisse passer ainsi de main en main jusqu'à la mort ? Non, ce n'est pas même une monnaie ; car la plus mince pièce d'or vaut mieux que vous, et dans quelque main qu'elle passe, elle garde son effigie.
Alfred de Musset (On ne badine pas avec l'amour.)
Puis, la voyant souvent, il avait laissé germer dans son cœur cette graine, cette petite graine de tendresse qu'elles sèment en nous si vite, et qui pousse si grande. Et maintenant, depuis une heure surtout, il commençait à se sentir possédé, à sentir en lui cette présence constante de l'absente qui est le premier signe de l'amour.
Alfred de Musset (La confession d'un enfant du siècle (French Edition))
À une soie Je te revois tendue et sans vent dans les ombres Propice et large soie étalée sans un pli Tendre comme un discours de musique profonde Et suave de trois cruautés agrandies. Le morceau appelant mon cœur était le rouge Non pas rouge mais rose en pétales séchés Non pas de fleurs mais par angoisse un peu lilas Des tons exquis du sang longtemps assassiné De Marat. Et le blanc portait comment un soleil Le reflet jaunissant des plus calmes peintures La douceur de la mort Et le travail de lui l’huile à des couchants vermeils. Le bleu seul était dur comme les yeux des airs L’opaque ciel qui tient la majesté divine Prisonnière en lui ainsi qu’au premier jour Le ciel terrible et pur à la hampe guerrière. Mais surtout la Parole en sortait la criante La violente importante et parole d’effroi Ou parole d’amour lue la première fois À haïr, adorer, à laisser ou à prendre. La parole adorée dans des lettres dorées Qui font relief en trébuchante maladresse Qui hésitent comme en souffrant À retourner d’un soc le monde labouré. Paroles feu riant ! Perspectives humaines Ouvertes par les mots étranges d’un enfant Et l’histoire achevée les pierres calcinées À remettre en poussière et jeter sur les chaînes ! La parole pour plaire à Dieu disait Justice Sur les bois englués d’un holocauste fort L’honneur avait rempli le sacrifice Et le drapeau disait : Liberté ou la Mort.
Pierre Jean Jouve
HANS : Je suis le dieu de cette femme, entendez-vous ! LE PREMIER JUGE : Chevalier... HANS : Vous en doutez ! Quelle est ta seule pensée, Ondine ? ONDINE : Toi. HANS : Quel est ton pain ? Quel est ton vin ? Quand tu présidais ma table, et que tu levais ta coupe, que buvais-tu ? ONDINE : Toi. HANS : Quel est ton dieu ? ONDINE : Toi. HANS : Vous l'entendez, juges ! Elle pousse l'amour au blasphème !
Giraudoux, Jean (Ondine)
J'étais incapable de me détacher d'elle. Au sens propre comme au figuré. Elle hantait mes cauchemars la nuit et mes pensées le jour, altérant jusqu'au dernier de mes rêves. Je n'étais plus que désir impatient, passion incandescente et soupirs latents. Je la cherchais partout quand elle ne se montrait pas. Elle était devenue l'astre qui régissait mon corps alangui ; je désespérais d'obtenir l'un de ses regards, l'une de ses caresses. Elle n'était pas seulement mon premier amour : elle était l'Amour personnifié. Cupide et vorace, tendre et violent, beau et furieux, cruel et somptueux.
Tiphaine Bleuvenn (Sylphide)
Il faudrait pouvoir restituer au mot « philosophie » sa signification originelle : la philosophie — l'« amour de la sagesse » — est la science de tous les principes fondamentaux ; cette science opère avec l'intuition, qui « perçoit », et non avec la seule raison, qui « conclut ». Subjectivement parlant, l'essence de la philosophie est la certitude ; pour les modernes au contraire, l'essence de la philosophie est le doute : le philosophe est censé raisonner sans aucune prémisse (voraussetzungsloses Denken), comme si cette condition n'était pas elle-même une idée préconçue ; c'est la contradiction classique de tout relativisme. On doute de tout, sauf du doute(1). La solution du problème de la connaissance — si problème il y a — ne saurait être ce suicide intellectuel qu'est la promotion du doute ; c'est au contraire le recours à une source de certitude qui transcende le mécanisme mental, et cette source — la seule qui soit — est le pur Intellect, ou l'Intelligence en soi. Le soi-disant « siècle des lumières » n'en soupçonnait pas l'existence ; tout ce que l'Intellect pouvait offrir — de Pythagore jusqu'aux scolastiques — n'était pour les encyclopédistes que dogmatisme naïf, voire « obscurantisme ». Fort paradoxalement, le culte de la raison a fini dans cet infra-rationalisme — ou dans cet « ésotérisme de la sottise » — qu'est l'existentialisme sous toutes ses formes ; c'est remplacer illusoirement l'intelligence par de l'« existence ». D'aucuns ont cru pouvoir remplacer la prémisse de la pensée par cet élément arbitraire, empirique et tout subjectif qu'est la « personnalité » du penseur, ce qui est la destruction même de la notion de vérité ; autant renoncer à toute philosophie. Plus la pensée veut être « concrète », et plus elle est perverse ; cela a commencé avec l'empirisme, premier pas vers le démantèlement de l'esprit ; on cherche l'originalité, et périsse la vérité(2). (...) ! Somme toute, la philosophie moderne est la codification d'une infirmité acquise ; l'atrophie intellectuelle de l'homme marqué par la « chute » avait pour conséquence une hypertrophie de l'intelligence pratique, d'où en fin de compte l'explosion des sciences physiques et l'apparition de pseudo-sciences telles que la psychologie et la sociologie.
Frithjof Schuon (The Transfiguration of Man)
J'etais arrete a regarder, dans une exposition d'oeuvres de Rodin, une enorme main de bronze, la ,,Main de Dieu''.La paume en etait a moitie fermee et dans cette paume, extatiques, enlaces, luttaient et se melaient un homme et une femme. Une jeune fille s'approcha et s'arreta a cote de moi.Troublee elle aussi, elle regardait l'inquietant et eternel enlacement de l'homme et de la femme.Elle etait mince, bien habillee, avec d'epais cheveux blonds, un menton fort, des levres etroites.Elle avait quelque chose de decide et de viril.Et moi qui deteste engager des conversations faciles, je ne sais ce qui me poussa.Je me retournai: -A quoi pensez-vous? -Si on pouvait s'echapper! murmura-t-elle avec depit. -Pour aller ou?La main de Dieu est partout.Pas de salut.Vous le regrettez? -Non.Il se peut que l'amour soit la joie la plus intense sur cette terre.C'est possible.Mais maintenant que je vois cette main de bronze, je voudrais m'echapper. -Vous preferez la liberte? -Oui. -Mais si ce n'est que lorsqu'on obeit a la main de bronze qu'on est libres?Si le mot "Dieu" n'avait pas le sens commode que lui donne la masse? Elle me regarda,inquiete.Ses yeux etaient d'un gris metallique, ses levres seches et ameres. -Je ne comprends pas, dit-elle, et elle s'eloigna, comme effrayee. Elle disparut.[...]Oui , je m'etais mal conduit, Zorba avait raison.C'etait un bon pretexte que cette main de bronze, la premiere prise de contact etait reussie, les premieres douces paroles amorcees, et nous aurions pu, sans en prendre conscience ni l'un ni l'autre, noue etreindre et nous unir en toute tranquillite dans la paume de Dieu.Mais moi je m'etais elance brusquement de la terre vers le ciel et la femme effarouchee s'etait enfuie.
Nikos Kazantzakis
Ceci est ta vie. Ceci est à toi. Tu peux faire l'exact inventaire de ta maigre fortune, le bilan précis de ton premier quart de siècle. Tu as vingt cinq ans et vingt-neuf dents, trois chemises et huit chaussettes, quelques livres que tu ne lis plus, quelques disques que tu n'écoutes plus. Tu n'as pas envie de te souvenir d'autre chose, ni de ta famille, ni de tes études, ni de tes amours, ni de tes amis, ni de tes vacances, ni de tes projets. Tu as voyagé et tu n'as rien rapporté de tes voyages. Tu es assis et tu ne veux qu'attendre, attendre seulement jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à attendre : que vienne la nuit, que sonnent les heures, que les jours s'en aillent, que les souvenirs s'estompent.
Georges Perec (Un homme qui dort)
Voilà pourtant, Madame, voilà le récit fidèle de ce que vous nommez mes torts, et que peut-être il serait plus juste d'appeler mes malheurs. Un amour pur et sincère, un respect qui ne s'est jamais démenti, une soumission parfaite: tels sont les sentiments que vous m'avez inspirés. Je n'eusse pas craint d'en présenter l'hommage à la Divinité même. Ô vous, qui en êtes son plus bel ouvrage, imitez-la dans son indulgence! Songez à mes peines cruelles; songez surtout que, placé par vous entre le désespoir et la félicité suprême, le premier mot que vous prononcerez, décidera pour jamais de mon sort. - Lettre 36
Pierre Choderlos de Laclos (Les liaisons dangereuses ou lettres recueillies dans une société et publiées pour l'instruction de quelques autres)
C’était leur secret. Kai comptait plus que quiconque pour Ren. Bien plus que Phœnix ou qu’Indigo. Personne n’oublie jamais son premier amour, peu importe le temps qui passe et non-dits.
Myosotis (Vengeance and Legends (Sex, Secrets & Spells #4))
Cette douleur d'avoir perdu mon premier amour Ce soulagement de ne plus être la prisonnière Ce constat: l'amour n'est qu'un leurre
Lily Rause (Le jaune des jonquilles)
Et cela dure toute la vie : bébé, enfant, adolescente, lycéenne, étudiante, salariée, épouse, mère de famille, une femme est traitée comme une femme, jusqu’à ce que le sexe et le genre coïncident parfaitement, selon l’idéal que chaque société se fixe : serrer les jambes quand on est assise, ne pas parler trop haut, être belle et avoir honte des imperfections de son corps, ne jamais faire le premier pas en amour, brider son ambition professionnelle. À l’issue d’un long enseignement silencieux, les femmes deviennent des créatures-pour-autrui, oblates empathiques, douloureusement réflexives, privées de cette légitimité de naissance que le masculin confère aux hommes. Même le langage incorpore les apprentissages de genre : aux États-Unis, les femmes ont davantage recours aux protections (I think, sort of, like), aux questions (isn’t it ?) et aux intensifiants (so, really, oh my God), de telle sorte que leur discours apparaît à la fois trivial et dépourvu d’autorité.
Ivan Jablonka (A History of Masculinity)
Entrez, (m'sieur) dans l'humanité Entrez, m'sieur dans l'humanité! Gagnez la foire aux vanités Hâtez-vous, préparez vos glandes Bousculez femmes et enfants Réclamez vos dividendes Faites main basse sur les premiers rangs Voyez-vous, j'aimerais mieux pas Entrez, m'sieur dans l'humanité! Les langes noués, les lits défaits Amours de pissotière Ou coeurs purs à la boutonnière Vautrez-vous en simple appareil Choisissez votre place au soleil Voyez-vous, j'aimerais mieux pas Entrez, m'sieur dans l'humanité! L'échelle est mise, les crasses permises Les dents longues, le sourire douillet Laissez vos frères dans la mouise Vous serez sans inconvenance Tartempion, roi de la finance Voyez-vous, j'aimerais mieux pas Entrez, m'sieur dans l'humanité! Le genou sur un prie-Dieu… (chanson sur une musique de Jacques Dutronc)
Linda Lê
Un deuil ne se borne pas, comme on le dit souvent, à envahir les sentiments ; il consiste plutôt en une fréquentation ininterrompue du disparu, comme si ce dernier devenait plus proche. Car la mort ne le rend pas seulement invisible : elle le rend aussi plus accessible à notre regard. Elle nous le vole, mais elle le complète également d'une manière inédite. Dès le moment qui fige pour nos yeux ces contours mouvants qui traduisaient l'action et les changements constants d'une physionomie, celle-ci nous révèle souvent pour la première fois sa quintessence, l'élément que le déroulement de l'existence ne nous donnait pas le loisir de percevoir totalement. Et cette nouvelle connaissance prend la forme d'une expérience spontanément partagée comme au temps du contact personnel, elle ne résulte pas d'un effort de pensée délibéré, animé par le désir de célébrer le défunt ou de trouver consolation. Cette appropriation passionnée, cette découverte pour la première fois possible, nulle diversion, nulle autre impression de notre vie ne peut la détourner de son cours, il suffit d'écouter le message qui nous parvient de ces lèvres muettes : « Écoute ce vent qui souffle! la nouvelle ininterrompue qui se forme dans le silence. » C'est ce qui m'est arrivé durant cet hiver 1926-1927 que Rainer Maria Rilke, dans une lettre écrite de son lit de mort, appelait « un mauvais vent qui souffle ». Alors la bouleversante différence entre survivre et mourir devint mineure. Irrésistiblement s'imposa la constatation que toute relation humaine tient à la force que nous lui consacrons : toutes ne sont-elles pas, et bien souvent les plus chères, des signes et des images de nos tout premiers élans amoureux, qui nous ont appris à aimer, avant même leur propre naissance? - de même que les nuages de l'est brillent grâce au rayonnement du soleil qui se couche à l'ouest. De leur vivant, nous distinguons mal ceux auxquels nous sommes unis avec le plus d'éclat - d'un éclat qui ne peut cesser de rayonner. Il y a une part de notre amour qui reste enfermée dans le cercueil, celle que nous pleurons et dont la perte nous endeuille le plus ; et l'autre, qui continue à vivre et à réagir à tout ce qui nous arrive, en dialogue, une part qui semble toujours sur le point de redevenir réalité, parce qu'elle touche à ce qui nous réunit éternellement avec la vie et la mort.
Lou Andreas-Salomé (Rainer Maria Rilke)
A qui recommander mon livre? Aux amateurs du genre, bien entendu, mais aussi aux gens qui, comme moi, sont à la base fans de polars, ou ont d'autres lectures. Le fantastique n'est pas mon premier amour, et en mettant les pieds dedans, j'ai amené tout ce qui m'a fait aimer l'écriture et a construit mon sens du récit.
Marika Gallman
Le mot « philosophie », en lui-même, peut assurément être pris en un sens fort légitime, qui fut sans doute son sens primitif, surtout s’il est vrai que, comme on le prétend, c’est Pythagore qui l’employa le premier : étymologiquement, il ne signifie rien d’autre qu’« amour de la sagesse » ; il désigne donc tout d’abord une disposition préalable requise pour parvenir à la sagesse, et il peut désigner aussi, par une extension toute naturelle, la recherche qui, naissant de cette disposition même, doit conduire à la connaissance. Ce n’est donc qu’un stade préliminaire et préparatoire, un acheminement vers la sagesse, un degré correspondant à un état inférieur à celle-ci; la déviation qui s’est produite ensuite a consisté à prendre ce degré transitoire pour le but même, à prétendre substituer la « philosophie » à la sagesse, ce qui implique l’oubli ou la méconnaissance de la véritable nature de cette dernière. C’est ainsi que prit naissance ce que nous pouvons appeler la philosophie « profane », c’est-à-dire une prétendue sagesse purement humaine, donc d’ordre simplement rationnel, prenant la place de la vraie sagesse traditionnelle, supra-rationnelle et « non-humaine ».
René Guénon (The Crisis of the Modern World)
Tomber amoureux est le phénomène le plus mystérieux de l’univers. Ceux qui aiment au premier regard vivent la version la moins inexplicable du miracle : s’ils n’aimaient pas auparavant, c’était parce qu’ils ignoraient l’existence de l’autre.
Amélie Nothomb (Barbe bleue)
Ceux qui estiment que le fait de voir le mal est preuve de mauvaiseté (« le bon ne voit partout que du bien », etc.), sont les premiers à voir du mal dès qu’il s’agit d’orthodoxie, de dogmes, de culte, d’institutions sacerdotales ; en pratique c’est surtout le mal qui bénéficie de leur « amour universel ».
Frithjof Schuon (Gnosis: Divine Wisdom, A New Translation with Selected Letters (Library of Perennial Philosophy))
Elle n'était pas le premier corps que je serrais mais le premier que j'aimais, le premier qui soit sans défaut malgré ses bizarreries.
Stéphanie Hochet (La distribution des lumières)
Ce n'est ni la femme ni l'homme qui doivent être idéaux mais ce qu'ils veulent partager ensemble. Une grande histoire d'amour, c'est la rencontre de deux donneurs
Marc Levy (Le premier jour)
Solo il mio cor piaceami, e col mio core In un perenne ragionar sepolto, Alla guardia seder del mio dolore. Seul me plaisait mon coeur, et d'être enseveli Dans un échange éternel avec lui, Siégeant à la garde de ma douleur. (il primo amore, le premier amour)
Giacomo Leopardi (Canti)
La littérature érotique a existé dès le véritable essor de la littérature roumaine. Jean Boutière évoquait déjà en dans sa biographie de Ion Creangă, considéré comme un des trois grands classiques roumains, l’existence, pour plusieurs de ses célèbres contes, parallèlement à leur texte « officiel », d’une version plus osée. Un peu plus tard, durant l’entre-deux-guerres, Gib I. Mihăescu en prose ou Geo Bogza en poésie publièrent eux aussi des textes « osés ». La censure communiste interrompit cette tradition pendant de longues années. À ce titre, La Poupée russe est souvent considérée comme un livre libérateur, le premier roman à briser une censure dont l’influence ne se limitait pas à son action administrative. Mircea Cărtărescu, avec Lulu, s’était déjà avancé dans l’évocation de la sexualité, envisagée néanmoins d’un point de vue souvent psychanalytique, par moments scientifique. Gheorghe Crăciun s’inscrit davantage dans une tradition littéraire de l’érotisme : de son propre, sa méthode consiste à accumuler des fantasmes, d’où se forment des constellations qu'il appelle « conglomérats cohérents », à partir desquels il constitue des romans qui rendent pour lui hommage à l’amour, litote reprise dans le titre du roman de 2010 du mystérieux Maxim Crocer, Amo(u)r, un de ceux qui illustrent le mieux l’influence d’un auteur fortement nourri de l’histoire littéraire. (Préface à la traduction française, par Gabrielle Danoux)
Gheorghe Crăciun (La poupée russe)
La vie est une succession de choix que l'on referait différemment s'il nous était donné de tout recommencer, Mimo. Si tu es parvenu à faire les bons choix du premier coup, sans jamais te tromper, alors tu es un dieu. Et malgré tout l'amour que je te porte, malgré le fait que tu sois, mon fils, même moi, je ne crois pas avoir donné naissance à un dieu.
Jean-Baptiste Andrea (Veiller sur elle)
Comment me croire seule, quand je vois la terre s’embellir chaque jour d’un nouveau charme ? Déjà le premier-né de la nature s’avance, déjà j’éprouve ses douces influences, tout mon sang se porte vers mon cœur qui bat plus violemment à l’approche du printemps ; à cette sorte de création nouvelle, tout s’éveille et s’anime ; le désir naît, parcourt l’univers, et effleure tous les êtres de son aile légère, tous sont atteints et le suivent ; il leur ouvre la route du plaisir, tous enchantés s’y précipitent ; l’homme seul attend encore, et différent sur ce point des êtres vivants, il ne sait marcher dans cette route que guidé par l’amour. Dans ce temple de l’union des êtres, où les nombreux enfants de la nature se réunissent, désirer et jouir étant tout ce qu’ils veulent, ils s’arrêtent et sacrifient sans choix sur l’autel du plaisir ; mais l’homme dédaigne ces biens faciles : entre le désir qui l’appelle, et la jouissance qui l’excite, il languit fièrement s’il ne pénètre au sanctuaire ; c’est là seulement qu’est le bonheur, et l’amour seul peut y conduire....
Sophie Cottin (Claire d'Albe)
Et toi pauvre inconnu, tu es enveloppé au labyrinthe de folie, aimant et mourant, sans seulement l'oser dire ni faire semblant.
Garci Rodríguez de Montalvo (Le Premier Livre de Amadis de Gaule Traitant de Maintes Avantures d'Armes Et d'Amours: Qu'eurent Plusieurs Chevaliers Et Dames, Tant Du Royaume de la ... Que d'Autres Païs (French Edition))
En quatre bonds j’eus dégringolé les marches de l’escalier de pierre. J’avais besoin de me purifier les poumons au grand air de la nuit : je volai d’une course, à travers les landiers, jusqu’aux roches de l’extrême Pointe, et là, couché sur le dos parmi le romarin, les bras en croix sous ma tête, avec, au-dessus de moi, le ruissellement infini de la Voie lactée, j’achevai de me préciser à moi-même, méthodiquement, mathématiquement en quelque sorte, tout le détail du plan de vengeance conçu à Kérudavel et dont j’avais, dans ma conversation avec ma femme, posé les premiers jalons. Jamais je ne m’étais senti la pensée aussi énergiquement lucide. Il semblait que la vie de mon cœur broyé se fût réfugiée dans mon cerveau et qu’elle en décuplât les puissances. J’étais presque confondu de voir avec quelle aisance, quelle solidité, tous les fils de ma combinaison se tramaient et se nouaient comme de soi. Il m’en vint une espèce d’exaltation héroïque, l’orgueil de l’homme qui non seulement n’est plus le jouet des événements, mais, au contraire, les tient à sa merci. En me relevant, j’aperçus par-delà les courants du Raz, tout pailletés d’un scintillement d’astres, l’œil vert de Gorlébella qui me regardait. — Salut à toi, m’écriai-je dans un accès d’enthousiasme farouche, salut à toi, nocturne émeraude des mers du ponant, gardienne incorruptible du feu, image vivante de Vesta ! Tu sais si je t’ai consciencieusement servie. Parmi les hommes attachés à ton culte, il n’en est pas un qui t’ait donné des gages plus forts de constance et de fidélité. Je ne crois pas que tu aies à me reprocher une seule défaillance. Deux années durant, et bien qu’en proie aux pires obsessions de l’amour, j’ai monté autour de toi une faction sacrée. Tu m’es témoin que jamais le sommeil ne m’a surpris à mon poste. Tout mon honneur, je le mettais à ce que ta flamme brûlât haut et clair et qu’elle resplendît au loin, dans l’espace, multipliée par le rayonnement des prismes, comme la veilleuse des eaux immenses, comme la lampe de l’infini… Si j’ai bien mérité de toi, le moment est proche où tu vas pouvoir m’en récompenser. Te l’ai-je assez murmuré, le nom de cette Adèle à qui tu m’arrachais huit mois sur douze ! Te l’ai-je assez murmuré, dis-moi, le jour, en astiquant tes délicats rouages, la nuit, pieusement assis à mon banc de quart, ainsi qu’un cénobite dans sa stalle de chêne, devant le maître-autel ! Confidente de mes souvenirs passionnés et de mes larmes, tu as vu de quel cœur je l’idolâtrais. Tandis que j’entretenais ta pure lumière sur les eaux, c’était comme si j’eusse attisé en moi-même l’ardeur dévorante dont cette femme m’avait embrasé. Elle, cependant… Mais que t’importe ! Apprends seulement ceci : comme tu fus associée à mon amour, tu vas l’être à ma haine. L’œuvre de justice et de châtiment, c’est à toi que je la réserve. La Trégorroise au front romanesque a souvent exprimé le vœu de dormir, bercée par les grandes voix du Raz, à l’abri de tes murs inébranlables : elle y dormira !… Elle y dormira, côte à côte avec son complice, d’un sommeil plus profond que les abîmes qui t’environnent, et tu flamboieras au-dessus de leur couche, tel qu’un cierge d’hymen, le plus beau qui se puisse rêver à des noces humaines, fût-ce à des noces d’éternité !… L’œil vert clignota, comme en signe d’acquiescement, puis se voila d’une paupière d’ombre, enfin s’éteignit. Je n’attendis pas que l’œil rouge commençât de poindre, et, agitant une dernière fois mon bonnet de peau dans la direction du phare : — A bientôt, vieille Gorlébella !… Mes compliments au Louarn, jusqu’à ce que je lui serve le festin promis ! p157p158
Anatole Le Braz (Le Gardien du feu)
En quatre bonds j’eus dégringolé les marches de l’escalier de pierre. J’avais besoin de me purifier les poumons au grand air de la nuit : je volai d’une course, à travers les landiers, jusqu’aux roches de l’extrême Pointe, et là, couché sur le dos parmi le romarin, les bras en croix sous ma tête, avec, au-dessus de moi, le ruissellement infini de la Voie lactée, j’achevai de me préciser à moi-même, méthodiquement, mathématiquement en quelque sorte, tout le détail du plan de vengeance conçu à Kérudavel et dont j’avais, dans ma conversation avec ma femme, posé les premiers jalons. Jamais je ne m’étais senti la pensée aussi énergiquement lucide. Il semblait que la vie de mon cœur broyé se fût réfugiée dans mon cerveau et qu’elle en décuplât les puissances. J’étais presque confondu de voir avec quelle aisance, quelle solidité, tous les fils de ma combinaison se tramaient et se nouaient comme de soi. Il m’en vint une espèce d’exaltation héroïque, l’orgueil de l’homme qui non seulement n’est plus le jouet des événements, mais, au contraire, les tient à sa merci. En me relevant, j’aperçus par-delà les courants du Raz, tout pailletés d’un scintillement d’astres, l’œil vert de Gorlébella qui me regardait. — Salut à toi, m’écriai-je dans un accès d’enthousiasme farouche, salut à toi, nocturne émeraude des mers du ponant, gardienne incorruptible du feu, image vivante de Vesta ! Tu sais si je t’ai consciencieusement servie. Parmi les hommes attachés à ton culte, il n’en est pas un qui t’ait donné des gages plus forts de constance et de fidélité. Je ne crois pas que tu aies à me reprocher une seule défaillance. Deux années durant, et bien qu’en proie aux pires obsessions de l’amour, j’ai monté autour de toi une faction sacrée. Tu m’es témoin que jamais le sommeil ne m’a surpris à mon poste. Tout mon honneur, je le mettais à ce que ta flamme brûlât haut et clair et qu’elle resplendît au loin, dans l’espace, multipliée par le rayonnement des prismes, comme la veilleuse des eaux immenses, comme la lampe de l’infini… Si j’ai bien mérité de toi, le moment est proche où tu vas pouvoir m’en récompenser. Te l’ai-je assez murmuré, le nom de cette Adèle à qui tu m’arrachais huit mois sur douze ! Te l’ai-je assez murmuré, dis-moi, le jour, en astiquant tes délicats rouages, la nuit, pieusement assis à mon banc de quart, ainsi qu’un cénobite dans sa stalle de chêne, devant le maître-autel ! Confidente de mes souvenirs passionnés et de mes larmes, tu as vu de quel cœur je l’idolâtrais. Tandis que j’entretenais ta pure lumière sur les eaux, c’était comme si j’eusse attisé en moi-même l’ardeur dévorante dont cette femme m’avait embrasé. Elle, cependant… Mais que t’importe ! Apprends seulement ceci : comme tu fus associée à mon amour, tu vas l’être à ma haine. L’œuvre de justice et de châtiment, c’est à toi que je la réserve. La Trégorroise au front romanesque a souvent exprimé le vœu de dormir, bercée par les grandes voix du Raz, à l’abri de tes murs inébranlables : elle y dormira !… Elle y dormira, côte à côte avec son complice, d’un sommeil plus profond que les abîmes qui t’environnent, et tu flamboieras au-dessus de leur couche, tel qu’un cierge d’hymen, le plus beau qui se puisse rêver à des noces humaines, fût-ce à des noces d’éternité !… L’œil vert clignota, comme en signe d’acquiescement, puis se voila d’une paupière d’ombre, enfin s’éteignit. Je n’attendis pas que l’œil rouge commençât de poindre, et, agitant une dernière fois mon bonnet de peau dans la direction du phare : — A bientôt, vieille Gorlébella !… Mes compliments au Louarn, jusqu’à ce que je lui serve le festin promis ! p157-p158
Anatole Le Braz (Le Gardien du feu)
5 mars 1941 (extrait) Je sens s’accroître mon goût pour la déchéance, et j’y vois–je le comprends mieux aujourd’hui–l’ultime étape d’un certain niveau de la culture. C’est le livre de Matei Caragiale[Les Seigneurs du Vieux-Castel] qui a rallumé en moi cette conviction que d’autres lectures déjà avaient éveillée. Après « Les Enfants terribles » j’ai fini, hier soir, « Le Grand Meulnes ». Arrivé aux dernières pages, je me demandais avec inquiétude où je pourrais encore trouver de tels livres. En fait, ce goût aigre-doux pour la période frêle et pourrie de l’adolescence doit me venir de plus loin, de ma propre adolescence, quand je suis tombé malade, pour m’effilocher entre quinze et vingt ans. C’est de cette époque-là que date mon penchant pour la poésie et pour la solitude, pour les amours qui finissent mal, pour la musique simple, gauche et nostalgique des premiers tangos. Il y a cependant quelque chose de réconfortant dans le livre d’Alain Fournier : son entêtement paysan à poursuivre le même fil, sans relâche. (p. 70-71)
Miron Radu Paraschivescu (Journal d'un heretique)
Le journal d'Éva Heyman n'est pas seulement un témoignage poignant sur la vie des Juifs de Oradea et de la Transylvanie du Nord pendant les années de « nuit et brouillard », retraçant les persécutions et le système d'avilissement jusqu'à l'enfermement dans un camp–ghetto avant la déportation et l'anéantissement à Auschwitz. Il est aussi et surtout le récit d'une adolescente douée, intelligente, qui a su non seulement saisir avec justesse la réalité de l'époque, mais aussi faire part avec pudeur de ses sentiments, de son premier « amour » et de toute une série de considérations qui étaient déjà celles d'une jeune adulte, en évoquant sur un ton passionné son quotidien et ses liens familiaux. (p. 30, préface de Carol Iancu)
Éva Heyman (J'ai v??cu si peu : Journal du ghetto d'Oradea by Eva Heyman (2013-05-15))
Un amoureux trouve sa maîtresse endormie sur un talus moussu ; il désire apercevoir son beau visage sans la réveiller. Il approche discrètement sur l’herbe, prenant soin de ne faire aucun bruit. Il s’arrête, croyant l’avoir entendue bouger ; il s’éloigne ; pour rien au monde, il ne veut qu’on le voie. Tout se tait ; il avance à nouveau, se penche sur elle. Son visage est couvert d’un léger voile, il le soulève et se penche encore ; ses yeux s’apprêtent maintenant à contempler la beauté, douce, radieuse et charmante au repos. Quel empressement dans leur premier regard ! Mais comme ils se figent ! Comme l’amoureux sursaute ! Comme il serre soudain avec passion dans ses bras la forme qu’il n’osait pas, il n’y a qu’un instant, effleurer du doigt ! Comme il hurle un nom, comme il lâche son fardeau qu’il regarde, égaré ! Il étreint et hurle et regarde, parce qu’il ne craint plus désormais qu’aucun des cris qu’il lance, aucun des mouvements qu’il fait la tirent du sommeil. Il croyait son amour tendrement endormi ; il découvre qu’il est mort et glacé.
Charlotte Brontë (Jane Eyre)
Les femmes ont le privilége de pouvoir, dans un premier mot, donner le ton d'une situation difficile; ainsi, dans le : « Bonjour, Jacques, » que madame de Wine dit à de Feuil en lui tendant la main, il y avait, grâce au geste, à l'intonation et au regard : « Je suis contente de vous voir, je ne vous en veux pas ; il ne sera question de rien d'embarrassant pour vous ; je vous ai bien aimé, je ne suis pas heureuse, je veux être votre amie. » D'autre part, si amoureux que vous soyez d'une femme, quand vous vous retrouvez pour la première fois en présence de celle que vous aimiez ou croyiez aimer auparavant, quand cette femme est jeune et belle, quand elle vous traite en ami et paraît accepter sans rancune la place inférieure que votre cœur lui assigne dans l'avenir, vous vous sentez pris d'un certain attendrissement, et pendant une minute, sans souhaiterde renouer l'habitude d'autrefois, vous vous demandez si vous n'avez pas eu tort de la rompre, et si, bien sérieusement, votre nouvel amour vaut mieux que l'ancien.
Alexandre Dumas fils (La Dame aux Perles)
Il y a trois sortes de grandes dames. Il y a celles qui naissent nobles, fières, hautaines, qui mettent le respect de leur nom avant toute chose, qui marchent tout droit dans la vie : ces femmes que nous voyons et admirons de loin, passent au dessus des conditions vulgaires de l'humanité, et ne touchent à la terre que par l'exemple qu'elles lui donnent ; sévères pour elles-mêmes, indulgentes pour les autres, elles vont, les yeux fixés sur leur blason, une armure sur le coeur. Celles-là sont les chevaliers de leur race. Si elles souffrent, nul ne le sait. Spartiates chrétiennes, elles immolent tout à leur honneur, L'homme qui aimerait une de ces femmes sans être son mari, n'aurait plus qu'à mourir de son amour. Celles-là, respectons les ; inclinons-nous devant elles, ce sont des saintes ! À côté de ces créatures privilégiées, il en est d'autres, aussi nobles, aussi fières, mais moins fortes. Celles-ci entrent dans le monde avec la volonté d'enfermer leur coeur dans leur noblesse, leur bonheur dans leur devoir ; seulement, elles se croient en droit de demander à la vie la réalisation de certains rêves de leur âme ; et si la vie les trompe, si le bonheur du foyer conjugal leur fait défaut, elles se livrent à un coeur qui les comprend, et succombent, à un moment donné, une fois dans leur vie. Celles-là, protégeons-les, ce sont des femmes. Mais il en est d'autres, du même rang, sinon de la même race ; du même titre, sinon du même rang, qui entrent sans lutte dans un premier amour, comme si c' était d'avance une chose convenue, puis dans un second, puis dans un troisième ; qui, se croyant inattaquables derrière leur position de grandes dames, défient l'opinion, étonnent de leurs scandales, et se parent de leurs fautes comme on se pare de fleurs ; qui vivent pour l'amour, et dont l'amour souriant et fragile tue qui les aime sincèrement. Celles-là, prenons-les, quittons-les, méprisons-les... ce sont des filles ! Mais elles ne déshonorent pas plus la classe à laquelle elles appartiennent que trois ou quatre fuyards ne déshonorent l'armée quand ils l'abandonnent.
Alexandre Dumas fils (La Dame aux Perles)
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Li