“
SUR LA ROUTE UN ARBRE
Sur la route il est un arbre
Qui reste ployé
Et tous les oiseaux de l'arbre
Se sont égaillés.
Trois vers l'ouest et trois vers l'est
Et le reste au sud
Laissant l'arbre Ă la tempĂŞte
Ă€ la solitude.
Je dis à ma mère : écoute
Si tu n'y fais rien,
Ni une ni deux, ma mère
Oiseaux je deviens !
Je veux m'asseoir sur cet arbre
Je le bercerai,
L'hiver de belles complaintes
Le consolerai.
Mère dit : nenni, mon fils !
Et ses pleurs ruissellent
Tu pourrais, hélas, sur l'arbre
Prendre froid mortel !
Je dis : Mère, c'est dommage
Pour tes yeux si beaux
Et avant qu'on s'en avise
Je suis un oiseau.
Geint la mère : Itsik, mon âme,
Au nom de Dieu, tiens,
Prends au moins ce petit châle
Et couvre-t'en bien,
Emporte avec toi tes bottes
Rude, l'hiver vient,
Mets ton bonnet de fourrure
Quel malheur est mien !
Emporte aussi ton chandail
Et mets-le, vaurien,
Si tu ne veux ĂŞtre l'hĂ´te
De tous les défunts !
Qu'il est dur de lever mes ailes,
Trop de choses, trop
Tu mis sur le corps, ma mère,
Du fragile oiseau.
Et tristement je regarde
En ses yeux si beaux,
Son amour mĂŞme m'empĂŞche
De devenir oiseau.
(p. 418-419 de L'Anthologie de la poésie yiddish de Charles Dobzynski)
”
”