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rallumant une nouvelle clope. Tu ne m’as pas toujours respecté pourtant… — Mais non… mais… pour… pourquoi… vous… tu… mais qu’est-ce que je t’ai fait, bon sang ! Vouvoiement, tutoiement, sacré dilemme dans son crâne de piaf. C’est au moins la cinquième fois qu’il me pose la question et il ne sait toujours pas comment s’y prendre. Finalement, ça m’amuse de le voir jouer les équilibristes. Moi, je n’hésite pas un seul instant. Tutoiement. C’est bon, ça fait un an que je lui balance du « vous » à toutes les sauces, que je suis à ses petits soins, que dis-je, que je m’agenouille devant lui comme un serf devant son suzerain. Alors maintenant, on arrête la comédie, c’est fini. On joue d’égal à égal. Si nous avions été deux personnes raisonnables, nous nous serions attablés autour de son bureau, nous aurions discuté de nos différends et peut-être, je dis bien peut-être, serions-nous arrivés à un accord. Mais là, au vu des circonstances et de tout ce qui nous sépare, il n’y a plus de discussion possible. J’ai choisi mon camp. Je serai le dominant et lui le dominé. Les rôles sont donc changés. — Qu’est-ce que tu m’as fait ? m’indigné-je en recrachant la fumée de ma tige sur son visage. Non, mais tu te fous de moi ? Ça fait un an que tu me pourris la vie ! Douze mois consécutifs, bordel de merde ! — Je… je ne vous ai pas… je ne t’ai pas pourri la vie ! Jamais ! Vous… tu… tu sais que tu vas au-devant de graves ennuis ? Adam a tout entendu et là, il est parti donner l’alerte. Les forces d’intervention vont arriver ici d’une minute à l’autre ! Tu ne sais pas dans quel pétrin tu t’es fourré, mon pauvre ami. Alors le mieux pour toi, c’est que tu me détaches de ce fauteuil et que l’on oublie rapidement cette histoire ! La sonnerie du téléphone stoppe subitement ses « conseils avisés ». J’hésite un instant. Je n'ai pas forcément envie de décrocher et à vrai dire, j'ai une vague idée de la personne qui se trouve derrière le combiné, mais comme je suis de nature curieuse, je décide tout de même d'en savoir un peu plus. Deux secondes après avoir répondu « allô », j’arrache violemment le fil qui relie le téléphone à la prise murale et envoie valdinguer l’appareil à l’autre bout de la pièce. Fin de la discussion. — C’est bien ce que je pensais… un négociateur. — Tu aurais dû écouter ce qu’il avait à te dire, reprend l’autre empaffé en me gratifiant d’un sourire qui pue la haine. Maintenant, c’est sûr que tu vas devoir te coltiner le RAID. Et crois-moi, ça va te coûter cher ! Ils sont sans pitié avec les preneurs d’otage… Non vraiment, Adam a fait du bon boulot. Je suis fier de… Un mollard gros comme une balle de 22 Long Rifle fuse alors sur son visage. Façon de lui signifier qu’il peut d’ores et déjà la mettre en sourdine. Adam, c’est le veilleur de nuit de la tour. Je ne le connais pas bien. La seule chose que je peux dire sur lui, c’est que je le croise plus souvent que ma femme et mon fils… À mon grand désarroi. Je lui rétorque quand bien même : — Ces graves ennuis comme tu dis si bien, je ne les ai eus qu’avec toi ! Alors tu sais, les flics peuvent descendre en rappel par les fenêtres ou balancer des lance-roquettes sur cette tour de merde, ce ne sera que de la roupie de sansonnet à côté de ce que j’ai subi ! Tiens, prends ça ! Clac ! Cette baffe est douloureuse. Je le vois à sa grimace. C’est vrai que je ne l’ai pas raté. Ça fait deux heures que je suis sur lui à viser sa joue rougie par le feu de mes allers-retours, alors forcément, à un moment donné on attrape le coup de main. Je craque mes phalanges pour lui faire comprendre
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