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Tout ce que l'on aime devient une fiction.
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Amélie Nothomb (La nostalgie heureuse)
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- Mais au dĂ©but, vous avez dĂ» ĂȘtre heureuse?
- Juste le temps d'y voir clair. Vous croyez peut-ĂȘtre que l'amour est aveugle.. Et bien, le mariage ouvre les yeux.
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Agathe Colombier Hochberg (Ce crétin de prince charmant)
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Ma fille, malheureusement, ou heureusement, tout le monde ne peut pas accéder au bonheur, que ce soit dans la vie ou dans une histoire. Le bonheur des uns engendre du malheur chez les autres. C'est triste, mais c'est ainsi...
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Atiq Rahimi (The Patience Stone)
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Vous cherchez la vie heureuse dans la rĂ©gion de la mort. Elle n'est pas lĂ . Comment y aurait-il vie heureuse oĂč il n'y a mĂȘme pas de vie ?
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Augustine of Hippo (Confessions of Saint Augustine (Faith Classics))
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Ta voix, tes yeux, tes mains, tes lĂšvres,
Nos silences, nos paroles,
La lumiĂšre qui sâen va, la lumiĂšre qui revient,
Un seul sourire pour nous deux,
Par besoin de savoir, jâai vu la nuit crĂ©er le jour sans que nous changions dâapparence,
Ă bien-aimĂ© de tous et bien-aimĂ© dâun seul,
En silence ta bouche a promis dâĂȘtre heureuse,
De loin en loin, ni la haine,
De proche en proche, ni lâamour,
Par la caresse nous sortons de notre enfance,
Je vois de mieux en mieux la forme humaine,
Comme un dialogue amoureux, le cĆur ne fait quâune seule bouche
Toutes les choses au hasard, tous les mots dits sans y penser,
Les sentiments à la dérive, les hommes tournent dans la ville,
Le regard, la parole et le fait que je tâaime,
Tout est en mouvement, il suffit dâavancer pour vivre,
Dâaller droit devant soi vers tout ce que lâon aime,
Jâallais vers toi, jâallais sans fin vers la lumiĂšre,
Si tu souris, câest pour mieux mâenvahir,
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard.
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Paul Ăluard
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Parfois, tu rĂȘves que le sommeil est une morte lente qui te gagne, une anestĂ©sie douce et terrible Ă la fois, une nĂ©crose heureuse : le froid monte le long de tes jambes, le long de tes bras, monte lentement, t'engourdit, t'annihile.
Ton orteil est une montagne lointaine, ta jambe un fleuve, ta joue est ton oreiller, tu loges tout entier dans ton pouce, tu fonds, tu coules comme du sable, comme du mercure.
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Georges Perec (Un homme qui dort)
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Il n'est qu'un bien, c'est le tendre plaisir.
Quelle immortalité vaut une nuit heureuse ?
Pour tes baisers je vendrais l'avenir.
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François-René de Chateaubriand
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Il avait besoin de son bonheur comme d'autres ont besoin d'oxygĂšne. Elle devait ĂȘtre heureuse pour qu'il vive, c'Ă©tait aussi simple que ça.
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Pierre Bottero (L'Ćil d'Otolep (Les Mondes d'Ewilan, #2))
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Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses:
De cette façon nous serons bien heureuses
Et si notre vie a des instants moroses
Du moins nous serons, n'est-ce pas ? deux pleureuses.
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Paul Verlaine
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Bien heureusement, pensait Elizabeth, personne ne devait sâen apercevoir. Car, Ă beaucoup de sensibilitĂ© Jane unissait une Ă©galitĂ© dâhumeur et une maĂźtrise dâelle-mĂȘme qui la prĂ©servait des curiositĂ©s indiscrĂštes.
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Jane Austen (Pride and Prejudice)
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PrĂ©fĂšres-tu, rose, ĂȘtre l'ardente compagne
de nos transports présents?
Est-ce les souvenir qui davantage te gagne
lorsqu'un bonheur se reprend?
Tant de fois je t'ai vue, heureuse et sĂšche,
- chaque pétale un linceul -
dans un coffret odorant, à cÎté d'une mÚche,
ou dans un livre aimé qu'on relira seul.
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Rainer Maria Rilke (The Complete French Poems of Rainer Maria Rilke)
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Heureuse ! Qu'est-ce que cela signifiait ? C'était tout juste un mot commode pour ceux qui veulement que la vie soit uniformément blanche ou noire, pour ces petites gens perdus dans la jungle humaine et qui cherchent à se rassurer par une formule
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Vita Sackville-West (All Passion Spent)
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En vivant votre misĂšre, vous pouvez ĂȘtre malheureuse ou heureuse. C'est dans ce choix que consiste votre libertĂ©. Vous ĂȘtes libre de fondre votre individualitĂ© dans la marmite de la multitude avec un sentiment de dĂ©faite, ou bien avec euphorie. (...) notre seule libertĂ© est de choisir entre l'amertume et le plaisir. L'insignifiance de tout Ă©tant notre lot, il ne faut pas la porter comme une tare, mais savoir s'en rĂ©jouir. (ch. 43)
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Milan Kundera (Identity)
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Heureusement que le monde va mal ; je n'aurais pas supporté d'aller mal dans un monde qui va bien!
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Georges Wolinski
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Heureuse la mort qui oste le loisir aux apprests de tel equipage.
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Michel de Montaigne (The Complete Essays)
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Je l'aimais beaucoup. On ne peut pas dire cela à son amoureux. Dommage. De ma part, l'aimer beaucoup, c'était beaucoup. Il me rendait heureuse. J'étais toujours joyeuse de le voir. J'avais pour lui de l'amitié, de la tendresse. Quand il n'était pas là , il ne me manquait pas. Telle était l'équation de mon sentiment pour lui et je trouvais cette histoire merveilleuse. C'est pourquoi je redoutais des déclarations qui eussent exigés une réponse ou, pire, une réciprocité.
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AmĂ©lie Nothomb (Ni d'Ăve ni d'Adam)
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Elle aimait la vie, il aimait la mort,
Il aimait la mort, et ses sombres promesses,
Avenir incertain d'un garçon en détresse,
Il voulait mourir, laisser partir sa peine,
Oublier tous ces jours Ă la mĂȘme rengaine...
Elle aimait la vie, heureuse d'exister,
Voulait aider les gens et puis grandir en paix,
C'Ă©tait un don du ciel, toujours souriante,
Fleurs et nature, qu'il pleuve ou qu'il vente.
Mais un beau jour, la chute commença,
Ils tombĂšrent amoureux, mauvais choix,
Elle aimait la vie et il aimait la mort,
Qui d'entre les deux allait ĂȘtre plus fort?
Ils s'aimaient tellement, ils auraient tout sacrifié,
Amis et famille, capables de tout renier,
Tout donner pour s'aimer, tel Ă©tait leur or,
Mais elle aimait la vie et il aimait la mort...
Si différents et pourtant plus proches que tout,
Se comprenant pour protéger un amour fou,
L'un ne rĂȘvait que de mourir et de s'envoler,
L'autre d'une vie avec lui, loin des atrocités...
Fin de l'histoire : obligés de se séparer,
Ils s'étaient promis leur éternelle fidélité.
Aujourd'hui, le garçon torturé vit pour elle,
Puisque la fille, pour lui, a rendu ses ailes...
Il aimait la mort, elle aimait la vie,
Il vivait pour elle, elle est morte pour lui »
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William Shakespeare
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Je suis une aspirine effervescente qui se dissout dans Tokyo.
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Amélie Nothomb (La nostalgie heureuse)
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Il y a des livres que lâon rate, comme certaines rencontres, on passe Ă cĂŽtĂ© dâhistoires et de gens qui auraient pu tout changer. Ă cause dâun malentendu, dâune couverture, ou dâun rĂ©sumĂ© passable, dâun a priori. Heureusement que parfois, la vie insiste.
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Valérie Perrin (Trois)
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Ă ce moment-lĂ , je crois, jâai pris conscience quâaucune existence, si heureuse ou brillante fĂ»t-elle, ne me suffirait jamais. Il vient toujours un moment oĂč le rĂȘveur, qui dâordinaire se croit heureux parce que ses songes lâemportent sans cesse ailleurs, prend conscience de son malheur.
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Jean-Christophe Rufin (Le Grand CĆur)
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Ce qui m'a permis de ne pas reproduire le mal qui m'a Ă©tĂ© infligĂ©, ce n'est pas l'art, les mĂ©dicaments, ni la loi, c'est ce que j'ai dĂ©cidĂ© de devenir : un dead end, un cul-de-sac oĂč va mourir la haine. Je ne suis pas heureuse, je n'ai pas espoir de l'ĂȘtre un jour. Mais j'ai rĂ©ussi Ă arrĂȘter de haĂŻr.
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Emmanuelle Pierrot (La version qui n'intéresse personne)
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Nâimporte ! elle nâĂ©tait pas heureuse, ne lâavait jamais Ă©tĂ©. DâoĂč venait donc cette insuffisance de la vie, cette pourriture instantanĂ©e des choses oĂč elle sâappuyait ?⊠Mais, sâil y avait quelque part un ĂȘtre fort et beau, une nature valeureuse, pleine Ă la fois dâexaltation et de raffinements, un coeur de poĂšte sous une forme dâange, lyre aux cordes dâairain, sonnant vers le ciel des Ă©pithalames Ă©lĂ©giaques, pourquoi, par hasard, ne le trouveraitelle pas ? Oh ! quelle impossibilitĂ© ! Rien, dâailleurs, ne valait la peine dâune recherche ; tout mentait ! Chaque sourire cachait un bĂąillement dâennui, chaque joie une malĂ©diction, tout plaisir son dĂ©goĂ»t, et les meilleurs baisers ne vous laissaient sur la lĂšvre quâune irrĂ©alisable envie dâune voluptĂ© plus haute.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Alors, accepter de remettre en cause ce que lâon tient pour vrai est une belle preuve dâouverture dâesprit. Heureusement quâil y a ces esprits diffĂ©rents pour remettre en question les certitudes gĂ©nĂ©rales ! Par ailleurs, savoir faire son autocritique est un signe de souplesse et de modestie. Laisser le droit Ă lâautre de penser diffĂ©remment dĂ©montre sa tolĂ©rance. Câest aussi un signe de prudence et de maturitĂ© de vĂ©rifer les informations avant de les intĂ©grer.
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Christel Petitcollin (Je pense trop : comment canaliser ce mental envahissant)
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Ăcoutant, en effet, les cris d'allĂ©gresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allĂ©gresse Ă©tait toujours menacĂ©e. Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu'on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaĂźt jamais, qu'il peut rester pendant des dizaines d'annĂ©es endormi dans les meubles et le linge, qu'il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-ĂȘtre, le jour viendrait, oĂč, pour le malheur et l'enseignement des hommes, la peste rĂ©veillerait ses rats et les enverrait mourir dans une citĂ© heureuse.
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Albert Camus
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Les retrouvailles sont des phĂ©nomĂšnes si complexes quâon ne devrait les effectuer quâaprĂšs un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire.
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Amélie Nothomb (La Nostalgie heureuse)
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Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l'est à sa façon
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Leo Tolstoy
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-Parce que je suis heureuse, dit-elle en dégageant sa main.
-C'est drĂŽle, remarqua-t-il. Oui, c'est drĂŽle que tu ne sois pas heureuse tout le temps.
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Truman Capote (La traversée de l'été (Littérature EtrangÚre) (French Edition))
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Heureusement, le professeur Quirrell qui passait par lĂ Ă©tait venu Ă leur secours.
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J.K. Rowling (Harry Potter Ă l'Ăcole des Sorciers)
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J'Ă©tais heureuse Ă cet instant.
C'était ce moment-là , et pas un autre. Et c'était tout ce que je pouvais espérer.
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Ălise Turcotte (Guyana)
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Mer profonde, heureusement il tâest facile dâĂ©teindre une Ă©tincelle. ( RAZETTA )
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Alfred de Musset (La nuit vénitienne)
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Il est ridicule de penser quâune nation Ă©clairĂ©e ne soit pas plus heureuse quâune nation ignorante.
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Voltaire (Ćuvres complĂštes - 109 titres et annexes (Ă©dition enrichie))
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Vous avez cru qu'il suffisait d'ĂȘtre parfaite pour ĂȘtre heureuse ; j'ai cru suffisant, pour ĂȘtre heureux, de n'ĂȘtre plus coupable.
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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Adieu! Je t'aime du plus profond de mon cĆur. Je ne t'oublierai jamais. Heureusement que tu as existĂ©. Merci. Adieu!
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Tahar Ben Jelloun (La Nuit de l'erreur (Cadre Rouge) (French Edition))
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Je vous souhaite une vie assez calme, assez heureuse, et assez remplie pour qu'il n'y ait place pour mon souvenir
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Alexandre Dumas (The Count of Monte Cristo)
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Heureusement que les monarques vont parfois trop loin, sinon ils ne tomberaient jamais" (dans LĂ©on l'Africain)
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Amin Maalouf (Leo Africanus)
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â Je suis heureuse, Jay.
Que pouvait-elle avouer d'autre, de sa voix blessée, douloureuse, et si belle, que son bonheur inespéré?
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F. Scott Fitzgerald (The Great Gatsby)
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Les évasions heureuses, les évasions couronnées d'un plein succÚs, sont les évasions méditées avec soin et lentement préparées
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Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo)
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T'es adorable Roger, mais heureusement que t'as Sophie avec toi, parce que t'es pas l'ampoule la plus brillant de la guirlande.
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Maëlle Desard (Cadavre haché - Vampire fùché (Les Tribulations d'Esther Parmentier, sorciÚre stagiaire #1))
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Bref je l'aimais, j'en Ă©tait consciente et j'Ă©tait heureuse de l'aimer.
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Elena Ferrante (L'amie prodigieuse (L'amica geniale #1))
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...mais leurs avis, au fond, je m'en fous, je ne juge pas leurs choix, alors il faut me laisser libre maintenant, libre de tenter d'ĂȘtre heureuse.
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David Foenkinos (Le MystĂšre Henri Pick)
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Elle Ă©tait heureuse de cette ivresse et de cette solitude, heureuse de pouvoir s'inventer une vie sans ĂȘtre contredite.
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LeĂŻla Slimani (In the Country of Others)
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Le rĂȘve de demain est une joie, mais la joie de demain en est une autre, et rien heureusement ne ressemble au rĂȘve qu'on s'en Ă©tait fait; car c'est diffĂ©remment que vaut chaque chose.
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André Gide (Les nourittures terrestres / Les nouvelles nourritures)
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Et quand vint l'heure du courrier, je me dis ce soir-la comme tous les autres: Je vais recevoir une lettre de Gilberte, elle va me dire enfin qu'elle n'a jamais cessĂ© de m'aimer, et m'expliquera la raison mysterieuse pour laquelle elle a Ă©tĂ© forcĂ©e de ma le cacher jusqu'ici, de faire semblant de pouvoir ĂȘtre heureuse sans me voir, la raison pour laquelle elle a pris l'apparence de la Gilberte simple camarade.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann)
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Comme la plus heureuse personne du monde est celle Ă qui peu de choses suffit, les grands et les ambitieux sont en ce point les plus misĂ©rables quâil leur faut lâassemblage dâune infinitĂ© de biens pour les rendre heureux.
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François de La Rochefoucauld
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Mais quelqu'un est venu qui m'a enlevé à tous ces plaisirs d'enfant paisible. Quelqu'un a soufflé la bougie qui éclairait pour moi le doux visage maternel penché sur le repas du soir. Quelqu'un a éteint la lampe autour de laquelle nous étions une famille heureuse, à la nuit, lorsque mon pÚre avait accroché les volets de bois aux portes vitrées. Et celui-là , ce fut Augustin Meaulnes, que les autres élÚves appelÚrent bientÎt le grand Meaulnes.
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Alain-Fournier (Le Grand Meaulnes)
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Elle variait ses hallucinations Ă son grĂ©. Elle ne se contentait pas du passĂ©; elle escomptait l'avenir! Elle changeait le prĂ©sent selon sa volontĂ©; elle mentait et se trompait elle-mĂȘme, mais comme ses mensonges Ă©taient ses propres oeuvres, elle les chĂ©rissait. Pour de brefs instants, elle Ă©tait heureuse. Il n'y avait plus Ă son bonheur ces limites imposĂ©es par le rĂ©el. Tout Ă©tait possible, tout Ă©tait Ă sa portĂ©e. D'abord, la guerre Ă©tait finie.
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IrÚne Némirovsky (Suite Française)
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PoĂ©tise, poĂ©tise, fais-toi le grand cinĂ©ma de la libertĂ© passĂ©e. Vrai que j'aimais ma vie, que je voyais l'avenir sans dĂ©sespoir. Et je ne m'ennuyais pas. J'en ai rĂ©ellement prononcĂ© des propos dĂ©sabusĂ©s sur le mariage, le soir dans ma chambre, avec les copines Ă©tudiantes, une connerie, la mort, rien qu'Ă voir la trombine des couples mariĂ©s au restau, ils bouffent l'un en face de l'autre sans parler, momifiĂ©s. Quand HĂ©lĂšne, licence de philo, concluait que c'Ă©tait tout de mĂȘme un mal nĂ©cessaire, pour avoir des enfants, je pensais qu'elle avait de drĂŽles d'idĂ©es, des arguments saugrenus. Moi je n'imaginais jamais la maternitĂ© avec ou sans mariage. Je m'irritais aussi quand presque toutes se vantaient de savoir bien coudre, repasser sans faux plis, heureuses de ne pas ĂȘtre seulement intellectuelles, ma fiertĂ© devant une mousse au chocolat rĂ©ussie avait disparu en mĂȘme temps que Brigitte, la leur m'horripilait. Oui, je vivais de la mĂȘme maniĂšre qu'un garçon de mon Ăąge, Ă©tudiant qui se dĂ©brouille avec l'argent de l'Ătat, l'aide modeste des parents, le baby-sitting et les enquĂȘtes, va au cinĂ©ma, lit, danse, et bosse pour avoir ses examens, juge le mariage une idĂ©e bouffonne.
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Annie Ernaux (A Frozen Woman)
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Heureusement l'ennemi Ă©tait on ne peut moins entreprenant. Il y eut des nuits oĂč notre position eĂ»t pu ĂȘtre prise d'assaut par vingt boy-scouts armĂ©s de carabines Ă air comprimĂ©, ou tout aussi bien par vingt girl-guides armĂ©es de raquettes.
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George Orwell (Homage to Catalonia)
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Cosette Ă©tait pour lui un parfum et non une femme. Il la respirait. Elle ne refusait rien et il ne demandait rien. Cosette Ă©tait heureuse, et Marius Ă©tait satisfait. Ils vivaient dans ce ravissant Ă©tat quâon pourrait appeler lâĂ©blouissement dâune Ăąme.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Ne pleure pas ! lui dit-elle. BientĂŽt je ne te tourmenterai plus ! â Pourquoi ? Qui tâa forcĂ©e ? Elle rĂ©pliqua : â Il le fallait, mon ami. â NâĂ©tais-tu pas heureuse ? Est-ce ma faute ? Jâai fait tout ce que jâai pu pourtant ! â OuiâŠ, câest vraiâŠ, tu es bon, toi !
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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C'est une erreur de croire que la passion, quand elle est heureuse et pure, conduit l'homme Ă un Ă©tat de perfection; elle le conduit simplement, nous l'avons constatĂ©, Ă un Ă©tat d'oubli. Dans cette situation, l'homme oublie d'ĂȘtre mauvais, mais il oublie aussi d'ĂȘtre bon.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Et maintenant, je puis envoyer Catherine vers la couche d'insomnie qui est le lot d'une héroine de roman, avec son oreiller trempé de larmes et rembourrés d'épines. Et qu'elle s'estime heureuse si, au cours des trois mois qui vont suivre, elle goûte une seule nuit de sommeil paisible !
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Jane Austen (Northanger Abbey)
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Juste avant le miracle, quand j'Ă©tais en soins intensifs, Ă deux doigts de mourir, Maman me disant que je pouvais lĂącher, moi qui m'y efforçais et mes poumons qui s'obstinaient Ă chercher de l'air, elle avait murmurĂ© quelque chose en sanglotant contre l'Ă©paule de Papa, quelque chose que j'aurais aimĂ© ne pas entendre et qu'elle ne doit jamais savoir que j'ai entendu. Elle a dit : « Je ne serai plus jamais maman. ». Ăa m'avait profondĂ©ment marquĂ©e. Tout le reste de la rĂ©union, je n'ai plus pensĂ© qu'à ça. Au ton qu'elle avait eu en disant ça, comme si elle ne serait plus jamais heureuse, ce qui Ă©tait sans doute le cas.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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L'Amour qui n'est pas un mot
Mon Dieu jusqu'au dernier moment
Avec ce coeur dĂ©bile et blĂȘme
Quand on est l'ombre de soi-mĂȘme
Comment se pourrait-il comment
Comment se pourrait-il qu'on aime
Ou comment nommer ce tourment
Suffit-il donc que tu paraisses
De l'air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa mon amour ma jeunesse
O forte et douce comme un vin
Pareille au soleil des fenĂȘtres
Tu me rends la caresse d'ĂȘtre
Tu me rends la soif et la faim
De vivre encore et de connaĂźtre
Notre histoire jusqu'Ă la fin
C'est miracle que d'ĂȘtre ensemble
Que la lumiĂšre sur ta joue
Qu'autour de toi le vent se joue
Toujours si je te vois je tremble
Comme Ă son premier rendez-vous
Un jeune homme qui me ressemble
M'habituer m'habituer
Si je ne le puis qu'on m'en blĂąme
Peut-on s'habituer aux flammes
Elles vous ont avant tué
Ah crevez-moi les yeux de l'Ăąme
S'ils s'habituaient aux nuées
Pour la premiĂšre fois ta bouche
Pour la premiĂšre fois ta voix
D'une aile Ă la cime des bois
L'arbre frémit jusqu'à la souche
C'est toujours la premiĂšre fois
Quand ta robe en passant me touche
Prends ce fruit lourd et palpitant
Jettes-en la moitié véreuse
Tu peux mordre la part heureuse
Trente ans perdus et puis trente ans
Au moins que ta morsure creuse
C'est ma vie et je te la tends
Ma vie en vérité commence
Le jour que je t'ai rencontrée
Toi dont les bras ont su barrer
Sa route atroce à ma démence
Et qui m'as montré la contrée
Que la bonté seule ensemence
Tu vins au coeur du désarroi
Pour chasser les mauvaises fiĂšvres
Et j'ai flambé comme un geniÚvre
A la Noël entre tes doigts
Je suis né vraiment de ta lÚvre
Ma vie est Ă partir de toi
â
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Louis Aragon
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Il me semble que cette mĂ©ditation anticipĂ©e des malheurs humains produit presque le mĂȘme effet que la guĂ©rison obtenue avec le temps, sinon que, dans le premier cas, c'est le raisonnement qui guĂ©rit, et dans le second, la nature ; mais on comprend l'essentiel, Ă savoir que le mal tenu pour le plus grand de tous n'est jamais si grand qu'il puisse dĂ©truire la vie heureuse.
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Marcus Tullius Cicero (Tusculanes, tome 2, livres III-V)
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Mais imaginez, je vous prie, un homme dans la force de l'Ăąge, de parfaite santĂ©, gĂ©nĂ©reusement douĂ©, habile dans les exercices du corps comme dans ceux de l'intelligence, ni pauvre ni riche, dormant bien, et profondĂ©ment content de lui-mĂȘme sans le montrer autrement que par une sociabilitĂ© heureuse. Vous admettrez alors que je puisse parler, en toute modestie, d'une vie rĂ©ussie.
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Albert Camus (La Chute)
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Pendant un moment, elle a galopĂ©, tout heureuse dans ce prĂ©, mais quand elle a atteint la barriĂšre, elle sâest rendu comte quâelle nâĂ©tait toujours pas complĂštement libre. Je comprenais ce besoin dâaller au-delĂ de la clĂŽture. Aussi belle que puisse ĂȘtre la pĂąture, câest la libertĂ© de choisir qui fait la diffĂ©rence entre une existence que lâon vit et une existence que lâon subit.
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Tiffany McDaniel (Betty)
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Vous vivrez ici, Ă Paris, oĂč vous voudrez. Je me charge de votre enfant et de vous. Vous ne travaillerez plus, si vous voulez. Je vous donnerai tout lâargent quâil vous faudra. Vous redeviendrez honnĂȘte en redevenant heureuse. Et mĂȘme, Ă©coutez, je vous le dĂ©clare dĂšs Ă prĂ©sent, si tout est comme vous le dites, et je nâen doute pas, vous nâavez jamais cessĂ© dâĂȘtre vertueuse et sainte devant Dieu. OhâŻ! pauvre femmeâŻ!
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Victor Hugo (Les Misérables: Roman (French Edition))
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Il y eut un moment, par exemple, oĂč M. Gliddon, ne pouvant pas faire comprendre Ă l'Egyptien le mot : la Politique, s'avisa heureusement de dessiner sur le mur, avec un morceau de charbon, un petit monsieur au nez bourgeonnĂ©, aux coudes troussĂ©s, grimpĂ© sur un piedestal, la jambe gauche tendue en arriĂšre, le bras droit projetĂ© en avant, le poing fermĂ©, les yeux convulsĂ©s vers le ciel, et la bouche ouverte sous un angle de 90 degrĂ©s.
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Edgar Allan Poe (Nouvelles histoires extraordinaires)
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Je pouvais alors pleurer les yeux ouverts, contemplant ce monde perdu que la force de lâhallucination ressuscitait. Quand on me retrouvait, on me demandait la nature de ce chagrin et je rĂ©pondais : « Câest la nostalgie. » Bien
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Amélie Nothomb (La Nostalgie heureuse)
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Je ne pense plus Ă la misĂšre, mais Ă la beautĂ© qui survivra. VoilĂ la grande diffĂ©rence entre MĂšre et moi. Quand on est dĂ©couragĂ© ou triste elle conseille : "Pensons aux malheurs du monde, et soyons contents d'ĂȘtre Ă l'abri". Et moi je conseille "Sors, sors dans les champs, regarde la nature et le soleil, va au grand air et tĂąche de retrouver le bonheur en toi-mĂȘme et en Dieu. Pense Ă la beautĂ© qui se trouve encore en toi et autour de toi, sois heureuse !
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Anne Frank (Anne Frank: The Diary Of A Young Girl)
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Je suis heureuse et fiĂšre de moi, mĂȘme quand je fais les courses. Je sors si jâen ai envie, sinon je reste Ă la maison pour lire, regarder un film ou bien cuisiner pour moi ou mes amis. Parfois, je mange Ă table. Dâautres fois, je mâassieds par terre, adossĂ©e au canapĂ©. Jâouvre une bouteille de vin mĂȘme quand je suis seule. Je nâai pas besoin de nĂ©gocier. Je suis indĂ©pendante. Je suis prĂȘte Ă me battre de toutes mes forces pour prĂ©server cette situation. Pour toujours. Pourtant, moi aussi, jâaurais quelquefois besoin quâon mâenlace. Besoin de baisser la garde et de me perdre dans les bras dâun homme. De me sentir protĂ©gĂ©e. MĂȘme si je me dĂ©brouille trĂšs bien toute seule, parfois, jâaimerais feindre le contraire juste pour le plaisir que quelquâun sâoccupe de moi. Seulement, je ne veux pas rester avec un homme pour ça. Je ne veux pas devoir accepter des compromis et je nâarrive pas Ă renoncer Ă tout ce que jâai.
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Fabio Volo (One More Day)
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Avec beaucoup de finesse, mais point trop pour que ces nuances nous fussent tout de mĂȘme intelligibles, elles dĂ©signaient lâun ou lâautre comme leur prĂ©fĂ©rĂ©. Ces jeux de dĂ©sir nous mettaient, elles autant que nous, en compĂ©tition. La hiĂ©rarchie subtile qui sâĂ©tait Ă©tablie dans notre groupe de garçons Ă©tait bouleversĂ©e. Elle Ă©tait dĂ©sormais soumise au classement quâopĂ©raient de lâextĂ©rieur les filles. Parfois, heureusement, les deux ordres coĂŻncidaient. Câest ce qui arriva pour moi.
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Jean-Christophe Rufin (Le Grand CĆur)
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D'oĂč venait l'apitoiement sur soi ? Cette quantitĂ© extraordinaire d'apitoiement sur soi ? Selon presque tous les critĂšres possibles, elle menait une vie trĂšs heureuse. Elle avait toutes ses journĂ©es pour penser Ă une façon dĂ©cente et satisfaisante de vivre, et pourtant tout ce qu'elle semblait rĂ©colter avec tous ses choix et toute sa libertĂ©, c'Ă©tait de plus en plus de malheur. Du coup, l'autobiographie en arrive presque Ă la conclusion qu'elle se lamentait d'avoir autant de libertĂ©. (p. 262)
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Jonathan Franzen (Freedom)
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Est-ce que cette misĂšre durerait toujours ? est-ce qu'elle n'en sortirait pas ? Elle valait bien cependant toutes celles qui vivaient heureuses! Elle avait vu des duchesses Ă la Vaubyessard qui avaient la taille plus lourde et les façons plus communes, et elle exĂ©crait l'injustice de Dieu; elle s'appuyait la tĂȘte aux murs pour pleurer; elle enviait les existences tumultueuses, les nuits masquĂ©es, les insolents plaisirs avec tous les Ă©perduments qu'elle ne connaissait pas et qu'ils devaient donner.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Natsukashii definisce la nostalgia felice - risponde -, l'istante in cui la memoria rievoca un bel ricordo che la riempie di dolcezza. I suoi lineamenti e la sua voce esprimevano dispiacere, perciĂČ si trattava di una nostalgia triste, che non Ăš una nozione giapponese.
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Amélie Nothomb (La nostalgie heureuse)
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C'est un bocal de souvenirs, a-t-elle expliquĂ©. GrĂące Ă lui, tu te rappelleras les baisers qui t'ont rendue heureuse, ceux auxquels tu voudras repenser quand tu seras vieille, comme moi. Les plus beaux. Ceux qui t'ont fait sourire. Chaque fois que le garçon que tu aimes t'offre un baiser, ouvre le bocal et attrape un cĆur. Ecris l'endroit oĂč il t'a embrassĂ©e. Quand tu seras grand-mĂšre, tu raconteras tes aventures Ă tes petits-enfants, comme je l'ai fait avec toi. Tu auras un bocal Ă trĂ©sors avec les mille plus beaux baisers de ta vie.
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Tillie Cole (A Thousand Boy Kisses (A Thousand Boy Kisses, #1))
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mais je crois quâelle aurait tout autant de chances dâĂȘtre heureuse, si elle Ă©pousait Mr. Bingley demain que si elle se met Ă Ă©tudier son caractĂšre pendant une annĂ©e entiĂšre ; car le bonheur en mĂ©nage est pure affaire de hasard. La fĂ©licitĂ© de deux Ă©poux ne mâapparaĂźt pas devoir ĂȘtre plus grande du fait quâils se connaissaient Ă fond avant leur mariage ; cela nâempĂȘche pas les divergences de naĂźtre ensuite et de provoquer les inĂ©vitables dĂ©ceptions. Mieux vaut, Ă mon avis, ignorer le plus possible les dĂ©fauts de celui qui partagera votre existence !
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Jane Austen
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Une des grandes erreurs que l'on peut commettre est de croire que les bonnes maniÚres ne sont que l'expression d'une pensée heureuse.
Les bonnes maniĂšres peuvent l'expression d'un large Ă©ventail d'attitudes. Voici le but essentiel de la civilisation : exprimer les choses de façon Ă©lĂ©gante et non pas agressive. Une de ces errances est le mouvement naturiste, rousseauiste des annĂ©es soixante oĂč l'on disait: "Pourquoi ne pas dire tout simplement ce que l'on pense? " La civilisation ne peut exister sans quelques contraintes. Si nous suivions toutes nos impulsions, nous nous entretuerions.
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Bret Easton Ellis (American Psycho)
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Jâai de sĂ©rieuses raisons de croire que la planĂšte dâoĂč venait le petit prince est lâastĂ©roĂŻde B 612. Cet astĂ©roĂŻde nâa Ă©tĂ© aperçu quâune fois au tĂ©lescope, en 1909, par un astronome turc. Il avait fait alors une grande dĂ©monstration de sa dĂ©couverte Ă un congrĂšs International dâastronomie. Mais personne ne lâavait cru Ă cause de son costume. Les grandes personnes sont comme ça. Heureusement pour la rĂ©putation de lâastĂ©roĂŻde B 612, un dictateur turc imposa Ă son peuple, sous peine de mort, de sâhabiller Ă lâeuropĂ©enne. Lâastronome refit sa dĂ©monstration en 1920, dans un habit trĂšs Ă©lĂ©gant.
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Antoine de Saint-ExupĂ©ry (Le Petit Prince (70e Ădition Anniversaire: entiĂšrement illustrĂ©e avec grandes illustrations) (French Edition))
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Par certains aspects, les livres constituaient un lest pour rester ancrĂ©e Ă la vie, parce qu'ils avaient une fin. Peu lui importait qu'elle soit heureuse ou non, cela restait un privilĂšge dont ne jouissaient pas toujours les histoires dont elle s'occupait au quotidien. Et puis, les livres Ă©taient un excellent antidote au silence parce qu'ils remplissaient son esprit des mots nĂ©cessaires pour combler le vide laissĂ© par les victimes. Surtout, ils reprĂ©sentaient une Ă©chappatoire. Sa façon de disparaĂźtre. Elle se plongeait dans la lecture et tout le reste -y compris elle-mĂȘme- cessait d'exister. Dans les livres, elle pouvait ĂȘtre n'importe qui. Ce qui revenait Ă n'ĂȘtre personne. Quand elle rentrait chez elle, seuls les livres l'accueillaient.
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Donato Carrisi (L'ipotesi del male (Mila Vasquez #2))
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Comprenez-moi. Le misogyne ne mĂ©prise pas les femmes. Le misogyne n'aime pas la fĂ©minitĂ©. Les hommes se rĂ©partissent depuis toujours en deux grandes catĂ©gories. Les adorateurs des femmes, autrement dit les poĂštes, et les misogynes ou, pour mieux dire, les gynophobes. Les adorateurs ou poĂštes vĂ©nĂšrent les valeurs fĂ©minines traditionelles comme le sentiment, le foyer, la maternitĂ©, la fĂ©conditĂ©, les Ă©clairs sacrĂ©s de l'hysterie, et la voix divine de la nature en nous, tandis qu'aux misogynes ou gynophobes ces valeurs inspirent un lĂ©ger effroi. Chez la femme, l'adorateur vĂ©nĂšre la fĂ©minitĂ©, alors que le misogyne donne toujours la prĂ©fĂ©rence Ă la femme sur la fĂ©minitĂ©. N'oubliez pas une chose: une femme ne peut ĂȘtre vraiment heureuse qu'avec un misogyne.
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Milan Kundera (The Book of Laughter and Forgetting)
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Fin de l'Histoire (...) La panne du négatif, la fin de la dialectique, le renoncement au labeur technicien et à son inlassable souci de métamorphoser le donné, annonçaient-ils une humanité oisive mais heureuse, presque opulente, qui, en échange de son désir, de sa passion de la reconnaissance et des rivalités mimétiques qui allaient avec, se voyait libérée de ce que Marx appelait "le royaume de la nécessité" et, donc, de ses besoins ? Elle signifie, ici, une terre en friche et vouée à la vermine, les récoltes qui pourrissent, la fange dans les champs, les hommes affamés - elle signifie, non plus l'oisiveté, mais la misÚre : non plus l'opulence, mais le dénuement ; non plus la satisfaction mais l'empire absolu du besoin.
(ch. 25 Hegel et KojĂšve africains)
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Bernard-Henri LĂ©vy (War, Evil, and the End of History)
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Trompe-la-Mort dßnait chez les Grandlieu, se glissait dans le boudoir des grandes dames, aimait Esther par procuration. Enfin, il voyait en Lucien un Jacques Collin, beau, jeune, noble, arrivant au poste d'ambassadeur. Trompe-la-Mort avait réalisé la superstition allemande DU DOUBLE par un phénomÚne de paternité morale que concevront les femmes qui, dans leur vie, ont aimé véritablement, qui ont senti leur ùme passée dans celle de l'homme aimé, qui ont vécu de sa vie, noble ou infùme, heureuse ou malheureuse, obscure ou glorieuse, qui ont éprouvé, malgré les distances, du mal à leur jambe, s'il s'y faisait une blessure, qui ont senti qu'il se battait en duel, et qui, pour tout dire en un mot, n'ont pas eu besoin d'apprendre une infidélité pour la savoir.
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Honoré de Balzac (Splendeurs et MisÚres des courtisanes)
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La conversation de Charles Ă©tait plate comme un trottoir de rue, et les idĂ©es de tout le monde y dĂ©filaient dans leur costume ordinaire, sans exciter dâĂ©motion, de rire ou de rĂȘverie. Il nâavait jamais Ă©tĂ© curieux, disait-il, pendant quâil habitait Rouen, dâaller voir au thĂ©Ăątre les acteurs de Paris. Il ne savait ni nager, ni faire des armes, ni tirer le pistolet, et il ne put, un jour, lui expliquer un terme dâĂ©quitation quâelle avait rencontrĂ© dans un roman. Un homme, au contraire, ne devait-il pas, tout connaĂźtre, exceller en des activitĂ©s multiples, vous initier aux Ă©nergies de la passion, aux raffinements de la vie, Ă tous les mystĂšres ? Mais il nâenseignait rien, celui-lĂ , ne savait rien, ne souhaitait rien. Il la croyait heureuse ; et elle lui en voulait de ce calme si bien assis, de cette pesanteur sereine, du bonheur mĂȘme quâelle lui donnait.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Shanti posa sa main sur la mienne et me dit avec compassion: «Alors, arrĂȘte de charger ton bocal de sable, MaĂ«lle. Vis tes rĂȘves, prends soin de toi, de ton cĆur, de ton corps, de tes envies, des gens que tu aimes. Remplis-toi de ce que tu es et cesse dâavoir peur de souffrir, câest cette peur qui tâempĂȘche dâĂȘtre heureuse et tâenferme dans tes blessures.» Je fixai Shanti, en pleurs. Il poursuivit: «Prends le risque de vivre et dâĂȘtre ce qui tâhabite. Emplis ton bocal, caillou par caillou, gravier par gravier, grain de sable par grain de sable en considĂ©rant chacune de tes prioritĂ©s. Ă chaque fois que tu poses un Ă©lĂ©ment, il doit prĂ©valoir sur tous les suivants. Choisis par primautĂ© la premiĂšre pierre, puis ajoute la deuxiĂšme en te disant que tu ne sacrifieras jamais la premiĂšre pour la deuxiĂšme. Et continue avec le mĂȘme raisonnement, jusquâau dernier grain. Mais fais attention Ă ce que tu veux, car tu risques de lâobtenir!»
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Maud Ankaoua (KilomÚtre zéro)
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Mon ami, vous m'avez facilement appris Ă ne vivre que pour vous ; apprenez-moi maintenant Ă vivre loin de vous... Non, ce n'est pas lĂ ce que je veux dire, c'est plutĂŽt que, loin de vous, je voudrais ne point vivre, ou au moins oublier mon existence. AbandonnĂ©e Ă moi-mĂȘme, je ne puis supporter ni mon bonheur, ni ma peine; je sens le besoin du repos, et tout repos m'est impossible; j'ai vainement appelĂ© le sommeil, le sommeil a fui de moi; je ne puis ni m'occuper ni rester oisive; tour-Ă -tour un feu brĂ»lant me dĂ©vore, un frisson mortel m'anĂ©antit: tout mouvement me fatigue et je ne saurais rester en place. Enfin ! que dirai-je ? je souffrirais moins dans l'ardeur de la plus violente fiĂšvre, et, sans que je puisse ni l'expliquer ni le concevoir, je sens trĂšs bien pourtant que cet Ă©tat de souffrance ne vient que de mon impuissance Ă contenir ou diriger une foule de sentiments au charme desquels cependant je me trouverais heureuse de pouvoir livrer mon Ăąme toute entiĂšre.
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Laclos Pierre Choderlos De (Les Liaisons dangereuses)
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Ce que l'ingĂ©niositĂ© des hommes nous a offert dans ces cent derniĂšres annĂ©es aurait pu faciliter une vie libre et heureuse, si le progrĂšs entre les humains s'effectuait en mĂȘme temps que les progrĂšs sur les choses. Or le rĂ©sultat laborieux ressemble pour ceux de notre gĂ©nĂ©ration Ă ce que serait un rasoir pour un enfant de trois ans. La conquĂȘte de fabuleux moyens de production n'a pas apportĂ© la libertĂ©, mais les angoisses et la faim.
Pire encore, les progrĂšs techniques fournissent les moyens d'anĂ©antir la vie humaine et tout ce qui a Ă©tĂ© durement crĂ©Ă© par l'homme. Nous, les anciens, avons vĂ©cu cette abomination pensant la guerre mondiale. Mais plus ignoble que cet anĂ©antissement, nous avons vĂ©cu l'esclavage ignominieux oĂč l'homme se voit entraĂźnĂ© par la guerre ! N'est-il pas Ă©pouvantable d'ĂȘtre contraint par la communautĂ© d'accomplir des actes que chacun, face Ă sa conscience, juge criminels ? Or peu d'ĂȘtres ont rĂ©vĂ©lĂ© une telle grandeur d'Ăąme qu'ils ont refusĂ© de les commettre. A mes yeux pourtant ils sont les vrais hĂ©ros de la guerre mondiale.
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Albert Einstein (The World As I See It)
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Câest alors quâAnne apparut ; elle venait du bois. Elle courait, mal dâailleurs, maladroitement, les coudes au corps. Jâeus lâimpression subite, indĂ©cente, que câĂ©tait une vieille dame qui courait, quâelle allait tomber. Je restai sidĂ©rĂ©e : elle disparut derriĂšre la maison, vers le garage. Alors, je compris brusquement et me mis Ă courir, moi aussi, pour la rattraper. Elle Ă©tait dĂ©jĂ dans sa voiture, elle mettait le contact. Jâarrivai en courant et mâabattis sur la portiĂšre. « Anne, dis-je, Anne, ne partez pas, câest une erreur, câest ma faute, je vous expliquerai... » Elle ne mâĂ©coutait pas, ne me regardait pas, se penchait pour desserrer le frein : « Anne, nous avons besoin de vous ! » Elle se redressa alors, dĂ©composĂ©e. Elle pleurait. Alors je compris brusquement que je mâĂ©tais attaquĂ©e Ă un ĂȘtre vivant et sensible et non pas Ă une entitĂ©. Elle avait dĂ» ĂȘtre une petite fille, un peu secrĂšte, puis une adolescente, puis une femme. Elle avait quarante ans, elle Ă©tait seule, elle aimait un homme et elle avait espĂ©rĂ© ĂȘtre heureuse avec lui dix ans, vingt ans peut-ĂȘtre. Et moi... ce visage, ce visage, câĂ©tait mon Ćuvre. JâĂ©tais pĂ©trifiĂ©e, je tremblais de tout mon corps contre la portiĂšre.
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Françoise Sagan (Bonjour tristesse)
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JULIETTE. â A quelle heure enverrai-je vers toi, demain ?
ROMĂO. â Ă neuf heures.
JULIETTE. â Je nây manquerai pas. Dâici Ă ce moment, il va sâĂ©couler vingt ans. Jâai oubliĂ© pourquoi je tâavais rappelĂ©.
ROMĂO.â Permets-moi de rester ici jusquâĂ ce que tu te le rappelles.
JULIETTE. â Jâoublierai encore, afin de te faire rester, et ne me souviendrai que de lâamour que jâai pour ta compagnie.
ROMĂO. â Et moi je resterai, pour te faire oublier encore, oublieux moi-mĂȘme que jâai un autre logis que ce jardin
JULIETTE. â Il est presque matin ; je voudrais que tu fusses parti, et cependant pas plus loin que lâoiseau dâune jeune folle qui le laisse sâĂ©loigner un peu de sa main, pareil Ă un pauvre prisonnier dans ses entraves, et qui le ramĂšne avec un fil de soie, tant elle est amoureusement jalouse de sa libertĂ©.
ROMĂO. â Je voudrais ĂȘtre ton oiseau.
JULIETTE. â ChĂ©ri, je le voudrais aussi : cependant, je te tuerais par trop de caresses. Ronne nuit ! bonne nuit ! la sĂ©paration est une si dĂ©licieuse douleur que je dirais bonne nuit jusquâĂ demain. (Elle, se retire de la fenĂȘtre.)
ROMĂO. â Que le sommeil descende sur tes yeux et la paix dans ton sein ! Que ne suis-je le sommeil et la paix pour goĂ»ter un si doux repos ! Je vais dâici me rentre Ă la cellule de mon pieux confesseur, pour implorer son aide, et lui dire mon heureuse fortune. (Il sort.)
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William Shakespeare (Romeo & Juliet)
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Ce qui lâexaspĂ©rait, câest que Charles nâavait pas lâair de se douter de son supplice. La conviction oĂč il Ă©tait de la rendre heureuse lui semblait une insulte imbĂ©cile, et sa sĂ©curitĂ©, lĂ -dessus, de lâingratitude. Pour qui donc Ă©tait-elle sage ? NâĂ©tait-il pas, lui, obstacle Ă toute fĂ©licitĂ©, la cause de toute misĂšre, et comme lâardillon pointu de cette courroie complexe qui la bouclait de tous cĂŽtĂ©s ? Donc, elle reporta sur lui seul la haine nombreuse qui rĂ©sultait de ses ennuis, et chaque effort pour lâamoindrir ne servait quâĂ lâaugmenter ; car cette peine inutile sâajoutait aux autres motifs de dĂ©sespoir et contribuait encore plus Ă lâĂ©cartement. Sa propre douceur Ă elle-mĂȘme lui donnait des rĂ©bellions. La mĂ©diocritĂ© domestique la poussait Ă des fantaisies luxueuses, la tendresse matrimoniale en des dĂ©sirs adultĂšres. Elle aurait voulu que Charles la battĂźt, pour pouvoir plus justement le dĂ©tester, sâen venger. Elle sâĂ©tonnait parfois des conjectures atroces qui lui arrivaient Ă la pensĂ©e ; et il fallait continuer Ă sourire, sâentendre rĂ©pĂ©ter quâelle Ă©tait heureuse, faire semblant de lâĂȘtre, le laisser croire ! Elle avait des dĂ©goĂ»ts, cependant, de cette hypocrisie. Des tentations la prenaient de sâenfuir avec LĂ©on, quelque part, bien loin, pour essayer une destinĂ©e nouvelle ; mais aussitĂŽt il sâouvrait dans son Ăąme un gouffre vague, plein dâobscuritĂ©.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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On ne peut pas dire que le petit bourgeois n'a rien lu. Il a tout lu, tout dévoré au contraire.
Seulement son cerveau fonctionne à la maniÚre de certains appareils digestifs de type élémentaire.
Il filtre. Et le filtre ne laisse passer que ce qui peut alimenter la couenne de la bonne conscience bourgeoise.
Les Vietnamiens, avant l'arrivée des Français dans leur pays, étaient gens de culture vieille, exquise et raffinée. Ce rappel indispose la Banque d'Indochine. Faites fonctionner l'oublioir !
Ces Malgaches, que l'on torture aujourd'hui, Ă©taient, il y a moins d'un siĂšcle, des poĂštes, des artistes, des administrateurs ? Chut ! Bouche cousue ! Et le silence se fait profond comme un coffre-fort ! Heureusement qu'il reste les nĂšgres. Ah ! les nĂšgres ! parlons-en des nĂšgres !
Eh bien, oui, parlons-en.
Des empires soudanais ? Des bronzes du Bénin ? De la sculpture Shongo ? Je veux bien ; ça nous changera de tant de sensationnels navets qui adornent tant de capitales européennes. De la musique africaine. Pourquoi pas?
Et de ce qu'ont dit, de ce qu'ont vu les premiers explorateurs... Pas de ceux qui mangent aux rùteliers des Compagnies ! Mais des d'Elbée, des Marchais, des Pigafetta ! Et puis de Frobénius ! Hein, vous savez qui c'est, Frobénius ? Et nous lisons ensemble :
« Civilisés jusqu'à la moelle des os ! L'idée du nÚgre barbare est une invention européenne. »
Le petit bourgeois ne veut plus rien entendre. D'un battement d'oreilles, il chasse l'idée.
L'idée, la mouche importune.
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Aimé Césaire (Discourse on Colonialism)
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J'ai de sĂ©rieuses raisons de croire que la planĂšte d'oĂč venait le petit prince est l'astĂ©roĂŻde B 612. Cet astĂ©roĂŻde n'a Ă©tĂ© aperçu qu'une fois au tĂ©lescope, en 1909, par un astronome turc.
Il avait fait alors une grande démonstration de sa découverte à un CongrÚs International d'Astronomie. Mais personne ne l'avait cru à cause de son costume. Les grandes personnes sont comme ça.
Heureusement pour la réputation de l'astéroïde B 612 un dictateur turc imposa à son peuple, sous peine de mort, de s'habiller à l'Européenne. L'astronome refit sa démonstration en 1920, dans un habit trÚs élégant. Et cette fois-ci tout le monde fut de son avis.
Si je vous ai racontĂ© ces dĂ©tails sur l'astĂ©roĂŻde B 612 et si je vous ai confiĂ© son numĂ©ro, c'est Ă cause des grandes personnes. Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel. Elles ne vous disent jamais: 'Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu'il prĂ©fĂšre ? Est-ce qu'il collectionne les papillons ?' Elles vous demandent: 'Quel Ăąge a-t-il ? Combien a-t-il de frĂšres ? Combien pĂšse-t-il ? Combien gagne son pĂšre ?' Alors seulement elles croient le connaĂźtre. Si vous dites aux grandes personnes: 'J'ai vu une belle maison en briques roses, avec des gĂ©raniums aux fenĂȘtres et des colombes sur le toit...' elles ne parviennent pas Ă s'imaginer cette maison. Il faut leur dire: 'J'ai vu une maison de cent mille francs.' Alors elles s'Ă©crient: 'Comme c'est joli !
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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TOUZENBACH
Si vous voulez. De quoi parlerons-nous ?
VERCHININE
De quoi ? RĂȘvons ensemble... par exemple de la vie telle quâelle sera aprĂšs nous, dans deux ou trois cents ans.
TOUZENBACH
Eh bien, aprĂšs nous on sâenvolera en ballon, on changera la coupe des vestons, on dĂ©couvrira peut-ĂȘtre un sixiĂšme sens, quâon dĂ©veloppera, mais la vie restera la mĂȘme, un vie difficile, pleine de mystĂšre, et heureuse. Et dans mille ans, lâhomme soupirera comme aujourdâhui : « Ah ! quâil est difficile de vivre ! » Et il aura toujours peur de la mort et ne voudra pas mourir.
VERCHININE, aprÚs avoir réfléchi.
Comment vous expliquer ? Il me semble que tout va se transformer peu Ă peu, que le changement sâaccomplit dĂ©jĂ , sous nos yeux. Dans deux ou trois cents ans, dans mille ans peut-ĂȘtre, peu importe le dĂ©lai, sâĂ©tablira une vie nouvelle, heureuse. Bien sĂ»r, nous ne serons plus lĂ , mais câest pour cela que nous vivons, travaillons, souffrons enfin, câest nous qui la crĂ©ons, câest mĂȘme le seul but de notre existence, et si vous voulez, de notre bonheur.
Macha rit doucement.
TOUZENBACH
Pourquoi riez-vous ?
MACHA
Je ne sais pas. Je ris depuis ce matin.
VERCHININE
Jâai fait les mĂȘmes Ă©tudes que vous, je nâai pas Ă©tĂ© Ă lâAcadĂ©mie militaire. Je lis beaucoup, mais je ne sais pas choisir mes lectures, peut-ĂȘtre devrais-je lire tout autre chose ; et cependant, plus je vis, plus jâai envie de savoir. Mes cheveux blanchissent, bientĂŽt je serai vieux, et je ne sais que peu, oh ! trĂšs peu de chose. Pourtant, il me semble que je sais lâessentiel, et que je le sais avec certitude. Comme je voudrais vous prouver quâil nây a pas, quâil ne doit pas y avoir de bonheur pour nous, que nous ne le connaĂźtrons jamais... Pour nous, il nây a que le travail, rien que le travail, le bonheur, il sera pour nos lointains descendants. (Un temps.) Le bonheur nâest pas pour moi, mais pour les enfants de mes enfants.
TOUZENBACH
Alors, dâaprĂšs vous, il ne faut mĂȘme pas rĂȘver au bonheur ? Mais si je suis heureux ?
VERCHININE
Non.
TOUZENBACH, joignant les mains et riant.
Visiblement, nous ne nous comprenons pas. Comment vous convaincre ? (Macha rit doucement. Il lui montre son index.) Eh bien, riez ! (Ă Verchinine :) Non seulement dans deux ou trois cents ans, mais dans un million dâannĂ©es, la vie sera encore la mĂȘme ; elle ne change pas, elle est immuable, conforme Ă ses propres lois, qui ne nous concernent pas, ou dont nous ne saurons jamais rien. Les oiseaux migrateurs, les cigognes, par exemple, doivent voler, et quelles que soient les pensĂ©es, sublimes ou insignifiantes, qui leur passent par la tĂȘte, elles volent sans relĂąche, sans savoir pourquoi, ni oĂč elles vont. Elles volent et voleront, quels que soient les philosophes quâil pourrait y avoir parmi elles ; elles peuvent toujours philosopher, si ça les amuse, pourvu quâelles volent...
MACHA
Tout de mĂȘme, quel est le sens de tout cela ?
TOUZENBACH
Le sens... VoilĂ , il neige. OĂč est le sens ?
MACHA
Il me semble que lâhomme doit avoir une foi, du moins en chercher une, sinon sa vie est complĂštement vide... Vivre et ignorer pourquoi les cigognes volent, pourquoi les enfants naissent, pourquoi il y a des Ă©toiles au ciel... Il faut savoir pourquoi lâon vit, ou alors tout nâest que balivernes et foutaises.
Comme dit Gogol : « Il est ennuyeux de vivre en ce monde, messieurs. »
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Anton Chekhov (The Three Sisters)
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En admettant que lâon ait compris ce quâil y a de sacrilĂšge dans un pareil soulĂšvement contre la vie, tel quâil est devenu presque sacro-saint dans la morale chrĂ©tienne, on aura, par cela mĂȘme et heureusement, compris autre chose encore : ce quâil y a dâinutile, de factice, dâabsurde, de mensonger dans un pareil soulĂšvement. Une condamnation de la vie de la part du vivant nâest finalement que le symptĂŽme dâune espĂšce de vie dĂ©terminĂ©e : sans quâon se demande en aucune façon si câest Ă tort ou Ă raison. Il faudrait prendre position en dehors de la vie et la connaĂźtre dâautre part tout aussi bien que quelquâun qui lâa traversĂ©e, que plusieurs et mĂȘme tous ceux qui y ont passĂ©, pour ne pouvoir que toucher au problĂšme de la valeur de la vie : ce sont lĂ des raisons suffisantes pour comprendre que ce problĂšme est en dehors de notre portĂ©e. Si nous parlons de la valeur, nous parlons sous lâinspiration, sous lâoptique de la vie : la vie elle-mĂȘme nous force Ă dĂ©terminer des valeurs, la vie elle-mĂȘme Ă©volue par notre entremise lorsque nous dĂ©terminons des valeurs⊠Il sâensuit que toute morale contre nature qui considĂšre Dieu comme lâidĂ©e contraire, comme la condamnation de la vie, nâest en rĂ©alitĂ© quâune Ă©valuation de vie, â de quelle vie ? de quelle espĂšce de vie ? Mais jâai dĂ©jĂ donnĂ© ma rĂ©ponse : de la vie descendante, affaiblie, fatiguĂ©e, condamnĂ©e. La morale, telle quâon lâa entendue jusquâĂ maintenant â telle quâelle a Ă©tĂ© formulĂ©e en dernier lieu par Schopenhauer, comme « nĂ©gation de la volontĂ© de vivre » â cette morale est lâinstinct de dĂ©cadence mĂȘme, qui se transforme en impĂ©ratif : elle dit : « va Ă ta perte ! » â elle est le jugement de ceux qui sont dĂ©jĂ jugĂ©sâŠ
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Friedrich Nietzsche (Twilight of the Idols)
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Charlotte se trouvait seule ; aucun de ses frĂšres et sĆurs nâĂ©tait autour dâelle ; elle sâabandonnait Ă ses rĂ©flexions, qui passaient doucement sa situation en revue. Elle se voyait pour jamais unie Ă un homme dont elle connaissait lâamour et la fidĂ©litĂ©, Ă qui elle Ă©tait dĂ©vouĂ©e, dont le calme, la soliditĂ©, semblaient destinĂ©s par le ciel mĂȘme Ă fonder, pour la vie, le bonheur dâune honnĂȘte femme ; elle sentait ce quâil serait toujours pour elle et pour sa famille. Dâun autre cĂŽtĂ©, Werther lui Ă©tait devenu bien cher ; dĂšs le premier moment oĂč ils avaient appris Ă se connaĂźtre, la sympathie de leurs caractĂšres sâĂ©tait rĂ©vĂ©lĂ©e de la maniĂšre la plus heureuse ; leur longue liaison, tant de situations diverses oĂč ils sâĂ©taient trouvĂ©s, avaient fait sur le cĆur de Charlotte une impression ineffaçable. Tous les sentiments, toutes les pensĂ©es qui lâintĂ©ressaient, elle Ă©tait accoutumĂ©e Ă les partager avec lui, et le dĂ©part de Werther menaçait de faire dans toute son existence un vide, qui ne pourrait plus ĂȘtre comblĂ©. Oh ! si elle avait pu dans ce moment le changer en un frĂšre ! quâelle se serait trouvĂ©e heureuse !⊠Si elle avait osĂ© le marier avec une de ses amies, elle aurait pu espĂ©rer de rĂ©tablir tout Ă fait la bonne intelligence entre Albert et lui.
Elle avait passĂ© en revue toutes ses amies, et trouvait Ă chacune quelque dĂ©faut ; elle nâen voyait aucune Ă qui elle eĂ»t donnĂ© Werther volontiers.
En faisant toutesâces rĂ©flexions, elle finit par sentir profondĂ©ment, sans se lâexpliquer dâune maniĂšre bien claire, que le secret dĂ©sir, de son cĆur Ă©tait de le garder pour elle, et elle se disait en mĂȘme temps quâelle ne pouvait, quâelle ne devait pas le garder ; son Ăąme pure et belle, jusquâalors si libre et si courageuse, sentit le poids dâune mĂ©lancolie Ă laquelle est fermĂ©e la perspective du bonheur. Son cĆur Ă©tait oppressĂ©, et un sombre nuage couvrait ses yeux.
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Jâai fait ma visite au lieu natal avec toute la piĂ©tĂ© dâun pĂšlerin, et bien des sentiments inattendus mâont saisi. Je fis arrĂȘter prĂšs du grand tilleul qui se trouve Ă un quart de lieue de la ville du cĂŽtĂ© de S⊠; je quittai la voiture, et je lâenvoyai en avant, afin de cheminer Ă pied et de savourer Ă mon grĂ© chaque souvenir, dans toute sa vie et sa nouveautĂ©. Je mâarrĂȘtai sous le tilleul, qui avait Ă©tĂ©, dans mon enfance, le but et le terme de mes promenades. Quelle diffĂ©rence ! Alors, dans une heureuse ignorance, je mâĂ©lançais avec ardeur vers ce monde inconnu, oĂč jâespĂ©rais pour mon cĆur tant de nourriture, tant de jouissances, qui devaient combler et satisfaire lâardeur de mes dĂ©sirs. Maintenant, jâen reviens de ce vaste mondeâŠ. O mon ami, avec combien dâespĂ©rances déçues, avec combien de plans renversĂ©s !⊠Les voilĂ devant moi les montagnes qui mille fois avaient Ă©tĂ© lâobjet de mes vĆux. Je pouvais rester des heures assis Ă cette place, aspirant Ă franchir ces hauteurs, Ă©garant ma pensĂ©e au sein des bois et des vallons, qui sâoffraient Ă mes yeux dans un gracieux crĂ©puscule, et, lorsquâau moment fixĂ© il me fallait revenir, avec quel regret ne quittais-je pas cette place chĂ©rie !⊠Jâapprochai de la ville : je saluai tous les anciens pavillons de jardin ; les nouveaux me dĂ©plurent, comme tous les changements quâon avait faits. Je franchis la porte de la ville, et dâabord je me retrouvai tout Ă fait. Mon ami, je ne veux pas mâarrĂȘter au dĂ©tail : autant il eut de charme pour moi, autant il serait monotone dans le rĂ©cit. Jâavais rĂ©solu de me loger sur la place, tout Ă cĂŽtĂ© de notre ancienne maison. Je remarquai, sur mon passage, que la chambre dâĂ©cole, oĂč une bonne vieille femme avait parquĂ© notre enfance, sâĂ©tait transformĂ©e en une boutique de dĂ©tail. Je me rappelai lâinquiĂ©tude, les chagrins, lâĂ©tourdissement, lâangoisse que jâavais endurĂ©s dans ce trouâŠ. Je ne pouvais faire un pas qui ne mâoffrĂźt quelque chose de remarquable. Un pĂšlerin ne trouve pas en terre sainte autant de places consacrĂ©es par de religieux souvenirs, et je doute que son ame soit aussi remplie de saintes Ă©motionsâŠ. Encore un exemple sur mille : je descendis le long de la riviĂšre, jusquâĂ une certaine mĂ©tairie. CâĂ©tait aussi mon chemin autrefois, et la petite place oĂč les enfants sâexerçaient Ă qui ferait le plus souvent rebondir les pierres plates Ă la surface de lâeau. Je me rappelai vivement comme je mâarrĂȘtais quelquefois Ă suivre des yeux le cours de la riviĂšre ; avec quelles merveilleuses conjectures je lâaccompagnais ; quelles Ă©tranges peintures je me faisais des contrĂ©es oĂč elle allait courir ; comme je trouvais bientĂŽt les bornes de mon imagination, et pourtant me sentais entraĂźnĂ© plus loin, toujours plus loin, et finissais par me perdre dans la contemplation dâun vague lointainâŠ. Mon ami, aussi bornĂ©s, aussi heureux, Ă©taient les vĂ©nĂ©rables pĂšres du genre humain ; aussi enfantines, leurs impressions, leur poĂ©sie. Quand Ulysse parle de la mer immense et de la terre infinie, cela est vrai, humain, intime, saisissant et mystĂ©rieux. Que me sert maintenant de pouvoir rĂ©pĂ©ter, avec tous les Ă©coliers, quâelle est ronde ? Il nâen faut Ă lâhomme que quelques mottes pour vivre heureux dessus, et moins encore pour dormir dessousâŠ
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Est-on moins libre pour obĂ©ir Ă la raison et Ă la raison souveraine, câest-Ă -dire Ă Dieu ? Nâest-ce pas au contraire une dĂ©pendance vraiment heureuse, qui, nous assujettissant Ă Dieu seul, nous rend maĂźtres de nous-mĂȘmes et de toutes choses ?
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Jacques-BĂ©nigne Bossuet
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Le silence nous enveloppait toujours. non pas oppressant comme lorsqu'il dit l'absence de vie, mais tout gonflĂ© d'une rĂ©vĂ©lation heureuse qui est sur le point d'ĂȘtre faite.
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Gabrielle Roy (Children of My Heart)
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Parfois, la derniĂšre chose Ă faire c'est essayer.
Essayer de paraĂźtre normale.
Essayer de paraĂźtre heureuse.
Essayer de rester soi-mĂȘme.
Essayer de rester positive.
Essayer de se dire que tout ira mieux alors qu'au fond,
bien au fond, on sait que c'est faux.
Parfois, la derniĂšre chose Ă faire,
c'est simplement essayer de vivre.
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Emmie Wesline (Objectif Vancouver)
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J'ai vécu d'heureuses années sans écrire. Je menais une vie contemplative et solitaire dont le souvenir m'est encore infiniment doux. Alors, comme je n'étudiais rien, j'apprenais beaucoup. En effet, c'est en se promenant qu'on fait les belles découvertes intellectuelles et morales. Au contraire, ce qu'on trouve dans un laboratoire ou dans un cabinet de travail est en général fort peu de chose, et il est à remarquer que les savants de profession sont plus ignorants que la plupart des autres hommes.
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Anatole France (Oeuvres de Anatole France)
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Spinoza dit qu'il ne se peut pas que l'homme n'ait pas de passions, mais que le sage forme en son ùme une telle étendue de pensées heureuses que ses passions sont toutes petites à cÎté.
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Alain (Propos sur le bonheur)
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Je me redisais en Ă©touffant mes sanglots les mots oĂč Gilberte avait laissĂ© Ă©clater sa joie de ne pas venir de longtemps aux Champs-ĂlysĂ©es. Mais dĂ©jĂ le charme dont, par son simple fonctionnement, se remplissait mon esprit dĂšs qu'il songeait Ă elle, la position particuliĂšre, unique,âfĂ»t elle affligeante,âoĂč me plaçait inĂ©vitablement par rapport Ă Gilberte, la contrainte interne d'un pli mental, avaient commencĂ© Ă ajouter, mĂȘme Ă cette marque d'indiffĂ©rence, quelque chose de romanesque, et au milieu de mes larmes se formait un sourire qui n'Ă©tait que l'Ă©bauche timide d'un baiser. Et quand vint l'heure du courrier, je me dis ce soir-lĂ comme tous les autres: Je vais recevoir une lettre de Gilberte, elle va me dire enfin qu'elle n'a jamais cessĂ© de m'aimer, et m'expliquera la raison mystĂ©rieuse pour laquelle elle a Ă©tĂ© forcĂ©e de me le cacher jusqu'ici, de faire semblant de pouvoir ĂȘtre heureuse sans me voir, la raison pour laquelle elle a pris l'apparence de la Gilberte simple camarade.
Tous les soirs je me plaisais Ă imaginer cette lettre, je croyais la lire, je m'en rĂ©citais chaque phrase. Tout d'un coup je m'arrĂȘtais effrayĂ©. Je comprenais que si je devais recevoir une lettre de Gilberte, ce ne pourrait pas en tous cas ĂȘtre celle-lĂ puisque c'Ă©tait moi qui venais de la composer. Et dĂšs lors, je m'efforçais de dĂ©tourner ma pensĂ©e des mots que j'aurais aimĂ© qu'elle m'Ă©crivĂźt, par peur en les Ă©nonçant, d'exclure justement ceux-lĂ ,âles plus chers, les plus dĂ©sirĂ©sâ, du champ des rĂ©alisations possibles. MĂȘme si par une invraisemblable coĂŻncidence, c'eĂ»t Ă©tĂ© justement la lettre que j'avais inventĂ©e que de son cĂŽtĂ© m'eĂ»t adressĂ©e Gilberte, y reconnaissant mon Ćuvre je n'eusse pas eu l'impression de recevoir quelque chose qui ne vĂźnt pas de moi, quelque chose de rĂ©el, de nouveau, un bonheur extĂ©rieur Ă mon esprit, indĂ©pendant de ma volontĂ©, vraiment donnĂ© par l'amour.
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Marcel Proust
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ta mĂšre n'avait aucun dĂ©sir, Ăteinte, elle a toujours Ă©tĂ© Ă©teinte, fanĂ©e. A-t-elle Ă©tĂ© un jour heureuse?je me le demande encore. Et moi je n'Ă©tais pas l'homme capable de lui donner le bonheur.
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Tahar Ben Jelloun (The Sacred Night)
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Je venais de tomber dans mon propre passé. Fort heureusement, je connaissais bien les risques inhérents aux paradoxes temporels, et j'eus le bon réflexe de ne pas m'attarder.
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Marc-Antoine Mathieu (Le Processus (Julius Corentin Acquefacques, prisonnier des rĂȘves #3))
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Les annĂ©es heureuses sont les annĂ©es perdues, on attend une souffrance pour travailler. LâidĂ©e de la souffrance prĂ©alable sâassocie Ă lâidĂ©e du travail, on a peur de chaque nouvelle Ćuvre en pensant aux douleurs quâil faudra supporter dâabord pour lâimaginer. Et comme on comprend que la souffrance est la meilleure chose que lâon puisse rencontrer dans la vie, on pense sans effroi, presque comme Ă une dĂ©livrance, Ă la mort. Pourtant, si cela me rĂ©voltait un peu, encore fallait-il prendre garde que bien souvent nous nâavons pas jouĂ© avec la vie, profitĂ© des ĂȘtres pour les livres, mais tout le contraire. Le cas de Werther, si noble, nâĂ©tait pas, hĂ©las, le mien. Sans croire un instant Ă lâamour dâAlbertine jâavais vingt fois voulu me tuer pour elle, je mâĂ©tais ruinĂ©, jâavais dĂ©truit ma santĂ© pour elle. Quand il sâagit dâĂ©crire, on est scrupuleux, on regarde de trĂšs prĂšs, on rejette tout ce qui nâest pas vĂ©ritĂ©. Mais tant quâil ne sâagit que de la vie, on se ruine, on se rend malade, on se tue pour des mensonges. Il est vrai que câest de la gangue de ces mensonges-lĂ que (si lâĂąge est passĂ© dâĂȘtre poĂšte) on peut seulement extraire un peu de vĂ©ritĂ©. Les chagrins sont des serviteurs obscurs, dĂ©testĂ©s, contre lesquels on lutte, sous lâempire de qui on tombe de plus en plus, des serviteurs atroces, impossibles Ă remplacer et qui par des voies souterraines nous mĂšnent Ă la vĂ©ritĂ© et Ă la mort. Heureux ceux qui ont rencontrĂ© la premiĂšre avant la seconde, et pour qui, si proches quâelles doivent ĂȘtre lâune de lâautre, lâheure de la vĂ©ritĂ© a sonnĂ© avant lâheure de la mort.
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Marcel Proust
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â Je ne pouvais pas... je ne voulais pas te laisser partir, confessa Tristan dans un murmure. Je suis sĂ»r de pouvoir te rendre heureuse, je t'offrirai tout ce que tu as toujours rĂȘvĂ© possĂ©der.
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Elisia Blade (Séduire & Conquérir (Crush Story #5))
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Il en est ainsi pour tout le monde : on se marie, on aime encore un peu, on travaille. On travaille tant qu'on en oublie d'aimer. Jeanne aussi travaillait, puisque les promesses du chef de bureau n'avaient pas Ă©tĂ© tenues. Ici, il fallait un peu d'imagination pour comprendre ce que voulait dire Grand. La fatigue aidant, il s'Ă©tait laissĂ© aller, il s'Ă©tait tu de plus en plus et il n'avait pas soutenu sa jeune femme dans l'idĂ©e qu'elle Ă©tait aimĂ©e. Un homme qui travaille, la pauvretĂ©, l'avenir lentement fermĂ©, le silence des soirs autour de la table, il n'y a pas de place pour la passion dans un tel univers. Probablement, Jeanne avait souffert. Elle Ă©tait restĂ©e cependant : il arrive qu'on souffre longtemps sans le savoir. Les annĂ©es avaient passĂ©. Plus tard, elle Ă©tait partie. Bien entendu, elle n'Ă©tait pas partie seule. « je t'ai bien aimĂ©, mais maintenant je suis fatiguĂ©e... je ne suis pas heureuse de partir, mais on da pas besoin d'ĂȘtre heureux pour recommencer. » C'est, en gros, ce qu'elle lui avait Ă©crit.
Joseph Grand Ă son tour avait souffert. Il aurait pu recommencer, comme le lui fit remarquer Rieux. Mais voilĂ , il n'avait pas la foi.
Simplement, il pensait toujours à elle. Ce qu'il aurait voulu, c'est lui écrire une lettre pour se justifier. « Mais c'est difficile, disait-il. Il y a longtemps que j'y pense. Tant que nous nous sommes aimés, nous nous sommes compris sans paroles. Mais on ne s'aime pas toujours. à un moment donné, j'aurais dû trouver les mots qui l'auraient retenue, mais je n'ai pas pu. »
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Albert Camus (The Plague)
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Des fois, j'ai peur d'ĂȘtre heureuse juste quand je suis en voyage.
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Véronique CÎté (Chaque automne j'ai envie de mourir)
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Comme la vie est lente... Comme l'espérance est violente..." Ce sont les mots d'un poÚte. Dostoïevski a probablement montré l'inverse et le constat qui est le sien serait plutÎt que la vie est violente et l'espérance lente à porter son fruit. Il aura, en revanche, donné à voir le déchirement induit par la différence d'allure que pointait Apollinaire.
[...]
Ce que le poĂšte a dĂ©signĂ© n'en est pas moins rĂ©vĂ©lateur de cela mĂȘme qui fonde les romans de DostoĂŻevski et, peut-ĂȘtre, la littĂ©rature en son principe. Il ne s'agit en effet rien de moins que du constat que la vie ne parvient pas Ă s'Ă©tablir sur la pointe de ses bonheurs. D'oĂč ce dĂ©sĂ©quilibre entre elle et le dĂ©sir. D'oĂč ce dĂ©calage entre le vĂ©cu et l'espĂ©rance. Ce n'est pas Ă dire que la joie y manque forcĂ©ment, mais qu'on ne sait pas durer le souffle coupĂ© par l'Ă©motion d'un surcroĂźt. Or la parole littĂ©raire, en ce qu'elle nous ressemble, en ce qu'elle ressemble Ă nos vĂ©cus, ne sĂ©journe pas davantage sur les points d'intensitĂ© heureuse qu'on voudrait y reprĂ©senter.
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Gabrielle Althen (Dostoïevski, Le meurtre et l'espérance)