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premiÚre et légÚre esquisse du chagrin que cause une séparation et des progrÚs irréguliers de l'oubli
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Marcel Proust (A l'ombre des jeunes filles en fleurs / Le CÎté de Guermantes / Esquisses)
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L'homme ne peut jamais savoir ce qu'il faut vouloir car il n'a qu'une vie et il ne peut ni la comparer Ă des vies antĂ©rieures ni la rectifier dans des vies ultĂ©rieures. (...) Il n'existe aucun moyen de vĂ©rifier quelle dĂ©cision est la bonne car il n'existe aucune comparaison. Tout est vĂ©cu tout de suite pour la premiĂšre fois et sans prĂ©paration. Comme si un acteur entrait en scĂšne sans avoir jamais rĂ©pĂ©tĂ©. Mais que peut valoir la vie, si la premiĂšre rĂ©pĂ©tition de la vie est dĂ©jĂ la vie mĂȘme ? C'est ce qui fait que la vie ressemble toujours Ă une esquisse. Mais mĂȘme "esquisse" n'est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l'Ă©bauche de quelque chose, la prĂ©paration d'un tableau, tandis que l'esquisse qu'est notre vie est une esquisse de rien, une Ă©bauche sans tableau. (partie I, ch. 3)
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Milan Kundera (The Unbearable Lightness of Being)
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- Offre ton identité au Conseil, jeune apprentie.
La voix Ă©tait douce, lâordre sans appel.
- Je mâappelle Ellana Caldin.
- Ton Ăąge.
Ellana hĂ©sita une fraction de seconde. Elle ignorait son Ăąge exact, se demandait si elle nâavait pas intĂ©rĂȘt Ă se vieillir. Les apprentis quâelle avait discernĂ©s dans lâassemblĂ©e Ă©taient tous plus ĂągĂ©s quâelle, le Conseil ne risquait-il pas de la considĂ©rer comme une enfant ? Les yeux noirs dâEhrlime fixĂ©s sur elle la dissuadĂšrent de chercher Ă la tromper.
- Jâai quinze ans.
Des murmures Ă©tonnĂ©s sâĂ©levĂšrent dans son dos.
Imperturbable, Ehrlime poursuivit son interrogatoire.
- Offre-nous le nom de ton maĂźtre.
- Jilano AlhuĂŻn.
Les murmures, qui sâĂ©taient tus, reprirent. Plus marquĂ©s, Ehrlime leva une main pour exiger un silence quâelle obtint immĂ©diatement.
- Jeune Ellana, je vais te poser une sĂ©rie de questions. A ces questions, tu devras rĂ©pondre dans lâinstant, sans rĂ©flĂ©chir, en laissant les mots jaillir de toi comme une cascade vive. Les mots sont un cours dâeau, la source est ton Ăąme. Câest en remontant tes mots jusquâĂ ton Ăąme que je saurai discerner si tu peux avancer sur la voie des marchombres. Es-tu prĂȘte ?
- Oui.
Une esquisse de sourire traversa le visage ridĂ© dâEhrlime.
- Quây a-t-il au sommet de la montagne ?
- Le ciel.
- Que dit le loup quand il hurle ?
- Joie, force et solitude.
- Ă qui sâadresse-t-il ?
- Ă la lune.
- OĂč va la riviĂšre ?
LâanxiĂ©tĂ© dâEllana sâĂ©tait dissipĂ©e. Les questions dâEhrlime Ă©taient trop imprĂ©vues, se succĂ©daient trop rapidement pour quâelle ait dâautre solution quây rĂ©pondre ainsi quâon le lui avait demandĂ©. Impossible de tricher. Cette Ă©vidence se transforma en une onde paisible dans laquelle elle sâimmergea, laissant Ehrlime remonter le cours de ses mots jusquâĂ son Ăąme, puisque câĂ©tait ce quâelle dĂ©sirait.
- Remplir la mer.
- Ă qui la nuit fait-elle peur ?
- Ă ceux qui attendent le jour pour voir.
- Combien dâhommes as-tu dĂ©jĂ tuĂ©s ?
- Deux.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Je suis moi.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Vent.
- MĂ©ritaient-ils la mort ?
- Je lâignore.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Je suis moi.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Les deux.
- OĂč se trouve la voie du marchombre ?
- En moi.
Ellana sâexprimait avec aisance, chaque rĂ©ponse jaillissant dâelle naturellement, comme une expiration aprĂšs une inspiration. FluiditĂ©. Le sourire sur le visage dâEhrlime Ă©tait revenu, plus marquĂ©, et une pointe de jubilation perçait dans sa voix ferme.
- Que devient une larme qui se brise ?
- Une poussiĂšre dâĂ©toiles.
- Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ?
- Je la traverse.
- Que devient une Ă©toile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
- Offre-moi un mot.
- Silence.
- Un autre.
- Harmonie.
- Un dernier.
- Fluidité.
- Lâours et lâhomme se disputent un territoire. Qui a raison ?
- Le chat qui les observe.
- Marie tes trois mots.
- Marchombre.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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La seule rĂ©plique possible est d'encourager la prudence, d'augmenter le nombre de ceux qui possĂšdent ce "sens historique" [...],c'est Ă dire la capacitĂ© Ă distinguer par soi-mĂȘme entre le spĂ©cialiste et l'amateur, l'historien qui cherche les raisons des faits et l'idĂ©ologue qui cherche des faits pour se donner raison.
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Űčۚۯ ۧÙÙÙ Ű§ÙŰč۱ÙÙ (Esquisses historiques)
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GisÚle sortit enfin de sa paralysie pour esquisser un mouvement de retraite vers l'autre cÎté du lit. Une main ferme s'abattit sur sa cheville, la clouant sur place.
â Demeurez, Madame, nous avons un ouvrage Ă accomplir qui requiert votre prĂ©sence
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Janine Lancelot (La laideronne et le chevalier)
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La cordialitĂ© surfait avec autant de plaisir quâen prend la taquinerie Ă dĂ©prĂ©cier.
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Marcel Proust (A l'ombre des jeunes filles en fleurs / Le CÎté de Guermantes / Esquisses)
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L'art maghrébin atteignit à l'époque almohade une grandeur et une harmonie qu'il ne devait plus retrouver par la suite. Rigueur, sobriété, pudeur, telles étaient ses caractéristiques, qu'on a imputées à l'idéologie tumartienne et à la psychologie collective des Maghrébins.
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Űčۚۯ ۧÙÙÙ Ű§ÙŰč۱ÙÙ (Esquisses historiques)
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Il n'existe aucun moyen de vĂ©rifier quelle dĂ©cision est la bonne car il n'existe aucune comparaison. Tout est vĂ©cu tout de suite pour la premiĂšre fois et sans prĂ©paration. Comme si un acteur entrait en scĂšne sans avoir jamais rĂ©pĂ©tĂ©. Mais que peut valoir la vie, si la premiĂšre rĂ©pĂ©tition de la vie est dĂ©jĂ la vie mĂȘme? C'est ce qui fait que la vie ressemble toujours Ă une esquisse. Mais mĂȘme 'esquisse' n'est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l'Ă©bauche de quelque chose, la prĂ©paration d'un tableau, tandis que l'esquisse qu'est notre vie est une esquisse de rien, une Ă©bauche sans tableau.
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Milan Kundera
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C'est de là -haut qu'il les aperçoit, au fond de la combe Nerre, écrasés par la perspective : deux insectes minuscules, l'un portant l'autre à travers l'un des endroits les plus inhospitaliers des Causses. Il en oublie la chevrette et, retrouvant l'agilité de ses vingt ans, se laisse glisser d'éboulis en barres rocheuses jusqu'à les surplomber d'une vingtaine de mÚtres.
Deux enfants.
Un garçon épuisé, couvert d'écorchures, qui continue à avancer bien qu'à bout de forces, ses jambes menaçant à tout moment de flancher sous lui, tremblant de fatigue et de froid.
Une fille, ce doit ĂȘtre une fille mĂȘme si elle n'a plus un cheveu sur le crĂąne, immobile dans les bras du garçon. InanimĂ©e. Ces deux-lĂ ont souffert, souffrent encore. Maximilien le sent, il sent ces choses-lĂ .
Alors, quand le garçon dépose la fille à l'abri d'un rocher, quand il quitte son tee-shirt déchiré pour l'en envelopper, quand il se penche pour lui murmurer une priÚre à l'oreille, alors Maximilien oublie sa promesse de se tenir loin des hommes.
Il descend vers eux.
Le garçon esquisse un geste de défense, mais Maximilien le rassure en lui montrant ses mains vides. Des mains calleuses, puissantes malgré l'ùge. Il se baisse, prend la fille dans ses bras. Un frisson de colÚre le parcourt.
Elle est dans un état effroyable, le corps décharné, la peau diaphane, une cicatrice récente zigzague sur son flanc.
Dans une imprécation silencieuse, Maximilien maudit la folie des hommes, leur cruauté et leur ignorance.
Il se met en route, suivi par le garçon qui n'a pas prononcé un mot. Il ne sait pas encore ce qu'il va faire d'eux. Faire d'elle. La soigner, certes, mais ensuite ?
Tout en pensant, il marche Ă grands pas. Tout en marchant, il rĂ©flĂ©chit Ă grands traits. Il atteint Ombre Blanche au moment oĂč le soleil bascule derriĂšre l'horizon, teintant les Causses d'une somptueuse lumiĂšre orangĂ©e. Un frĂ©missement dans ses bras lui fait baisser la tĂȘte. La fille a bougĂ©.
Elle ouvre les yeux.
Ăchange fugace.
Ăchange parfait.
Maximilien se noie dans le violet de son regard et en ressort grandi.
Le dernier des Caussenards a trouvé son destin.
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Pierre Bottero (La ForĂȘt des captifs (Les Mondes d'Ewilan, #1))
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Quant Ă lâoeuvre, les problĂšmes quâelle soulĂšve sont plus difficiles encore. En apparence pourtant, quoi de plus simple ? Une somme de textes qui peuvent ĂȘtre dĂ©notĂ©s par le signe dâun nom propre. Or cette dĂ©notation (mĂȘme si on laisse de cĂŽtĂ© les problĂšmes de lâattribution) nâest pas une fonction homogĂšne : le nom dâun auteur dĂ©note-t-il de la mĂȘme façon un texte quâil a lui-mĂȘme publiĂ© sous son nom, un texte quâil a prĂ©sentĂ© sous un pseudonyme, un autre quâon aura retrouvĂ© aprĂšs sa mort Ă lâĂ©tat dâĂ©bauche, un autre encore qui nâest quâun griffonnage, un carnet de notes, un « papier » ? La constitution dâune oeuvre complĂšte ou dâun opus suppose un certain nombre de choix quâil nâest pas facile de justifier ni mĂȘme de formuler : suffit-il dâajouter aux textes publiĂ©s par lâauteur ceux quâil projetait de donner Ă lâimpression, et qui ne sont restĂ©s inachevĂ©s quer par le fait de la mort ? Faut-il intĂ©grer aussi tout ce qui est brouillon, fait de la mort ? Faut-il intĂ©grer aussi tout ce qui est brouillon, premier dessein, corrections et ratures des livres ? Faut-il ajouter les esquisses abandonnĂ©es? Et quel status donner aux lettres, aux notes, aux conversations rapportĂ©es, aux propos transcrits par les auditeurs, bref Ă cet immense fourmillement de traces verbales quâun individu laisse autour de lui au moment de mourir, et qui parlent dans un entrecroisement indĂ©fini tant de langages diffĂ©rents ? En tout cas le nom « MallarmĂ© » ne se rĂ©fĂšre pas de la mĂȘme façon aux thĂšmes anglais, aux trauctions dâEdgar Poe, aux poĂšmes, ou aux rĂ©ponses Ă des enquĂȘtes ; de mĂȘme, ce nâest pas le mĂȘme rapport qui existe entre le nom de Nietzsche dâune part et dâautre par les autobiographies de jeunesse, les dissertations scolaires, les articles philologiques, Zarathoustra, Ecce Homo, les lettres, les derniĂšres cartes postales signĂ©es par « Dionysos » ou « Kaiser Nietzsche », les innombrables carnets oĂč sâenchevĂȘtrent les notes de blanchisserie et les projets dâaphorismes. En fait, si on parle si volontiers et sans sâinterroger davantage de lâ« oeuvre » dâun auteur, câest quâon la suppose dĂ©finie par une certaine fonction dâexpression. On admet quâil doit y avoir un niveau (aussi profond quâil est nĂ©cessaire de lâimaginer) auquel lâoeuvre se rĂ©vĂšle, en tous ses fragments, mĂȘme les plus minuscules et les plus inessentiels, comme lâexpression de la pensĂ©e, ou de lâexpĂ©rience, ou de lâimagination, ou de lâinconscient de lâauteur, ou encore des dĂ©terminations historiques dans lesquelles il Ă©tait pris. Mais on voit aussitĂŽt quâune pareille unitĂ©, loin dâĂȘtre donnĂ© immĂ©diatement, est constituĂ©e par une opĂ©ration ; que cette opĂ©ration est interprĂ©tative (puisquâelle dĂ©chiffre, dans le texte, la transcription de quelque chose quâil cache et quâil manifeste Ă la fois); quâenfin lâopĂ©ration qui dĂ©termine lâopus, en son unitĂ©, et par consĂ©quent lâoeuvre elle-mĂȘme ne sera pas la mĂȘme sâil sâagit de lâauteur du ThĂ©Ăątre et son double ou de lâauteur du Tractatus et donc, quâici et lĂ ce nâest pas dans le mĂȘme sens quâon parlera dâune « oeuvre ». Lâoeuvre ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e ni comme unitĂ© immĂ©diate, ni comme une unitĂ© certaine, ni comme une unitĂ© homogĂšne.
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Michel Foucault (The Archaeology of Knowledge and The Discourse on Language)
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L'histoire est pour certains un trésor caché que l'historien cherche, déterre, garde et éventuellement montre aux autres. Les mots que nous utilisons métaphoriquement sont ceux du détective ou du chercheur d'or.
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Űčۚۯ ۧÙÙÙ Ű§ÙŰč۱ÙÙ (Esquisses historiques)
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Cet homme-lĂ agissait comme si l'histoire n'Ă©tait pas une esquisse, mais un tableau achevĂ©. Il agissait comme si tout ce qu'il faisait devait se rĂ©pĂ©ter un nombre incalculable de fois dans l'Ă©ternel retour, et il Ă©tait certain de ne jamais douter de ses actes. Il Ă©tait convaincu d'avoir raison et ne voyait pas lĂ le signe d'un esprit bornĂ©, mais une marque de vertu. Il vivait dans une autre histoire que Tomas: dans une histoire qui n'Ă©tait pas (ou n'avait pas conscience d'ĂȘtre) une esquisse.
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Milan Kundera
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C'est donc la tĂąche qui incombe aux mouvements sociaux et aux intellectuels critiques : construire des cadres thĂ©oriques et des modes de perception politiques de la rĂ©alitĂ© qui permettent non pas d'effacer - tĂąche impossible - mais de neutraliser au maximum les passions nĂ©gatives Ă l'Ćuvre dans le corps social et notamment dans les classes populaires ; d'offrir d'autres perspectives et d'esquisser ainsi un avenir pour ce qui pourrait s'appeler, Ă nouveau, la gauche. (p. 160)
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Didier Eribon (Returning to Reims)
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L. G. - D'oĂč le rĂŽle de l'Ă©crivain ...
Ă. Glissant - Et d'oĂč le rĂŽle du poĂšte qui va chercher non pas des rĂ©sultantes prĂ©visibles mais des imaginaires ouverts pour toutes sortes d'avenirs de la crĂ©olisation. Le poĂšte n'a pas peur de l'imprĂ©dictible.
L. G. - Que signifie pour vous « subvertir la langue » ?
Ă. G. - La subversion vient de la crĂ©olisation (ici, linguistique) et non des crĂ©olismes. Ce que les gens retiennent de la crĂ©olisation, c'est le crĂ©olisme, c'est-Ă -dire: introduire dans la langue française des mots crĂ©oles, fabriquer des mots français nouveaux Ă partir de mots crĂ©oles. Je trouve que c'est le cĂŽtĂ© exotique de la question. C'est le reproche que je fais aussi Ă certains Ă©crivains quĂ©bĂ©cois. La crĂ©olisation pour moi n'est pas le crĂ©olisme : c'est par exemple engendrer un langage qui tisse les poĂ©tiques, peut-ĂȘtre opposĂ©es, des langues crĂ©oles et des langues françaises. Qu'est-ce que j'appelle une poĂ©tique? Le conteur crĂ©ole se sert de procĂ©dĂ©s qui ne sont pas dans le gĂ©nie de la langue française, qui vont mĂȘme Ă l'opposĂ© : les procĂ©dĂ©s de rĂ©pĂ©tition, de redoublement, de ressassement, de mise en haleine. Les pratiques de listage que Saint-John Perse a utilisĂ©es dans sa poĂ©tique et que j'esquisse dans beaucoup de mes textes, ces listes interminables qui essaient d'Ă©puiser le rĂ©el non pas dans une formule mais dans une accumulation, l'accumulation prĂ©cisĂ©ment comme procĂ©dĂ© rhĂ©torique, tout cela me paraĂźt ĂȘtre beaucoup plus important du point de vue de la dĂ©finition d'un langage nouveau, mais beaucoup moins visible. Si bien que le lecteur français peut se dire devant de tels textes: «Je n'y comprends rien », et effectivement il n'y comprend rien parce que ces poĂ©tiques-lĂ ne lui sont pas perceptibles tandis qu'un crĂ©olisme lui est immĂ©diatement perceptible. Il peut s'amuser, il peut dire : « Ah ! Oui, ça c'est intĂ©ressant. » Il a pris un mot, il l'a dĂ©fait, et cela peut mĂȘme lui paraĂźtre exotique. Mais la poĂ©tique, la structure du langage, la refonte de la structure des langages lui paraĂźtront purement et simplement obscures. L'accumulation de parenthĂšses, par exemple, ou d'incises, qui est une technIque, n'intervient pas de maniĂšre aussi dĂ©cisive dans le discours français. Quand on me dit: « Pour qui Ă©crivez-vous ? », cela me fait rire parce que je n'Ă©cris pas pour un lecteur-ci ou un lecteur-ça, j'essaie d'Ă©crire en vue de ce moment oĂč le lecteur ou l'auditeur - on enregistrera sans doute de plus en plus de textes - sera ouvert Ă toutes sortes de poĂ©tiques et pas seulement aux poĂ©tiques de sa langue Ă lui. Et ce jour-lĂ viendra oĂč il y aura une sorte de variance infinie des sensibilitĂ©s linguistiques. Non pas une connaissance des langues, ça c'est autre chose. De plus en plus les traductions deviendront un art essentiel. Jusqu'ici on a trop laissĂ© les traductions aux seuls traducteurs. Les traductions deviendront une part importante des poĂ©tiques, ce qui n'est pas le cas jusqu'ici. Et je pense Ă toute cette variance infinie de nuances des poĂ©tiques possibles des langues, et chacun sera de plus en plus pĂ©nĂ©trĂ© par cela, non pas par la seule poĂ©tique et la seule Ă©conomie, structure et Ă©conomie de sa langue, mais par toute cette fragrance, cet Ă©clatement des poĂ©tiques du monde. Ce sera une nouvelle sensibilitĂ©. Je crois que l'Ă©crivain Ă l'heure actuelle essaie de prĂ©sager cela, de le prĂ©parer et de s'y accoutumer.
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Ădouard Glissant (L'imaginaire des langues: Entretiens avec Lise Gauvin (1991-2009))
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DerriĂšre chaque fenĂȘtre de façade d'immeuble ancien, j'imagine des intĂ©rieurs tamisĂ©s, des salons intimes, des univers feutrĂ©s oĂč Ă©voluent des individus solitaires, dont j'esquisse les traits et que je mets en scĂšne dans mes toiles.
Je suis peintre et Bruges est mon théùtre.
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Lou Le Duaux (8 nouvelles érotiques inédites (#16))
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Câest pourquoi, prĂ©cisĂ©ment, jâai pu tout Ă lâheure me contenter dâesquisser un tableau rapide, et Ă larges touches, des dix derniĂšres annĂ©es de sa vie, sans fouiller le dĂ©tail minutieux, compliquĂ© et parfois obscur, des faits biographiques. Il a suffi dâindications gĂ©nĂ©rales pour situer Bouvard et PĂ©cuchet dans son cadre, au milieu des conditions qui lâont vu naĂźtre. Fouiller beaucoup plus Ă fond lâexistence de Flaubert Ă ce moment nâaiderait pas beaucoup Ă la comprĂ©hension plus parfaite de son livre.
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Rene Descharmes (Autour de Bouvard et PĂ©cuchet (French Edition))
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Itâs confidence in generations to come that is the focus of the Esquisse, with Condorcet making an impassioned plea for a concept that is now commonplace: a belief in the accumulative virtue of humanity â that the world is growing in wisdom, and that life tomorrow will be better than it is today. In other words: a belief in Progress. As Condorcet writes: âThe time will therefore come when the sun shines only on free human beings who recognise no other master but their reason; when tyrants and slaves, priests and their benighted or hypocritical minions exist only in the history books and the theatre, and our only concern with them is to pity their victims and their dupes, maintain a useful vigilance motivated by horror at their excesses, and know how to recognise and stifle, by the weight of reason, the first seeds of superstition and tyranny that ever dare to reappear.
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James Vincent (Beyond Measure: The Hidden History of Measurement from Cubits to Quantum Constants)
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Je hoche la tĂȘte de droite Ă gauche en esquissant un sourire ironique. Je pensais qu'aprĂšs tous ces efforts, toutes ces Ă©preuves, je serais Ă un endroit dans ma vie qui me conviendrait. Je pensais que jâallais trouver un travail qui me plairait, avoir un appartement, peut-ĂȘtre mĂȘme un partenaire de vie, et je suis lĂ , Ă 25 ans, Ă minuit passĂ© en soir de semaine, seule, sur un banc au milieu dâun parking. Jâai lâimpression de passer Ă cĂŽtĂ© de ma vie, de ne pas y trouver ma place.
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Charlie (Les couleurs du changement (French Edition))
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dâĂ©tonnement. Elle esquisse mĂȘme une moue
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Patrick Senécal (Faims)
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[...] Le nom lui-mĂȘme nous paraissat incongru ; d'un concept gĂ©ographique on ne pouvait faire naĂźtre une entitĂ© politique. Il y avait dĂ©ja un Sahara algĂ©rien, tunisien, lybien, Ă©gyptien, soudanais, somalien, pourquoi Ă©riger en Etat indĂ©pendant le seul Sahara marocain ?
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Űčۚۯ ۧÙÙÙ Ű§ÙŰč۱ÙÙ (Esquisses historiques)
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Je vous propose alors une idĂ©e militante. Il serait trĂšs juste dâorganiser une vaste manifestation pour une alliance des jeunes et des vieux, Ă vrai dire dirigĂ©e contre les adultes dâaujourdâhui. Les plus rebelles des moins de trente ans et les plus coriaces des plus de soixante contre les quadras et les quinquas bien installĂ©s. Les jeunes diraient quâils en ont assez dâĂȘtre errants, dĂ©sorientĂ©s, et interminablement dĂ©pourvus de toute marque de leur existence positive. Ils diraient aussi quâil nâest pas bon que les adultes fassent semblant dâĂȘtre Ă©ternellement jeunes. Les vieux diraient quâils en ont assez de payer leur dĂ©valorisation, leur sortie de lâimage traditionnelle du vieux sage, par une mise Ă la casse, une dĂ©portation dans des mouroirs mĂ©dicalisĂ©s, et leur totale absence de visibilitĂ© sociale. Ce serait trĂšs nouveau, trĂšs important, cette manifestation mixte ! Jâai du reste vu, durant mes nombreux voyages dans le monde entier, pas mal de confĂ©rences, pas mal de situations oĂč le public se composait dâun noyau de vieux briscards, de vieux rescapĂ©s, comme moi, des grands combats des sixties et des seventies, et puis dâune masse de jeunes qui venaient voir si le philosophe avait quelque chose Ă dire concernant lâorientation de leur existence et la possibilitĂ© dâune vraie vie. Jâai donc vu, partout dans le monde, lâesquisse de lâalliance dont je vous parle. Comme Ă saute-mouton, la jeunesse semble devoir sauter aujourdâhui par-dessus lâĂąge dominant, celui qui va en gros de trente-cinq Ă soixante-cinq ans, pour constituer avec le petit noyau des vieux rĂ©voltĂ©s, des non-rĂ©signĂ©s, lâalliance des jeunes dĂ©sorientĂ©s et des vieux baroudeurs de lâexistence. Ensemble, nous imposerions que soit ouvert le chemin de la vraie vie.
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Alain Badiou (La vraie vie : Appel Ă la corruption de la jeunesse)
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LâidĂ©ologie, certes nĂ©cessaire aux sociĂ©tĂ©s pour se projeter dans lâavenir, peut se rĂ©vĂ©ler exaspĂ©rante quand elle nie la rĂ©alitĂ©, quand elle affirme le faux.
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Emmanuel Todd (OĂč en sont-elles ?: Une esquisse de l'histoire des femmes (French Edition))
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chercher la cohĂ©rence absolue dans lâidĂ©ologie est mission impossible. Des segments logiques parfois, un systĂšme harmonieux jamais.
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Emmanuel Todd (OĂč en sont-elles ?: Une esquisse de l'histoire des femmes (French Edition))
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La forte dĂ©pendance aux ressources naturelles qui caractĂ©rise depuis lâorigine lâĂ©conomie amĂ©ricaine, la tendance Ă gaspiller sols, pĂ©trole, eau et forĂȘts, renvoie au modĂšle de prĂ©dation qui caractĂ©risait lâhomme des origines.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Câest ainsi que lâimage positive des anciennes dĂ©mocraties populaires libĂ©ralisĂ©es, entretenue par les mĂ©dias français, allemands ou autres, reflĂšte mieux le bonheur des capitalistes occidentaux, leurs propriĂ©taires, que les prĂ©occupations des populations actives concernĂ©es de lâEst, bien mal payĂ©es, et dont les systĂšmes mĂ©dicaux et de retraite ont Ă©tĂ© assez largement dĂ©truits par lâintĂ©gration Ă lâespace Ă©conomique globalisĂ©.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Clinton a Ă©tĂ©, selon Alexander, le prĂ©sident sous les mandats duquel on a vu la plus importante augmentation de lâincarcĂ©ration des jeunes Noirs10.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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LĂ oĂč coexistent, avec le systĂšme scolaire, lâidĂ©al dâune aristocratie de naissance et des mĂ©canismes de transmission extra-scolaire des statuts, des contrepoids existent Ă la fĂ©rocitĂ© du tri inĂ©galitaire gĂ©rĂ© par Academia.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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« Nous avons envisagĂ© la possibilitĂ© dâune alliance encore plus vaste dâĂtats occidentaux, fĂ©dĂ©ration europĂ©enne des grandes puissances qui, loin de promouvoir la cause de la civilisation mondiale, engendrerait le risque massif dâun parasitisme occidental : des nations industrielles avancĂ©es dont les classes supĂ©rieures tireraient un immense tribut dâAsie et dâAfrique, avec lequel elles entretiendraient des masses apprivoisĂ©es, inutiles dans les activitĂ©s de base, industrie ou agriculture, mais conservĂ©es pour le service personnel et des tĂąches industrielles rĂ©siduelles, sous le contrĂŽle de la nouvelle aristocratie financiĂšre. Que ceux qui considĂšrent quâune telle thĂ©orie ne mĂ©rite pas considĂ©ration regardent la vie Ă©conomique et sociale des districts du sud de lâAngleterre [âŠ] et mĂ©ditent sur la vaste extension dâun tel systĂšme que rendrait possible lâassujettissement de la Chine au contrĂŽle Ă©conomique de groupes semblables de financiers, dâinvestisseurs, de responsables des affaires et de la politiqueâŠ23 » Hobson, qui
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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La montĂ©e des inĂ©galitĂ©s, supĂ©rieure dans lâEurope globale Ă ce quâelle est aux Ătats-Unis, est normale parce que le potentiel inĂ©galitaire de la famille-souche est supĂ©rieur, en situation de pluralitĂ© ethnique, Ă celui de la famille nuclĂ©aire absolue.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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La Chine actuelle a Ă©tĂ© inventĂ©e par lâOccident, et trĂšs tĂŽt. Il faut lire la conclusion du classique Imperialism. A Study, de John A. Hobson, penseur de lâimpĂ©rialisme avant Rudolf Hilferding et LĂ©nine. Cet intellectuel anticonformiste avait en effet envisagĂ©, dĂšs 1902, la configuration du monde actuel, et nous trouvons chez lui une puissance prophĂ©tique supĂ©rieure Ă celle de H. G. Wells.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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La sĂ©quence qui voit la citĂ© prĂ©cĂ©der lâĂtat autoritaire semble tout Ă fait universelle dans lâespace aujourdâhui communautaire et patrilinĂ©aire. Avant lâEmpire assyrien, il y eut la RĂ©publique marchande dâAssur, avant lâEmpire russe, ou mĂȘme la principautĂ© de Moscou, il y eut au Moyen Ăge la rĂ©publique marchande de Novgorod, membre de la Ligue hansĂ©atique.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Mais dans une sociĂ©tĂ© qui considĂšre a priori les frĂšres, et donc les hommes, comme diffĂ©rents, la disparition du clivage Noir/Blanc ne peut que conduire Ă la remontĂ©e dâun sentiment de non-Ă©galitĂ© des hommes en gĂ©nĂ©ral.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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La lutte pour lâĂ©mancipation des Noirs sâest, en effet, trouvĂ©e historiquement confondue avec la re-prolĂ©tarisation dâune classe ouvriĂšre qui croyait ĂȘtre en passe dâintĂ©grer durablement la classe moyenne.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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La distinction entre démocratie représentative et oligarchie est souvent difficile à établir, en tout lieu et à toute époque, puisque les représentants composent de facto une oligarchie.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Dans un monde oĂč la majoritĂ© des nations sont petites en taille et militairement insignifiantes, la sĂ©duction de lâapproche multipolaire russe est une Ă©vidence, et trĂšs exaspĂ©rante pour les gĂ©opoliticiens amĂ©ricains qui pensent encore en termes de toute-puissance.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Reste que lâintĂ©gration des Noirs au systĂšme socio-politique a fragilisĂ© lâĂ©galitarisme interne du groupe blanc en vertu dâun terrible syllogisme.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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La logique serait alors inverse. Le bon syllogisme ne serait pas : si les Noirs deviennent les Ă©gaux des Blancs, lâĂ©galitĂ© des Blancs entre eux perd son sens, mais : si les Blancs deviennent inĂ©gaux entre eux, lâinfĂ©rioritĂ© des Noirs perd son sens.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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La majoritĂ© des AmĂ©ricains, dâailleurs, ne sont plus dâorigine anglaise, et la facilitĂ© avec laquelle les enfants et petits-enfants dâimmigrĂ©s, quelles que soient leurs valeurs dâorigine, ont adoptĂ© et faite leur la dichotomie raciale amĂ©ricaine, montre Ă quel point celle-ci nâa rien dâexceptionnel, et Ă quel point elle est compatible avec la nature humaine en gĂ©nĂ©ral.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Parce quâentre 1980 et 2015, la Chine, pays de 1,36 milliard dâhabitants (en 2013), est devenue non seulement lâatelier du monde mais surtout, pour les classes aisĂ©es occidentales, le paradis du surprofit. Vendre sur les marchĂ©s des pays avancĂ©s les biens produits par une main-dâĆuvre chinoise sous-payĂ©e a permis, durant quelques dĂ©cennies, de rĂ©aliser des marges de rĂȘve. Ce rĂȘve financier a mutĂ© en fausse conscience, en refus de comprendre quâil est impossible de pĂ©renniser le modĂšle, tant du cĂŽtĂ© des Occidentaux que des Chinois eux-mĂȘmes.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Leur conclusion est fiable : passĂ©e la mortalitĂ© trĂšs Ă©levĂ©e de la jeunesse, le chasseur-cueilleur dispose dâun corps en Ă©tat de bon fonctionnement jusquâĂ 70 ans.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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La rĂšgle de matrilinĂ©aritĂ© nâest donc sans doute apparue que pour obliger les hommes juifs Ă exiger la conversion de leurs Ă©pouses. Elle nâexprime Ă lâorigine aucune aspiration Ă la matrilinĂ©aritĂ©. Câest bien la religion du pĂšre qui doit ĂȘtre transmise, exigence quâexprime lâinsistance du judaĂŻsme rabbinique sur la responsabilitĂ© du pĂšre dans lâĂ©ducation religieuse de ses enfants14
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Parents et enfants adultes ne doivent plus corĂ©sider, mĂȘme Ă titre temporaire ; lâentraide entre frĂšres et sĆurs devient socialement non significative ; le tabou sur le mariage entre cousins est total.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Mais surtout, Macfarlane nous cache que lâexpression familiĂšre du droit anglais pour dĂ©signer la coutume de primogĂ©niture masculine, transmission du bien au fils aĂźnĂ©, Ă©tait « borough French », par opposition Ă lâultimogĂ©niture, transmission au dernier-nĂ©, dite « borough English ».
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Il Ă©value Ă 70-90 % du salaire moyen des jeunes adultes ouvriers le pouvoir dâachat des pensions attribuĂ©es aux vieux ruraux :
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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LâĂ©mergence historique de la famille nuclĂ©aire absolue rĂ©vĂšle surtout Ă quel point celle-ci ne peut fonctionner dans le vide. Elle forme, avec une collectivitĂ© rurale forte, capable de fiscaliser lâentretien des orphelins et des vieux, une totalitĂ© fonctionnelle. LâAngleterre semble avoir inventĂ© lâĂtat social en mĂȘme temps que la famille nuclĂ©aire absolue. La puissance de lâencellulement local fait partie de la matrice anthropologique anglaise, avec ce paradoxe supplĂ©mentaire dâun collectif local qui autorise une mobilitĂ© extrĂȘme des hommes et des femmes entre les communautĂ©s.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Les hommes sont plus forts et toujours dominants, mĂȘme si le dimorphisme de taille Ă©tait plus faible chez les chasseurs-cueilleurs que chez les agriculteurs4.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Les gros paysans, dans lâensemble, pratiquent la primogĂ©niture, lâattĂ©nuant sâils le peuvent en assurant quelques transferts de terres Ă leurs cadets. Au-dessous dâeux, la division libre des biens est dâautant plus pratiquĂ©e que lâon est moins riche. On observe parfois une surreprĂ©sentation, contre-intuitive, du testament chez les humbles24.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Lâentreprise capitaliste remplace la grande ferme comme pourvoyeuse de salaires. La communautĂ© locale fournit lâĂ©cole plutĂŽt que lâassistance aux pauvres. Mais la sĂ©curitĂ© sociale, mise en place par le New Deal de Roosevelt, assure des pensions aux personnes ĂągĂ©es. Dans les Ătats-Unis des annĂ©es 1950-1970, lâĂtat contribue, ainsi quâil lâavait fait dans lâAngleterre des Tudor et des Stuart, Ă la perfection de la famille nuclĂ©aire.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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Pour moi, je n'ai guĂšre cessĂ© de penser, depuis lors, aux incidents de ce voyage. Entre autres projets, j'esquisse une suite de mesures qui, Ă©tendant Ă notre franc l'extrĂȘme versatilitĂ© du franc suisse, le mettraient assez vite Ă la portĂ©e de toutes les bourses. Ce sera l'objet du petit livre qui fait suite Ă celui-ci.
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Jean Paulhan (Guide d'un petit voyage en Suisse)
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Il ne connaissait, il est vrai, que mon talent de salon, les esquisses de la vie quotidienne, les caricatures que l'on faisait circuler avec amusement Ă l'heure du thĂ©, du temps oĂč nous recevions encore des hĂŽtes, et pas les Ă©tudes travaillĂ©es avec passion que je rĂ©alisais pour moi seul dans ma chambre: les exercices de prĂ©cision comme les dĂ©bordements de mon imagination que je ne montrais Ă personne, pas mĂȘme Ă Tania, et qui me donnaient l'espoir que j'arriverais un jour Ă fixer sur la toile des Ă©tats psychiques, tel un sorcier. Dans sa bontĂ©, mon pĂšre ne pouvait pas savoir â et dans son amour exclusif, presque maniaque pour Tania, il Ă©tait trop indiffĂ©rent Ă mon Ă©gard pour le deviner â que c'Ă©tait prĂ©cisĂ©ment lui qui stimulait le plus fortement mon talent, son existence de faux-bourdon qui me poussait Ă prouver Ă la matriarche de notre maison, sa belle-mĂšre intolĂ©rante et toute sa suite fĂ©minine, que les hommes Ă©taient encore capables de faire autre chose que simplement jouer avec biensĂ©ance, discrĂ©tion et Ă©lĂ©gance, le rĂŽle d'effeuilleur de mĂšres possessives.
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Gregor von Rezzori (Le Cygne)
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Un jour de printemps 1944, Sartre me fit part de son intention de faire (je dus entendre : « monter ») une revue, une fois la guerre finie : il me demanda d'y collaborer. « Avec joie, lui dis-je. Il y a un emploi qui m'attire particuliĂšrement : j'aimerais ĂȘtre boy, vous savez un de ceux qui esquissent des pas de danse autour de la vedette.
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Jean-Bertrand Pontalis (L'amour des commencements)
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Et dans la crypte quâil sâest lui-mĂȘme construite, un ĂȘtre surnaturel sâagite. Ses doigts sâenroulent autour de sa faux. Son armure de bronze bruisse quand il remue. Ses yeux verts sâouvrent, et il inspire sa premiĂšre bouffĂ©e dâair depuis de longues annĂ©es. Puis, il esquisse un sourire.
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Laura Thalassa (Famine (The Four Horsemen, #3))
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Ä°nsan mutsuz olduÄu andan itibaren ahlakçı olur.
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Marcel Proust (A l'ombre des jeunes filles en fleurs / Le CÎté de Guermantes / Esquisses)
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Condorcet's elitist inclinations are evident in his theory that to prevent wasting time and effort, it was necessary to unite scientists under a common direction. This plan seems to make the scientists a very powerful authority fee of all controls. Frank Manuel states that Condorcet's plan was particularly evident in the 1804 edition of the Esquisse. Appended to this edition were extra sections on the scientific organization of society as well as Condorcet's commentary on Francis Bacon's New Atlantis, which concentrated on the need for scientific authority. Manuel asserts that Comte was deeply influenced by this edition. But Comte's library contains the 1797 edition, which was more concerned with the freedom of the individual than with scientific power.
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Mary Pickering (Auguste Comte: An Intellectual Biography, Volume I)
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Il n'existe aucun moyen de vĂ©rifier quelle dĂ©cision la bonne car il nâexiste aucune comparaison. Tout est vĂ©cu tout de suite pour la premiĂšre fois et sans prĂ©paration. [âŠ] Mais que peut valoir la vie, si la premiĂšre rĂ©pĂ©tition de la vie et dĂ©jĂ la vie mĂȘme ? C'est ce qui fait que la vie ressemble toujours Ă une esquisse. Mais mĂȘme « esquisse » n'est pas le mot juste, car une esquisse et toujours lâĂ©bauche de quelque chose, la prĂ©paration d'un tableau, tandis que l'esquisse quâest notre vie est une esquisse de rien, une Ă©bauche sans tableau.
Tomas se répÚte le proverbe allemand : einmal ist keinmal une fois ne compte pas, une fois c'est jamais. Ne pouvoir vivre qu'une vie c'est comme ne pas vivre du tout.
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Milan Kundera (The Unbearable Lightness of Being)
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Il n'existe aucun moyen de vĂ©rifier quelle dĂ©cision est la bonne car il n'existe aucune comparaison. Tout est vĂ©cu tout de suite pour la premiĂšre fois et sans prĂ©paration. [...] Mais que peur valoir la vie, si la premiĂšre rĂ©pĂ©tition de la vie est dĂ©jĂ la vie mĂȘme? C'est ce qui fait que la vie ressemble toujours Ă une esquisse. Mais mĂȘme "esquisse" n'est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l'Ă©bauche de quelque chose, la prĂ©paration d'un tableau, tandis que l'esquisse qu'est notre vie est une esquisse de rien, une Ă©bauche sans tableau.
Tomas se répÚte le proverbe allemand : einmal ist keinmal, une fois ne compte pas, une fois c'est jamais. Ne pouvoir vivre qu'une vie, c'est comme ne pas vivre du tout.
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Milan Kundera (The Unbearable Lightness of Being)
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Nous pensons que la lutte organisĂ©e et consciente entreprise par un peuple colonisĂ© pour rĂ©tablir la souverainetĂ© de la nation constitue la manifestation la plus pleinement culturelle qui soit. Ce n'est pas uniquement le succĂšs de la lutte qui donne par la suite validitĂ© et vigueur Ă la culture, il n'y a pas de mise en hibernation de la culture pendant le combat. La lutte elle-mĂȘme, dans son dĂ©roulement, dans son processus interne dĂ©velppe les diffĂ©rentes directions de la culture et en esquisse de nouvelles. La lutte de libĂ©ration ne restitue pas Ă la culture nationale sa valeur et ses contours anciens. Cette lutte qui vise Ă la une redistribution fondamentale des rapports entre les hommes ne peut laisser intacts ni les formes ni les contenus culturels de ce peuple. AprĂšs la lutte il n'y a pas seulement disparition du colonialisme mais aussi disparition du colonisĂ©.
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Frantz Fanon (Ecrits contre le colonialisme (Coffret en 2 volumes : Les damnés de la terre ; Pour la révolution africaine))