Ensemble C'est Tout Quotes

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Tout est kitsch, si l'on veut. La musique dans son ensemble est kitsch; l'art est kitsch; la littĂ©rature elle-mĂȘme est kitsch. Toute Ă©motion est kitsch, pratiquement par dĂ©finition; mais toute rĂ©flexion aussi, et mĂȘme dans un sens toute action. La seule chose qui ne soit absolument pas kitsch, c'est le nĂ©ant.
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Michel Houellebecq (The Possibility of an Island)
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Dit comme ça, c'Ă©tait un peu cucul Ă©videmment, mais bon, c'Ă©tait la vĂ©ritĂ© et il y avait bien longtemps que le ridicule ne les tuait plus: pour la premiĂšre fois et tous autant qu'ils Ă©taient, ils eurent l'impression d'avoir une vraie famille. Mieux qu'une vraie d'ailleurs, une voulue, une pour laquelle ils s'Ă©taient battus et qui ne leur demandait rien d'autre en Ă©change que d'ĂȘtre heureux ensemble. MĂȘme pas heureux d'ailleurs, ils n'Ă©taient plus si exigeants. D'ĂȘtre ensemble, c'est tout. Et dĂ©jĂ  c'Ă©tait inesperĂ©.
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Anna Gavalda (Hunting and Gathering)
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Tout le problĂšme de l'amour, me semble-t-il, est lĂ : pour ĂȘtre heureux on a besoin de sĂ©curitĂ© alors que pour ĂȘtre amoureux on a besoin d'insĂ©curitĂ©. Le bonheur repose sur la confiance alors que l'amour exige du doute et de l'inquiĂ©tude. Bref, en gros, le mariage a Ă©tĂ© conçu pour rendre heureux, mais pas pour rester amoureux. Et tomber amoureux n'est pas la meilleure maniĂšre de trouver le bonheur; si tel Ă©tait le cas, depuis le temps, cela se saurait. Je ne sais pas si je suis trĂšs clair, mais je me comprends: ce que je veux dire, c'est que le mariage mĂ©lange des trucs qui ne vont pas bien ensemble.
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Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans - Le roman suivi du scénario du film)
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Oh! je voudrais tant que tu te souviennes Des jours heureux oĂč nous Ă©tions amis En ce temps-lĂ  la vie Ă©tait plus belle Et le soleil plus brĂ»lant qu'aujourd'hui. Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle Tu vois, je n'ai pas oubliĂ© Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle Les souvenirs et les regrets aussi. Et le vent du Nord les emporte, Dans la nuit froide de l'oubli. Tu vois je n'ai pas oubliĂ©, La chanson que tu me chantais... Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle Les souvenirs et les regrets aussi, Mais mon amour silencieux et fidĂšle Sourit toujours et remercie la vie. Je t'aimais tant, tu Ă©tais si jolie, Comment veux-tu que je t'oublie? En ce temps-lĂ  la vie Ă©tait plus belle Et le soleil plus brĂ»lant qu'aujourd'hui. Tu Ă©tais ma plus douce amie Mais je n'ai que faire des regrets. Et la chanson que tu chantais, Toujours, toujours je l'entendrai. C'est une chanson qui nous ressemble, Toi tu m'aimais, moi je t'aimais Et nous vivions, tous deux ensemble, Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais. Mais la vie sĂ©pare ceux qui s'aiment, Tout doucement, sans faire de bruit Et la mer efface sur le sable Les pas des amants dĂ©sunis. C'est une chanson qui nous ressemble, Toi tu m'aimais et je t'aimais Et nous vivions tous deux ensemble, Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais. Mais la vie sĂ©pare ceux qui s'aiment, Tout doucement, sans faire de bruit Et la mer efface sur le sable Les pas des amants dĂ©sunis.
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Jacques Prévert
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« Toute communautĂ©, qu'elle soit familiale ou autre, nous est haissable, dĂ©gradante. Nous sommes ensemble dans une honte de principe d'avoir Ă  vivre la vie. C'est lĂ  que nous sommes au plus profond de notre histoire commune, celle d'ĂȘtre tous les trois des enfants de cette personne de bonne foi, notre mĂšre, que la sociĂ©tĂ© a assassinĂ©e. Nous sommes du cĂŽtĂ© de cette sociĂ©tĂ© qui a rĂ©duit ma mĂšre au dĂ©sespoir. À cause de ce qu'on a fait Ă  notre mĂšre si aimable, si confiante, nous haĂŻssons la vie, nous nous haĂŻssons.
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Marguerite Duras (The Lover)
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Les gens riches Ă  Paris demeurent ensemble, leurs quartiers, en bloc, forment une tranche de gĂąteau urbain dont la pointe vient toucher au Louvre, cependant que le rebord rebondi s'arrĂȘte aux arbres entre le Pont d'Auteuil et la Porte des Ternes. VoilĂ . C'est le bon morceau. Tout le reste n'est que peine et fumier.
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Journey to the End of the Night)
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C’est tout ensemble un Ă©tourdissement et un Ă©blouissement. Il y a comme un bruit de cloche qui Ă©branle les cavitĂ©s de mon cerveau...
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Victor Hugo (Le Dernier Jour D'un Condamné ; Claude Gueux)
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Ce qui empĂȘche les gens de vivre ensemble, c’est leur connerie, pas leurs diffĂ©rences . [Ensemble, c’est tout]
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Anna Gavalda
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« Il faut dire qu’un sĂ©jour continuel dans un État bien organisĂ© a quelque chose d’absolument fantĂŽmal ; on ne peut sortir dans la rue, boire un verre d’eau ou monter dans le tram sans toucher aux leviers subtilement Ă©quilibrĂ©s d’un gigantesque appareil de lois et de relations, les mettre en branle ou se faire maintenir par eux dans la tranquillitĂ© de son existence ; on n’en connaĂźt qu’un trĂšs petit nombre, ceux qui pĂ©nĂštrent profondĂ©ment dans l’intĂ©rieur et se perdent Ă  l’autre bout dans un rĂ©seau dont aucun homme, jamais, n’a dĂ©brouillĂ© l’ensemble ; c’est d’ailleurs pourquoi on le nie, comme le citadin nie l’air, affirmant qu’il n’est que du vide ; mais il semble que ce soit justement parce que tout ce que l’on nie, tout ce qui est incolore, inodore, insipide, sans poids et sans moeurs, comme l’eau, l’air, l’espace, l’argent et la fuite du temps, est en rĂ©alitĂ© l’essentiel que la vie prend ce caractĂšre spectral. »
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Robert Musil (The Man Without Qualities)
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Ma perfection n'est pas dans l'idĂ©e du romantisme de cette fĂȘte, ni dans le fait d'ĂȘtre en couple et encore moins dans les activitĂ©s Ă  deux. Non, ma perfection, c'est lui. Peu importe oĂč, comment, dans quel contexte et tout le reste : si nous sommes ensemble, je l'ai, ma romance de NoĂ«l parfaite.
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Fleur Hana (Ma Romance de Noël (presque) parfaite)
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Cela pose un problÚme que...?" "Que tu ne sois pas juif? Pas le moins du tout, dit maman en riant. Ni mon mari ni moi n'accordons d'importance à la différence de l'autre. Bien au contraire, nous avons toujours pensé que'elle était passionnante et source de multiples bonheurs. Le plus important, quand on veut vivre à deux toute une vie, est d'etre sur que l'on ne s'ennuiera pas ensemble. L'ennui dans un couple, c'est lui qui tue l'amour. Tant que tu feras rire Alice, tant que tu lui donneras l'envie de te retrouver, alors que tu viens à peine de la quitter pour aller travailler, tant que tu seras celui dont elle partage les confidences et à qui elle aime aussi se confier, tant que tu vivras tes reves avec elle, meme ceux que tu ne pourras pas réaliser, alors je suis certaine que quelles que soient tes origines, la seule chose qui sera étrangÚre à votre couple sera le monde et ses jaloux.
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Marc Levy (Les Enfants de la liberté)
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La grandeur d'un mĂ©tier est peut-ĂȘtre, avant tout, d'unir des hommes : il n'est qu'un luxe vĂ©ritable, et c'est celui des relations humaines. En travaillant pour les seuls biens matĂ©riels, nous bĂątissons nous-mĂȘmes notre prison. Nous nous enfermons solitaires, avec notre monnaie de cendre qui ne procure rien qui vaille de vivre. Si je cherche dans mes souvenirs ceux qui m'ont laissĂ© un goĂ»t durable, si je fais le bilan des heures qui ont comptĂ©, Ă  coup sĂ»r je retrouve celles que nulle fortune ne m'eĂ»t procurĂ©es. On n'achĂšte pas l'amitiĂ© d'un Mermoz, d'un compagnon que les Ă©preuves vĂ©cues ensemble ont liĂ© Ă  nous pour toujours. (p. 35-36)
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Antoine de Saint-Exupéry (Wind, Sand and Stars)
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Ma libertĂ© Longtemps je t'ai gardĂ©e Comme une perle rare Ma libertĂ© c'est toi qui m'as aidĂ© A larguer les amarres Pour aller n'importe oĂč Pour aller jusqu'au bout Des chemins de fortune Pour cueillir en rĂȘvant Une rose des vents Sur un rayon de lune Ma libertĂ© Devant tes volontĂ©s Mon Ăąme Ă©tait soumise Ma libertĂ© je t'avais tout donnĂ© Ma derniĂšre chemise Et combien j'ai souffert Pour pouvoir satisfaire Tes moindres exigences J'ai changĂ© de pays J'ai perdu mes amis Pour gagner ta confiance Ma libertĂ© Tu as su dĂ©sarmer Toutes mes habitudes Ma libertĂ© toi qui m'as fait aimer MĂȘme la solitude Toi qui m'as fait sourire Quand je voyais finir Une belle aventure Toi qui m'as protĂ©gĂ© Quand j'allais me cacher Pour soigner mes blessures Ma libertĂ© Pourtant je t'ai quittĂ©e Une nuit de dĂ©cembre J'ai dĂ©sertĂ© les chemins Ă©cartĂ©s Que nous suivions ensemble Lorsque sans me mĂ©fier Les pieds et poings liĂ©s Je me suis laissĂ© faire Et je t'ai trahie pour Une prison d'amour Et sa belle geĂŽliĂšre Et je t'ai trahie pour Une prison d'amour Et sa belle geĂŽliĂšre
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Georges Moustaki
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Une trĂšs jolie jeune fille, traitĂ©e avec des Ă©gards constants et des attentions dĂ©mesurĂ©es par l'ensemble de la population masculine, y compris par ceux - l'immense majoritĂ© - qui n'ont plus aucun espoir d'en obtenir une faveur d'ordre sexuel, et mĂȘme Ă  vrai dire tout particuliĂšrement par eux, avec une Ă©mulation abjecte confinant chez certains quinquagĂ©naires au gĂątisme pur et simple, une trĂšs jolie jeune fille devant qui tous les visages s'ouvrent, toutes les difficultĂ©s s'aplanissent, accueillie partout comme si elle Ă©tait la reine du monde, devient naturellement une espĂšce de monstre d'Ă©goĂŻsme et de vanitĂ© autosatisfaite. La beautĂ© physique joue ici exactement Ie mĂȘme rĂŽle que la noblesse de sang sous l'Ancien RĂ©gime, et la brĂšve conscience qu'elles pourraient prendre Ă  l'adolescence de l'origine purement accidentelle de leur rang cĂšde rapidement la place chez la plupart des trĂšs jolies jeunes filles Ă  une sensation de supĂ©rioritĂ© innĂ©e, naturelle, instinctive, qui les place entiĂšrement en dehors, et largement au-dessus du reste de l'humanitĂ©. Chacun autour d'elle n'ayant pour objectif que de lui Ă©viter toute peine, et de prĂ©venir Ie moindre de ses dĂ©sirs, c'est tout uniment (sic) qu'une trĂšs jolie jeune fille en vient Ă  considĂ©rer Ie reste du monde comme composĂ© d'autant de serviteurs, elle-mĂȘme n'ayant pour seule tĂąche que d'entretenir sa propre valeur Ă©rotique - dans l'attente de rencontrer un garçon digne d'en recevoir l'hommage. La seule chose qui puisse la sauver sur le plan moral, c'est d'avoir la responsabilitĂ© concrĂšte d'un ĂȘtre plus faible, d'ĂȘtre directement et personnellement responsable de la satisfaction de ses besoins physiques, de sa santĂ©, de sa survie - cet ĂȘtre pouvant ĂȘtre un frĂšre ou une soeur plus jeune, un animal domestique, peu importe. (La possibilitĂ© d'une Ăźle, Daniel 1,15)
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Michel Houellebecq
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Ecoute : l'intellectuel essaie de connaĂźtre et de reprĂ©senter au moyen de la logique l'essence du monde. Il sait que notre intelligence et son instrument, la logique, sont des outils imparfaits - tout comme un artiste sensĂ© n'ignore pas que son pinceau ou son ciseau ne pourront jamais exprimer parfaitement la splendeur d'un ange ou d'un saint. Pourtant tous deux essaient, le penseur comme l'artiste, chacun Ă  sa maniĂšre. Ils ne peuvent pas faire autrement, ils n'en ont pas le droit. Car un ĂȘtre humain s'acquitte de sa tĂąche la plus haute, la plus normale, en cherchant Ă  mettre en valeur les dons qu'il a reçus de la nature. [...] Nous autres, nous sommes changeants, en devenir, nous sommes un ensemble de possibles, il n'y a pas pour nous de perfection, pas d'ĂȘtre absolu. Mais lĂ  oĂč nous passons de la puissance Ă  l'acte, de la possibilitĂ© Ă  la rĂ©alisation, nous avons part Ă  l'ĂȘtre vĂ©ritable, nous nous rapprochons d'un pas du divin et de la perfection. Se rĂ©aliser, c'est cela. (p. 309-310)
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Hermann Hesse (Narcissus and Goldmund)
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Patrice a vingt-quatre ans et, la premiĂšre fois que je l’ai vu, il Ă©tait dans son fauteuil inclinĂ© trĂšs en arriĂšre. Il a eu un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral. Physiquement, il est incapable du moindre mouvement, des pieds jusqu’à la racine des cheveux. Comme on le dit souvent d’une maniĂšre trĂšs laide, il a l’aspect d’un lĂ©gume : bouche de travers, regard fixe. Tu peux lui parler, le toucher, il reste immobile, sans rĂ©action, comme s’il Ă©tait complĂštement coupĂ© du monde. On appelle ça le locked in syndrome.Quand tu le vois comme ça, tu ne peux qu’imaginer que l’ensemble de son cerveau est dans le mĂȘme Ă©tat. Pourtant il entend, voit et comprend parfaitement tout ce qui se passe autour de lui. On le sait, car il est capable de communiquer Ă  l’aide du seul muscle qui fonctionne encore chez lui : le muscle de la paupiĂšre. Il peut cligner de l’Ɠil. Pour l’aider Ă  s’exprimer, son interlocuteur lui propose oralement des lettres de l’alphabet et, quand la bonne lettre est prononcĂ©e, Patrice cligne de l’Ɠil.  Lorsque j’étais en rĂ©animation, que j’étais complĂštement paralysĂ© et que j’avais des tuyaux plein la bouche, je procĂ©dais de la mĂȘme maniĂšre avec mes proches pour pouvoir communiquer. Nous n’étions pas trĂšs au point et il nous fallait parfois un bon quart d’heure pour dicter trois pauvres mots. Au fil des mois, Patrice et son entourage ont perfectionnĂ© la technique. Une fois, il m’est arrivĂ© d’assister Ă  une discussion entre Patrice et sa mĂšre. C’est trĂšs impressionnant.La mĂšre demande d’abord : « Consonne ? » Patrice acquiesce d’un clignement de paupiĂšre. Elle lui propose diffĂ©rentes consonnes, pas forcĂ©ment dans l’ordre alphabĂ©tique, mais dans l’ordre des consonnes les plus utilisĂ©es. DĂšs qu’elle cite la lettre que veut Patrice, il cligne de l’Ɠil. La mĂšre poursuit avec une voyelle et ainsi de suite. Souvent, au bout de deux ou trois lettres trouvĂ©es, elle anticipe le mot pour gagner du temps. Elle se trompe rarement. Cinq ou six mots sont ainsi trouvĂ©s chaque minute.  C’est avec cette technique que Patrice a Ă©crit un texte, une sorte de longue lettre Ă  tous ceux qui sont amenĂ©s Ă  le croiser. J’ai eu la chance de lire ce texte oĂč il raconte ce qui lui est arrivĂ© et comment il se sent. À cette lecture, j’ai pris une Ă©norme gifle. C’est un texte brillant, Ă©crit dans un français subtil, lĂ©ger malgrĂ© la tragĂ©die du sujet, rempli d’humour et d’autodĂ©rision par rapport Ă  l’état de son auteur. Il explique qu’il y a de la vie autour de lui, mais qu’il y en a aussi en lui. C’est juste la jonction entre les deux mondes qui est un peu compliquĂ©e.Jamais je n’aurais imaginĂ© que ce texte si puissant ait Ă©tĂ© Ă©crit par ce garçon immobile, au regard entiĂšrement vide.  Avec l’expĂ©rience acquise ces derniers mois, je pensais ĂȘtre capable de diagnostiquer l’état des uns et des autres seulement en les croisant ; j’ai reçu une belle leçon grĂące Ă  Patrice.Une leçon de courage d’abord, Ă©tant donnĂ© la vitalitĂ© des propos que j’ai lus dans sa lettre, et, aussi, une leçon sur mes a priori. Plus jamais dorĂ©navant je ne jugerai une personne handicapĂ©e Ă  la vue seule de son physique. C’est jamais inintĂ©ressant de prendre une bonne claque sur ses propres idĂ©es reçues .
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Grand corps malade (Patients)
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Que ce soit dimanche ou lundi Soir ou matin minuit midi Dans l'enfer ou le paradis Les amours aux amours ressemblent C'Ă©tait hier que je t'ai dit Nous dormirons ensemble C'Ă©tait hier et c'est demain Je n'ai plus que toi de chemin J'ai mis mon cƓur entre tes mains Avec le tien comme il va l'amble Tout ce qu'il a de temps humain Nous dormirons ensemble Mon amour ce qui fut sera Le ciel est sur nous comme un drap J'ai refermĂ© sur toi mes bras Et tant je t'aime que j'en tremble Aussi longtemps que tu voudras Nous dormirons ensemble.
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Louis Aragon (Le fou d'Elsa)
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Une cellule du foi cancereuse produit en permanence des morceaux de foie sans tenir compte des autres cellules qui lui disent que ce n'est plus nĂ©cessaire. La cellule cancĂ©reuse a pour ambition de retrouver cette ancienne immortalitĂ©, et c'est pour cela qu'elle tue l'ensemble de l'organisme, un peu comme ces gens qui parlent tout seuls en permanence sans rien Ă©couter autour d'eux. La cellule cancĂ©reuse est une cellule autiste et c'est pour cela qu'elle est dangereuse. Elle se reproduit sans cesse sans tenir compte des autres, et, dans sa quĂȘte folle d'immortalitĂ©, elle finit par tout tuer autour d'elle.
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Bernard Werber (La Trilogie des Fourmis)
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Cette trop grande confiance dans les thĂ©ories, qui cause tout le mal, vient souvent d'une mauvaise Ă©ducation scientifique, dont le savant doit ensuite se corriger. Mieux vaudrait souvent qu'il fĂ»t ignorant. Il n'a plus l'esprit libre ; il est enchaĂźnĂ© par des thĂ©ories qu'il regarde comme vraies absolument. Un des plus grands Ă©cueils que rencontre l'expĂ©rimentateur, c'est donc d'accorder trop de confiance aux thĂ©ories. Ce sont les gens que J'appellerai des systĂ©matiques. L'enseignement contribue beaucoup Ă  produire ce rĂ©sultat. Il arrive gĂ©nĂ©ralement que dans les livres et dans les cours on rend la science plus claire qu'elle n'est en rĂ©alitĂ©. C'est mĂȘme lĂ  le mĂ©rite d'un enseignement de facultĂ© de prĂ©senter la science avec un ensemble systĂ©matique dans lequel on dissimule les lacunes pour ne pas rebuter les commençants dans la science. Or, les Ă©lĂšves prennent le goĂ»t des systĂšmes qui sont plus clairs et plus simples pour l'esprit, parce qu'on a simplifiĂ© sa science et Ă©laguĂ© tout ce qui Ă©tait obscur, et ils emportent de lĂ  l'idĂ©e fausse que les thĂ©ories de la science sont dĂ©finitives et qu'elles reprĂ©sentent des principes absolus dont tous les faits se dĂ©duisent. C'est en effet ainsi qu'on les prĂ©sente systĂ©matiquement.
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Claude Bernard (Principes de Médecine expérimentale (French Edition))
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Maintenant, depuis quand l’horreur exclut-elle l’étude ? depuis quand la maladie chasse-t-elle le mĂ©decin ? Se figure-t-on un naturaliste qui refuserait d’étudier la vipĂšre, la chauve-souris, le scorpion, la scolopendre, la tarentule, et qui les rejetterait dans leurs tĂ©nĂšbres en disant : Oh ! que c’est laid ! Le penseur qui se dĂ©tournerait de l’argot ressemblerait Ă  un chirurgien qui se dĂ©tournerait d’un ulcĂšre ou d’une verrue. Ce serait un philologue hĂ©sitant Ă  examiner un fait de la langue, un philosophe hĂ©sitant Ă  scruter un fait de l’humanitĂ©. Car, il faut bien le dire Ă  ceux qui l’ignorent, l’argot est tout ensemble un phĂ©nomĂšne littĂ©raire et un rĂ©sultat social. Qu’est-ce que l’argot proprement dit ? L’argot est la langue de la misĂšre.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Dans l’ordre Ă©conomique ordinaire, l’individu produit comme Ă©lĂ©ment de production, il consomme comme Ă©lĂ©ment de consommation, mais il se noie dans la statistique, il se noie dans les lois du grand nombre. Les rĂ©sultats Ă©conomiques sont les rĂ©sultats qui font disparaĂźtre l’individu devant les chiffres, devant les nombres qui sont fournis. C’est ce qu’on appelle la statistique. L’individu s’efface, il ne reste que l’ensemble des phĂ©nomĂšnes qu’on peut rĂ©diger sous forme de lois. Dans l’ordre intellectuel, il n’en est pas tout Ă  fait ainsi. C’est prĂ©cisĂ©ment Ă  quoi je faisais allusion quand je parlais tout Ă  l’heure des crĂ©ateurs, ces gens particuliers qui jouent un rĂŽle essentiel, et en somme un rĂŽle tout Ă  fait personnel, individuel. C’est la valeur personnelle qui est en cause.
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Paul Valéry (Cours de poétique (Tome 1) - Le corps et l'esprit (1937-1940) (French Edition))
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S'il m'arrive de perdre une nuit qui aurait pu ĂȘtre consacrĂ©e au sommeil, au plaisir, ou tout simplement Ă  la solitude, Ă  causer sur la terrasse d'un cafĂ© avec des intellectuels atteints de dĂ©sespoir, je les Ă©tonne toujours en leur affirmant que j'ai connu le bonheur, le vrai, l'authentique, la piĂšce d'or inaltĂ©rable qu'on peut Ă©changer contre une poignĂ©e de gros sous ou contre une liasse de marks d'aprĂšs-guerre, mais qui n'en demeure pas moins semblable Ă  elle-mĂȘme, et qu'aucune dĂ©valuation n'atteint. Le souvenir d'un d'un tel Ă©tat de choses guĂ©rit de la philosophie allemande ; il aide Ă  simplifier la vie, et aussi son contraire. Et si ce bonheur Ă©manait de Conrad, ou seulement de ma jeunesse, c'est ce qui importe peu, puisque ma jeunesse et Conrad sont morts ensemble. (p. 145)
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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J’avais envie de partager un rĂȘve avec vous. J’aime Ă  croire qu’un jour, nous saurons marcher les uns avec les autres. Je me suis dit que si chacun donnait la main Ă  quelqu’un d’autre, alors ensemble, nous pourrions faire de ce monde un lieu meilleur oĂč il fait bon vivre dans une douce harmonie. J’ai besoin de vous pour que ce rĂȘve devienne notre rĂ©alitĂ©. Si vous croyez comme moi que le bonheur est un choix, alors il est de notre responsabilitĂ© d’aider ceux qu’on aime Ă  se rĂ©aliser! Prenez quelqu’un par la main et enseignez-lui l’Amour, devenez son «Shanti», aidez-le Ă  trouver son chemin et proposez-lui de tenir la main d’une autre personne en ne lĂąchant plus jamais la sienne. TrĂšs vite, nos mains se relieront autour de la Terre pour faire de cette planĂšte l’Ɠuvre que nous aurons rĂ©alisĂ©e. N’essayez pas de convaincre les autres, montrez-leur l’exemple, inspirez-les, c’est en rayonnant que votre lumiĂšre guidera leurs pas
 Avec tout mon amour. Maud
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Maud Ankaoua (KilomÚtre zéro)
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On ne peut pas dire que le petit bourgeois n'a rien lu. Il a tout lu, tout dévoré au contraire. Seulement son cerveau fonctionne à la maniÚre de certains appareils digestifs de type élémentaire. Il filtre. Et le filtre ne laisse passer que ce qui peut alimenter la couenne de la bonne conscience bourgeoise. Les Vietnamiens, avant l'arrivée des Français dans leur pays, étaient gens de culture vieille, exquise et raffinée. Ce rappel indispose la Banque d'Indochine. Faites fonctionner l'oublioir ! Ces Malgaches, que l'on torture aujourd'hui, étaient, il y a moins d'un siÚcle, des poÚtes, des artistes, des administrateurs ? Chut ! Bouche cousue ! Et le silence se fait profond comme un coffre-fort ! Heureusement qu'il reste les nÚgres. Ah ! les nÚgres ! parlons-en des nÚgres ! Eh bien, oui, parlons-en. Des empires soudanais ? Des bronzes du Bénin ? De la sculpture Shongo ? Je veux bien ; ça nous changera de tant de sensationnels navets qui adornent tant de capitales européennes. De la musique africaine. Pourquoi pas? Et de ce qu'ont dit, de ce qu'ont vu les premiers explorateurs... Pas de ceux qui mangent aux rùteliers des Compagnies ! Mais des d'Elbée, des Marchais, des Pigafetta ! Et puis de Frobénius ! Hein, vous savez qui c'est, Frobénius ? Et nous lisons ensemble : « Civilisés jusqu'à la moelle des os ! L'idée du nÚgre barbare est une invention européenne. » Le petit bourgeois ne veut plus rien entendre. D'un battement d'oreilles, il chasse l'idée. L'idée, la mouche importune.
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Aimé Césaire (Discourse on Colonialism)
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En finir avec le systĂšme capitaliste ne saurait en aucun cas se rĂ©duire Ă  un changement dans le rĂ©gime de propriĂ©tĂ© des moyens de production, Ă  la planification de l'Ă©conomie ou Ă  une rĂ©partition plus juste des bĂ©nĂ©fices de celle-ci. Cela ne peut signifier autre chose que l'abolition de la valeur et de son Ă©crasante prĂ©dominance tant dans l'ordre Ă©conomique que dans l'ensemble de la vie sociale et subjective. Prendre pleinement la mesure de ce qu'implique l'abolition de la valeur (c'est-Ă -dire aussi de la prĂ©Ă©minence du travail abstrait) n'a rien d'aisĂ©. Mais du moins est-il clair que cela - et cela seul - Ă©quivaut Ă  la destruction du moteur mĂȘme de la folle mĂ©canique du productivisme capitaliste, Ă  savoir la force incontrĂŽlable qui oblige Ă  produire sans cesse davantage sous l'effete de la seule nĂ©cessitĂ© de l'expansion de la valeur. Une fois Ă©liminĂ©e cette compulsion mortifĂšre de la production-pour-la-production-et-pour-le-profit, les producteurs (qu'il conviendrait de ne plus qualifier par ce terme) retrouveront la pleine maĂźtrise de la crĂ©ation de valeurs d'usage, rĂ©alisĂ©e sur la base e choix arrĂȘtĂ©s et assumĂ©s collectivement (tandis que l'autoproduction inscrite dans le temps disponible relĂšvera de l'entiĂšre libertĂ© de chacun). Plus profondĂ©ment, cela signifie que la production de biens et de services (qu'il serait souhaitable de nommer autrement), tout en demeurant la base nĂ©cessaire Ă  la vie, cessera d'ĂȘtre la sphĂšre centrale et dĂ©terminante de l'organisation collective, comme elle l'est, de maniĂšre trĂšs spĂ©cifique, dans la justement nommĂ©e sociĂ©tĂ© de la marchandise. (p. 115)
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JĂ©rĂŽme Baschet (AdiĂłs al Capitalismo: AutonomĂ­a, sociedad del buen vivir y multiplicidad de mundos)
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TOUZENBACH Si vous voulez. De quoi parlerons-nous ? VERCHININE De quoi ? RĂȘvons ensemble... par exemple de la vie telle qu’elle sera aprĂšs nous, dans deux ou trois cents ans. TOUZENBACH Eh bien, aprĂšs nous on s’envolera en ballon, on changera la coupe des vestons, on dĂ©couvrira peut-ĂȘtre un sixiĂšme sens, qu’on dĂ©veloppera, mais la vie restera la mĂȘme, un vie difficile, pleine de mystĂšre, et heureuse. Et dans mille ans, l’homme soupirera comme aujourd’hui : « Ah ! qu’il est difficile de vivre ! » Et il aura toujours peur de la mort et ne voudra pas mourir. VERCHININE, aprĂšs avoir rĂ©flĂ©chi. Comment vous expliquer ? Il me semble que tout va se transformer peu Ă  peu, que le changement s’accomplit dĂ©jĂ , sous nos yeux. Dans deux ou trois cents ans, dans mille ans peut-ĂȘtre, peu importe le dĂ©lai, s’établira une vie nouvelle, heureuse. Bien sĂ»r, nous ne serons plus lĂ , mais c’est pour cela que nous vivons, travaillons, souffrons enfin, c’est nous qui la crĂ©ons, c’est mĂȘme le seul but de notre existence, et si vous voulez, de notre bonheur. Macha rit doucement. TOUZENBACH Pourquoi riez-vous ? MACHA Je ne sais pas. Je ris depuis ce matin. VERCHININE J’ai fait les mĂȘmes Ă©tudes que vous, je n’ai pas Ă©tĂ© Ă  l’AcadĂ©mie militaire. Je lis beaucoup, mais je ne sais pas choisir mes lectures, peut-ĂȘtre devrais-je lire tout autre chose ; et cependant, plus je vis, plus j’ai envie de savoir. Mes cheveux blanchissent, bientĂŽt je serai vieux, et je ne sais que peu, oh ! trĂšs peu de chose. Pourtant, il me semble que je sais l’essentiel, et que je le sais avec certitude. Comme je voudrais vous prouver qu’il n’y a pas, qu’il ne doit pas y avoir de bonheur pour nous, que nous ne le connaĂźtrons jamais... Pour nous, il n’y a que le travail, rien que le travail, le bonheur, il sera pour nos lointains descendants. (Un temps.) Le bonheur n’est pas pour moi, mais pour les enfants de mes enfants. TOUZENBACH Alors, d’aprĂšs vous, il ne faut mĂȘme pas rĂȘver au bonheur ? Mais si je suis heureux ? VERCHININE Non. TOUZENBACH, joignant les mains et riant. Visiblement, nous ne nous comprenons pas. Comment vous convaincre ? (Macha rit doucement. Il lui montre son index.) Eh bien, riez ! (À Verchinine :) Non seulement dans deux ou trois cents ans, mais dans un million d’annĂ©es, la vie sera encore la mĂȘme ; elle ne change pas, elle est immuable, conforme Ă  ses propres lois, qui ne nous concernent pas, ou dont nous ne saurons jamais rien. Les oiseaux migrateurs, les cigognes, par exemple, doivent voler, et quelles que soient les pensĂ©es, sublimes ou insignifiantes, qui leur passent par la tĂȘte, elles volent sans relĂąche, sans savoir pourquoi, ni oĂč elles vont. Elles volent et voleront, quels que soient les philosophes qu’il pourrait y avoir parmi elles ; elles peuvent toujours philosopher, si ça les amuse, pourvu qu’elles volent... MACHA Tout de mĂȘme, quel est le sens de tout cela ? TOUZENBACH Le sens... VoilĂ , il neige. OĂč est le sens ? MACHA Il me semble que l’homme doit avoir une foi, du moins en chercher une, sinon sa vie est complĂštement vide... Vivre et ignorer pourquoi les cigognes volent, pourquoi les enfants naissent, pourquoi il y a des Ă©toiles au ciel... Il faut savoir pourquoi l’on vit, ou alors tout n’est que balivernes et foutaises. Comme dit Gogol : « Il est ennuyeux de vivre en ce monde, messieurs. »
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Anton Chekhov (The Three Sisters)
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Le Dieu du thĂ©isme thĂ©ologique est un ĂȘtre Ă  cĂŽtĂ© des autres et, comme tel, une partie de l'ensemble de la rĂ©alitĂ©. On le considĂšre certes comme Ă©tant la partie la plus importante mais nĂ©anmoins comme une partie et, Ă  ce titre, comme soumis Ă  la structure de la totalitĂ©. On le pense bien sĂ»r comme Ă©tant au-delĂ  des Ă©lĂ©ments ontologiques et des catĂ©gories qui constituent la rĂ©alitĂ©, et pourtant tout Ă©noncĂ© Ă  son sujet le soumet Ă  ces derniers. On en vient Ă  le voir comme un soi qui a un monde, comme un je qui est reliĂ© Ă  un tu, comme une cause qui est sĂ©parĂ©e de son effet, comme possĂ©dant un espace dĂ©fini et un temps sans fin. Il est donc un ĂȘtre, non l'ĂȘtre-mĂȘme. Comme tel, il est assujetti Ă  la structure sujet-objet de la rĂ©alitĂ© ; il est un objet pour nous en tant que nous sommes des sujets. En mĂȘme temps, nous sommes des objets pour lui en tant qu'il est un sujet. Il s'agit lĂ  d'un aspect dĂ©cisif en ce qui concerne la nĂ©cessitĂ© oĂč nous sommes de dĂ©passer le thĂ©isme thĂ©ologique, car un tel Dieu perçu comme sujet fait de moi un objet et, rien de plus. Il me dĂ©pouille de ma subjectivitĂ© parce qu'il est tout-puissant et omniscient. Je me rĂ©volte alors et tente de ·faire de lui un objet, mais la rĂ©volte Ă©choue et devient dĂ©sespĂ©rĂ©e. Dieu apparaĂźt comme le tyran invincible, l'ĂȘtre en comparaison duquel tous les autres ĂȘtres sont sans libertĂ© ni subjectivitĂ©. Comparable en quelque sorte Ă  ces tyrans rĂ©cents qui, utilisant la terreur, s'efforcent de tout transformer en pur objet, en chose parmi les choses, en rouage de la machine qu'ils dirigent, un tel Dieu devient le modĂšle de tout ce contre quoi l'existentialisme s'est rĂ©voltĂ©. C'est le Dieu dont Nietzsche disait qu'il faut le tuer parce que personne ne peut tolĂ©rer d'ĂȘtre transformĂ© purement et simplement en objet de connaissance et de domination absolues. LĂ  se trouve Ă©galement la racine la plus profonde de l'athĂ©isme. C'est un athĂ©isme qui se justifie comme rĂ©action contre le thĂ©isme thĂ©ologique et ses consĂ©quences inquiĂ©tantes. LĂ  se trouve Ă©galement la racine la plus profonde du dĂ©sespoir existentialiste et de l'angoisse de l'absurde largement rĂ©pandue Ă  notre Ă©poque.
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Paul Tillich (Le Courage d’ĂȘtre)
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Si l’humanitĂ© s’est Ă©cartĂ©e des conditions initiales dont je parlais, si elle a renoncĂ©, sans le savoir et sans le vouloir, Ă  la stabilitĂ© Ă  laquelle elle pouvait tendre, on pouvait supposer qu’étant arrivĂ©e Ă  un certain niveau, elle s’y serait stabilisĂ©e, comme les abeilles ont pu se stabiliser (elles ont trouvĂ© certains procĂ©dĂ©s de construction, d’accumulation des rĂ©serves), et demeurer en cet Ă©tat indĂ©finiment, comme il semble que les abeilles y soient demeurĂ©es, nous aurions pu arriver Ă  concevoir une humanitĂ© comme une fourmiliĂšre ou une ruche d’abeilles. Pas du tout. Elle n’a cessĂ© de s’écarter de son bien-ĂȘtre, le bien-ĂȘtre n’a pas suffi Ă  l’humanitĂ©. HĂ©las ! dans bien des cas on pourrait se lamenter Ă  ce sujet et pleurer, mais il s’est trouvĂ© toujours que les hommes se soient Ă©cartĂ©s de la norme dĂ©jĂ  Ă©tablie, que des hommes, des penseurs par exemple aient spĂ©culĂ© assez pour trouver que la stabilitĂ© acquise Ă©tait une stabilitĂ© insuffisante, trĂšs insuffisante. C’est pourquoi j’ai pu prononcer dans ma derniĂšre leçon ce mot de l’aventure qui m’a paru rĂ©sumer la vie humaine dans son ensemble. L’aventure... c’est-Ă -dire ce fait qu’il y a eu un changement qui a toujours etendu Ă  repousser, Ă  nier, Ă  ruiner les conditions d’existence, mĂȘme favorables, mĂȘme satisfaisantes pour la majoritĂ© des individus, et qui a tendu Ă  dĂ©truire cet ordre-lĂ , Ă  le renverser. J’avais associĂ© Ă  ce mot-lĂ  le mot le plus connu de progrĂšs, mais je prĂ©fĂšre celui d’aventure, et je vais vous dire pourquoi le terme de progrĂšs, que j’ai essayĂ© de prĂ©ciser en le ramenant Ă  ce qui est observable, progrĂšs que j’ai dĂ©fini par l’accroissement de prĂ©cision dans les mesures marquĂ©es par les dĂ©cimales qu’on peut calculer et observer : progrĂšs dans l’acquisition des moyens d’action, progrĂšs de puissance mĂ©canique, nombre de chevaux-vapeur par tĂȘte Ă  telle Ă©poque, progrĂšs dans les automatismes sociaux, par consĂ©quent progrĂšs qui permet de commander beaucoup plus d’élĂ©ments humains ou matĂ©riels Ă  l’aide d’un plus petit effort, diminution de l’effort Ă  accomplir. Tout ceci est parfaitement observable, ce ne sont pas des chimĂšres. On a ajoutĂ© Ă  cela une vĂ©ritable religion du progrĂšs, qui fait croire que, quoi qu’il en soit aprĂšs bien des aventures, beaucoup d’expĂ©riences, l’humanitĂ© marche toujours vers une amĂ©lioration de son sort.
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Paul Valéry (Cours de poétique (Tome 1) - Le corps et l'esprit (1937-1940) (French Edition))
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Il faut que je vous Ă©crive, mon aimable Charlotte, ici, dans la chambre d’une pauvre auberge de village, oĂč je me suis rĂ©fugiĂ© contre le mauvais temps. Dans ce triste gĂźte de D., oĂč je me traĂźne au milieu d’une foule Ă©trangĂšre, tout Ă  fait Ă©trangĂšre Ă  mes sentiments, je n’ai pas eu un moment, pas un seul, oĂč le cƓur in’ait dit de vous Ă©crire : et maintenant, dans cette cabane, dans cette solitude, dans cette prison, tandis que la neige et la grĂȘle se dĂ©chaĂźnent contre ma petite fenĂȘtre, ici, vous avez Ă©tĂ© ma premiĂšre pensĂ©e. DĂšs que je fus entrĂ©, votre image, ĂŽ Charlotte, votre pensĂ©e m’a saisi, si sainte, si vivante ! Bon Dieu, c’est le premier instant de bonheur que je retrouve. Si vous me voyiez, mon amie, dans ce torrent de dissipations ! Comme toute mon Ăąme se dessĂšche ! Pas un moment oĂč le cƓur soit plein ! pas une heure fortunĂ©e ! rien, rien ! Je suis lĂ  comme devant une chambre obscure : je vois de petits hommes et de petits chevaux tourner devant moi, et je me demande souvent si ce n’est pas une illusion d’optique. Je m’en amuse, ou plutĂŽt on s’amuse de moi comme d’une ma"rionnette ; je prends quelquefois mon voisin par sa main de bois, et je recule en frissonnant. Le soir, je fais le projet d’aller voir lever le soleil, et je reste au lit ; le jour, je me promets le plaisir du clair de lune, et je m’oublie dans ma chambre. Je ne sais trop pourquoi je me lĂšve, pourquoi je me coucha. Le levain qui faisait fermenter ma vie, je ne l’ai plus ; le charme qui me tenait Ă©veillĂ© dans les nuits profondes s’est Ă©vanoui ; l’enchantement qui, le matin, m’arrachait au sommeil a fui loin de moi. Je n’ai trouvĂ© ici qu’une femme, une seule, Mlle de B. Elle vous ressemble, ĂŽ Charlotte, si l’on peut vous ressembler. «.Eh quoi ? direz-vous, le voilĂ  qui fait de jolis compliments ! » Cela n’est pas tout Ă  fait imaginaire : depuis quelque temps je suis trĂšs-aimable, parce que je ne puis faire autre chose ; j’ai beaucoup d’esprit, at les dames disent que personne ne sait louer aussi finement
. «Ni mentir, ajouterez-vous, car l’un ne va pas sans l’autre, entendez-vous ?
 » Je voulais parler de Mlle B. Elle a beaucoup d’ñme, on le voit d’abord Ă  la flamme de ses yeux bleus. Son rang lui est Ă  charge ; il ne satisfait aucun des vƓux de son cƓur. Elle aspire Ă  sortir de ce tumulte, et nous rĂȘvons, des heures entiĂšres, au mijieu de scĂšnes champĂȘtres, un bonheur sans mĂ©lange ; hĂ©las ! nous rĂȘvons Ă  vous, Charlotte ! Que de fois n’est-elle pas obligĂ©e de vous rendre hommage !
 Non pas obligĂ©e : elle le fait de bon grĂ© ; elle entend volontiers parler de vous ; elle vous aime. Oh ! si j’étais assis Ă  vos pieds, dans la petite chambre, gracieuse et tranquille ! si nos chers petits jouaient ensemble autour de moi, et, quand leur bruit vous fatiguerait, si je pouvais les rassembler en cercle et les calmer avec une histoire effrayante ! Le soleil se couche avec magnificence sur la contrĂ©e Ă©blouissante de neige ; l’orage est passĂ© ; et moi
. il faut que je rentre dans ma cage
. Adieu. Albert est-il auprĂšs de vous ? Et comment ?
 Dieu veuille me pardonner cette question !
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Wilhelm, on deviendrait furieux de voir qu’il y ait des hommes incapables de goĂ»ter et de sentir le peu de biens qui ont encore quelque valeur sur la terre. Tu connais les noyers sous lesquels je me .suis assis avec Charlotte, Ă  St
, chez le bon pasteur, ces magnifiques noyers, qui, Dieu le sait, me remplissaient toujours d’une joie calme et profonde. Quelle paix, quelle fraĂźcheur ils rĂ©pandaient sur le presbytĂšre ! Que les rameaux Ă©taient majestueux ! Et le souvenir enfin des vĂ©nĂ©rables pasteurs qui les avaient plantĂ©s, tant d’annĂ©es auparavant !
 Le maĂźtre d’école nous a dit souvent le nom de l’un d’eux, qu’il avait appris de son grand-pĂšre. Ce fut sans doute un homme vertueux, et, sous ces arbres, sa mĂ©moire me fut toujours sacrĂ©e. Eh bien, le maĂźtre d’école avait hier les larmes aux yeux, comme nous parlions ensemble de ce qu’on les avait abattus. Abattus ! j’en suis furieux, je pourrais tuer le chien qui a portĂ© le premier coup de hache. Moi, qui serais capable de prendre le deuil, si, d’une couple d’arbres tels que ceux-lĂ , qui auraient existĂ© dans ma cour, l’un venait Ă  mourir de vieillesse, il faut que je voie une chose pareille !
 Cher Wilhelm, il y a cependant une compensation. Chose admirable que l’humanitĂ© ! Tout le village murmure, et j’espĂšre que la femme du pasteur s’apercevra au beurre, aux Ɠufs et autres marques d’amitiĂ©, de la blessure qu’elle a faite Ă  sa paroisse. Car c’est elle, la femme du nouveau pasteur (notre vieux est mort), une personne sĂšche, maladive, qui fait bien de ne prendre au monde aucun intĂ©rĂȘt, attendu que personne n’en prend Ă  elle. Une folle, qui se pique d’ĂȘtre savante ; qui se mĂȘle de l’étude du canon ; qui travaille Ă©normĂ©ment Ă  la nouvelle rĂ©formation morale et critique du christianisme ; Ă  qui les rĂȘveries de Lavater font lever les Ă©paules ; dont la santĂ© est tout Ă  fait dĂ©labrĂ©e, et qui ne goĂ»te, par consĂ©quent, aucune joie sur la terre de Dieu ! Une pareille crĂ©ature Ă©tait seule capable de faire abattre mes noyers. Vois-tu, je n’en reviens pas. Figure-toi que les feuilles tombĂ©es lui rendent la cour humide et malpropre ; les arbres interceptent le jour Ă  madame, et, quand les noix sont mĂ»res, les enfants y jettent des pierres, et cela lui donne sur les nerfs, la trouble dans ses profondes mĂ©ditations, lorsqu’elle pĂšse et met en parallĂšle Kennikot, Semler et MichaĂ«lis. Quand j’ai vu les gens du village, surtout les vieux, si mĂ©contents, je leur ai dit : « Pourquoi l’avez-vous souffert ?— A la campagne, m’ontils rĂ©pondu, quand le maire veut quelque chose, que peut-on /aire ? * Mais voici une bonne aventure. : le- pasteur espĂ©rait aussi tirer quelque avantage des caprices de sa femme, qui d’ordinaire ne rendent pas sa soupe plus grasse, et il croyait partager le produit avec le maire ; la chambre des domaines en fut avertie et dit : « A moi, s’il vous plaĂźt ! » car elle avait d’anciennes prĂ©tentions sur la partie du presbytĂšre oĂč les arbres Ă©taient plantĂ©s, et elle les a vendus aux enchĂšres. Ils sont Ă  bas ! Oh ! si j’étais prince, la femme du pasteur, le maire, la chambre des domaines, apprendraient
. Prince !
 Eh ! si j’étais prince, que m’importeraient les arbres de mon pays ?
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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JULIETTE.—Oh! manque, mon coeur! Pauvre banqueroutier, manque pour toujours; emprisonnez-vous, mes yeux; ne jetez plus un seul regard sur la libertĂ©. Terre vile, rends-toi Ă  la terre; que tout mouvement s’arrĂȘte, et qu’une mĂȘme biĂšre presse de son poids et RomĂ©o et toi. LA NOURRICE.—O Tybalt, Tybalt! le meilleur ami que j’eusse! O aimable Tybalt, honnĂȘte cavalier, faut-il que j’aie vĂ©cu pour te voir mort! JULIETTE.—Quelle est donc cette tempĂȘte qui souffle ainsi dans les deux sens contraires? RomĂ©o est-il tuĂ©, et Tybalt est-il mort? Mon cousin chĂ©ri et mon Ă©poux plus cher encore? Que la terrible trompette sonne donc le jugement universel. Qui donc est encore en vie, si ces deux-lĂ  sont morts? LA NOURRICE.—Tybalt est mort, et RomĂ©o est banni: RomĂ©o, qui l’a tuĂ©, est banni. JULIETTE.—O Dieu! la main de RomĂ©o a-t-elle versĂ© le sang de Tybalt? LA NOURRICE.—Il l’a fait, il l’a fait! O jour de malheur! il l’a fait! JULIETTE.—O coeur de serpent cachĂ© sous un visage semblable Ă  une fleur! jamais dragon a-t-il choisi un si charmant repaire? Beau tyran, angĂ©lique dĂ©mon, corbeau couvert des plumes d’une colombe, agneau transportĂ© de la rage du loup, mĂ©prisable substance de la plus divine apparence, toi, justement le contraire de ce que tu paraissais Ă  juste titre, damnable saint, traĂźtre plein d’honneur! O nature, qu’allais-tu donc chercher en enfer, lorsque de ce corps charmant, paradis sur la terre, tu fis le berceau de l’ñme d’un dĂ©mon? Jamais livre contenant une aussi infĂąme histoire porta-t-il une si belle couverture? et se peut-il que la trahison habite un si brillant palais? LA NOURRICE.—Il n’y a plus ni sincĂ©ritĂ©, ni foi, ni honneur dans les hommes; tous sont parjures, corrompus, hypocrites. Ah! oĂč est mon valet? Donnez-moi un peu d’aqua vité
.. Tous ces chagrins, tous ces maux, toutes ces peines me vieillissent. Honte soit Ă  RomĂ©o! JULIETTE.—Maudite soit ta langue pour un pareil souhait! Il n’est pas nĂ© pour la honte: la honte rougirait de s’asseoir sur son front; c’est un trĂŽne oĂč on peut couronner l’honneur, unique souverain de la terre entiĂšre. Oh! quelle brutalitĂ© me l’a fait maltraiter ainsi? LA NOURRICE.—Quoi! vous direz du bien de celui qui a tuĂ© votre cousin? JULIETTE.—Eh! dirai-je du mal de celui qui est mon mari? Ah! mon pauvre Ă©poux, quelle langue soignera ton nom, lorsque moi, ta femme depuis trois heures, je l’ai ainsi dĂ©chirĂ©? Mais pourquoi, traĂźtre, as-tu tuĂ© mon cousin? Ah! ce traĂźtre de cousin a voulu tuer mon Ă©poux.—Rentrez, larmes insensĂ©es, rentrez dans votre source; c’est au malheur qu’appartient ce tribut que par mĂ©prise vous offrez Ă  la joie. Mon Ă©poux vit, lui que Tybalt aurait voulu tuer; et Tybalt est mort, lui qui aurait voulu tuer mon Ă©poux. Tout ceci est consolant, pourquoi donc pleurĂ©-je? Ah! c’est qu’il y a lĂ  un mot, plus fatal que la mort de Tybalt, qui m’a assassinĂ©e.—Je voudrais bien l’oublier; mais, ĂŽ ciel! il pĂšse sur ma mĂ©moire comme une offense digne de la damnation sur l’ñme du pĂ©cheur. Tybalt est mort, et RomĂ©o est
.. banni! Ce banni, ce seul mot banni, a tuĂ© pour moi dix mille Tybalt. La mort de Tybalt Ă©tait un assez grand malheur, tout eĂ»t-il fini lĂ ; ou si les cruelles douleurs se plaisent Ă  marcher ensemble, et qu’il faille nĂ©cessairement que d’autres peines les accompagnent, pourquoi, aprĂšs m’avoir dit: «Tybalt est mort,» n’a-t-elle pas continuĂ©: «ton pĂšre aussi, ou ta mĂšre, ou tous les deux?» cela eĂ»t excitĂ© en moi les douleurs ordinaires. Mais par cette arriĂšre-garde qui a suivi la mort de Tybalt, RomĂ©o est banni; par ce seul mot, pĂšre, mĂšre, Tybalt, RomĂ©o, Juliette, tous sont assassinĂ©s, tous morts. RomĂ©o banni! Il n’y a ni fin, ni terme, ni borne, ni mesure dans la mort qu’apporte avec lui ce mot, aucune parole ne peut sonder ce malheur.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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RhinocĂ©ros , EugĂšne Ionesco Le Vieux Monsieur et le Logicien vont s’asseoir Ă  l’une des tables de la terrasse, un peu Ă  droite et derriĂšre Jean et BĂ©renger. BĂ©renger, Ă  Jean : Vous avez de la force. Jean : Oui, j’ai de la force, j’ai de la force pour plusieurs raisons. D’abord, j’ai de la force parce que j’ai de la force, ensuite j’ai de la force parce que j’ai de la force morale. J’ai aussi de la force parce que je ne suis pas alcoolisĂ©. Je ne veux pas vous vexer, mon cher ami, mais je dois vous dire que c’est l’alcool qui pĂšse en rĂ©alitĂ©. Le Logicien, au Vieux Monsieur : Voici donc un syllogisme exemplaire. Le chat a quatre pattes. Isidore et Fricot ont chacun quatre pattes. Donc Isidore et Fricot sont chats. Le Vieux Monsieur, au Logicien : Mon chien aussi a quatre pattes. Le Logicien, au Vieux Monsieur : Alors c’est un chat. BĂ©renger, Ă  Jean : Moi, j’ai Ă  peine la force de vivre. Je n’en ai plus envie peut-ĂȘtre. Le Vieux Monsieur, au Logicien aprĂšs avoir longuement rĂ©flĂ©chi : Donc logiquement mon chien serait un chat. Le Logicien, au Vieux Monsieur : Logiquement, oui. Mais le contraire est aussi vrai. BĂ©renger, Ă  Jean : La solitude me pĂšse. La sociĂ©tĂ© aussi. Jean, Ă  BĂ©renger : Vous vous contredisez. Est-ce la solitude qui pĂšse, ou est-ce la multitude ? Vous vous prenez pour un penseur et vous n’avez aucune logique. Le Vieux Monsieur, au Logicien : C’est trĂšs beau la logique. Le Logicien, au Vieux Monsieur : A condition de ne pas en abuser. BĂ©renger, Ă  Jean : C’est une chose anormale de vivre. Jean : Au contraire. Rien de plus naturel. La preuve : tout le monde vit. BĂ©renger : Les morts sont plus nombreux que les vivants. Leur nombre augmente. Les vivants sont rares. Jean : Les morts, ca n’existe pas, c’est le cas de le dire !
 Ah ! ah !
 (Gros rire) Ceux-lĂ  aussi vous pĂšsent ? Comment peuvent peser des choses qui n’existent pas ? BĂ©renger: Je me demande moi-mĂȘme si j’existe ! Jean, Ă  BĂ©renger : Vous n’existez pas, mon cher, parce que vous ne pensez pas ! Pensez, et vous serez. Le Logicien, au Vieux Monsieur : Autre syllogisme : tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat. Le Vieux Monsieur : Et il a quatre pattes. C’est vrai, j’ai un chat qui s’appelle Socrate. Le Logicien : Vous voyez
 Jean, Ă  BĂ©renger : Vous ĂȘtes un farceur, dans le fond. Un menteur. Vous dites que la vie ne vous intĂ©resse pas. Quelqu’un, cependant, vous intĂ©resse ! BĂ©renger : Qui ? Jean : Votre petite camarade de bureau, qui vient de passer. Vous en ĂȘtes amoureux ! Le Vieux Monsieur, au Logicien : Socrate Ă©tait donc un chat ! Le Logicien : La logique vient de nous le rĂ©vĂ©ler. Jean : Vous ne vouliez pas qu’elle vous voie dans le triste Ă©tat oĂč vous vous trouviez. Cela prouve que tout ne vous est pas indiffĂ©rent. Mais comment voulez-vous que Daisy soit sĂ©duite par un ivrogne ? Le Logicien : Revenons Ă  nos chats. Le Vieux Monsieur, au Logicien : Je vous Ă©coute. BĂ©renger, Ă  Jean : De toute façon, je crois qu’elle a dĂ©jĂ  quelqu’un en vue. Jean, Ă  BĂ©renger : Qui donc ? BĂ©renger, Ă  Jean : Dudard. Un collĂšgue du bureau : licenciĂ© en droit, juriste, grand avenir dans la maison, de l’avenir dans le cƓur de Daisy, je ne peux pas rivaliser avec lui. Le Logicien, au Vieux Monsieur : Le chat Isidore a quatre pattes. Le Vieux Monsieur : Comment le savez-vous ? Le Logicien : C’est donnĂ© par hypothĂšse. BĂ©renger, Ă  Jean : Il est bien vu par le chef. Moi, je n’ai pas d’avenir, pas fait d’études, je n’ai aucune chance. Le Vieux Monsieur, au Logicien : Ah ! par hypothĂšse ! Jean, Ă  BĂ©renger : Et vous renoncez, comme cela
 BĂ©renger, Ă  Jean : Que pourrais-je faire ? Le Logicien, au Vieux Monsieur : Fricot aussi a quatre pattes. Combien de pattes auront Fricot et Isidore ? Le Vieux Monsieur, au Logicien : Ensemble ou sĂ©parĂ©ment ? Jean, Ă  BĂ©renger : La vie est une lutte, c’est lĂąche de ne pas combattre !
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EugÚne Ionesco (Rhinocéros)
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II L'Association bretonne. Il est une institution qui distingue la Bretagne des autres provinces et oĂč se rĂ©flĂšte son gĂ©nie, l'Association bretonne. Dans ce pays couvert encore de landes et de terres incultes, et oĂč il reste tant de ruines des anciens Ăąges, des hommes intelligents ont compris que ces deux intĂ©rĂȘts ne devaient pas ĂȘtre sĂ©parĂ©s, les progrĂšs de l'agriculture et l'Ă©tude des monuments de l'histoire locale. Les comices agricoles ne s'occupent que des travaux d'agriculture, les sociĂ©tĂ©s savantes que de l'esprit; l'Association bretonne les a rĂ©unis: elle est Ă  la fois une association agricole et une association littĂ©raire. Aux expĂ©riences de l'agriculture, aux recherches archĂ©ologiques, elle donne de la suite et de l'unitĂ©; les efforts ne sont plus isolĂ©s, ils se font avec ensemble; l'Association bretonne continue, au XIXe siĂšcle, l'oeuvre des moines des premiers temps du christianisme dans la Gaule, qui dĂ©frichaient le sol et Ă©clairaient les Ăąmes. Un appel a Ă©tĂ© fait dans les cinq dĂ©partements de la Bretagne Ă  tous ceux qui avaient Ă  coeur les intĂ©rĂȘts de leur patrie, aux Ă©crivains et aux propriĂ©taires, aux gentilshommes et aux simples paysans, et les adhĂ©sions sont arrivĂ©es de toutes parts. L'Association a deux moyens d'action: un bulletin mensuel, et un congrĂšs annuel. Le bulletin rend compte des travaux des associĂ©s, des expĂ©riences, des essais, des dĂ©couvertes scientifiques; le congrĂšs ouvre des concours, tient des sĂ©ances publiques, distribue des prix et des rĂ©compenses. Afin de faciliter les rĂ©unions et d'en faire profiter tout le pays, le congrĂšs se tient alternativement dans chaque dĂ©partement; une annĂ©e Ă  Rennes, une autre Ă  Saint-Brieuc, une autre fois Ă  VitrĂ© ou Ă  Redon; en 1858, il s'est rĂ©uni Ă  Quimper. A chaque congrĂšs, des questions nouvelles sont agitĂ©es, discutĂ©es, Ă©claircies[1]: ces savants modestes qui consacrent leurs veilles Ă  des recherches longues et pĂ©nibles, sont assurĂ©s que leurs travaux ne seront pas ignorĂ©s; tant d'intelligences vives et distinguĂ©es, qui demeureraient oisives dans le calme des petites villes, voient devant elles un but Ă  leurs efforts; la publicitĂ© en est assurĂ©e, ils seront connus et apprĂ©ciĂ©s. D'un bout de la province Ă  l'autre, de Rennes Ă  Brest, de Nantes Ă  Saint-Malo, on se communique ses oeuvres et ses plans; tel antiquaire, Ă  Saint-Brieuc, s'occupe des mĂȘmes recherches qu'un autre Ă  Quimper: il est un jour dans l'annĂ©e oĂč ils se retrouvent, oĂč se resserrent les liens d'Ă©tudes et d'amitiĂ©. [Note 1: Voir l'Appendice.] Le congrĂšs est un centre moral et intellectuel, bien plus, un centre national: ces congrĂšs sont de vĂ©ritables assises bretonnes; ils remplacent les anciens États: on y voit rĂ©unis, comme aux États, les trois ordres, le clergĂ©, la noblesse et le tiers-Ă©tat, le tiers-Ă©tat plus nombreux qu'avant la RĂ©volution, et de plus, mĂȘlĂ©s aux nobles et aux bourgeois, les paysans. La Bretagne est une des provinces de France oĂč les propriĂ©taires vivent le plus sur leurs terres; beaucoup y passent l'annĂ©e tout entiĂšre. De lĂ  une communautĂ© d'habitudes, un Ă©change de services, des relations plus familiĂšres et plus intimes, qui n'ĂŽtent rien au respect d'une part, Ă  la dignitĂ© de l'autre. PropriĂ©taires et fermiers, rĂ©unis au congrĂšs, sont soumis aux mĂȘmes conditions et jugĂ©s par les mĂȘmes lois; souvent le propriĂ©taire concourt avec son fermier. Dans ces mĂȘlĂ©es animĂ©es, oĂč l'on se communique ses procĂ©dĂ©s, oĂč l'on s'aide de ses conseils, oĂč l'on distribue des prix et des encouragements, les riches propriĂ©taires et les nobles traitent les paysans sur le pied de l'Ă©galitĂ©; ici, la supĂ©rioritĂ© est au plus habile: c'est un paysan, GuĂ©venoux, qui, en 1857, eut les honneurs du congrĂšs de Redon. Voici quatorze ans que l'Association bretonne existe; l'ardeur a toujours Ă©tĂ© en croissant; les congrĂšs sont devenus des solennitĂ©s: on y vient de tous les points
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Anonymous
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Tout le monde a l'air de savoir qui sont ces Autres ; tout le monde parle d'eux, mais eux ne parlent jamais. En effet, dans quels discours apparaĂźtre l'Autre, sous sas forme singuliĂšre ou plurielle ? Sous la forme d'un discours adressĂ© Ă  des gens qui ne sont pas les Autres. Mais d'oĂč viennent ces Autres ? Y a-t-il des Autres, et si oui, pourquoi ? Il faut, pour Ă©claircir ce mystĂšre, en revenir Ă  l'invite. Qui est invitĂ© Ă  accepter les Autres ? Pas les Autres, Ă©videmment. Et qui fait cette demande ? De son Ă©nonciateur, qui ne dit pas son nom, tout ce qu'on sait, c'est qu'il n'est pas un Autre. Ce n'est pas lui-mĂȘme qu'il nous invite Ă  accepter. Mais pas plus qu'il ne dit qui il est, il n'Ă©nonce qui est ce « Nous » Ă  qui il s'adresse. DerriĂšre l'Autre dont on entend parler sans arrĂȘt, sans qu'il parle, se cache donc une autre personne, qui parle tout le temps sans qu'on n'en entende jamais parler : l'« Un », qui parle Ă  « Nous ». C'est-Ă -dire Ă  l'ensemble de la sociĂ©tĂ© de la part de l'ensemble de la sociĂ©tĂ©. De la sociĂ©tĂ© normale. De la sociĂ©tĂ© lĂ©gitime. De celle qui est l'Ă©gale du locuteur qui nous invite Ă  tolĂ©rer les Autres. Les Autres ne sont pas, par dĂ©finition, des gens ordinaires, puisqu'ils ne sont pas « Nous ». Qui est ce « Un » parlant ? Avant toute autre chose, on sait, parce qu'il le fait, qu'il est celui qui peut dĂ©finir l'Autre. Ensuite, il prendra une position de tolĂ©rance ou d'intolĂ©rance. Mais cette prise de position est seconde par rapport Ă  sa capacitĂ© Ă  dĂ©finir l'Autre : Ă  ce pouvoir. Les Autres sont donc ceux qui sont dans la situation d'ĂȘtre dĂ©finis comme acceptables ou rejetables, et d'abord d'ĂȘtre nommĂ©s. Au principe, Ă  l'origine de l'existence des Uns et des Autres, il y adonc le pouvoir, simple, brut, tout nu, qui n'a pas Ă  se faire ou Ă  advenir, qui est. (p. 18-19)
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Christine Delphy (Classer, dominer: Qui sont les "autres" ? (French Edition))
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« Tout est soumis au roi de toutes choses. C'est par lui que l'ensemble de l'univers existe : il est l'auteur de tout bien. Les choses qui tiennent le second rang relÚvent du second ; les troisiÚmes du troisiÚme; » je ne puis voir dans ces paroles que l'énonciation du mystÚre de la sainte Trinité; le troisiÚme désigne le Saint-Esprit, et le second représente le Fils par lequel tout s'exécute d'aprÚs la volonté du PÚre.
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Clement of Alexandria (Miscellanies (Stromata))
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MARIE-LOUISE. [
] J’ai lu dans le SĂ©lection, l’aut’jour, qu’une famille c’est comme une cellule vivante, que chaque membre de la famille doit contribuer Ă  la vie de la cellule
 Cellule mon cul
 Ah! Oui, pour ĂȘtre une cellule, c’est une cellule, mais pas de c’te sorte-lĂ ! Nous autres, quand on se marie, c’est pour ĂȘtre tu-seuls ensemble. ToĂ© [LĂ©opold], t’es tu-seule, ton mari Ă  cĂŽtĂ© de toĂ© est tu-seul, pis tes enfants sont tu-seuls de leur bord
 Pis tout le monde se regarder comme chien et chat
 Une gang de tu-seuls ensemble, c’est ça qu’on est!
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Michel Tremblay (À toi, pour toujours, ta Marie-Lou)
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Parmi tant de surprenantes boutiques, celles qui donnent le plus Ă  rĂ©flĂ©chir sont pour moi, dans une rue que les Ă©trangers connaissent Ă  peine, ces espĂšces de hangars poussiĂ©reux, oĂč s'entassent les vieilles armes, les vieilles cuirasses, les vieux visages d'acier, tout l'attirail pour faire peur qui servait aux anciennes batailles, et les fanions des SamouraĂŻs, leurs emblĂšmes de ralliement, leurs Ă©tendards. Sur des fantĂŽmes de mannequins qui ne tiennent plus debout, posent des armures squameuses, des moitiĂ©s de figures poilues, des masques ricanant la mort. Un fouillis d'objets ultra-mĂ©chants, qui pour nous ne ressemblent Ă  rien de connu, tellement qu'on les croirait tombĂ©s de quelque planĂšte Ă  peine voisine. Ce Japon Ă  demi fantastique, soudainement Ă©croulĂ© aprĂšs des millĂ©naires de durĂ©e, gĂźt lĂ  pĂȘle-mĂȘle et continue de dĂ©gager un vague effroi. Ainsi, les pĂšres, ou les grands-pĂšres tout au plus, de ces petits soldats d'aujourd'hui, si drĂŽlement corrects dans leurs uniformes d'Occident, se dĂ©guisaient encore en monstres de rĂȘve, il y a cinquante ans Ă  peine, lorsqu'il s'agissait d'aller se battre; ils mettaient ces cornes, ces crĂȘtes, ces antennes; ils ressemblaient Ă  des scarabĂ©es, des hippocampes, des chimĂšres: par les trous de ces masques Ă  grimace, luisaient leurs yeux obliques et sortaient leurs cris de fureur ou d'agonie... Et c'est dans les vallĂ©es ou les champs de ce gentil pays vert qu'avaient lieu ces scĂšnes uniques au monde: les rencontres et les corps Ă  corps d'armĂ©es rivales, vĂȘtues avec cet art dĂ©moniaque, alors que les longs sabres coupants, tenus Ă  deux mains au bout de bras musculeux et courts, dĂ©crivaient leurs moulinets en l'air, puis faisaient partout des entailles saignantes, fauchaient ensemble les casques cornus et les figures masquĂ©es.
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Pierre Loti (La troisiĂšme jeunesse de Madame Prune / Le mariage de Loti)
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Soutenir que l’Islam apparaĂźt constamment en filigrane dans l’ensemble de ses ouvrages, mĂȘme ceux qui ont Ă©tĂ© publiĂ©s avant 1930, ne revient donc nullement Ă  dĂ©former la portĂ©e rĂ©elle de son enseignement, ni Ă  en restreindre l’universalitĂ© par rĂ©fĂ©rence Ă  une tradition particuliĂšre ; c ’est, tout au contraire, donner la clĂ© vĂ©ritable qui permet d’en saisir la signification profonde et de rĂ©soudre les difficultĂ©s apparemment inextricables auxquelles se heurtent toujours ceux qui cherchent Ă  l’aborder d ’une façon extĂ©rieure, c ’est-Ă -dire au moyen d ’une approche purement documentaire et par un recours exclusif Ă  la mĂ©thode « historique».
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Charles-André Gilis (Introduction à l'enseignement et au mystÚre de René Guénon)
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La notion d’intĂ©gration contient l’idĂ©e fausse que l’islĂąm est une religion Ă©trangĂšre. Seul Ordre rĂ©vĂ©lĂ© destinĂ© Ă  l’ensemble des hommes, l’islĂąm est chez lui partout. Affirmer le contraire revient Ă  considĂ©rer les musulmans d’origine occidentale comme Ă©tant des Ă©trangers dans leur propre pays. C’est plutĂŽt l’essence de la religion traditionnelle qui a cessĂ© d’avoir droit de citĂ© en Occident. Ce que les Occidentaux veulent Ă  tout prix « intĂ©grer », c’est-Ă -dire domestiquer,ce n’est pas l’islĂąm, c’est la religion.
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Charles-André Gilis (L'intégrité islamique : Ni intégrisme ni intégration)
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Chaque Ă©lĂšve joue de son instrument, ce n'est pas la peine d'aller contre. Le dĂ©licat, c'est de bien connaĂźtre nos musiciens et de trouver l'harmonie. Une bonne classe, ce n'est pas un regiment qui marche au pas, c'est un orchestre qui travaille la mĂȘme symphonie. Et si vous avez hĂ©ritĂ© du petit triangle qui ne sait faire que ting ting, ou de la guimbarde qui ne fait que bloĂŻng bloĂŻng, le tout est qu'ils le fassent au bon moment, le mieux possible, qu'ils deviennent un excellent triangle, un irrĂ©prochable guimbarde, et qu'ils soient fiers de la qualitĂ© que leur contribution confĂšre Ă  l'ensemble. Comme le goĂ»t de l'harmonie les fait tous progresser, le petit triangle finira lui aussi par connaĂźtre la musique, peut-ĂȘtre pas aussi brillamment que le premier violon, mais il connaĂźtra la mĂȘme musique.
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Daniel Pennac (Chagrin d'Ă©cole)
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La gauche socialiste se lançait sur la voie d'une mutation profonde, qui allait s'accentuer d'annĂ©e en annĂ©e, et commençait de se placer avec un enthousiasme suspect sous l'emprise d'intellectuels nĂ©oconservateurs qui, sous couvert de renouveler la pensĂ©e de gauche, travaillaient Ă  effacer tout ce qui faisait que la gauche Ă©tait la gauche. Se produisait, en rĂ©alitĂ©, une mĂ©tamorphose gĂ©nĂ©rale et profonde des ethos autant que des rĂ©fĂ©rences intellectuelles. On en parla plus d'exploitation et de rĂ©sistance, mais de « modernisation nĂ©cessaire » et de « refondation sociale » ; plus de rapports de classe, mais de « vivre-ensemble » ; plus de destins sociaux, mais de « responsabilitĂ© individuelle ». La notion de domination et l'idĂ©e d'une polaritĂ© structurante entre les dominants et les dominĂ©s disparurent du paysage politique de la gauche officielle, au profit de l'idĂ©e neutralisante de « contrat sociale », de « pacte social », dans le cadre desquels des individus dĂ©finis comme « Ă©gaux en droit » (« Ă©gaux » ? Quelle obscĂšne plaisanterie !) Ă©taient appelĂ©s Ă  oublier leurs « intĂ©rĂȘts particuliers » (c'est-Ă -dire Ă  se taire et Ă  laisser les gouvernants gouverner comme ils l'entendaient). Quels furent les objectifs idĂ©ologique de cette « philosophie politique », diffusĂ©e et cĂ©lĂ©brĂ©e d'un bout Ă  l'autre du champ mĂ©diatique, politique et intellectuel, de la droite Ă  la gauche (ses promoteurs s'Ă©vertuant d'ailleurs Ă  effacer la frontiĂšre entre la droite et la gauche, en attirant, avec le consentement de celle-ci, la gauche vers la droite) ? L'enjeu Ă©tait Ă  peine dissimulĂ© : l'exaltation sur « sujet autonome » et la volontĂ© concomitante d'en finir avec les pensĂ©e qui s'attachaient Ă  prendre en considĂ©ration les dĂ©terminismes historiques et sociaux eurent pour principale fonction de dĂ©faire l'idĂ©e qu'il existait des groupes sociaux - des « classes » - et de justifier ainsi le dĂ©mantĂšlement du welfare state et de la protection sociale, au nom d'une nĂ©cessaire individualisation (ou dĂ©collectivisation, dĂ©socialisation) du droit du travail et des systĂšmes de solidaritĂ© et de redistribution. Ces vieux discours et ces vieux projets, qui Ă©taient jusqu'alors ceux de la droite, et ressassĂ© obsessionnellement par la droite, mettant en avant la responsabilitĂ© individuelle contre le « collectivisme », devinrent aussi ceux d'une bonne partie de la gauche. Au fond, on pourrait rĂ©sumer la situation en disant que les partis de gauche et leurs intellectuels de parti et d'État pensĂšrent et parlĂšrent dĂ©sormais un langage de gouvernants et non plus le langage des gouvernĂ©s, s'exprimĂšrent au nom de gouvernants (et avec eux) et non plus au nom des gouvernĂ©s (et avec eux), et donc qu'ils adoptĂšrent sur le monde un point de vue de gouvernants en repoussant avec dĂ©dain (avec une grande violence discursive, qui fut Ă©prouvĂ©e comme telle par ceux sur qui elle s'exerça) le point de vue des gouvernĂ©s. Tout au plus daigna-t-on, dans les versions chrĂ©tiennes ou philanthropiques de ces discours nĂ©oconservateurs, remplacer les opprimĂ©s et les dominĂ©s d'hier - et leurs combats - par les « exclus » d'aujourd'hui - et leur passivitĂ© prĂ©somptive - et se pencher sur eux comme les destinataires potentiels, mais silencieux, de mesures technocratiques destinĂ©s Ă  aider les « pauvres » et les « victimes » de la « prĂ©carisation » et de la « dĂ©saffiliation ». Ce qui n'Ă©tait qu'une autre stratĂ©gie intellectuelle, hypocrite et retorse, pour annuler toute approcher en termes d'oppression et de lutte, de reproduction et de transformation des structures sociales, d'inertie et de dynamique des antagonismes de classe. (p. 130-132)
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Didier Eribon (Returning to Reims)
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Imagine un peu ce qui arriverait si, au lieu de baser nos croyances concernant le sexe hĂ©tĂ©ro sur l’idĂ©e que l’homme “pĂ©nĂštre” la femme, nous disions que c’est plutĂŽt le vagin de la femme qui “consomme” le pĂ©nis de l’homme. Cette construction crĂ©erait un tout autre ensemble de connotations, en ce que la femme deviendrait l’initiatrice active, tandis que l’homme serait le participant passif et rĂ©ceptif. On voit trĂšs facilement comment les hommes et la masculinitĂ© pourraient finir par ĂȘtre vus comme dĂ©pendants et existant au bĂ©nĂ©fice des femmes et de la fĂ©minitĂ©. De la mĂȘme maniĂšre, si on pensait Ă  certain traits typiquement "fĂ©minins", comme d’ĂȘtre Ă©motif et expansif, non pas comme des signes d’insĂ©curitĂ© ou de dĂ©pendance mais comme des actes audacieux d’auto-expression, alors l’idĂ©al masculin du “beau tĂ©nĂ©breux” pourrait sembler timide et insĂ©cure en comparaison.
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Julia Serano (Whipping Girl: A Transsexual Woman on Sexism and the Scapegoating of Femininity)
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Maintenant l’empire a Ă©tĂ© pacifiĂ© ; les lois et les ordonnances Ă©manent d’un seul ; le peuple et les chefs de famille s’appliquent aux travaux de l’agriculture et de l’industrie ; les classes supĂ©rieures s’instruisent des lois et des ordonnances, des interdictions et des dĂ©fenses. Cependant les maĂźtres-lettrĂ©s ne prennent pas modĂšle sur le prĂ©sent, mais Ă©tudient l’antiquitĂ© afin de dĂ©nigrer l’époque actuelle ; ils jettent le doute et le trouble parmi les tĂštes noires. Le conseiller, votre sujet (Li) Se, se dissimulant qu’il s’expose Ă  la mort, dĂźt : Dans l’antiquitĂ©, l’empire Ă©tait morcelĂ© et troublĂ© ; il ne se trouvait personne qui pĂ»t l’unifier ; c’est pourquoi les seigneurs rĂ©gnaient’ simultanĂ©ment. Dans leurs propos, (les lettrĂ©s) parlent’ tous de l'antiquitĂ© afin de dĂ©nigrer le temps prĂ©sent ; ils colorent des faussetĂ©s afin de mettre la confusion dans ce qui est rĂ©el : ces hommes font valoir l’excellence de ce qu’ils ont appris dans leur Ă©tude privĂ©e afin de dĂ©nigrer ce qu’a instituĂ© Votre MajestĂ©. Maintenant que le souverain empereur possĂšde l’empire dans son ensemble, qu’il a distinguĂ© le noir du blanc et qu’il a imposĂ© l’unitĂ©, ils mettent en honneur leurs Ă©tudes privĂ©es et tiennent des conciliabules. Ces hommes qui condamnent les lois et les instructions, dĂšs qu'ils apprennent qu'un Ă©dit a Ă©tĂ© rendu, s'empressent de le discuter chacun d'aprĂšs ses propres principes; lorsqu'ils sont Ă  la cour, ils dessape prouvent dans leur for intĂ©rieur ; lorsqu'ils en sont sortis, ils dĂ©libĂšrent dans les rues; louer le souverain, ils estiment que c'est (chercher) la rĂ©putation; s'attacher Ă  des principes extraordinaires, ils pensent que c'est le plus haut mĂ©rite ; ils entraĂźnent le bas peuple Ă  forger des calomnies. Les choses Ă©tant ainsi, si on ne s’y oppose pas, alors en haut la situation du souverain s’abaissera, tandis qu’en bas les associations se fortifieront. Il est utile de porter une dĂ©fense. Votre sujet propose que les histoires officielles, Ă  l’exception des MĂ©moires de Tshin, soient toutes brĂ»lĂ©es : sauf les personnes qui ont la charge de lettrĂ©s au vaste savoir, ceux qui dans l’empire se permettent de cacher le Che (King), le Chou (King) ou les discours des Cent Ă©coles, devront tous aller auprĂšs des autoritĂ©s locales civiles et militaires pour qu’elles les brĂ»lent. Ceux qui oseront discuter entre eux sur le Che (King) et le Chou (King) seront (mis Ă  mort et leurs cadavres) exposĂ©s sur la place publique ; ceux qui se serviront de l’antiquitĂ© pour dĂ©nigrer les temps modernes seront mis Ă  mort avec leur parentĂ©. Les fonctionnaires qui verront ou apprendront (que des personnes contreviennent Ă  cet ordre), et qui ne les dĂ©nonceront pas, seront impliquĂ©s dans leur crime. Trente jours aprĂšs que l’édit aura Ă©tĂ© rendu, ceux qui n’auront pas bruie (leurs livres) seront marquĂ©s et envoyĂ©s aux travaux forcĂ©s. Les livres qui ne seront pas proscrits seront ceux de mĂ©decine et de pharmacie, de divination par la tortue et achillĂ©e, d’agriculture et d’arboriculture ordonnances, qu’ils prennent pour maĂźtres les fonctionnaires. » Le dĂ©cret fat : « ApprouvĂ©. »
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Sima Qian
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J’ai pensĂ© qu’il valait mieux qu’AimĂ©e prenne ma place et c’est elle qui lui a racontĂ© en dĂ©tails tout ce que nous Ă©tions censĂ©s avoir fait ensemble.
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Michelle Gable (L'appartement oublié)
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J’ai pensĂ© qu’il valait mieux qu’AimĂ©e prenne ma place et c’est elle qui lui a racontĂ© en dĂ©tails tout ce que nous Ă©tions censĂ©s avoir fait ensemble. Elle a Ă©voquĂ© des choses dont je n’avais jamais entendu parler. J’ai cru comprendre que les hommes aimaient pĂ©nĂ©trer les femmes par tous les orifices. Et AimĂ©e se vante de pouvoir prendre un sexe entier dans sa bouche
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Michelle Gable (L'appartement oublié)
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Quand je bois, je bois trop, quand je fume, je me bousille, quand j'aime, je perds la raison et quand je travaille, je me tue...Je ne sais rien faire normalement sereinement, je... - Et quand tu dĂ©testes? - Ça je sais pas... - Je croyais que tu me dĂ©testais, moi? - Pas encore, sourit-elle, pas encore...Tu verras quand ça arrivera...Tu verras la diffĂ©rence...
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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D'abord, tu penserais que c'est un mec. Comme la premiĂšre fois. Peut-ĂȘtre pas une folle, mais un type vachement effĂ©minĂ© quand mĂȘme...Donc t'arrĂȘterais de mater. Quoique...Tu aurais des doutes malgrĂ© tout...À cause de ses mains, de son cou, de cette façon qu'il avait de promener l'ongle de son pouce sur sa lĂšvre infĂ©rieure...Oui, tu hĂ©siterais...C'Ă©tait peut-ĂȘtre une fille finalement? Une fille habillĂ©e en sac. Comme si elle cherchait Ă  cacher son corps Tu essayerais de regarder ailleurs mais tu ne pourrais pas t'empĂȘcher d'y revenir. Parce qu'il y avait une run, lĂ ...L'air Ă©tait spĂ©cial autour de cette personne. Ou la lumiĂšre peut-ĂȘtre? VoilĂ . C'Ă©tait ça.
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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Mais entre cuisiniers, vous parlez quand mĂȘme? Vous vous racontez vos expĂ©riences? - Pas tellement... On est pas trĂšs bavards, tu sais...On est trop crevĂ©s pour jacter. On se montre des trucs, des tours de mains, on Ă©change des idĂ©es, des morceaux de recettes qu'on a piquĂ©es ici ou lĂ , mais ça va rarement plus loin... - C'est dommage... - Si on savait s'exprimer, faire des belles phrases et tout ça, on ferait pas ce boulot-lĂ , c'est clair. Enfin moi en tout cas, j'arrĂȘterais tout de suite.
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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Le chef discutait avec un type super Ă©lĂ©gant dans son bureau. — C'est dĂ©jĂ  un client? — Non, c'est le maĂźtre d'hĂŽtel... — Eh ben... Il est drĂŽlement classe... — En salle, ils sont tous beaux...Au dĂ©but du service, c'est nous qui sommes propres et eux qui passent l'aspirateur en tee-shirt et plus le temps passe, plus la tendance s'inverse: on pue, on devient crades et eux ils passent devant nous, frais comme des gardons, avec leurs brushings et leurs costumes impeccables...
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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On se saluait chaque matin et l'on se droguait gentiment en rentrant le soir. Shit, herbe, pinard, incunables, Marie-Antoinette ou Heineken, c'Ă©tait chacun son trip et Marvin pour tous.
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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Le but, c'est que tu deviennes accro Ă  mon picotin. Que tous les matins tu te lĂšves en te demandant ce qu'il y aura au menu.
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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Ce qui empĂȘche les gens de vivre ensemble, c'est leur connerie, pas leurs diffĂ©rences...
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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Le rire énorme de cette femme, ce travail débile chez Touclean, la Bredart, les histoires abracadabrantes de Carine, les engueulades, les cigarettes échangées, la fatigue physique, leurs fous rires imbéciles et leurs méchantes humeurs quelquefois, tout cela l'aidait à vivre. L'aidait à vivre, oui.
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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Ils n'Ă©taient pas bavards. Ils n'avaient plus l'habitude de partager leurs repas. Le protocole ne fut donc pas trĂšs au point et tous deux eurent du mal Ă  se dĂ©pĂȘtrer de leur solitude...Mais c'Ă©tait des gens bien Ă©levĂ©s et ils firent un effort pour porter beau. S'Ă©gayĂšrent, trinquĂšrent, Ă©voquĂšrent le quartier.
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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On copiait dĂ©marche, ses gestes, ses coiffures. Elle servit, d'ailleurs, Ă  Ă©tablir les canons de la beautĂ©, dont toutes les femmes, pendant cent ans, cherchĂšrent furieusement Ă  se rapprocher: Trois choses blanches: la peau, les dents, les mains. Trois noires: les yeux, les sourcils, les paupiĂšres. Trois rouges: les lĂšvres, les joues, les ongles. Trois longues: le corps, les cheveux, les mains. Trois courtes: les dents, les oreilles, les pieds. Trois Ă©troites: la bouche, la taille, l'entrĂ©e du pied. Trois grosses: les bras, les cuisses, le gros de la jambe. Trois petites: le tĂ©tin, le nez, la tĂȘte
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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...pour la premiĂšre fois et tous autant qu'ils Ă©taient, ils eurent l'impression d'avoir une vraie famille. Mieux qu'une vraie d'ailleurs, une choisie, une voulue, une pour laquelle ils s'Ă©taient battus et qui ne leur demandait rien d'autre en Ă©change que d'ĂȘtre heureux ensemble. MĂȘme pas heureux d'ailleurs ils n'Ă©taient plus si exigeants. D'ĂȘtre ensemble, c'est tout. Et dĂ©jĂ  c'Ă©tait inespĂ©rĂ©.
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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Bien sĂ»r que non. Quand ils se tiennent mal, on n'est pas obligĂ© d'aimer ses parents. Bien sĂ»r que si. Pourquoi? Ben parce que ce sont tes parents justement... Pff...C'est pas dur d'ĂȘtre parents y suffit de baiser. C'est aprĂšs que ça se complique...
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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La main, c'est bien. Ça n'engage pas trop celui qui la donne et ça apaise beaucoup celui qui la reçoit...
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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Il ne lui répondit qu'une seule fois: 01:16 silence Voulait-il dire: fin du service, paix, calme, ou voulait-il dire: boucle-la?
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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Bon. Il ne te reste plus que cinq minutes pour arriver à prononcer une phrase de sept mots, c'est faisable, non? Allez, badinait-il pour de faux, si c'est trop, sept, trois me suffiraient...Mais les bons, hein? Merde! J'ai pas composté mon billet...Alors?
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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Ils seront tous faits quand j'arriverai...Ce qui est amusant, c'est de s'enivrer en mĂȘme temps que les autres, sinon c'est un peu dĂ©primant...
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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Ces vieux immeubles en briques d'avant-guerre. Ils bossaient comme des dingues, pas encore trente ans, et se trouvaient le soit, complĂštement claquĂ©s mais contents. À ses yeux, Philippe n'avait pas son pareil et quand ils allaient dans une soirĂ©e, un bar, elle voyait les regards sur eux et s'en dĂ©lectait jusqu'Ă  la bĂȘtise. Ils avaient tout, la jeunesse, du fric, bon goĂ»t, une pile d'Inrocks dans les toilettes et une super machine Ă  expresso. Ils s'habillaient dans les petites boutiques du Marais et elle portait ce parfum pour homme Bensimon qu'il adorait. Le dimanche matin, ils descendaient Ă  pied jusqu'Ă  Jourdain et prenaient une baguette tradi puis du fromage, des fruits et des lĂ©gumes bios, du saucisson et un bouquet de fleurs au marchĂ©. Leur cabas en tissu Ă©cossais, Philippe et ses Vans, elle en ballerines, c'Ă©tait toujours le printemps, dans sa mĂ©moire en tout cas. Avant de regagner leur appart, ils s'installaient Ă  une terrasse pour regarder les passants. Tous deux aimaient ce quartier restĂ© populaire, c'est ce qu'ils disaient Ă  leurs potes, tard le soir, quand ils se saoulaient au ChĂ©ri ou au Zorba, des cafĂ©s de Belleville qui ne dĂ©semplissaient pas et attiraient toute une faune de jeunes gens marginalement marginaux et principalement adĂ©quats. Ensemble, ils faisaient des gueuletons sur-arrosĂ©s au PrĂ©sident, brunchaient, se forçaient Ă  aller voir les derniĂšres expos, les films au sujet desquels il fallait avoir un avis, assistaient Ă  des concerts Ă  la Cigale, au Divan du Monde, Ă  la Boule Noire et Ă©coutaient des groupes de punk Ă  la Miroiterie. Pour dissiper le stress du boulot, rien ne valait ces loisirs-vitrines, des trucs dont on pouvait parler avec ses proches et les collĂšgues, le dernier petit resto branchĂ©, les meilleurs bagels de la ville.
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Nicolas Mathieu (Connemara)
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Vous savez, Madame, que j’ajoute un grand prix Ă  l’étude des nuances qu’il y a entre le caractĂšre des difĂ©rentes nations, et je crois pouvoir dĂ©montrer un jour qu’à moins de n’en venirjusque lĂ , jusqu’à dĂ©velopper le caractĂšre de chaque nation, je dirais mĂȘme de chaque peuplade d’aprĂšs ses nuances individuelles, on travaillera toujours en vain tant en morale, qu’en politique. On s’occupe beaucoup trop peu de l’homme et beaucoup trop des ouvrages qu’il fait et des institutions qui doivent le diriger, et on nĂ©glige surtout de l’étudier dans l’ensemble de son individu. C’est lĂ  surtout ce qui rend, ce me semble, la philosophie en France si vague et la poĂ©sie pour la plupart aussi froide et peu intĂ©ressante. Tout ce qui ne consiste qu’en gĂ©nĂ©ralitĂ©s, tou- jours abstraites, ne saurait all au cƓur ni ĂȘtre appliquĂ© avec fruit Ă  la vie sociale. C’est encore lĂ  pourquoi le systĂšme de la perfectibilitĂ© trouve plus d’adversaires en France qu’en nul autre pays. Car ce systĂšme, comme vous l’avez si bien dĂ©montrĂ©, ne se fonde que sur ce que le dĂ©veloppe- ment des facultĂ©s de l’homme ne connait aucunes bornes que l’homme lui-mĂȘme pĂ»t leur as- signer. On ne peut le combattre qu’en s’attachant aux choses, aux ouvrages qu’il produit. On part de l’idĂ©e dĂ©terminĂ©e et circonscrite qu’on s’est formĂ© de ces ouvrages et il est aisĂ© de dire pour lors qu’il serait impossible d’aller plus loin. Il est si facile de voir les rĂ©sultats heureux que produit la difĂ©rence entre le gĂ©nie et le caractĂšre des individus comme des nations; on n’a qu’à comparer la littĂ©rature français et allemande pour s’en convaincre. NĂ©anmoins on voudrait se priver de ces mĂȘmes avantages et au lieu de cultiver, de dĂ©velopper et de purifier la sociĂ©tĂ© des caractĂšres, on voudrait l’annuler, et n’établir partout qu’une mĂȘme maniĂšre de voir, de penser et de s’énoncer. On ne voit donc qu’il doit nĂ©cessairement chercher de nouveaux idiomes puisqu’il entrevoit toujours des idĂ©es que ceux qu’il connait, n’expriment qu’imparfaitement.
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Wilhelm von Humboldt
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L’enthousiasme que le beau idĂ©al nous fait Ă©prouver, cette Ă©motion pleine de trouble et de puretĂ© tout ensemble, c’est le sentiment de l’infini qui l’excite. Nous nous sentons comme dĂ©gagĂ©s, par l’admiration, des entraves de la destinĂ©e humaine, et il nous semble qu’on nous rĂ©vĂšle des secrets merveilleux, pour afranchir l’ñme Ă  jamais de la langueur et du dĂ©clin.
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Madame de Staël (De L'Allemagne, 1 and 2 by Madame De Stael)
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Beaucoup d’amitiĂ©s (et d’amours) se terminent lĂ , ne survivent pas au passage d’une phase Ă  l’autre, et finissent au mieux par ressembler Ă  ‘’ce pacte d’invisibilitĂ© et de non-agression’’ [
]. Comment notre amitiĂ© a-t-elle pu survivre aux silences et aux affrontements, traverser l’épreuve de la diffĂ©rence, faire du dĂ©saccord radical ‘’ce qui nous oblige Ă  rester ensemble’’, devenir une ‘’amitiĂ© dialectique’’, semblable Ă  celle qui te reliait Ă  Pierre Vadeboncoeur, celle de ‘’deux ĂȘtres qui savent, chacun pour soi, que l’autre vit dans un monde qui n’est pas le sien, et qui acceptent sereinement qu’il en soit ainsi’’ ? La rĂ©ponse que tu donnes a la justesse du paradoxe liĂ© au processus mĂȘme de la connaissance qui est aussi celui de l’amitiĂ© : plus nous connaissons quelque chose, plus l’inconnu grandit, plus nous sommes liĂ©s Ă  quelqu’un que nous aimons, plus la distance entre nous grandit et nous rend ‘’son identitĂ© de plus en plus Ă©nigmatique, sa vĂ©ritĂ© de plus en plus insaisissable, et toutes deux, pourtant, toujours plus irremplaçables’’. C’est ainsi que sans avoir cessĂ© d’ĂȘtre soi, sans avoir renoncĂ© Ă  incarner la vĂ©ritĂ© qui nous a Ă©tĂ© confiĂ©e, sans nous ĂȘtre dĂ©robĂ©s ‘’à cette force aveugle qui, sans que nous le sachions, nous façonne et nous oriente de maniĂšre si imprĂ©visible et, Ă  partir des mĂȘmes matĂ©riaux, fait tel visage Ă  l’un et tel autre Ă  celui-là’’, nous nous sommes si bien perdus de vue que nous en sommes venus Ă  ne plus voir que le monde qui surgit entre nous des pĂŽles contraires dont nous avons la garde, Ă  voir que la distance qui nous sĂ©pare est aussi le chemin qui nous relie, que l’existence de l’autre Ă  l’autre bout du chemin nous libĂšre de nous-mĂȘmes, du noyau dur de notre ĂȘtre [
]. Don Quichotte et Sancho tiennent chacun un bout du monde pour ne pas qu’il s’écroule dans le non-sens ou pour en retarder la chute. [
] Ce qui nous relie dĂ©sormais, ‘’ce lien entre nous, c’est certain, qui ne se brisera qu’avec la mort’’, n’est-ce pas au fond la fidĂ©litĂ© Ă  l’enfance, Ă  ce que nous Ă©tions lorsque nous n’étions pas encore sĂ»rs d’ĂȘtre quelqu’un, fidĂ©litĂ© Ă  cette affinitĂ© Ă©lective qu’aucun dĂ©saccord ne peut plus effacer, car elle ne repose plus sur ‘’les ressemblances de tempĂ©rament ou les communautĂ©s de vues ou de goĂ»ts’’, mais sur ce dĂ©sir d’ĂȘtre autre, que l’autre a Ă©veillĂ© en nous, et qui a donnĂ© Ă  chacun la force d’ĂȘtre soi en imitant, en admirant l’autre ?
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Yvon Rivard
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Aujourd’hui j’ai fait un malaise dans le tram 21 une torpeur s’est comme ça emparĂ©e de moi et ce mal(ĂȘtre) m’a clouĂ© dĂ©bout. lĂ -bas Ă  mi-chemin du tram 21. oĂč se scinde en deux la vie. lĂ -bas tandis que je prenais appui sur la barre latĂ©rale de moi s’est emparĂ© ce mal(ĂȘtre). si je me souviens bien c’était Ă  mi-chemin du tram oĂč se tiennent les petits balanciers. les grands balanciers sont plus proches du conducteur. nul besoin d’avoir un certain Ăąge pour les balanciers on peut mĂȘme n’ĂȘtre qu’un enfant si l’on veut, pour les balanciers. ceux qui passent dans l’autre moitiĂ© du tram reçoivent gracieusement un balancier pour s’y balancer. et tandis que je comptais les arrĂȘts jusqu’à piața obor. c’est comme ça qu’un mal(ĂȘtre) s’est emparĂ© de moi et m’a ramolli les genoux. le noir devant mes yeux. petit ou grand mal(ĂȘtre) je n’en sais rien puisque je ne suis pas encore mort tout Ă  fait. juste la mollesse de mes genoux et la voix familiĂšre criant emil emil. Ă©tendez-le par terre il a quelque chose comme un mal(ĂȘtre). et laissez-le respirer tout seul. criaient les voyageurs. forts aimables les passagers du tram 21. l’un m’a offert sa place. un autre a ouvert la fenĂȘtre. fort aimables les voyageurs aprĂšs tout j’étais l’un des leurs. juste mon front en sueur et mes mains moites et froides. seul le mal(ĂȘtre) s’amenuisait lentement et ma colĂšre noire dans le tram 21 ne me lĂąchait plus. de ma priĂšre vers dieu je ne me souviens plus guĂšre. seule de la voix fĂ©minine attendue toute ma vie Ă  l’arrĂȘt perla pour prendre ensemble le tram 21 qui Ă©tait en fait le tram 46. je m’en souviens. qu’il nous emmĂšne qu’il nous emmĂšne Ă  ce marchĂ© obor pour l’agneau de PĂąques. (traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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Emil Iulian Sude (Paznic de noapte)
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des grotesques ; PolyphĂšme est un grotesque terrible ; SilĂšne est un grotesque bouffon. Mais on sent ici que cette partie de l’art est encore dans l’enfance. L’épopĂ©e, qui, Ă  cette Ă©poque, imprime sa forme Ă  tout, l’épopĂ©e pĂšse sur elle, et l’étouffe. Le grotesque antique est timide, et cherche toujours Ă  se cacher. On sent qu’il n’est pas sur son terrain, parce qu’il n’est pas dans sa nature. Il se dissimule le plus qu’il peut. Les satyres, les tritons, les sirĂšnes sont Ă  peine difformes. Les parques, les harpies sont plutĂŽt hideuses par leurs attributs que par leurs traits ; les furies sont belles, et on les appelle eumĂ©nides, c’est-Ă -dire douces, bienfaisantes. Il y a un voile de grandeur ou de divinitĂ© sur d’autres grotesques. PolyphĂšme est gĂ©ant ; Midas est roi ; SilĂšne est dieu. Aussi la comĂ©die passe-t-elle presque inaperçue dans le grand ensemble Ă©pique de l’antiquitĂ©. À cĂŽtĂ© des chars olympiques, qu’est-ce que la charrette de Thespis ? PrĂšs des colosses homĂ©riques, Eschyle, Sophocle, Euripide, que sont Aristophane et Plaute ? HomĂšre les emporte avec lui, comme Hercule emportait les pygmĂ©es, cachĂ©s dans sa peau de lion. Dans la pensĂ©e des modernes, au contraire, le grotesque a un rĂŽle immense. Il y est partout ; d’une part, il crĂ©e le difforme et l’horrible ; de l’autre, le comique et le bouffon.
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Victor Hugo (Préface de Cromwell l'integrale (présenter et expliquer ) (French Edition))
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parfois je me demande si je devrais vraiment me sentir de cette maniĂšre, quand il est question d'elle. j'y repense, de temps en temps, souvent pour ĂȘtre honnĂȘte, Ă  tout ce qui s'est passĂ©. comment j'ai abordĂ© les choses et comment elle l'a fait. Ă  l'Ă©poque, je me demandais toujours, si tout ce que je ressentais, Ă©tait liĂ© au fait que j'Ă©tais amoureuse d'elle. avec le temps, j'ai appris que non, l'amour platonique peut ĂȘtre tout aussi ĂȘtre fort que l'amour romantique, et se sentir aussi mal, parce que quelqu'un dĂ©cide que nous n'en valons pas la peine, n'est pas toujours synonyme d'envie de sortir avec la personne qui nous a fait cela. je ne pense pas qu'elle est vraiment fait quelque chose de mal au fond, bien Ă©videmment, elle Ă©tait parfois tellement autocentrĂ©e que ses dĂ©cisions n'Ă©taient prises qu'en fonction de ses Ă©motions et jamais celles des autres; mais n'est-ce pas la vie au final, prĂ©server notre bonheur, qu'importe ce qu'il faille faire ? je pense dĂ©finitivement, que la maniĂšre dont elle m'a "jetĂ©e" aurait pu ĂȘtre diffĂ©rente. une derniĂšre petite discussion, un dernier adieu, un dernier cĂąlin; aprĂšs tout ce que nous avions vĂ©cu ensemble. au final, je pense que c'est cela qui m'a le plus brisĂ©e. qu'elle ai dit adieu Ă  tout ça, sans mĂȘme penser Ă  moi, sans mĂȘme penser Ă  la personne qui l'avait soutenu, aimĂ©e, dĂ©fendu Ă  chaque occasion. bien sĂ»r je n'ai jamais Ă©tĂ© parfaite et j'ai fais des erreurs, des erreurs que j'aurais pu ne pas commettre; mais il n'a jamais Ă©tĂ© question, de la blesser. jamais. Ă  l'inverse, la maniĂšre dont elle m'a mise de cĂŽtĂ©, dont elle m'a balayĂ©e sous la porte; je pense que c'est ça qui m'a fait le plus de mal. c'Ă©tait d'avoir l'impression d'avoir Ă©tĂ© abandonnĂ©e, pour quelque chose, dont j'avais l'impression ĂȘtre en faute; mĂȘme si ce n'Ă©tait pas vrai. ce n'Ă©tait pas vrai. et peut ĂȘtre que je ne suis pas objective, mais ce n'Ă©tait pas vrai. j'ai fais tout ce que j'ai pu pour lui assurer le bonheur; mĂȘme quand elle ne m'aimait plus et agissait en consĂ©quences, pour me le montrer; mĂȘme quand elle faisait tout cela, je remerciais le monde d'ĂȘtre ami avec elle. pour qu'elle ne soit jamais triste. pour qu'elle ne soit jamais seule. je n'ai jamais Ă©tĂ© parfaite; mais je l'aimais tellement, si fort, que j'aurais tout fais pour elle. mais quand j'y repense, quand je repense Ă  tout ce qu'on a vĂ©cu, tout ce qui s'est passĂ©, tout ce qu'elle m'a dit; elle ne m'aurait jamais rendu la pareille. elle n'aurait jamais levĂ© le petit doigt, pour me dĂ©fendre comme je l'ai fait. pour me soutenir comme je l'ai fait. pour m'aimer, comme je l'ai fait. alors oui nous avons vĂ©cu de jolies choses et je ne les oublierai jamais. mais je n'oublierai jamais non plus, toutes les fois, oĂč elle m'a fait sentir comme si je ne mĂ©ritais rien. comme si je n'Ă©tais plus rien. je ne sais jamais comment finir ces textes, je les fais de moins en moins et avec de moins en moins de tristesse et je pense que cette une bonne chose. peut ĂȘtre que c'est ça ma malĂ©diction; ne jamais avoir de finalitĂ© Ă  tout ce qui la concerne. alors je le finis de cette maniĂšre, avec un point que j'amĂšne moi-mĂȘme; comme j'aurais toujours du le faire. point. point.
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emrulis
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parfois, je me demande si je devrais vraiment me sentir de cette maniĂšre, quand il est question d'elle. j'y repense, de temps en temps, souvent pour ĂȘtre honnĂȘte, Ă  tout ce qui s'est passĂ©. comment j'ai abordĂ© les choses et comment elle l'a fait. Ă  l'Ă©poque, je me demandais toujours si tout ce que je ressentais Ă©tait liĂ© au fait que j'Ă©tais amoureuse d'elle. avec le temps, j'ai appris que non, l'amour platonique peut ĂȘtre tout aussi fort que l'amour romantique, et se sentir aussi mal, parce que quelqu'un dĂ©cide que nous n'en valons pas la peine, n'est pas toujours synonyme d'envie de sortir avec la personne qui nous a fait cela. je ne pense pas qu'elle ait vraiment fait quelque chose de mal au fond. bien Ă©videmment, elle Ă©tait parfois tellement autocentrĂ©e que ses dĂ©cisions n'Ă©taient prises qu'en fonction de ses Ă©motions et jamais celles des autres ; mais n'est-ce pas la vie au final, prĂ©server notre bonheur, qu'importe ce qu'il faille faire ? je pense dĂ©finitivement que la maniĂšre dont elle m'a « jetĂ©e » aurait pu ĂȘtre diffĂ©rente. une derniĂšre petite discussion, un dernier adieu, un dernier cĂąlin ; aprĂšs tout ce que nous avions vĂ©cu ensemble. au final, je pense que c'est cela qui m'a le plus brisĂ©e. qu'elle aie dit adieu Ă  tout ça, sans mĂȘme penser Ă  moi, sans mĂȘme penser Ă  la personne qui l'avait soutenu, aimĂ©, dĂ©fendu Ă  chaque occasion. bien sĂ»r, je n'ai jamais Ă©tĂ© parfaite et j'ai fait des erreurs, des erreurs que j'aurais pu ne pas commettre ; mais il n'a jamais Ă©tĂ© question de la blesser. jamais. Ă  l'inverse, la maniĂšre dont elle m'a mise de cĂŽtĂ©, dont elle m'a balayĂ©e sous la porte ; je pense que c'est ça qui m'a fait le plus de mal. c'Ă©tait d'avoir l'impression d'avoir Ă©tĂ© abandonnĂ©e pour quelque chose dont j'avais l'impression d'ĂȘtre en faute ; mĂȘme si ce n'Ă©tait pas vrai. ce n'Ă©tait pas vrai. et peut-ĂȘtre que je ne suis pas objective, mais ce n'Ă©tait pas vrai. j'ai fait tout ce que j'ai pu pour lui assurer le bonheur ; mĂȘme quand elle ne m'aimait plus et agissait en consĂ©quence, pour me le montrer ; mĂȘme quand elle faisait tout cela, je remerciais le monde d'ĂȘtre ami avec elle. pour qu'elle ne soit jamais triste. pour qu'elle ne soit jamais seule. je n'ai jamais Ă©tĂ© parfaite ; mais je l'aimais tellement, si fort, que j'aurais tout fait pour elle. mais quand j'y repense, quand je repense Ă  tout ce qu'on a vĂ©cu, tout ce qui s'est passĂ©, tout ce qu'elle m'a dit ; elle ne m'aurait jamais rendu la pareille. elle n'aurait jamais levĂ© le petit doigt pour me dĂ©fendre comme je l'ai fait. pour me soutenir comme je l'ai fait. pour m'aimer, comme je l'ai fait. alors oui, nous avons vĂ©cu de jolies choses et je ne les oublierai jamais. mais je n'oublierai jamais non plus toutes les fois oĂč elle m'a fait sentir comme si je ne mĂ©ritais rien. comme si je n'Ă©tais plus rien. je ne sais jamais comment finir ces textes, je les fais de moins en moins et avec de moins en moins de tristesse et je pense que c’est une bonne chose. peut-ĂȘtre que c'est ça ma malĂ©diction ; ne jamais avoir de finalitĂ© Ă  tout ce qui la concerne. alors je le finis de cette maniĂšre, avec un point que j'amĂšne moi-mĂȘme ; comme j'aurais toujours dĂ» le faire. point. point.
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emrulis
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Que signifie qu’il n’y pas une continuation de l’Ɠuvre de RenĂ© GuĂ©non par consensus ? Je ne sais ce que font les Maçons guĂ©noniens, mais je sais que le groupe soufique de VĂąlsan correspond pleinement Ă  tout ce que dĂ©sirait GuĂ©non ; quant Ă  moi l’Ɠuvre de GuĂ©non en tant qu’ensemble indivisible ne me concerne pas puisque je n’en accepte pas tous les axiomes, et on ne peut en bonne logique me reprocher de ne pas avoir rĂ©alisĂ© un programme que je n’ai jamais eu l’intention de rĂ©aliser. » « On peut ironiser sur des « excommunications rĂ©ciproques » quand il s’agit d’une secte intrinsĂšquement hĂ©tĂ©rodoxe, donc d’une caricature, – de mormons, de bĂ©haĂŻstes, d’anthroposophes – mais non quand il s’agit d’un milieu normal et honorable se rĂ©fĂ©rant Ă  des vĂ©ritĂ©s spirituelles ; dans ce dernier cas, mĂȘme les anathĂšmes peuvent ĂȘtre honorables, et il y eut dans tous les climats, dans les premiers siĂšcles du Christianisme aussi bien qu’aux dĂ©buts de l’Islam, et jusque dans les ordres monastiques et les confrĂ©ries. « Les divergences des sages sont une bĂ©nĂ©diction » disait le ProphĂšte. Les guĂ©noniens, dans leur ensemble sont des hommes respectables, et il faut respecter mĂȘme leur divergences, lesquelles ne peuvent prĂȘter au ridicule, ou plutĂŽt au mĂ©pris, que dans les cas oĂč un individu se mĂȘle sottement ou effrontĂ©ment des choses qui le dĂ©passent ; or je revendique la plus rigoureuse honorabilitĂ© non seulement pour moi-mĂȘme, mais aussi pour mon ancien adversaire VĂąlsan, dont j’ai toujours respectĂ© la position – ce fut celle de GuĂ©non – et avec lequel j’ai eu de bons rapports jusqu’à sa mort, malgrĂ© nos divergences. Mais il va sans dire que je ne saurais revendiquer cette honorabilitĂ© pour des personnes, guĂ©noniennes ou non, qui n’ont ni vertu ni bonne foi. » « VĂąlsan me disait une fois qu’il y a peu d’hommes intelligents parmi les guĂ©noniens, quelqu’en puisse ĂȘtre la raison ; il parlait Ă©videmment, non d’un groupe, mais de tous les guĂ©noniens ; et il avait une certaine expĂ©rience de leur moyenne, comme je l’ai moi-mĂȘme. Une des raisons de cet Ă©tat de choses est la suivante : l’ésotĂ©risme attire, non seulement les hommes d’élite mais aussi les mĂ©diocres souffrant de sentiments d’infĂ©rioritĂ© qu’ils cherchent Ă  compenser par quelque sublimation ; et il y a ausi des psychopathes Ă  la recherche soit d’un espace de rĂȘve, soit d’un abri donnant un sentiment de sĂ©curitĂ©. On ne peut pas empĂȘcher que de tels hommes existent, mais ce n’est pas une raison pour ĂȘtre dupe de leur « orthodoxie », ni surtout de leur mythomanie. » « J’ajouterai que VĂąlsan fut la personnification du guĂ©nonisme intĂ©gral et inflexible, qu’il fut – lui seul – le « dauphin » de GuĂ©non ; qu’il fut un homme fort intelligent et profondĂ©ment spirituel, en sorte qu’il me fut possible d’avoir avec lui les meilleurs rapports, malgrĂ© nos divergences. C’est d’ailleurs sa paix avec moi, et son dĂ©sir de m’avoir comme collaborateur Ă  la revue, qui est le principal chef d’accusation de la part des sectaires de Turin ; » [Frithjof Schuon – Lettre Ă  Jean-Pierre Laurant (Pully avril 1976)]
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Frithjof Schuon
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Comment est-ce possible? Comment tout cela tient-il ensemble? Je croise des gens par dizaines, je vois des faces prĂ©occupĂ©es, j'ai l'impression parfois de lire dans leurs pensĂ©es. Tout le monde est triste. Pas autant que moi, mais tout le monde laisse des traĂźnĂ©es de tristesse. Parfois j'aperçois un sourire dĂ©concentrĂ© ou plus Ă©mouvant encore un rictus qui semble se diriger vers moi, c'est peut-ĂȘtre faux, ce n'est peut-ĂȘtre toujours que de la distraction, mais ça me tue, c'est comme un laser, ça crie toujours pourquoi dans ma tĂȘte, ça le crie toujours plus fort, pourquoi, comment est-ce possible, pourquoi dois-je dĂ©cider, Ă  propos de tout, si c'est beau ou laid, si ça mĂ©rite d'exister, plus que moi, moins que moi, plus que n'importe quoi d'autre qui n'existe pas, mais qui le pourrait.
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Alexie Morin (Royauté)
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Les lois sacrĂ©es (sharñ’i’) sont toutes des lumiĂšres. La loi de Muhammad – qu’AllĂąh rĂ©pande sur lui Sa GrĂące unitive et Sa Paix !- est parmi ces lumiĂšres comme le soleil (5) : les lumiĂšres des planĂštes sont Ă  la fois prĂ©sentes et cachĂ©es, ce qui est comparable aux abrogations opĂ©rĂ©es par sa loi – sur lui la GrĂące et la Paix ! – en dĂ©pit de la prĂ©sence des Lois antĂ©rieures. C’est pourquoi cette Loi universelle qui est nĂŽtre implique nĂ©cessairement pour nous la Foi en l’ensemble des prophĂštes ; nous devons croire que les Lois qu’ils ont communiquĂ©es sont l’expression d’un Droit sacrĂ© vĂ©ritable (haqq) (6). Leur abrogation ne signifie nullement qu’elles sont mensongĂšres : cette derniĂšre opinion est celle des ignorants ! » (7) (5) Il ne s’agit pas d’une simple image, mais d’un symbolisme prĂ©cis liĂ© Ă  la fonction solaire de sayyidnĂą IdrĂźs, ce que confirme l’indication complĂ©mentaire donnĂ©e aussitĂŽt, selon laquelle les Lois antĂ©rieures Ă  l’Islam sont compatibles aux « lumiĂšres des planĂštes ». (6) Ceci est liĂ© selon Ibn ArabĂź, Ă  la fonction de la Pierre Noire qui, au Jour du Jugement, tĂ©moignera en faveur de ceux qui l’auront « touchĂ©e avec vĂ©ritĂ© », c’est-Ă -dire qui auront Ă©tĂ© fidĂšles au Pacte primordial conclu entre AllĂąh et les « descendants d’Adam », quelle que soit la Loi sacrĂ©e qu’ils auront suivie. (7) FutĂ»hĂąt, chap.339. [Extrait du chap 339 des FUTUHAT AL-MAKKIYYA traduit par Charles-AndrĂ© Gilis,in "L'Esprit universel de l'Islam".]
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Charles-André Gilis
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Ce sont des gosses en Ă©chec scolaire, m'explique-t-il, la mĂšre est seule le plus souvent, certains ont dĂ©jĂ  eu des ennuis avec la police, ils ne veulent pas entendre parler des adultes, ils se retrouvent dans des classes relais, quelque chose comme tes classes amĂ©nagĂ©es des annĂ©es soixante-dix, je suppose. Je prends les caĂŻds, les petits chefs de quinze ou seize ans, je les isole provisoirement du groupe, parce que c'est le groupe qui les tue, toujours, il les empĂȘche des e constituer, je leur colle une camĂ©ra dans les mains et je leur confie un de leurs potes Ă  interviewer, un gars qu'ils choisissent eux-mĂȘmes. Ils font l'interview seuls dans un coin, loin des regards, ils reviennent, et nous visionnons le film tous ensemble, avec le groupe, cette fois. Ça ne rate jamais : l'interviewĂ© joue la comĂ©die habituelle devant l'objectif, et celui qui filme entre dans son jeu. Ils font les mariolles, ils en rajoutent sur leur accent, ils roulent des mĂ©caniques dans leur vocabulaire de quatre sous en gueulant le plus fort possible, comme moi quand j'Ă©tais mĂŽme, ils en font des caisses, comme s'ils s'adressaient au groupe, comme si le seul spectateur possible, c'Ă©tait le groupe, et pendant la projection leurs copains se marrent. Je projette le film une deuxiĂšme, une troisiĂšme, une quatriĂšme fois. Les rires s'espacent, deviennent moins assurĂ©s. L'intervieweur et l'interviewĂ© sentent monter quelque chose de bizarre, qu'ils n'arrivent pas Ă  identifier. À la cinquiĂšme ou Ă  la sixiĂšme projection, une vraie gĂȘne s'installe entre leur public et eux. À la septiĂšme ou Ă  la huitiĂšme (je t'assure, il m'est arrivĂ© de projeter neuf fois le mĂȘme film !), ils ont tous compris, sans que je le leur explique, que ce qui remonte Ă  la surface de ce film, c'est la frime, le ridicule, le faux, leur comĂ©die ordinaire, leurs mimiques de groupe, toutes leurs Ă©chappatoires habituelles, et que ça n'a pas d'intĂ©rĂȘt, zĂ©ro, aucune rĂ©alitĂ©. Quand ils ont atteint ce stade de luciditĂ©, j'arrĂȘte les projections et je les renvoie avec la camĂ©ra refaire l'interview, sans explication supplĂ©mentaire. Cette fois on obtient quelque chose de plus sĂ©rieux, qui a un rapport avec leur vie rĂ©elle ; ils se prĂ©sentent, ils disent leur nom, leur prĂ©nom, ils parlent de leur famille, de leur situation scolaire, il y ades silences, ils cherchent leurs mots, on les voit rĂ©flĂ©chir, celui qui rĂ©pond autant que celui qui questionne, et, petit Ă  petit, on voit apparaĂźtre l'adolescence chez ces adolescents, ils cessent d'ĂȘtre des jeunes quis 'amusent Ă  faire peur, ils redeviennent des garçons et des filles ed leur Ăąge, quinze ans, seize ans, leur adolescence traverse leur apparence, elle s'impose, leurs vĂȘtements, leurs casquettes redeviennent des accessoires, leur gestuelle s'attĂ©nue, instinctivement celui qui filme resserre le cadre, il zoome, c'est leur visage qui compte maintenant, on dirait que l'interviewer Ă©coute le visage de l'autre, et sur ce visage, ce qui apparaĂźt, c'est l'effort de comprendre, comme s'ils s'envisageaient pour la premiĂšre fois tels qu'ils sont : lis font connaissance avec la complexitĂ©. (p. 236-237)
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Daniel Pennac (Chagrin d'Ă©cole)
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si les sciences qui intĂ©ressent tant les Occidentaux n’avaient jamais acquis antĂ©rieurement un dĂ©veloppement comparable Ă  celui qu’ils leur ont donnĂ©, c’est qu’on n’y attachait pas une importance suffisante pour y consacrer de tels efforts. Mais, si les rĂ©sultats sont valables lorsqu’on les prend chacun Ă  part (ce qui concorde bien avec le caractĂšre tout analytique de la science moderne), l’ensemble ne peut produire qu’une impression de dĂ©sordre et d’anarchie ; on ne s’occupe pas de la qualitĂ© des connaissances qu’on accumule, mais seulement de leur quantitĂ© ; c’est la dispersion dans le dĂ©tail indĂ©fini. De plus, il n’y a rien au-dessus de ces sciences analytiques : elles ne se rattachent Ă  rien et, intellectuellement, ne conduisent Ă  rien ; l’esprit moderne se renferme dans une relativitĂ© de plus en plus rĂ©duite, et, dans ce domaine si peu Ă©tendu en rĂ©alitĂ©, bien qu’il le trouve immense, il confond tout, assimile les objet les plus distincts, veut appliquer Ă  l’un les mĂ©thodes qui conviennent exclusivement Ă  l’autre, transporte dans une science les conditions qui dĂ©finissent une science diffĂ©rente, et finalement s’y perd et ne peut plus s’y reconnaĂźtre, parce qu’il lui manque les principes directeurs. De lĂ  le chaos des thĂ©ories innombrables, des hypothĂšses qui se heurtent, s’entrechoquent, se contredisent, se dĂ©truisent et se remplacent les unes les autres, jusqu’à ce que, renonçant Ă  savoir, on en arrive Ă  dĂ©clarer qu’il ne faut chercher que pour chercher, que la vĂ©ritĂ© est inaccessible Ă  l’homme, que peut-ĂȘtre mĂȘme elle n’existe pas, qu’il n’y a lieu de se prĂ©occuper que de ce qui est utile ou avantageux, et que, aprĂšs tout, si l’on trouve bon de l’appeler vrai, il n’y a Ă  cela aucun inconvĂ©nient. L’intelligence qui nie ainsi la vĂ©ritĂ© nie sa propre raison d’ĂȘtre, c’est-Ă -dire qu’elle se nie elle-mĂȘme ; le dernier mot de la science et de la philosophie occidentales, c’est le suicide de l’intelligence ;
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René Guénon (East and West)
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En tout Ă©tat de cause, il importe de reconnaĂźtre la plasticitĂ© du capitalisme qui, depuis 1848, dĂ©joue tous les pronostics relatifs Ă  sa fin inĂ©luctable. Sa capacitĂ© Ă  se transformer, Ă  contrecarrer ses propres dysfonctionnements et Ă  se rĂ©organiser ne saurait ĂȘtre sous-estimĂ©e, mĂȘme si l'on peut aussi admettre qu'il bute dĂ©sormais sur des contradictions et des limites sans cesse plus ardues Ă  surmonter, notamment du fait de la difficultĂ© Ă  rĂ©investir des capitaux dont le volume croĂźt exponentiellement et Ă  Ă©tendre suffisamment la sphĂšre de la valeur pour rĂ©aliser des profits consĂ©quents. Certes, la relance de la production-pour-le-profit paraĂźt encore envisageable, mais au prix de tensions et de problĂšmes dont l'Ă©chelle ne cesse de croĂźtre. On ne saurait affirmer sans pĂ©ril que le capitalisme bute sur une limite absolue, mais il est sans doute raisonnable de considĂ©rer que la crise ouverte en 2007-2008 rĂ©vĂšle les obstacles de plus en plus massifs que la dynamique du capitalisme doit surmonter ou contourner pour continuer Ă  se perpĂ©tuer. L'ensemble des contradictions dĂ©jĂ  soulignĂ©es (spirale de l'endettement et du crĂ©dit, croissance exponentielle des capitaux Ă  rĂ©investir, restriction tendancielle du travail vivant nĂ©cessaire, caractĂšre limitĂ© des ressources naturelles fossile, consĂ©quences de la dĂ©gradation des Ă©cosystĂšmes et du changement climatique) semble condamner la reproduction du capitalisme Ă  acquĂ©rir un caractĂšre de plus en plus tensif, au sein d'un dispositif d'ensemble sans cesse plus complexe et porteur de lourdes contraintes. C'est au cƓur de telles tensions que l'insubordination suscitĂ©e par les coĂ»ts humains et Ă©cologiques de la reproduction d'un tel systĂšme vient se loger. (p. 24-25)
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JĂ©rĂŽme Baschet
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Pour donner consistance Ă  cette rĂ©volution du temps, il suffit de commencer Ă  Ă©numĂ©rer les domaines de production de biens et de services dont l'existence actuelle ne se soutient que de la logique de la sociĂ©tĂ© marchande, de la double nĂ©cessitĂ© d'accroĂźtre sans cesse la production-pour-le-profit et de reproduire l'organisation sociopolitique qui la rend possible. Osons donc trancher Ă  la racine et mesurer l'ampleur des secteurs qui, dans une sociĂ©tĂ© non marchande, soucieuse de surcroĂźt d'Ă©carter toute sĂ©paration entre gouvernants et gouvernĂ©s, deviendraient parfaitement superflus. On peut Ă©liminer sans hĂ©siter tout le personnel militaire et policier, poursuivre avec les banques, le systĂšme financier et les assurances (ces derniĂšres seules pĂšsent aujourd'hui 15 % du PIB mondial), sans se priver du plaisir d'ajouter la publicitĂ© et le marketing( qui absorbent 500 milliards de dĂ©penses annuelles, soit prĂšs d'un tiers des budgets militaires mondiaux). Finalement, le principe d'un autogouvernement Ă  tous les Ă©chelons, tel qu'on l'a suggĂ©rĂ© dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, condamnerait l'ensemble des bureaucraties nationales et internationales Ă  une complĂšte inutilitĂ©. Dens pans considĂ©rables de l'appareil industriel seront abandonnĂ©s, Ă  commencer par la production d'armes et d'Ă©quipements militaires. Les impĂ©ratifs Ă©cologiques et l'affirmation de l'agriculture paysanne rendront caduque une grande partie de l'industrie chimique (notamment l'Ă©crasant secteur agrochimique) comme des biotechnologies fortement contestĂ©es (OGM notamment). Le secteur agroalimentaire, exemple type d'une marchandisation perverse des formes de production, s'Ă©vanouira, au profit d'une valorisation de l'autoproduction et des circuits locaux de production/consommation. [
] on voit que chaque abandon de production de biens et de services aura des effets dĂ©multiplicateurs importants, puisque les besoins en Ă©difices (bureaux, installations industrielles), en matĂ©riaux et en Ă©nergie, en infrastructures et en transports, s'en trouveront diminuĂ©s d'autant. Le secteur de la construction sera par consĂ©quent ramenĂ© Ă  une Ă©chelle bien plus raisonnable qu'aujourd'hui, ce qu'accentuerait encore la rĂ©gĂ©nĂ©ration des pratiques d'autoconstruction (ou du moins une participation directe des utilisateurs eux-mĂȘmes, aux cĂŽtĂ©s d'artisans plus expĂ©rimentĂ©s). Chaque suppression dans la production de biens et de services Ă©liminera Ă  son tour toutes les productions nĂ©cessaires Ă  son installation, Ă  son fonctionnement, sans oublier la gestion des dĂ©chets engendrĂ©s par chacune de ces activitĂ©s. Pour donner un exemple parmi tant d'autres, la suppression de la publicitĂ© (jointe Ă  celle des bureaucraties et Ă  d'autres changements technico-culturels) entraĂźnera une diminution considĂ©rable de la consommation de papier, c'est-Ă -dire aussi de toute la chaĂźne industrielle qui lui est associĂ©e, dans laquelle il faut inclure exploitation forestiĂšre, produits chimiques, matĂ©riaux nĂ©cessaires aux installations industrielles, transport, etc. Sans nier la pertinence de maintenir des Ă©changes Ă  longue distance, le fait de privilĂ©gier, dans toute la mesure du possible, les activitĂ©s locales et de supprimer les absurdes dĂ©tours de production qui caractĂ©risent l'Ă©conomie capitaliste (lesquels mĂšnent, par exemple, l'ail chinois jusqu'en Europe et de l'eau - oui, de l'eau ! - des Alpes jusqu'au Mexique) rĂ©duira Ă  peu de chose la chaĂźne commerciale actuelle et restreindra encore les besoins en transport. Joint Ă  l'abandon d'une logique de production et d'organisation centrĂ©e sur l'automobile et le fĂ©tichisme Ă©golĂątre qui la soutient, tout cela entraĂźnera une forte contraction de la consommation Ă©nergĂ©tique, qui pourra ĂȘtre satisfaite grĂące aux Ă©nergies renouvelables, produites, dans la mesure du possible, localement. En consĂ©quence, tout ce qui fonde le poids Ă©crasant du secteur Ă©nergĂ©tique dans l'Ă©conomie mondiale actuelle s'Ă©vanouira pour l'essentiel. (p. 91-92)
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JĂ©rĂŽme Baschet (AdiĂłs al Capitalismo: AutonomĂ­a, sociedad del buen vivir y multiplicidad de mundos)
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On pourrait Ă©voquer Ă  ce sujet un autre ensemble de phĂ©nomĂšnes modernes typiques qui, partant de la vie la plus banale, investissent aussi le plan de la culture. En effet, la tendance sadique au sens large s'exprime Ă©galement dans un aspect de l'art et de la littĂ©rature, lorsque ceux-ci se complaisent Ă  mettre en Ă©vidence des types et des situations se rapportant Ă  une humanitĂ© brisĂ©e, vaincue ou corrompue. Le prĂ©texte bien connu, c'est que « cela aussi, c'est la vie », ou encore que tout cela doit ĂȘtre montrĂ© dans le seul but de provoquer une rĂ©action. En rĂ©alitĂ©, ce qui agit ici, c'est plutĂŽt ce que les Allemands appellent la Schadenfreude, la joie de salir, plaisir pervers et variĂ©tĂ© de sadisme, de complaisance sadique. On jouit en voyant non l'homme debout, mais l'homme dĂ©chu, ratĂ© ou dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©. On apprĂ©cie en somme, non la limite supĂ©rieure, mais la limite infĂ©rieure de la condition humaine (on pourrait renvoyer ici, en partie du moins, Ă  ce que nous dirons plus loin au sujet du « rire des dieux »). II fut un temps oĂč c'Ă©taient surtout des Ă©crivains et artistes juifs (ou russes) qui donnaient le ton dans ce domaine ; aujourd'hui, la chose est rĂ©pandue partout.
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Julius Evola (L'arco e la clava)
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Ce qu'il dit, c'est que c'est une chose Ă©trange, quand on y pense, que des gens normaux, intelligents, puissent croire Ă  un truc aussi insensĂ© que la religion chrĂ©tienne, un truc exactement du mĂȘme genre que la mythologie grecque ou les contes de fĂ©es. Dans les temps anciens, admettons : les gens Ă©taient crĂ©dules, la science n'existait pas. Mais aujourd'hui ! Un type qui aujourd'hui croirait Ă  des histoires de dieux qui se transforment en cygnes pour sĂ©duire des mortelles, ou Ă  des princesses qui embrassent des crapauds et quand elles les embrassent ils deviennent des princes charmants, tout le monde dirait : il est fou. Or, un tas de gens croient une histoire tout aussi dĂ©lirante et ces gens ne passent pas pour des fous. MĂȘme sans partager leur croyance, on les prend au sĂ©rieux. Ils ont un rĂŽle social, moins important que par le passĂ©, mais respectĂ© et dans l'ensemble plutĂŽt positif. Leur lubie cohabite avec des activitĂ©s tout Ă  fait sensĂ©es. Les prĂ©sidents de la RĂ©publique rendent visite Ă  leur chef avec dĂ©fĂ©rence. C'est quand mĂȘme bizarre, non ? (p. 15)
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Emmanuel CarrĂšre (Le Royaume)
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Lorsqu’on observe des transcriptions de classe pendant les temps collectifs, quel que soit le niveau de classe, on constate que 75 % du temps environ est occupĂ© par la parole de l’enseignant. La plupart des productions orales des Ă©lĂšves sont prises en sandwich entre une question (« Qui
 ? », « Pourquoi ? ») et une Ă©valuation (« Pas tout Ă  fait
 », « Le Nil est le plus long oui trĂšs bien
 »). Les interventions de l’enseignant sont des consignes, des directives comportementales, des informations complĂ©mentaires, et s’adressent tantĂŽt Ă  l’ensemble de la classe, tantĂŽt Ă  un Ă©lĂšve ou plusieurs Ă©lĂšves dĂ©signĂ©s. Si 75 % du temps est occupĂ© par la parole de l’enseignant, cela conduit mathĂ©matiquement Ă  un partage des 25 % de l’espace de production orale restant entre Ă©lĂšves. S’ils sont 25, et tous gentils et polis, ils auront 1 % chacun
 L’expression « cours dialoguĂ© » est une erreur. Un dialogue se dĂ©roule Ă  deux, si on parle de cours dialoguĂ©, alors on considĂšre l’ensemble des Ă©lĂšves comme un seul homme. Or les Ă©lĂšves forment un groupe classe Ă  gĂ©omĂ©trie variable : de petits groupes de travail, des groupes d’affinitĂ©s, des groupes de niveau, des individualitĂ©s juxtaposĂ©es. Le flot de paroles et la situation d’interlocution Ă  plus de 25 obligent les Ă©lĂšves Ă  s’adapter au fil continu de la dĂ©finition des rĂŽles interlocutifs dans la classe. En effet, c’est quasi Ă  chaque tour de parole que l’enseignant dĂ©finit ceux qui seront simples tĂ©moins d’un Ă©change, et ceux qui seront directement concernĂ©s par une requĂȘte. (p. 20)
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Nathalie Francols (Profs et élÚves, apprendre ensemble - Situations quotidiennes à comprendre et à dénouer)
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À partir de cet exemple et de ses recherches, Damasio est l’un des premiers neuroscientifiques Ă  montrer comment dans la vie, aucune dĂ©cision n’est prise exclusivement rationnellement. De nombreux chercheurs le dĂ©montrent aujourd’hui avec prĂ©cision. Combien de fois avez-vous rempli des lignes de pour et de contre pour aboutir au statut quo face Ă  une dĂ©cision Ă  prendre ? Dans tout processus dĂ©cisionnel, le choix se rĂ©alise par comparaison entre les scĂ©narios qu’on imagine : si je fais ceci, j’obtiendrai cela. Toute dĂ©cision change la situation qu’il faut Ă  nouveau analyser pour Ă  nouveau choisir. Il y a les petits choix de la vie quotidienne qui se dĂ©roulent le plus souvent en pilotage automatique, et les choix plus importants pour eux qui tournent en boucle dans la tĂȘte et qui empĂȘchent de dormir). il y a enfin toutes les situations ou l’on ne choisit pas vraiment (en tout cas pas consciemment) parce qu’on est en mode rĂ©actionnel. Dans ces situations, on n’agit pas pour obtenir quelque chose, mais parce que quelque chose. Nous reviendrons sur ce point car c’est l’un des meilleurs moyens de ne pas rĂ©soudre un problĂšme. Si l’un des scenarii a plus de poids qu’un autre, c’est en fonction de l’émotion que l’on ressent Ă  sa mise en image dans notre esprit. C’est ce penchant affectif, parfois trĂšs faible ou trĂšs intense, qui conduit Ă  choisir. L’affectif est un support au rationnel, l’un et l’autre ne s’opposent pas. Pour acheter un yaourt nature ou aux fruits, pour mettre un point de plus Ă  une copie, pour interroger un Ă©lĂšve ou un autre, pour changer d’établissement ou se sĂ©parer d’un conjoint, le processus est le mĂȘme : nous imaginons le scĂ©nario consĂ©quent Ă  telle dĂ©cision et nous choisissons celui qui nous plaĂźt le plus ou nous dĂ©plaĂźt le moins. Comme le sel, l’affecte est un exhausteur de goĂ»t, il donne une saveur agrĂ©able ou dĂ©sagrĂ©able Ă  un scĂ©nario particulier. Et nous choisissons l’action qui mettra en acte le scĂ©nario que nous trouvons Ă  notre goĂ»t. Au lieu d’opposer raison et Ă©motion, il faut pouvoir associer les deux en se permettant de penser sur ses sentiments et de ressentir ses idĂ©es. (p. 55)
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Nathalie Francols (Profs et élÚves, apprendre ensemble - Situations quotidiennes à comprendre et à dénouer)
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Toutes les sociĂ©tĂ©s humaines ont besoin de justifier leurs inĂ©galitĂ©s : il faut leur trouver des raisons, faute de quoi c’est l’ensemble de l’édifice politique et social qui menace de s’effondrer.
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Thomas Piketty
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Ce qu'elle prend pour de vraies pensĂ©es lui vient quand elle est seule ou en promenant l'enfant. Les vraies pensĂ©es ne sont pas pour elle des rĂ©flexions sur les façons de parler et de s'habiller des gens, la hauteur des trottoirs pour la poussette, l'interdiction des Paravents de Jean Genet et la guerre au Vietnam, mais des questions sur elle-mĂȘme, l'ĂȘtre et l'avoir, l'existence. C'est l'approfondissement de sensations fugitives, impossibles Ă  communiquer aux autres, tout ce que, si elle avait le temps d'Ă©crire - elle n'a mĂȘme plus celui de lire -, serait la matiĂšre de son livre. Dans son journal intime, qu'elle ouvre trĂšs rarement comme s'il constituait une menace contre la cellule familiale, qu'elle n'ait plus le droit Ă  l'intĂ©rioritĂ©, elle a notĂ© : "Je n'ai plus d'idĂ©es du tout. Je n'essaie plus d'expliquer ma vie" et "je suis une petite-bourgeoise arrivĂ©e." Elle a l'impression d'avoir dĂ©viĂ© de ses buts antĂ©rieurs, de n'ĂȘtre plus que dans une progression matĂ©rielle. "J'ai peur de m'installer dans cette vie calme et confortable, d'avoir vĂ©cu sans m'en rendre compte". Au moment mĂȘme oĂč elle fait ce constat, elle sait qu'elle n'est pas prĂȘte Ă  renoncer Ă  tout ce qui ne figure jamais dans ce journal intime, cette vie ensemble, cette intimitĂ© partagĂ©e dans un mĂȘme endroit, l'appartement qu'elle a hĂąte de retrouver les cours finis, le sommeil Ă  deux, le grĂ©sillement du rasoir Ă©lectrique le matin, le conte des Trois petits cochons le soir, cette rĂ©pĂ©tition qu'elle croit dĂ©tester et qui l'attache, dont un Ă©loignement momentanĂ© de trois jours pour passer le Capes lui a fait sentir le manque - tout ce qui, quand elle en imagine la perte accidentelle, lui serre le coeur.
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Annie Ernaux (Les Années)
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Travaux en vert («opĂ©rations en vert» ou «façons en vert»)–opposĂ©s aux «travaux d’hiver» – sont, disent les dictionnaires, «l'ensemble des opĂ©rations culturales (rognage, l’ébourgeonnage, Ă©claircissages, la vendange en vert, le pincement, l’écimage, le rognage, l'entre-cƓur, l’effeuillage etc.) que les vignerons pratiquent sur la vigne au cours de la pĂ©riode vĂ©gĂ©tative» et «ils ont le plus souvent pour but de favoriser le mĂ»rissement des grappes». Travaux en vert c’est, donc, une mĂ©taphore qui renvoie Ă  des choses trĂšs prĂ©cises. Comme pour la vigne et pour le bon vin sont nĂ©cessaires toutes sortes de «travaux», parfois, quand la culture devient «sauvage» (par l'abandon aussi) des «opĂ©rations», des «travaux» de toutes sortes sont, de mĂȘme nĂ©cessaires. C'est la conclusion du personnage du livre, prof Ă  la FacultĂ© de Lettres (comme moi), qui doit parler de la poĂ©sie devant un «public» qui a perdu complĂštement, par ignorance aussi, le goĂ»t de la poĂ©sie, la vraie. La prof essaie de faire ses «travaux» et son «plaidoyer pour la poĂ©sie» d’une façon «alternative», en mĂ©langeant des citations des grands Ă©crivains et des allusions Ă  la culture underground ou Ă  la culture pop, des personnages de bandes dessinĂ©es et de Muppet’s Show, des films, des groupes de musiques etc. etc. J'ai fait, en 324 pages, une sorte d'histoire de la poĂ©sie, avec la participation des poĂštes de partout, de tous les temps. J'ai convoquĂ© aussi «les hypocrites lecteurs» (semblables et frĂšres!). J'espĂšre que les fragments du livre roumain traduit en français peuvent donner une idĂ©e du projet de ce... Bildungspoem. (p. 9-10)
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Simona Popescu (Lucrări ßn verde sau Pledoaria mea pentru poezie)
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Je veux te parler des longues heures de queue qu'on faisait ensemble, en sortant du travail, aprĂšs t'avoir rĂ©cupĂ©rĂ©e Ă  la crĂšche. Les longues files d'attente debout, avec toi dans les bras, ces queues larges qui ressemblaient plutĂŽt Ă  des manifestations, stagnant devant les magasins alimentaires fermĂ©s, en attendant l'ouverture. On se battait pour ĂȘtre parmi les premiers, car il n'y avait jamais assez pour tout le monde, et ceux qui formaient la queue de la queue partaient Ă  coup sĂ»r la queue entre les jambes. Mais ils restaient quand mĂȘme, croyant, espĂ©rant un miracle. Pouvait-on se permettre de laisser passer une chance, aussi petite soit-elle? Tiens, je me rappelle d'une queue particuliĂšrement longue, une queue que j'ai quittĂ©e en pleurant. Tu avais deux, trois ans. J'avais les rĂšgles et un mal au ventre et aux reins terrible. Il me tardait de rentrer Ă  la maison, me doucher et m'allonger un peu. Mais en descendant du bus, j'ai vu des gens se ruer Ă  travers la place, vers le cĂŽtĂ© opposĂ© du centre-ville. Ventre ou pas ventre, j'ai suivi la foule en courant, toi dans les bras. Il fallait toujours, toujours, suivre une foule en dĂ©placement au pas de charge, car personne ne courait pour rien, lĂ -bas. C'est seulement ici, en France, que j'ai vu des gens courir pour rien: ils font du footing, pour ne pas ĂȘtre trop gros. LĂ -bas, on courait pour ne pas ĂȘtre trop maigre. LĂ -bas, ça se passait comme ça: je ne saurai jamais comment, quelqu'un arrivait Ă  avoir une formation (fondĂ©e ou non), et il donnait l'alerte: « ils vont vendre des Ɠufs Ă  tel endroit », ou du fromage, ou des poulets, (ça, les poulets, c'Ă©tait plus rare et la plupart du temps une chimĂšre). Ou du dentifrice, ou du papier cul. Tout Ă©tait bon Ă  prendre car on ne pouvait pas savoir quand un autre arrivage viendrait.
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Cristina Andreescu (Du communisme au capitalisme Lettre Ă  ma fille (French Edition))
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Dans l'ensemble de l'aire culturelle mĂ©diterranĂ©enne, et pas seulement en terre d'Islam, la femme est depuis longtemps soumise Ă  l'ordre patriarcal et ne se dĂ©finit que par rapport aux hommes. Au Maghreb, elle n'a pas d'existence propre et autonome, Fatima ne sera jamais Fatima. Elle est donc fille bint Mustapha (fille de), ou mĂšre oum Mustapha (mĂšre de) ou ekht Mustapha (sƓur de), selon son lien de parentĂ© avec l'homme Mustapha. Hors de ces catĂ©gories, point de salut pour les femmes dans la doxa salafiste. Or l'Ă©mancipation progressive par l'Ă©ducation des filles de familles immigrĂ©es dans les annĂ©es 70 et 80 mĂšne tout droit et rapidement Ă  l'effacement de ce schĂ©ma ainsi qu'Ă  des phĂ©nomĂšnes de fusion culturelle ou mĂȘme familiale et a fortiori matrimoniale qui mettraient en pĂ©ril le contrĂŽle des fondamentalistes sur leur masse de manƓuvre. L'idĂ©e est donc de ramener les femmes Ă  leur Ă©tat de domination et de contrĂŽle par les mĂąles eux-mĂȘmes dĂ©jĂ  en voie de sĂ©paratisme. Difficile de faire appel Ă  l'auctoritas patris. Dans les familles immigrĂ©es du Maghreb et du Sahel, les pĂšres n'ont d'une façon gĂ©nĂ©rale qu'une autoritĂ© limitĂ©e. Ils sont parfois absents et souvent dĂ©considĂ©rĂ©s pour ne pas avoir trouvĂ© dans la sociĂ©tĂ© d'accueil le statut et les revenus que la famille espĂ©rait. On ne peut guĂšre compter sur eux pour ramener "dans le droit chemin" des filles qui leur ont dĂ©jĂ  Ă©chappĂ© par l'Ă©cole. Les mĂšres n'ayant pas voix au chapitre, c'est donc aux grands-frĂšres qu'il incombera de faire sortir leurs sƓurs et leurs femmes des chemins de l'intĂ©gration pour les isoler, les soustraire aux tentations modernistes occidentales impies et les placer sous la coupe des salafistes.
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Alain Chouet (Sept pas vers l'enfer. Séparatisme islamique : les désarrois d'un officier de renseignement (French Edition))
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La tsédaka n'est pas qu'un simple principe de générosité. C'est non seulement un vrai projet messianique pour le monde, un bouleversement, mais également une rÚgle à suivre quotidiennement, une discipline personnelle qui, comme toute chose dans notre tradition, est expliqué dans les moindres détails. Ensemble (extrait du mot de la fin, par Yeshaya Dalsace, Rabbin de la communauté Maayane Or, Nice)
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GeneviĂšve Brisac
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fallait se soumettre Ă  cet indispensable carnaval, seul remĂšde contre la fatalitĂ© de l’amour et le pouvoir dissolvant de la routine que subissent tous les amoureux lorsque, aprĂšs avoir Ă©tĂ© deux amants distincts, ils ne deviennent plus qu’un couple ensemble. C’est le dĂ©but de la grande installation, le grand oubli de soi et de l’autre, la fin du grand mensonge qui leur avait permis, jusqu’alors, d’ĂȘtre parfaits, beaux, impeccables et sentant toujours bon, et qui soudain autorise tous les laisser-aller : vĂȘtements confortables, pantalons Ă©lastiques, bedaine qui pousse, poils disgracieux, mauvaise haleine. « ChĂ©ri, tu peux m’apporter du papier-toilette, s’il te plaĂźt ? » Le plateau-repas devant le film du soir. S’endormir comme deux sacs sur le canapĂ©, la tĂ©lĂ©vision Ă  plein tube, avec bouche ouverte, ronflements et tout le tralala. Jamais ! s’était promis Lev. Pas avec Anastasia ! PlutĂŽt mourir.
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Joël Dicker (L'Enigme de la chambre 622 (French Edition))
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Comme c'est étrange que des êtres qui s'estiment, s'aiment, ne puissent cohabiter longtemps sans que leurs rapports ne se détériorent. Comme si l'amitié, l'amour avaient besoin d'espace pour perdurer. Et en même temps, cet éloignement physique, qui garde intacts les sentiments que l'on a pour l'autre et qui embellit le souvenir, nous éloigne à jamais de l'autre s'il dure trop longtemps. On a l'impression que les hommes ne se rencontrent que pour faire un bout de chemin ensemble, pour une durée et une expérience bien précises, avant de se séparer pour permettre à chacun d'avancer tout seul dans ce labyrinthe qu'est la vie ou avant d'être séparés par la mort. Que retient l'homme de ces séparations souvent douloureuses?
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AngĂšle Rawiri (The Fury and Cries of Women (CARAF Books: Caribbean and African Literature Translated from French))
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L'autre erreur que nous avons faite, c'est de laisser cette petite minoritĂ© dĂ©cider seule du prĂ©sent et du futur qu'elle voulait pour nous. L'idĂ©al d'efficacitĂ© et d'optimisation que ces technologies vĂ©hiculent n'est pas celui de la sociĂ©tĂ© dans son ensemble, mais bien celui spĂ©cifique Ă  l'esprit start-up. Leurs employĂ©s sont une foule de jeunes hommes privilĂ©giĂ©s, sans obligations familiales, associatives ou communautaires, qui s'autocongratulent de leur capacitĂ© Ă  abattre un nombre invraisemblable d'heures de travail sans voir que leurs succĂšs ne sont possibles que grĂące Ă  d'autres emplois souvent sous-payĂ©s, voire non payĂ©s. C'est aussi dans cet esprit qu'ils dĂ©cident de la maniĂšre dont ils construisent leurs modĂšles algorithmiques (comme ils l'entendent), les rĂ©sultats susceptibles d'ĂȘtre mis sur le marchĂ© (ceux qui leur plaisent), des secteurs de la sociĂ©tĂ© mĂ©ritant d'ĂȘtre pris d'assaut par leurs inventions (tous), des donnĂ©es utilisables pour parvenir Ă  leurs objectifs (toutes).
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Mathilde Saliou (Technoféminisme)
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Ceux qui liront mon livre me connaĂźtront : peut-ĂȘtre est-il au dessous de moi, mais il est bien moi ; je ne l'ai point fait pour le faire, je n'ai rien dĂ©guisĂ©, c'est un tout, un ensemble, corollairement juxta-posĂ©, de cris de douleur et de joie jetĂ©s au milieu d'une enfance rarement dissipĂ©e, souvent dĂ©tournĂ©e et toujours misĂ©rable.
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PETRUS BOREL 1809-1859
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Ils se donnùrent la main en remontant à la surface. La main, c'est bien. Ça n'engage pas trop celui qui la donne et ça apaise beaucoup celui qui la reçoit...
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout. 2 Mp3-CDs (French Edition))
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De mĂȘme que dans le cadre du schĂ©ma trifonctionnel chrĂ©tien, l’ordre brahmanique exprime Ă  sa façon un idĂ©al d’équilibre entre diffĂ©rentes formes de lĂ©gitimitĂ© Ă  gouverner. Dans les deux cas, il s’agit au fond de faire en sorte que la force brute des rois et des guerriers ne nĂ©glige pas les sages conseils des clercs et des lettrĂ©s, et que le pouvoir politique s’appuie sur les connaissances et le pouvoir intellectuel. Il est intĂ©ressant de rappeler que Gandhi, qui reprochait aux Britanniques d’avoir rigidifiĂ© les frontiĂšres entre castes autrefois fluides, afin de mieux diviser et dominer l’Inde, avait dans le mĂȘme temps une attitude relativement respectueuse et conservatrice face Ă  l’idĂ©al brahmanique. Certes Gandhi militait pour que la sociĂ©tĂ© hindoue devienne moins inĂ©galitaire et plus inclusive vis-Ă -vis de ses classes les plus basses, en particulier vis-Ă -vis des shudra et des « intouchables », qui rassemblaient des catĂ©gories discriminĂ©es plus basses encore que les shudra au sein de l’ordre hindou, placĂ©es en marge de la sociĂ©tĂ©, parfois du fait d’occupations jugĂ©es impropres, liĂ©es notamment Ă  l’abattage des animaux et au travail des peaux. Mais Gandhi insistait dans le mĂȘme temps sur le rĂŽle essentiel jouĂ© par les brahmanes, ou tout du moins par ceux qui se comportaient comme tels Ă  ses yeux, c’est-Ă -dire sans arrogance et sans ĂąpretĂ©, mais au contraire avec bienveillance et grandeur d’ñme, en mettant leur sagesse et leurs connaissances de lettrĂ©s au service de la sociĂ©tĂ© dans son ensemble. Lui-mĂȘme rattachĂ© au groupe deux-fois-nĂ© des vaishya, Gandhi prit dans de nombreux discours publics, en particulier Ă  Tanjore en 1927, la dĂ©fense de la logique de complĂ©mentaritĂ© fonctionnelle qui Ă©tait selon lui Ă  la base de la sociĂ©tĂ© hindoue traditionnelle. En reconnaissant le principe de l’hĂ©rĂ©ditĂ© dans la transmission des talents et des occupations, non pas comme rĂšgle absolue et rigide mais comme un principe gĂ©nĂ©ral pouvant admettre des exceptions individuelles, le rĂ©gime des castes permettait selon lui de donner une place Ă  chacun, et d’éviter la compĂ©tition gĂ©nĂ©ralisĂ©e entre groupes sociaux, la guerre de tous contre tous, et en particulier la guerre des classes Ă  l’occidentale . Surtout, Gandhi se mĂ©fiait plus que tout de la dimension anti-intellectuelle des discours antibrahmaniques. Il considĂ©rait que la sobriĂ©tĂ© et la sagesse des lettrĂ©s, vertus auxquelles il se rattachait par sa pratique personnelle (bien que non-brahmane lui- mĂȘme), Ă©taient des qualitĂ©s sociales indispensables pour l’harmonie gĂ©nĂ©rale. Il se mĂ©fiait aussi du matĂ©rialisme occidental et de son goĂ»t immodĂ©rĂ© pour l’accumulation de richesses et de pouvoir.
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Thomas Piketty (Capital and Ideology)
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Ils usent de toutes leurs ruses, mais la seule chose qui naĂźt au fil des heures, c'est le respect de l'un de l'autre, et l'idĂ©e, peut-ĂȘtre, que lorsque deux frĂšres s'affrontent, ils ne peuvent que mourir ensemble, d'un seul coup.
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Laurent Gaudé (Salina - Classiques et Contemporains)
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Revenons sur les cinq Ă©lĂ©ments qui nous conditionnent : ✓    Tout d’abord, l’état Ă©motionnel et psychologique dans lequel nous nous trouvons quand nous considĂ©rons les Ă©vĂ©nements ou que nous prenons des dĂ©cisions ; ✓    Les questions qui dĂ©coulent de cet Ă©vĂ©nement. Les rĂ©ponses sont influencĂ©es par l’état Ă©motionnel, mais la formulation de la question elle-mĂȘme en dĂ©pend. Celles-ci sont Ă  l’origine d’évaluations plus ou moins positives que l’on a de soi ; ✓    Les valeurs influencent la maniĂšre de percevoir l’évĂ©nement et la façon d’y rĂ©pondre. Les deux principales valeurs communes Ă  tous les ĂȘtres humains sont, d’un cĂŽtĂ©, la recherche du plaisir et, de l’autre, la souffrance ; ✓    Les croyances qui contrĂŽlent nos Ă©motions donnent Ă©galement du sens Ă  un Ă©vĂ©nement. C’est l’ensemble de nos croyances qui dĂ©terminent les Ă©lĂ©ments qui sont source de plaisir et ceux qui sont source de souffrance ; ✓    Enfin, leur dernier Ă©lĂ©ment, qui rĂ©git nos rĂ©ponses Ă  un Ă©vĂ©nement, sont nos expĂ©riences de rĂ©fĂ©rence.
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Eleanor Martel (ANTHONY ROBBINS "RĂ©sumĂ© DĂ©taillĂ© et Complet De Trois Grandes ƒuvres": Pouvoir illimitĂ©, L’éveil de votre puissance intĂ©rieure, Les onze lois de la rĂ©ussite (French Edition))
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C’est pourquoi la vibration ondulatoire, aprĂšs avoir impressionnĂ© tout l’ocĂ©an psychique, revient au lieu mĂȘme oĂč elle naquit, avec une valeur et une direction nouvelles, sur lesquelles nous n’avons, nous humains, aucunes donnĂ©es certaines, ni mĂȘme conceptibles (car les influences rencontrĂ©es par l’ondulation sur l’ocĂ©an psychique sont au-dessus du domaine humain, et font partie d’un ensemble cosmique dont nous ignorons les Ă©lĂ©ments de vigueur)
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Matgioi (La Voie Rationnelle)
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Je n'ai jamais vu le Sheikh Ahmed, qui Ă©tait encore trĂšs peu connu Ă  l'Ă©poque dĂ©jĂ  lointaine oĂč j'Ă©tais en AlgĂ©rie [Ă  SĂ©tif, durant l'annĂ©e scolaire 1917-1918], et d'ailleurs je n'ai pas eu l'occasion d'aller dans la province d'Oran; c'est seulement beaucoup plus tard que je suis entrĂ© en correspondance avec Mostaganem par l'entremise de Taillard. Quant au 1er voyage de Sh.[eikh] A.[ĂŻssa] [F. Schuon], voici ce qu'il en est exactement : quand il m'a annoncĂ© qu'il partait pour l'AlgĂ©rie, sa lettre m'est arrivĂ©e trop tard pour qu'une rĂ©ponse puisse encore lui parvenir avant la date de son dĂ©part, de sorte que je n'ai pas pu lui donner alors une indication quelconque; tout ce que j'ai pu faire et ce que j'ai fait Ă©tait d'invoquer pour lui la barakah de Sidi Abul-Hassan [ash-ShĂądhilĂź], en demandant qu'il soit conduit auprĂšs du Sheikh Ahmed, et c'est ce qui est arrivĂ© en effet, Ă  la suite d'un ensemble de circonstances assez singuliĂšres comme vous le savez; je dois dire que lui-mĂȘme n'a jamais rien su de cela, car j'ai trouvĂ© inutile de lui en parler. Pour ce qui est de la suite, c'est lui qui me l'a racontĂ© la 1re fois qu'il est venu ici: Ă  son arrivĂ©e, il n'a pas pu voir le Sheikh Ahmed qui Ă©tait souffrant, et ceux qui l'ont reçu lui ont dĂ©clarĂ© que, ne le connaissant pas, ils ne pouvaient pas l'admettre Ă  sĂ©journer Ă  la zawĂźyah; au cours de la conversation, il lui est arrivĂ© de prononcer mon nom, je ne sais Ă  quel propos, et l'attitude Ă  son Ă©gard a changĂ© aussitĂŽt : on lui a dit alors qu'on venait justement de recevoir une lettre de moi le jour mĂȘme, et, bien que naturellement il n'y ait eu dans cette lettre rien le concernant, cette coĂŻncidence a Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©e comme un signe favorable, de sorte qu'on l'a autorisĂ© Ă  rester. Quelques jours plus tard, il m'a Ă©crit pour me faire savoir oĂč il Ă©tait, mais il ne savait pas encore de quoi il s'agissait en rĂ©alitĂ© ni ce que c'Ă©tait que la tarĂźqah; c'est en lui rĂ©pondant que je lui ai donnĂ© des explications qui l'ont dĂ©terminĂ© Ă  demander son rattachement; il ne s'agit donc pas d'une lettre qui lui aurait Ă©tĂ© renvoyĂ©e de France comme vous l'avez entendu dire, puisque je n'avais pas pu lui Ă©crire avant son dĂ©part. Vous voyez par tout cela que je pourrais bien dire, sans exagĂ©ration, que sans moi il n'y aurait jamais eu de Sh. A. ! - Je vous disais la derniĂšre fois qu'il n'y avait aucune diffĂ©rence entre son cas et celui des autres moqaddem qui ont cessĂ© d'entretenir des relations avec Mostaganem; il y en a cependant une qui, en un certain sens, serait Ă  son dĂ©savantage : c'est que les autres avaient Ă©tĂ© nommĂ©s par le Sheikh Ahmed, tandis que lui ne l'a Ă©tĂ© qu'aprĂšs sa mort et par le Sheikh Adda. 16 septembre 1950 [Cahiers de l'UnitĂ© n°13, Stanislas Ibranoff, RenĂ© GuĂ©non et la tradition hindoue par Renaud Fabbri]
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René Guénon
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Quelle maladie contagieuse avait bien pu attraper Speciosa ? J’ai insistĂ©. Je lui rĂ©pĂ©tais : « Speciosa est mon’ amie. Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas la voir ? » Elle Ă  fini par cĂ©der en disant que, de toute façon, bientĂŽt, il m’arriverait ce qui est arrivĂ© Ă  Speciosa. Je suis entrĂ©e dans la maison. Speciosa Ă©tait sur son lit. On avait ajoutĂ© une couche de paille fraĂźche. Quand Speciosa m’a vue, elle s’est mise Ă  pleurer. Elle s’est soulevĂ©e. J’ai vu les herbes tout imprĂ©gnĂ©es de sang. « Tu vois, dit-elle, c’est mon sang. C’est comme ça que l’on devient femme. Tous les mois, je serai enfermĂ©e. Maman m’a dit que c’est comme ça pour les femmes. Elle prend la paille que j’ai souillĂ©e. Elle la brĂ»le, en cachette, dans la huit. Elle enterre profondĂ©ment les cendres. Elle a peur qu’on sorcier vienne la voler pour ses malĂ©fices et que nos champs se dessĂšchent et que moi et mes sƓurs soyons stĂ©riles Ă  cause de ce premier sang qui pourrait mettre toute la famille en pĂ©ril. On ne pourra plus s’amuser comme avant. À prĂ©sent, je suis une femme, avec un pagne de femme, je me sens vraiment malheureuse. » Nous n’avons plus jamais jouĂ© ensemble.
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Scholastique Mukasonga (Our Lady of the Nile)
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Qui pouvait comprendre cela ? Personne. C'Ă©tait un combat intime. Le plus invisible de tous. Le plus lancinant aussi.
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout. 2 Mp3-CDs (French Edition))
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..(l'architecte) il compose la musique que d'autres vont jouer. De plus, afin de vraiment comprendre ce qu'est l'architecture, il faut se rappeler que les gens qui l'interprÚtent ne sont pas des musiciens sensibles qui jouent la partition de quelqu'un d'autre, lui donnant un phrasé particulier, accentuant l'un ou l'autre trait de l'oeuvre. Au contraire, c'est une multitude de gens ordinaires qui, comme des fourmis travaillant ensemble à la construction de la fourmiliÚre, contribuent de maniÚre tout à fait impersonnelle à l'ensemble, souvent sans comprendre ce qu'ils aident à créer. DerriÚre eux il y a l'architecte qui organise le travail, et l'on pourrait vraiment dire que l'architecture est un art d'organisation. Le bùtiment est produit comme un film sans vedettes, une sorte de documentaire avec des gens ordinaires qui jouent tous les rÎles.
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Steen Eiler Rasmussen
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DĂ©jĂ  le Grand Khan cherchait dans son atlas les plans des villes que menacent incubes et malĂ©dictions : Enoch, Babylone, Yahoo, Butua, Brave New World. Il dit : — Tout est inutile, si l’ultime accostage ne peut ĂȘtre que la ville infernale, si c’est lĂ  dans ce fond que, sur une spirale toujours plus resserrĂ©e, va finir le courant. Et Polo : — L’enfer des vivants n’est pas chose Ă  venir ; s’il y en a un, c’est celui qui est dĂ©jĂ  lĂ , l’enfer que nous habitons tous les jours, que nous formons d’ĂȘtre ensemble. Il y a deux façons de ne pas en souffrir. La premiĂšre rĂ©ussit aisĂ©ment Ă  la plupart : accepter l’enfer, en devenir une part au point de ne plus le voir. La seconde est risquĂ©e et elle demande une attention, un apprentissage, continuels : chercher et savoir reconnaĂźtre qui et quoi, au milieu de l’enfer, n’est pas l’enfer, et le faire durer, et lui faire de la place.
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Italo Calvino (Les villes invisibles)