Dans La Maison Quotes

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Tout Ă©tait si beau, joyeux et pur dans la maison ; mais dans son Ăąme tout Ă©tait laid, sale, horrible.
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Leo Tolstoy (The Devil)
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Les autres [leaders de l'Ă©poque] suppliaient qu'on nous laisse entrer dans la maison de l'oppresseur, Malcolm [Malcolm X], lui, nous disait de construire notre propre maison
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John Henrik Clarke
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J'aimais que les gens écrivent sur les murs, sur les maisons, sur les trottoirs, dans la rue, partout. De toute façon, j'aimais les mots.
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Jacques Poulin
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le racisme est une maladie. Un vice. Une maladie honteuse. Qui se dĂ©veloppe parfois dans le silence des maisons. On murmure puis on ferme les fenĂȘtres. On crie pendant les repas de famille. HaĂŻr l'autre, c'est l'imaginer contre soi. C'est se sentir possĂ©dĂ©. VolĂ©. PĂ©nĂ©trĂ©. Le racisme est un fantasme. C'est imaginer l'odeur de sa peau, la tension de son corps, la force de son sexe. Le racisme est une maladie. Une lĂšpre. Une nĂ©crose.
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Nina Bouraoui
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J'ai enfin compris pourquoi j'avais honte de m'asseoir dans la Cadillac de mon pĂšre! La raison de ma honte et de la rĂ©volution est la mĂȘme: la diffĂ©rence de classe sociale. Mais j'y pense...on a une bonne Ă  la maison!!
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Marjane Satrapi (Persepolis, Volume 1)
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Tiens, une ville qu'on traverse la nuit, et tout à coup tu dépasses la derniÚre maison, tu retombes dans le silence, comme dans le vide.
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Georges Bernanos (Un mauvais rĂȘve)
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Prague, c'est beau, mĂȘme sous la pluie.Les monuments se reflĂštent dans la Place de la Vieille Ville. La maison qui danse a l'air ivre.
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Mirelle Hdb
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Nous avions inventĂ© la lumiĂšre pour nier l'obscuritĂ©. Nous avons mis les Ă©toiles dans le ciel, nous avons plantĂ© les rĂ©verbĂšres tous les deux mĂštres dans les rues. Et des lampes dans nos maisons. Éteignez les Ă©toiles et contemplez le ciel. Que voyez-vous? Rien. Vous ĂȘtes en face de l'infini que votre esprit limitĂ© ne peut pas concevoir et vous ne voyez plus rien. Et cela vous angoisse. C'est angoissant d'ĂȘtre en face de l'infini. Rassurez vous; vos yeux s'arrĂȘteront toujours sur les Ă©toiles qui obscures leur vision et n'iront pas plus loin. Aussi ignorez le vide qu'elles dissimulent. Éteignez la lumiĂšre et ouvrez grand les yeux. Vous ne voyez rien. Que l'obscuritĂ© que vous la percevez plutĂŽt que vous ne la voyez. L'obscuritĂ© n'est pas hors de vous, l'obscuritĂ© est en vous.
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Lolita Pille (Hell)
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A qui Ă©cris-tu? -A toi. En fait, je ne t'Ă©cris pas vraiment, j'Ă©cris ce que j'ai envie de faire avec toi... Il y avait des feuilles partout. Autour d'elle, Ă  ses pieds, sur le lit. J'en ai pris une au hasard: "...Pique-niquer, faire la sieste au bord d'une riviĂšre, manger des pĂȘches, des crevettes, des croissants, du riz gluant, nager, danser, m'acheter des chaussures, de la lingerie, du parfum, lire le journal, lĂ©cher les vitrines, prendre le mĂ©tro, surveiller l'heure, te pousser quand tu prends toute la place, Ă©tendre le linge, aller Ă  l'OpĂ©ra, faire des barbecues, rĂąler parce que tu as oubliĂ© le charbon, me laver les dents en mĂȘme temps que toi, t'acheter des caleçons, tondre la pelouse, lire le journal par-dessus ton Ă©paule, t'empĂȘcher de manger trop de cacahuĂštes, visiter les caves de la Loire, et celles de la Hunter Valley, faire l'idiote, jacasser, cueillir des mĂ»res, cuisiner, jardiner, te rĂ©veiller encore parce que tu ronfles, aller au zoo, aux puces, Ă  Paris, Ă  Londres, te chanter des chansons, arrĂȘter de fumer, te demander de me couper les ongles, acheter de la vaisselle, des bĂȘtises, des choses qui ne servent Ă  rien, manger des glaces, regarder les gens, te battre aux Ă©checs, Ă©couter du jazz, du reggae, danser le mambo et le cha-cha-cha, m'ennuyer, faire des caprices, bouder, rire, t'entortiller autour de mon petit doigt, chercher une maison avec vue sur les vaches, remplir d'indĂ©cents Caddie, repeindre un plafond, coudre des rideaux, rester des heures Ă  table Ă  discuter avec des gens intĂ©ressants, te tenir par la barbichette, te couper les cheveux, enlever les mauvaises herbes, laver la voiture, voir la mer, t'appeler encore, te dire des mots crus, apprendre Ă  tricoter, te tricoter une Ă©charpe, dĂ©faire cette horreur, recueillir des chats, des chiens, des perroquets, des Ă©lĂ©phants, louer des bicyclettes, ne pas s'en servir, rester dans un hamac, boire des margaritas Ă  l'ombre, tricher, apprendre Ă  me servir d'un fer Ă  repasser, jeter le fer Ă  repasser par la fenĂȘtre, chanter sous la pluie, fuire les touristes, m'enivrer, te dire toute la vĂ©ritĂ©, me souvenir que toute vĂ©ritĂ© n'est pas bonne Ă  dire, t'Ă©couter, te donner la main, rĂ©cupĂ©rer mon fer Ă  repasser, Ă©couter les paroles des chansons, mettre le rĂ©veil, oublier nos valises, m'arrĂȘter de courir, descendre les poubelles, te demander si tu m'aimes toujours, discuter avec la voisine, te raconter mon enfance, faire des mouillettes, des Ă©tiquettes pour les pots de confiture..." Et ça continuais comme ça pendant des pages et des pages...
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Anna Gavalda (Someone I Loved (Je l'aimais))
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J'ai Ă©coutĂ© le sermon du prĂȘtre qui officiait devant la tombe de ma mĂšre. On ne perd jamais ses parents, mĂȘme aprĂšs leur mort ils vivent encore en vous. Ceux qui vous ont conçu, qui vous ont donnĂ© tout cet amour afin que vous surviviez ne peuvent pas disparaĂźtre. Le prĂȘtre avait raison, mais l'idĂ©e de savoir qu'il n'est plus d'endroit dans le monde oĂč ils respirent, que vous n'entendrez plus leur voix, que les volets de votre maison d'enfance seront clos Ă  jamais, vous plonge dans une solitude que mĂȘme Dieu n'avait pu concevoir.
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Marc Levy (Le Voleur d'ombres)
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La pression de la ville : de toutes parts. Les maisons ne sont pas lĂ  pour qu'on y demeure, mais pour qu'il y ait des rues et, dans les rues, le mouvement incessant de la ville.
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Maurice Blanchot (Awaiting Oblivion)
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L'amour ne consiste que dans la facultĂ© ou l'occasion fortuite de transmettre Ă  un autre ce qu'on ressent soi-mĂȘme.
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Robert Musil (La maison enchantée)
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  Le crime et la folie ont quelque similitude. Voir les prisonniers de la Conciergerie au prĂ©au, ou voir des fous dans le jardin d'une maison de santĂ©, c'est une mĂȘme chose.
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Honoré de Balzac (Splendeurs et MisÚres des courtisanes)
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There are no genres, there are only talents. —JEAN-FRANÇOIS REVEL, LE VOLEUR DANS LA MAISON VIDE, P. 311
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Clive James (Cultural Amnesia: Necessary Memories from History and the Arts)
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Oh ! S'il avait pu partir, tout de suite, n'importe oĂč, et ne jamais revenir, ne jamais Ă©crire, ne jamais laisser savoir ce qu'il Ă©tait devenu ! Mais non, il fallait rentrer, rentrer dans la maison paternelle et se coucher dans son lit
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Guy de Maupassant
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Mais surtout, surtout Jonathan, un matin oĂč passait le facteur, un petit matin gros et froid, un matin oĂč il ouvrait sa grande sacoche jaune et pleine; soufflant de la buĂ©e en cherchant le courrier, j'ai ressenti un frisson qui a couru tout mon corps et m'a effarĂ©e. Un frisson qui m'a gelĂ©e sur place, un frisson qui s'est transformĂ© en Ă©clair et m'a foudroyĂ© la nuque : j'ai compris que j'attendais vos lettres, j'attendais vos mots, j'attendais vos descriptions d'auberges, de routes, de famille française, de soupe au chou... J'Ă©tais en train de vous attendre. J'allais donc souffrir de vous. Et je ne veux plus souffrir Jonathan. En ce mois de dĂ©cembre, j'ai couru Ă  Paris, j'ai couru dans FĂ©camps, j'ai couru dans ma maison, j'ai couru dans la librairie pour me sauver de vous, vous abandonner sur vos petites routes aux arbres secs et noirs. J'avais peur
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Katherine Pancol (Un homme Ă  distance)
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Et maintenant, au coeur de la nuit comme un veilleur, il découvre que la nuit montre l'homme: ces appels, ces lumiÚres, cette inquiétude. Cette simple étoile dans l'ombre: l'isolement d'une maison. L'une s'éteint: c'est une maison qui se ferme sur son amour.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Denise Ă©tait venue Ă  pied de la gare Saint-Lazare, oĂč un train de Cherbourg l’avait dĂ©barquĂ©e avec ses deux frĂšres, aprĂšs une nuit passĂ©e sur la dure banquette d’un wagon de troisiĂšme classe. Elle tenait par la main PĂ©pĂ©, et Jean la suivait, tous les trois brisĂ©s du voyage, effarĂ©s et perdus, au milieu du vaste Paris, le nez levĂ© sur les maisons, demandant Ă  chaque carrefour la rue de la MichodiĂšre, dans laquelle leur oncle Baudu demeurait. Mais, comme elle dĂ©bouchait enfin sur la place Gaillon, la jeune fille s’arrĂȘta net de surprise.
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Émile Zola (The Ladies' Paradise (Les Rougon-Macquart #11))
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Il pleut, c'est merveilleux. Je t'aime Nous resterons Ă  la maison Rien ne nous plait plus ue nous-mĂȘmes Par ce temps d'arriĂšre-saison Il pleut. Les taxis vont et viennent On voit rouler les autobus Et les remorqueurs sur le Seine Font un bruit ... qu'onne s'entend plus. C'est merveilleux: il pleut. J'Ă©coute La pluie dont le crĂ©pitement Heurte la vitre goutte Ă  goutte ... Et tu me souris tendrement. Je t'aime. Oh! ce bruit d'eau qui pleure, Qui sanglote comme un adieu. Tu vas me quitter tout Ă  l'heure: On dirait qu'il pleut dans tes yeux.
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Francis Carco
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Dans cet ocĂ©an blanc, oĂč la vie Se recueille; et bientĂŽt l'horizon Se couvrira de fleurs ... ChĂšre maison amie Qui nous protĂšge tous de la froide saison!
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Adam Hochschild (Half the Way Home: A Memoir of Father and Son)
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C’était si triste, si triste d’ĂȘtre toute seule dans la vie, toute seule chez soi, nuit et jour, de n’avoir plus personne Ă  qui donner de l’affection, de la confiance, de l’intimitĂ©.
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Guy de Maupassant (La Maison Tellier - Une partie de campagne - et autres contes: Histoire d'une fille de ferme - La Femme de Paul - Yvette - Le Masque - Mouche - Les Tombales (French Edition))
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Les humbles et modestes fleurs, Ă©closes dans les vallĂ©es, meurent peut-ĂȘtre quand elles sont transplantĂ©es trop prĂšs des cieux, aux rĂ©gions oĂč se forment les orages, oĂč le soleil est brĂ»lant.
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Honoré de Balzac (LA MAISON DU CHAT QUI PELOTE (LANA))
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DÉCOR : Un salon dans la maison des Murray, vieille demeure triste et en mauvais Ă©tat, dans un lointain quartier de Londres. Cependant, la piĂšce est vaste et conserve un certain aspect de grandeur. Un escalier au fond de la piĂšce conduit au premier Ă©tage, dont on entrevoit le palier. À droite, une porte donnant dans le vestibule. Une large fenĂȘtre occupe la plus grande partie du cĂŽtĂ© droit.
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Arthur Conan Doyle (Sherlock Holmes)
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Dans tes yeux mon enfant j'ai lu l'exil. Toi? qui es nĂ© Loin du pays, Tes cheveux ont la couleur de l'olive A laquelle nous n'avons plus Le droit de toucher. Dans l'Ă©clat de tes dents serrĂ©es, Mon enfant, Je regarde Des milliers d'Ă©toiles calcinĂ©es, Nos terres volĂ©es, Nos maisons bombardĂ©es, Des bouquets de poings Tombants sous les orangers. Dans le mercure de tes larmes, Mon enfant, J'ai lu l’exil, L'exil d'un peuple.
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Mokhtar El Amraoui
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Il regarda autour de lui avec une brusque violence, comme si le passĂ© Ă©tait lĂ , tapi dans l'ombre de la maison, mais hors de portĂ©e. — Je ferais tout pour que les choses soient comme avant. Exactement comme avant.
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F. Scott Fitzgerald (The Great Gatsby)
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Il revoyait en souvenir la jolie citĂ© claire, dĂ©gringolant, comme une cascade de maisons plates, du haut de sa montagne dans la mer, mais il ne trouvait plus un mot pour exprimer ce qu’il avait vu, ce qu’il avait senti.
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Guy de Maupassant (Bel-Ami)
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Le printemps s’annonce seulement par la qualitĂ© de l’air ou par les corbeilles de fleurs que des petits vendeurs ramĂšnent des banlieues ; c’est un printemps qu’on vend sur les marchĂ©s. Pendant l’étĂ©, le soleil incendie les maisons trop sĂšches et couvre les murs d’une cendre grise ; on ne peut plus vivre alors que dans l’ombre des volets clos. En automne, c’est, au contraire, un dĂ©luge de boue. Les beaux jours viennent seulement en hiver.
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Albert Camus (The Plague)
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Chaque fois que je pense a lui, je me souviens d'une anecdote qu'on m'a racontĂ©e : un jour, les Gardes rouges fouillĂšrent sa maison, et trouvĂšrent un livre cachĂ© sous son oreiller, Ă©crit dans une langue Ă©trangĂšre, que personne ne connaissait. La scĂšne n'Ă©tait pas sans ressemblance avec celle de la bande du boiteux autour du Cousin Pons. Il fallut envoyer ce butin Ă  l'UniversitĂ© de PĂ©kin pour savoir enfin qu'il s'agissait d'une Bible en latin. Elle coĂ»ta cher au pasteur car, depuis, il Ă©tait forcĂ© de nettoyer la rue, toujours la mĂȘme, du matin au soir, huit heures par jour, quel que fĂ»t le temps. Il finit ainsi par devenir une dĂ©coration mobile du paysage.
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Honoré de Balzac
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On doit tous ĂȘtre pareils. Nous ne naissons pas libres et Ă©gaux, comme le proclame la Constitution, on nous rend Ă©gaux. Chaque homme doit ĂȘtre l'image de l'autre, comme ça, tout le monde est content; plus de montagnes pour les intimider, leur donner un point de comparaison. Conclusion ! Un livre est un fusil chargĂ© dans la maison d'Ă  cĂŽtĂ©. BrĂ»lons-le. DĂ©chargeons l'arme. Battons en brĂšche l'esprit humain. Qui sait qui pourrait ĂȘtre la cible de l'homme cultivĂ© ?
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Ray Bradbury (Fahrenheit 451)
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A lÂŽallure oĂč ça va, on emploiera bientĂŽt un quart de la population comme flics, matons, vigiles, formateurs, sociologues, journalistes, Ă©ducateurs, mĂ©diateurs, et jÂŽen passe, pour surveiller et divertir une moitiĂ© au profit du dernier quart.
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Thierry Pelletier (La Petite Maison Dans La Zermi)
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Il n'Ă©tait pas prĂȘt Ă  lui dire qu'il essayerait de tout son ĂȘtre d'ĂȘtre assez bien pour l'aider Ă  Ă©lever un enfant. Il n'Ă©tait pas prĂȘt Ă  lui dire qu'il Ă©tait absolument terrifiĂ© Ă  l'idĂ©e de reproduire les erreurs de son pĂšre et pas prĂȘt Ă  admettre qu'il avait peur d'Ă©chouer.Il ne connaissait pas les mots qui lui permettraient de lui dire qu'il ne voulait pas rentrer Ă  la maison bourrĂ© et que ses enfants le fuient pour se cacher de lui comme lui l'avait fait avec son propre pĂšre. Il voulait l'Ă©pouser, passer sa vie Ă  ses cĂŽtĂ©s, se vautrer dans sa bontĂ©. Il ne pouvait s'imaginer de vie sans elle et il essayait de trouver un moyen de le lui dire, de lui montrer qu'il pouvait vraiment changer et qu'il pouvait ĂȘtre digne d'elle.
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Anna Todd (After Saison 1 Episode 5)
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La plupart des enfants quittent la maison paternelle Ă  dix ou douze ans ; j’attendis jusqu’à seize. Et je ne crois pas que je l’aurais encore quittĂ©e, si je n’avais un jour entendu parler Ă  ma vieille mĂšre de m’établir Ă  mon propre compte dans l’épicerie.
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Edgar Allan Poe (ƒuvres)
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Thomas meurt. Thomas accepte de mourir. C’est ici, dans la maison de Saint-ClĂ©ment, la maison de l’enfance, qu’il choisit d’attendre de mourir. Je suis auprĂšs de lui. C’est encore l’étĂ©. J’ignorais qu’on pouvait mourir en Ă©tĂ©. Je croyais que la mort survenait toujours en hiver, qu’il lui fallait le froid, la grisaille, une sorte de dĂ©solation, que c’est seulement ainsi qu’elle pouvait se sentir sur son terrain. Je dĂ©couvre qu’elle peut tout aussi bien exercer sa besogne en plein soleil, en pleine lumiĂšre.
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Philippe Besson (Son frĂšre)
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Voici les idĂ©es de cette gĂ©nĂ©ration qui avait connu dans son enfance les privations de la guerre, qui avait eu vingt ans Ă  la LibĂ©ration; voici le monde qu'ils souhaitaient lĂ©guer Ă  leurs enfants. La femme reste Ă  la maison et tient son mĂ©nage (mais elle est trĂšs aidĂ©e par les appareils Ă©lectromĂ©nagers; elle a beaucoup de temps Ă  consacrer Ă  sa famille). L'homme travaille Ă  l'extĂ©rieur (mais la robotisation fait qu'il travaille moins longtemps, et que son travail est moins dur). Les couples sont fidĂšles et heureux; ils vivent dans des maisons agrĂ©ables en dehors des villes (les banlieues). Pendant leurs moments de loisir ils s'adonnent Ă  l'artisanat, au jardinage, aux beaux-arts. À moins qu'ils ne prĂ©fĂšrent voyager, dĂ©couvrir les modes de vie et les cultures d'autres rĂ©gions, d'autres pays.
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Michel Houellebecq (The Elementary Particles)
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J'ai essayé, vois-tu, d'entraßner GeneviÚve dans un monde à moi. Tout ce que je lui montrais devenait terne, gris. La premiÚre nuit était d'une épaisseur sans nom : nous n'avons pas pu la franchir. J'ai dû lui rendre sa maison, sa vie, son ùme. Un à un tous les peupliers de la route.
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Antoine de Saint-Exupéry
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La pelouse partait de la plage et grimpait sur cinq cents mĂštres jusqu’à la porte d’entrĂ©e, enjambait des cadrans solaires, des sentiers pavĂ©s de briques et des jardins flamboyants, atteignait enfin la maison et se brisait contre ses murs, dans une explosion de vigne vierge, comme emportĂ©e par son Ă©lan
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F. Scott Fitzgerald (Gatsby le magnifique (French Edition))
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Si il y avait bien une chose que l'Occupation nous avait apprise, c'Ă©tait Ă  nous taire. A ne jamais montrer ce que nous pensions du IIIĂšme Reich et de cette guerre. Nous n'Ă©tions que des dĂ©tenus dans nos propres maisons, dans notre pays. Plus libres d'avoir une opinion. Parce que mĂȘme nos pensĂ©es pouvaient nous enchaĂźner. Ce soir, je l'avais oubliĂ©. Pourtant il ne m'arrĂȘta pas. Il ne me demanda pas de le suivre pour un petit interrogatoire. AprĂšs tout, il n'y avait que les rĂ©sistants pour tenir un discours si tranchĂ©, non? Il n'y avait qu'eux pour oser dire de telles choses devant un caporal de la Wehrmacht. Alors pourquoi me tendit-il simplement sa fourche? Puisque la mienne Ă©tait inutilisable... J'hĂ©sitai Ă  la prendre. Quand je le fis, il refusa de la lĂącher. Nous restĂąmes lĂ , une seconde. Nos mains se frĂŽlant sur le manche en bois et nos regards accrochĂ©s. - Je ne suis pas innocent c'est vrai, m'avoua-t-il. Je ne le serai jamais plus et je devrai vivre avec toutes mes fautes. J'ai tuĂ©, je tuerai sans doute encore. J'ai blessĂ© et je blesserai encore. J'ai menti et je mentirai encore. Non, c'est vrai, il n'y a plus rien d'innocent en moi. Mais je l'ai Ă©tĂ©. Au dĂ©but. Avant la guerre. Je l'Ă©tais vraiment, vous savez. Innocent. Sa voix n'Ă©tait qu'un murmure. - Pourquoi me dites-vous ça? - Pour que vous le sachiez. - Mais pourquoi? demandai-je encore. Il recula d'un pas. - Bonne soirĂ©e, monsieur Lambert, dit-il sans me rĂ©pondre. Il quitta les Ă©curies sans un bruit. Aussi discrĂštement qu'il Ă©tait arrivĂ©.
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Lily Haime (À l'ombre de nos secrets)
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Toutes ces fenĂȘtres dans le noir... C'est comme si la ville Ă©tait devenue une bibliothĂšque de livres Ă©crits dans une langue inconnue : et les maisons, des rayonnages de volumes devenus illisibles en l'absence de lumiĂšre. Mais il y a cette machine au grenier, qui fonctionne de nouveau. Une Ă©tincelle dans la nuit.
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Anthony Doerr (All the Light we Cannot See)
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Moi aussi peut-ĂȘtre, en rĂ©flĂ©chissant bien, j'aurais pu rechercher un emploi dans un de ces bureaux dont je lisais les pancartes Ă©clatantes du dehors... Mais Ă  la pensĂ©e d'avoir Ă  pĂ©nĂ©trer dans une de ces maisons je m'effarais et m'effondrais de timiditĂ©. Mon hĂŽtel me suffisait. Tombe gigantesque et odieusement animĂ©e.
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Voyage au bout de la nuit)
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Et s’il venait avec violence ? Et s’il venait et ne me lĂąchait plus, un chagrin venu pour rester, et me faisait ce qu’avait fait mon dĂ©sir d’Oliver ces nuits oĂč il me semblait qu’il manquait quelque chose de si essentiel Ă  ma vie que cela aurait aussi bien pu manquer Ă  mon corps, de sorte que le perdre alors, lui, serait comme de perdre un bras qu’on peut voir sur toutes les photos de soi dans la maison, mais sans lequel on ne pourra plus ĂȘtre vraiment soi-mĂȘme. On le perd, comme on a su qu’on le perdrait, et comme on s’y Ă©tait mĂȘme prĂ©paré ; mais on ne peut se rĂ©signer Ă  cette perte. Et espĂ©rer ne pas y penser, ne pas rĂȘver Ă  ce qu’on a perdu, est tout aussi amer.
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André Aciman (Call Me By Your Name (Call Me By Your Name, #1))
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J’aime beaucoup les cimetiĂšres, moi, ça me repose et me mĂ©lancolise j’en ai besoin. Et puis, il y a aussi de bons amis lĂ  dedans, de ceux qu’on ne va plus voir ; et j’y vais encore, moi, de temps en temps. Justement, dans ce cimetiĂšre Montmartre, j’ai une histoire de cƓur, une maĂźtresse qui m’avait beaucoup pincĂ©, trĂšs Ă©mu, une charmante petite femme dont le souvenir, en mĂȘme temps qu’il me peine Ă©normĂ©ment, me donne des regrets
 des regrets de toute nature. Et je vais rĂȘver sur sa tombe
 C’est fini pour elle. Et puis, j’aime aussi les cimetiĂšres, parce que ce sont des villes monstrueuses, prodigieusement habitĂ©es. Songez donc Ă  ce qu’il y a de morts dans ce petit espace, Ă  toutes les gĂ©nĂ©rations de Parisiens qui sont logĂ©s lĂ , pour toujours, troglodytes dĂ©finitifs enfermĂ©s dans leurs petits caveaux, dans leurs petits trous couverts d’une pierre ou marquĂ©s d’une croix, tandis que les vivants occupent tant de place et font tant de bruit, ces imbĂ©ciles. Me voici donc entrant dans le cimetiĂšre Montmartre, et tout Ă  coup imprĂ©gnĂ© de tristesse, d’une tristesse qui ne faisait pas trop, de mal, d’ailleurs, une de ces tristesses qui vous font penser, quand on se porte bien : « Ça n’est pas drĂŽle, cet endroit-lĂ , mais le moment n’en est pas encore venu pour moi
 » L’impression de l’automne, de cette humiditĂ© tiĂšde qui sent la mort des feuilles et le soleil affaibli, fatiguĂ©, anĂ©mique, aggravait en la poĂ©tisant la sensation de solitude et de fin dĂ©finitive flottant sur ce lieu, qui sent la mort des hommes.
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Guy de Maupassant (La Maison Tellier)
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contredisez sans cesse cet esprit de nouveautĂ© et de changement, jusque dans les petites choses; laissez pendre sur vos murs les tapisseries enfumĂ©es de vos aĂŻeux; chargez vos tables de leur pesante argenterie. Vous dites: ‘Mon pĂšre est mort dans cette maison, il faut que je la vende !’ AnathĂšme sur ce sophisme de l’insensibilitĂ© ! dites au contraire : ‘Il y est mort, je ne puis plus la vendre’.
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Joseph de Maistre
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L'amour, croyait-elle, devait arriver tout à coup, avec de grands éclats et des fulgurations, -- ouragan des cieux qui tombe sur la vie, la bouleverse, arrache les volontés comme des feuilles et emporte à l'abßme le coeur entier. Elle ne savait pas que, sur la terrasse des maisons, la pluie fait des lacs quand les gouttiÚres sont bouchées, et elle fût ainsi demeurée en sa sécurité, lorsqu'elle découvrit subitement une lézarde dans le mur.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Je suis heureuse et fiĂšre de moi, mĂȘme quand je fais les courses. Je sors si j’en ai envie, sinon je reste Ă  la maison pour lire, regarder un film ou bien cuisiner pour moi ou mes amis. Parfois, je mange Ă  table. D’autres fois, je m’assieds par terre, adossĂ©e au canapĂ©. J’ouvre une bouteille de vin mĂȘme quand je suis seule. Je n’ai pas besoin de nĂ©gocier. Je suis indĂ©pendante. Je suis prĂȘte Ă  me battre de toutes mes forces pour prĂ©server cette situation. Pour toujours. Pourtant, moi aussi, j’aurais quelquefois besoin qu’on m’enlace. Besoin de baisser la garde et de me perdre dans les bras d’un homme. De me sentir protĂ©gĂ©e. MĂȘme si je me dĂ©brouille trĂšs bien toute seule, parfois, j’aimerais feindre le contraire juste pour le plaisir que quelqu’un s’occupe de moi. Seulement, je ne veux pas rester avec un homme pour ça. Je ne veux pas devoir accepter des compromis et je n’arrive pas Ă  renoncer Ă  tout ce que j’ai.
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Fabio Volo (One More Day)
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autrefois, il y avait des galeries aux maisons. Et quelque-fois, les gens restaient assis, tard dans la nuit, bavardant s'ils en avaient envie, se balançant dans leurs fauteuils, silencieux s'ils n'éprouvaient pas le besoin de parler. parfois, ils restaient là, tranquillement, à réfléchir à ruminer. Mon oncle dit que les architectes ont supprimé les galeries pour des raisons d'esthétique. Mais mon oncle dit que c'est un prétexte, rien de plus; la véritable raison, cachée en dessous, c'est qu'on ne voulait pas voir des gens passer des heures assis à ne rien faire, à se balancer, à discuter; c'était une forme détestable de vie en commun. Les gens parlaient trop. Et ils avaient le temps de penser. Alors on a détruit les galeries. Et les jardins, aussi. Il ne reste presque plus de jardins...Et voyez les mobiliers. Plus de rocking-chairs. Ils sont trop confortables. Il faut obliger les gens à courir, à prendre de l'exercise.
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Ray Bradbury (Fahrenheit 451)
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« Écoute, Egor PĂ©trovitch, lui dit-il. Qu’est ce que tu fais de toi ? Tu te perds seulement avec ton dĂ©sespoir. Tu n’as ni patience ni courage. Maintenant, dans un accĂšs de tristesse, tu dis que tu n’as pas de talent. Ce n’est pas vrai. Tu as du talent ; je t’assure que tu en as. Je le vois rien qu’à la façon dont tu sens et comprends l’art. Je te le prouverai par toute ta vie. Tu m’as racontĂ© ta vie d’autrefois. À cette Ă©poque aussi le dĂ©sespoirte visitait sans que tu t’en rendisses compte. À cette Ă©poque aussi, ton premier maĂźtre, cet homme Ă©trange, dont tu m’as tant parlĂ©, a Ă©veillĂ© en toi, pour la premiĂšre fois, l’amour de l’art et a devinĂ© ton talent. Tu l’as senti alors aussi fortement que maintenant. Mais tu ne savais pas ce qui se passait en toi. Tu ne pouvais pas vivre dans la maison du propriĂ©taire, et tu ne savais toi-mĂȘme ce que tu dĂ©sirais. Ton maĂźtre est mort trop tĂŽt. Il t’a laissĂ© seulement avec des aspirations vagues et, surtout, il ne t’a pas expliquĂ© toimĂȘme. Tu sentais le besoin d’une autre route plus large, tu pressentais que d’autres buts t’étaient destinĂ©s, mais tu ne comprenais pas comment tout cela se ferait et, dans ton angoisse, tu as haĂŻ tout ce qui t’entourait alors. Tes six annĂ©es de misĂšre ne sont pas perdues. Tu as travaillĂ©, pensĂ©, tu as reconnu et toi-mĂȘme et tes forces ; tu comprends maintenant l’art et ta destination. Mon ami, il faut avoir de la patience et du courage. Un sort plus enviĂ© que le mien t’est rĂ©servĂ©. Tu es cent fois plus artiste que moi, mais que Dieu te donne mĂȘme la dixiĂšme partie de ma patience. Travaille, ne bois pas, comme te le disait ton bonpropriĂ©taire, et, principalement, commence par l’a, b, c. « Qu’est-ce qui te tourmente ? La pauvretĂ©, la misĂšre ? Mais la pauvretĂ© et la misĂšre forment l’artiste. Elles sont insĂ©parables des dĂ©buts. Maintenant personne n’a encore besoin de toi ; personne ne veut te connaĂźtre. Ainsi va le monde. Attends, ce sera autre chose quand on saura que tu as du talent. L’envie, la malignitĂ©, et surtout la bĂȘtise t’opprimeront plus fortement que la misĂšre. Le talent a besoin de sympathie ; il faut qu’on le comprenne. Et toi, tu verras quelles gens t’entoureront quand tu approcheras du but. Ils tĂącheront de regarder avec mĂ©pris ce qui s’est Ă©laborĂ© en toi au prix d’un pĂ©nible travail, des privations, des nuits sans sommeil. Tes futurs camarades ne t’encourageront pas, ne te consoleront pas. Ils ne t’indiqueront pas ce qui en toi est bon et vrai. Avec une joie maligne ils relĂšveront chacune de tes fautes. Ils te montreront prĂ©cisĂ©ment ce qu’il y a de mauvais en toi, ce en quoi tu te trompes, et d’un air calme et mĂ©prisant ils fĂȘteront joyeusement chacune de tes erreurs. Toi, tu esorgueilleux et souvent Ă  tort. Il t’arrivera d’offenser une nullitĂ© qui a de l’amour-propre, et alors malheur Ă  toi : tu seras seul et ils seront plusieurs. Ils te tueront Ă  coups d’épingles. Moi mĂȘme, je commence Ă  Ă©prouver tout cela. Prends donc des forces dĂšs maintenant. Tu n’es pas encore si pauvre. Tu peux encore vivre ; ne nĂ©glige pas les besognes grossiĂšres, fends du bois, comme je l’ai fait un soir chez de pauvres gens. Mais tu es impatient ; l’impatience est ta maladie. Tu n’as pas assez de simplicitĂ© ; tu ruses trop, tu rĂ©flĂ©chis trop, tu fais trop travailler ta tĂȘte. Tu es audacieux en paroles et lĂąche quand il faut prendra l’archet en main. Tu as beaucoup d’amour-propre et peu de hardiesse. Sois plus hardi, attends, apprends, et si tu ne comptes pas sur tes forces, alors va au hasard ; tu as de la chaleur, du sentiment, peut-ĂȘtre arriveras-tu au but. Sinon, va quand mĂȘme au hasard. En tout cas tu ne perdras rien, si le gain est trop grand. Vois-tu, aussi, le hasard pour nous est une grande chose. »
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Il y voyait la maison des mystĂšres, une suite de chambres au premier Ă©tage, plus luxueuses et confortables qu'aucune autre chambre, des rires dans les couloirs, des Ă©lans, une activitĂ© rayonnante, et des romances amoureuses qu'on n'enfouissait pas en secret dans des sachets de lavande, qui Ă©taient vivantes au contraire, respiraient au grand jour, dans l'Ă©clat des voitures neuves de cette annĂ©e-lĂ , et les soirĂ©e dansantes oĂč les fleurs semblaient ne jamais se faner.
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F. Scott Fitzgerald (The Great Gatsby)
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Attends. Laisse-moi dire adieu Ă  cette lĂ©gĂšretĂ© sans tache qui fut la mienne. Laisse-moi dire adieu Ă  ma jeunesse. Il y a des soirs, des soirs de Corinthe ou d'AthĂšnes, pleins de chants et d'odeurs qui ne m'appartiendront plus jamais. Des matins, pleins d'espoir aussi... Allons adieu! adieu! (Il vient vers Electre.) Viens, Electre, regarde notre ville. Elle est lĂ , rouge sous le soleil, bourdonnante d'hommes et de mouches, dans l'engourdissement tĂȘtu d'un aprĂšs-midi d'Ă©tĂ©; elle me repousse de tous ses murs, de tous ses toits, de toutes ses portes closes. Et pourtant elle est Ă  prendre, je le sens depuis ce matin. Et toi aussi, Electre, tu es Ă  prendre. Je vous prendrai. Je deviendrai hache et je fendrai en deux ces murailles obstinĂ©es, j'ouvrirai le ventre de ces maisons bigotes, elles exhaleront par leurs plaies bĂ©antes une odeur de mangeaille et d'encens; je deviendrai cognĂ©e et je m enfoncerai dans le cƓur de cette ville comme la cognĂ©e dans le cƓur d'un chĂȘne.
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Jean-Paul Sartre (The Flies (SparkNotes Literature Guide Series))
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J’avais toujours composĂ© avec la vie, j’avais toujours vu le beau cĂŽtĂ© des choses, rarement leur part d’ombre. Comme ces maisons situĂ©es au bord de l’eau, dont les façades sont Ă©clairĂ©es par le soleil. Depuis le bateau, on voit la couleur Ă©clatante des murs, des palissades blanches comme des miroirs et des jardins verdoyants. Il Ă©tait rare que je voie l’arriĂšre de ces bĂątisses, celui que l’on dĂ©couvre quand on passe par la route, l’ombre dans laquelle sont cachĂ©es les poubelles et la fosse septique.
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Valérie Perrin (Changer l'eau des fleurs)
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Parfois les pĂšres sont faibles, parfois ils agissent mal, parfois ils partent. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'ils ont le choix. Ils peuvent bouder dans leur coin et ne s'occuper de rien Ă  la maison. La mĂšre reste, car elle n'a pas d'autre choix. Elle soigne, elle Ă©coute, elle attend et souvent, elle est seule. Mais s'il y a une chose que je t'ai enseignĂ©e ma chĂ©rie, c'est qu'il faut ĂȘtre digne dans les souffrances. Car tu es le pilier de ton petit garçon et il a besoin de sentir que tu l'attends et le protĂšges
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Soleyne Joubert (La toile des femmes)
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Tout à coup une absurde image me vient. Celle des horloges en panne. De toutes les horloges en panne. Horloges des églises de village. Horloges des gares. Pendules de cheminée des maisons vides. Et, dans cette devanture d'horloger enfui, cet ossuaire de pendules mortes. La guerre...on ne remonte plus les pendules. On ne ramasse plus les betteraves. On ne répare plus les wagons. Et l'eau, qui était captée pour la soif ou pour le blanchissage des belles dentelles du dimanche des villageoises, se répand en mare devant l'église. et l'on meurt en été...
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Antoine de Saint-Exupéry
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- Maman, pourquoi les nuages vont dans un sens et nous dans l'autre ? Isaya sourit, caressa la joue de sa fille du bout des doigts. - Il y a deux rĂ©ponses Ă  ta question. Comme Ă  toutes les questions, tu le sais bien. Laquelle veux-tu entendre ? - Les deux. -Laquelle en premier alors ? La fillette plissa le nez. - Celle du savant. - Nous allons vers le nord parce que nous cherchons une terre oĂč nous Ă©tablir. Un endroit oĂč construire une belle maison, Ă©lever des coureurs et cultiver des racines de niam. C'est notre rĂȘve depuis des annĂ©es et nous avons quittĂ© Al-Far pour le vivre. - Je n’aime pas les galettes de niam... - Nous planterons aussi des fraises, promis. Les nuages, eux, n'ont pas le choix. Ils vont vers le sud parce que le vent les pousse et, comme ils sont trĂšs trĂšs lĂ©gers, il sont incapables de lui rĂ©sister. - Et la rĂ©ponse du poĂšte ? - Les hommes sont comme les nuages. Ils sont chassĂ©s en avant par un vent mystĂ©rieux et invisible face auquel ils sont impuissants. Ils croient maĂźtriser leur route et se moquent de la faiblesse des nuages, mais leur vent Ă  eux est mille fois plus fort que celui qui souffle lĂ -haut. La fillette croisa les bras et parut se dĂ©sintĂ©resser de la conversation afin d'observer un vol de canards au plumage chatoyant qui se posaient sur la riviĂšre proche. Indigo, Ă©meraude ou vert pĂąle, ils se bousculaient dans une cacophonie qui la fit rire aux Ă©clats. Lorsque les chariots eurent dĂ©passĂ© les volatiles, elle se tourna vers sa mĂšre. - Cette fois, je prĂ©fĂšre la rĂ©ponse du savant. -Pourquoi ? demande Isaya qui avait attendu sereinement la fin de ce qu'elle savait ĂȘtre une intense rĂ©flexion. - J'aime pas qu'on me pousse en cachette.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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J’allais ouvrir la bouche et aborder cette fille , quand quelqu’un me toucha l’épaule. Je me retournai, surpris, et j’aperçus un homme d’aspect ordinaire, ni jeune ni vieux, qui me regardait d’un air triste. — Je voudrais vous parler, dit-il. Je fis une grimace qu’il vit sans doute, car il ajouta : — « C’est important. » Je me levai et le suivis Ă  l’autre bout du bateau : — « Monsieur, reprit-il, quand l’hiver approche avec les froids, la pluie et la neige, votre mĂ©decin vous dit chaque jour : « Tenez-vous les pieds bien chauds, gardez-vous des refroidissements, des rhumes, des bronchites, des pleurĂ©sies. » Alors vous prenez mille prĂ©cautions, vous portez de la flanelle, des pardessus Ă©pais, des gros souliers, ce qui ne vous empĂȘche pas toujours de passer deux mois au lit. Mais quand revient le printemps avec ses feuilles et ses fleurs, ses brises chaudes et amollissantes, ses exhalaisons des champs qui vous apportent des troubles vagues, des attendrissements sans cause, il n’est personne qui vienne vous dire : « Monsieur, prenez garde Ă  l’amour ! Il est embusquĂ© partout ; il vous guette Ă  tous les coins ; toutes ses ruses sont tendues, toutes ses armes aiguisĂ©es, toutes ses perfidies prĂ©parĂ©es ! Prenez garde Ă  l’amour !
 Prenez garde Ă  l’amour ! Il est plus dangereux que le rhume, la bronchite et la pleurĂ©sie ! Il ne pardonne pas, et fait commettre Ă  tout le monde des bĂȘtises irrĂ©parables. » Oui, monsieur, je dis que, chaque annĂ©e, le gouvernement devrait faire mettre sur les murs de grandes affiches avec ces mots : « Retour du printemps. Citoyens français, prenez garde Ă  l’amour ; » de mĂȘme qu’on Ă©crit sur la porte des maisons : « Prenez garde Ă  la peinture ! » — Eh bien, puisque le gouvernement ne le fait pas, moi je le remplace, et je vous dis : « Prenez garde Ă  l’amour ; il est en train de vous pincer, et j’ai le devoir de vous prĂ©venir comme on prĂ©vient, en Russie, un passant dont le nez gĂšle. » Je demeurai stupĂ©fait devant cet Ă©trange particulier, et, prenant un air digne : — « Enfin, monsieur, vous me paraissez vous mĂȘler de ce qui ne vous regarde guĂšre. » Il fit un mouvement brusque, et rĂ©pondit : — « Oh ! monsieur ! monsieur ! si je m’aperçois qu’un homme va se noyer dans un endroit dangereux, il faut donc le laisser pĂ©rir ?
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Guy de Maupassant
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Je connais trop le monde, ma chÚre, pour vouloir me mettre à la discrétion d'un homme trop supérieur. Sachez qu'il faut se laisser faire la cour par eux, mais les épouser! c'est une faute. Nous autres femmes, nous devons admirer les hommes de génie, en jouir comme d'un spectacle, mais vivre avec eux! jamais. Fi donc! c'est vouloir prendre plaisir à regarder les machines de l'Opéra, au lieu de rester dans une loge, à y savourer ses brilliant illusions. Mais chez vous, ma pauvre enfant, le mal est arrivé, n'est-ce-pas? Eh bien! il faut essayer de vous armer contre la tyrannie.
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Honoré de Balzac (La Maison du Chat-qui-pelote : et autres scÚnes de la vie privée)
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Aoro carra les Ă©paules. - C'est pourtant simple. Il suffit que je vous regarde, madame, pour comprendre que vous ĂȘtes un ĂȘtre sensible que la brutalitĂ© des hommes effarouche. DĂ©licate, fragile, vous rĂȘvez d'un monde de douceur et de celui qui saura le bĂątir pour vous. Vous ĂȘtes rĂ©solument romantique et si l'inconnu et la solitude vous effraient, vous possĂ©dez sans nul doute de formidables qualitĂ©s pour tenir une maison et prĂ©parer de bons repas Ă  celui qui vous protĂ©gera. Ellana, figĂ©e par la stupĂ©faction, ne rĂ©agit que lorsque Jilano Ă©touffa un Ă©clat de rire dans un Ă©ternuement factice.
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Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
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Il me semble qu'ils confondent but et moyen ceux qui s'effraient par trop de nos progrĂšs techniques. Quiconque lutte dans l'unique espoir de biens matĂ©riels, en effet, ne rĂ©colte rien qui vaille de vivre. Mais la machine n'est pas un but. L'avion n'est pas un but : c'est un outil, un outil comme la charrue. Si nous croyons que la machine abĂźme l'homme c'est que, peut-ĂȘtre, nous manquons un peu de recul pour juger les effets de transformations aussi rapides que celles que nous avons subies. Que sont les cent annĂ©es de l'histoire de la machine en regard des deux cent mille annĂ©es de l'histoire de l'homme? C'est Ă  peine si nous nous installons dans ce paysage de mines et de centrales Ă©lectriques. C'est Ă  peine si nous commençons d'habiter cette maison nouvelle, que nous n'avons mĂȘme pas achevĂ© de bĂątir. Tout a changĂ© si vite autour de nous : rapports humains, conditions de travail, coutumes. Notre psychologie elle-mĂȘme a Ă©tĂ© bousculĂ©e dans ses bases les plus intimes. Les notions de sĂ©paration, d'absence, de distance, de retour, si les mots sont demeurĂ©s les mĂȘmes, ne contiennent plus les mĂȘmes rĂ©alitĂ©s. Pour saisir le monde aujourd'hui, nous usons d'un langage qui fut Ă©tabli pour le monde d'hier. Et la vie du passĂ© nous semble mieux rĂ©pondre Ă  notre nature, pour la seule raison qu'elle rĂ©pond mieux Ă  notre langage. Pour le colonial qui fonde un empire, le sens de la vie est de conquĂ©rir. Le soldat mĂ©prise le colon. Mais le but de cette conquĂȘte n'Ă©tait-il pas l'Ă©tablissement de ce colon? Ainsi dans l'exaltation de nos progrĂšs, nous avons fait servir les hommes Ă  l'Ă©tablissement des voies ferrĂ©es, Ă  l'Ă©rection des usines, au forage de puits de pĂ©trole. Nous avions un peu oubliĂ© que nous dressions ces constructions pour servir les hommes. (Terre des Hommes, ch. III)
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Antoine de Saint-Exupéry
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Ce n’est point la pauvretĂ© qui valait aux Ă©migrants ce lĂ©ger dĂ©dain du personnel. Ce n’est point d’argent qu’ils manquaient, mais de densitĂ©. Ils n’étaient plus l’homme de telle maison, de tel ami, de telle responsabilitĂ©. Ils jouaient le rĂŽle, mais ce n’était plus vrai. Personne n’avait besoin d’eux, personne ne s’apprĂȘtait Ă  faire appel Ă  eux. Quelle merveille que ce tĂ©lĂ©gramme qui vous bouscule, vous fait lever au milieu de la nuit, vous pousse vers la gare : « Accours ! J’ai besoin de toi ! » Nous nous dĂ©couvrons vite des amis qui nous aident. Nous mĂ©ritons lentement ceux qui exigent d’ĂȘtre aidĂ©s. Certes, mes revenants, personne ne les haĂŻssait, personne ne les jalousait, personne ne les importunait. Mais personne ne les aimait du seul amour qui comptĂąt. Je me disais : « ils seront pris, dĂšs l’arrivĂ©e, dans les cocktails de bienvenue, les dĂźners de consolation. » Mais qui Ă©branlera leur porte en exigeant d’ĂȘtre reçu : « Ouvre ! C’est moi ! » Il faut allaiter longtemps un enfant avant qu’il exige. Il faut longtemps cultiver un ami avant qu’il rĂ©clame son dĂ» d’amitiĂ©. Il faut s’ĂȘtre ruinĂ© durant des gĂ©nĂ©rations Ă  rĂ©parer le vieux chĂąteau qui croule, pour apprendre Ă  l’aimer.
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Antoine de Saint-Exupéry (Lettre à un otage)
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Alors, elle se livra Ă  des charitĂ©s excessives. Elle cousait des habits pour les pauvres ; elle envoyait du bois aux femmes en couches ; et Charles, un jour en rentrant, trouva dans la cuisine trois vauriens attablĂ©s qui mangeaient un potage. Elle fit revenir Ă  la maison sa petite fille, que son mari, durant sa maladie, avait renvoyĂ©e chez la nourrice. Elle voulut lui apprendre Ă  lire ; Berthe avait beau pleurer, elle ne s’irritait plus. C’était un parti pris de rĂ©signation, une indulgence universelle. Son langage, Ă  propos de tout, Ă©tait plein d’expressions idĂ©ales. Elle disait Ă  son enfant :
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Les Poets de Sept ans Et la MĂšre, fermant le livre du devoir, S'en allait satisfaite et trĂšs fiĂšre sans voir, Dans les yeux bleus et sous le front plein d'Ă©minences, L'Ăąme de son enfant livrĂ©e aux rĂ©pugnances. Tout le jour, il suait d'obĂ©issance ; trĂšs Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits Semblaient prouver en lui d'Ăącres hypocrisies. Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies, En passant il tirait la langue, les deux poings A l'aine, et dans ses yeux fermĂ©s voyait des points. Une porte s'ouvrait sur le soir : Ă  la lampe On le voyait, lĂ -haut, qui rĂąlait sur la rampe, Sous un golfe de jour pendant du toit. L'Ă©tĂ© Surtout, vaincu, stupide, il Ă©tait entĂȘtĂ© A se renfermer dans la fraĂźcheur des latrines: Il pensait lĂ , tranquille et livrant ses narines. Quand, lavĂ© des odeurs du jour, le jardinet DerriĂšre la maison, en hiver, s'illunait , Gisant au pied d'un mur, enterrĂ© dans la marne Et pour des visions Ă©crasant son oeil darne, Il Ă©coutait grouiller les galeux espaliers. PitiĂ© ! Ces enfants seuls Ă©taient ses familiers Qui, chĂ©tifs, fronts nus, oeil dĂ©teignant sur la joue, Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue Sous des habits puant la foire et tout vieillots, Conversaient avec la douceur des idiots ! Et si, l'ayant surpris Ă  des pitiĂ©s immondes, Sa mĂšre s'effrayait, les tendresses profondes, De l'enfant se jetaient sur cet Ă©tonnement. C'Ă©tait bon. Elle avait le bleu regard, - qui ment! A sept ans, il faisait des romans, sur la vie Du grand dĂ©sert oĂč luit la LibertĂ© ravie, ForĂȘts, soleils, rives, savanes ! - Il s'aidait De journaux illustrĂ©s oĂč, rouge, il regardait Des Espagnoles rire et des Italiennes. Quand venait, l'Oeil brun, folle, en robes d'indiennes, -Huit ans -la fille des ouvriers d'Ă  cĂŽtĂ©, La petite brutale, et qu'elle avait sautĂ©, Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses, Et qu'il Ă©tait sous elle, il lui mordait les fesses, Car elle ne portait jamais de pantalons; - Et, par elle meurtri des poings et des talons, Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre. Il craignait les blafards dimanches de dĂ©cembre, OĂč, pommadĂ©, sur un guĂ©ridon d'acajou, Il lisait une Bible Ă  la tranche vert-chou; Des rĂȘves l'oppressaient, chaque nuit, dans l'alcĂŽve. Il n'aimait pas Dieu; mais les hommes qu'au soir fauve, Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg OĂč les crieurs, en trois roulements de tambour, Font autour des Ă©dits rire et gronder les foules. - Il rĂȘvait la prairie amoureuse, oĂč des houles Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or, Font leur remuement calme et prennent leur essor ! Et comme il savourait surtout les sombres choses, Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes, Haute et bleue, Ăącrement prise d'humiditĂ©, Il lisait son roman sans cesse mĂ©ditĂ©, Plein de lourds ciels ocreux et de forĂȘts noyĂ©es, De fleurs de chair aux bois sidĂ©rals dĂ©ployĂ©es, Vertige, Ă©croulement, dĂ©routes et pitiĂ© ! - Tandis que se faisait la rumeur du quartier, En bas, - seul et couchĂ© sur des piĂšces de toile Écrue et pressentant violemment la voile!
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Arthur Rimbaud
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Tout Ă©tait possible aprĂšs tout, dans une soirĂ©e si peu protocolaire, n'importe quel imprĂ©vu romanesque, totalement Ă©tranger au monde oĂč elle vivait. Qu'y avait-il, dans le secret de cette valse, qui l'attirait ainsi vers l'intĂ©rieur de la maison? qu'allait)il arriver maintenant, au cours de ces heures indĂ©cises? Quelqu'un peut-ĂȘtre? Une invitĂ©e inattendue, une crĂ©ature irrĂ©elle, d'une essence si rare qu'elle ne pouvait qu'Ă©blouir, une jeune fille au rayonnement intact, qui d'un seul regard vers Gatsby, un regard neuf, en un bref instant d'affrontement magique, lui ferait oublier cinq ans d'absolue dĂ©votion.
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F. Scott Fitzgerald (The Great Gatsby)
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L'architecture arabe, la plus mathĂ©matique qui soit. Une maison arabe est mesurĂ©e au pas des jambes, Ă  la hauteur des Ă©paules. Les patios et chambrettes sont dimensionnĂ©es Ă  la calme mesure des pas, et les hauteurs du tout sont celles qu'estime une tĂȘte portĂ©e sur des Ă©paules : colonne Ă  la hauteur d'Ă©paule, et avec au dessus, passage de tĂȘte. Dans l'architecture arabe, on marche. Marcher lĂ  dedans est une fonction digne. La ville europĂ©enne peut tirer un enseignement dĂ©cisif, non qu'il s'agisse d'annoncer un glossaire d'ornements arabes, mais bien de discerner l'essence mĂȘme d'une architecture et d'un urbanisme.
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Le Corbusier
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Quand mon cerveau excite dans mon ame la sensation d'un arbre ou d'une maison, je prononce hardiment, qu'il existe rĂ©ellement hors de moi un arbre ou une maison, dont je connois mĂȘme le lieu, la grandeur ou d'autres propriĂ©tĂ©s. Ainsi ne trouve-t-on ni homme ni bĂȘte qui doutent de cette vĂ©ritĂ©. Si un paysan en vouloit douter ; s'il disoit, par exemple, qu'il ne croyait pas que son baillif existe, quoiqu'il fut devant lui, on le pretendroit pour un fou et cela avec raison : mais dĂšs qu'un philosophe avance de tels sentimens, il veut qu'on admire son esprit et ses lumiĂšres, qui surpassent infiniment celles du peuple.
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Leonhard Euler (Letters of Euler to a German princess, on different subjects in physics and philosophy. Translated from the French by Henry Hunter, D.D. With original ... terms. In two volumes. ... Volume 1 of 2)
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c’est la prison incarnĂ©e, c’est BicĂȘtre qui s’est fait homme. Tout est prison autour de moi ; je retrouve la prison sous toutes les formes, sous la forme humaine comme sous la forme de grille ou de verrou. Ce mur, c’est de la prison en pierre ; cette porte, c’est de la prison en bois ; ces guichetiers, c’est de la prison en chair et en os. La prison est une espĂšce d’ĂȘtre horrible, complet, indivisible, moitiĂ© maison, moitiĂ© homme. Je suis sa proie ; elle me couve, elle m’enlace de tous ses replis. Elle m’enferme dans ses murailles de granit, me cadenasse sous ses serrures de fer, et me surveille avec ses yeux de geĂŽlier.
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Victor Hugo (Le Dernier Jour D'un Condamné ; Claude Gueux)
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Pour ĂȘtre libre, il faut libĂ©rer nos esprits de la charge mentale, arrĂȘter de se dĂ©valoriser et surtout d'avoir peur. Peur d'Ă©chouer, de viser trop haut, de ne pas ĂȘtre Ă  la hauteur, de dire une bĂȘtise, de parler, de ne pas ĂȘtre habillĂ©e comme il faut. [...] Cette somme de peurs fait de nous des ĂȘtres privĂ©s. Nous n'appartenons pas encore Ă  la sphĂšre publique, nous relevons dans notre maniĂšre d'ĂȘtre-Ă -la-maison du privĂ©. Et nous sommes Ă©videmment privĂ©es de. Être un ĂȘtre privĂ©, c'est ĂȘtre privĂ© de la libertĂ© d'exister pleinement dans le monde, dans la sociĂ©tĂ©. C'est ĂȘtre privĂ© de parole publique. C'est se priver de pouvoir.
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Titiou Lecoq (Libérées !)
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Les gens que j'aime sont toujours loin de moi, et dans l'impossibilitĂ© de venir me trouver, alors que je peux Ă  tout instant remplir la maison d'hĂŽtes dont je ne me soucie pas le moins du monde. Peut-ĂȘtre, si je les voyais plus souvent, aimerais-je moins ces amis absents - du moins est-ce ce que je pense lorsque le vent hurle autour de la maison et que la nature paraĂźt submergĂ©e de chagrin. Il m'est d'ailleurs arrivĂ© quelquefois de souhaiter ne pas revoir de dix ans des amis pourtant trĂšs proches. Sans doute n'est-il pas d'amitiĂ© si forte qu'elle puisse rĂ©sister Ă  l'Ă©preuve du petit dĂ©jeuner auquel, Ă  la campagne, chacun se sent obligĂ© de paraĂźtre.
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Elizabeth von Arnim (Elizabeth and Her German Garden)
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Il faut regarder la souffrance en face. S'il Ă©tait Premier ministre, il obligerait les membres du gouvernement Ă  passer une semaine dans une base de rĂ©servistes de Gaza ou d'HĂ©bron, ou dans une maison d'arrĂȘt du NĂ©guev, ou Ă  sĂ©journer au moins deux jours dans le service psychiatrique d'un hĂŽpital perdu ou Ă  se tenir en embuscade une nuit entiĂšre, du coucher du soleil Ă  l'aube, dans la boue et la pluie, en hiver, dans le pĂ©rimĂštre de sĂ©curitĂ© Ă  la frontiĂšre libanaise. Ou encore Ă  vivre dans l'intimitĂ© d'Eytan et de Warhaftig, dans cet enfer de l'avortement noyĂ© sous les accords de piano et de violoncelle qui s'Ă©chappaient de l'Ă©tage supĂ©rieur. (p. 283)
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Amos Oz (Fima)
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Certes, si les sacristies humides oĂč les priĂšres se pĂšsent et se payent comme des Ă©pices, si les magasins des revendeuses oĂč flottent des guenilles qui flĂ©trissent toutes les illusions de la vie en nous montrant oĂč aboutissent nos fĂȘtes, si ces deux cloaques de la poĂ©sie n’existaient pas, une Ă©tude d’avouĂ© serait de toutes les boutiques sociales la plus horrible. Mais il en est ainsi de la maison de jeu, du tribunal, du bureau de loterie et du mauvais lieu. Pourquoi? Peut-ĂȘtre dans ces endroits le drame, en se jouant dans l’ñme de l’homme, lui rend-il les accessoires indiffĂ©rents, ce qui expliquerait aussi la simplicitĂ© du grand penseur et des grands ambitieux.
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Honoré de Balzac (Le Colonel Chabert)
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Mon pĂšre, AndrĂ© PĂ©trovitch Grineff, aprĂšs avoir servi dans sa jeunesse sous le comte Munich, avait quittĂ© l’état militaire en 17
 avec le grade de premier major. Depuis ce temps, il avait constamment habitĂ© sa terre du gouvernement de Simbirsk, oĂč il Ă©pousa Mlle Avdotia, 1ere fille d’un pauvre gentilhomme du voisinage. Des neuf enfants issus de cette union, je survĂ©cus seul ; tous mes frĂšres et sƓurs moururent en bas Ăąge. J’avais Ă©tĂ© inscrit comme sergent dans le rĂ©giment SĂ©mĂ©nofski par la faveur du major de la garde, le prince B
, notre proche parent. Je fus censĂ© ĂȘtre en congĂ© jusqu’à la fin de mon Ă©ducation. Alors on nous Ă©levait autrement qu’aujourd’hui. DĂšs l’ñge de cinq ans je fus confiĂ© au piqueur SavĂ©liitch, que sa sobriĂ©tĂ© avait rendu digne de devenir mon menin. GrĂące Ă  ses soins, vers l’ñge de douze ans je savais lire et Ă©crire, et pouvais apprĂ©cier avec certitude les qualitĂ©s d’un lĂ©vrier de chasse. À cette Ă©poque, pour achever de m’instruire, mon pĂšre prit Ă  gages un Français, M. BeauprĂ©, qu’on fit venir de Moscou avec la provision annuelle de vin et d’huile de Provence. Son arrivĂ©e dĂ©plut fort Ă  SavĂ©liitch. « Il semble, grĂące Ă  Dieu, murmurait-il, que l’enfant Ă©tait lavĂ©, peignĂ© et nourri. OĂč avait-on besoin de dĂ©penser de l’argent et de louer un moussiĂ©, comme s’il n’y avait pas assez de domestiques dans la maison ? »
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Alexander Pushkin (The Captain's Daughter)
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Cette sociĂ©tĂ©, que j'ai remarquĂ©e la premiĂšre dans ma vie, est aussi la premiĂšre qui ait disparu Ă  mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bĂ©nĂ©diction, le rendre peu Ă  peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand'mĂšre forcĂ©e de renoncer Ă  son quadrille, faute des partners accoutumĂ©s; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour oĂč mon aĂŻeule tomba la derniĂšre. Elle et sa sƓur s'Ă©taient promis de s'entre-appeler aussitĂŽt que l'une aurait devancĂ© l'autre; elles se tinrent parole, et madame de BedĂ©e ne survĂ©cut que peu de mois Ă  mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-ĂȘtre le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existĂ©. Vingt fois, depuis cette Ă©poque, j'ai fait la mĂȘme observation; vingt fois des sociĂ©tĂ©s se sont formĂ©es et dissoutes autour de moi. Cette impossibilitĂ© de durĂ©e et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'Ă©tend de lĂ  sur notre maison, me ramĂšnent sans cesse Ă  la nĂ©cessitĂ© de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fiĂšvre de la mort. Ah! qu'elle ne nous soit pas trop chĂšre! car comment abandonner sans dĂ©sespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir Ă©ternellement sur son cƓur?
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François-René de Chateaubriand (Mémoires d'Outre-Tombe)
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Soudain, il me sembla que le ciel descendait. De la terre, surgit comme une fontaine d’énergie dorĂ©e. Cette chaude Ă©nergie m’encercla, et mon corps et mon esprit devinrent trĂšs lĂ©gers et trĂšs clairs. Je pouvais mĂȘme comprendre le chant des petits oiseaux autour de moi. A cet instant, je pouvais comprendre que le travail de toute ma vie dans le Budo Ă©tait rĂ©ellement fondĂ© sur l’amour divin et sur les lois de la crĂ©ation. Je ne pus retenir mes larmes, et pleurai sans retenue. Depuis ce jour, j’ai su que cette grande Terre elle-mĂȘme Ă©tait ma maison et mon foyer. Le soleil, la lune et les Ă©toiles m’appartiennent. Depuis ce jour, je n’ai plus jamais ressenti aucun attachement envers la propriĂ©tĂ© et les possessions.
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Morihei Ueshiba
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un soir de guerre et ceux qui regardent parmi nous bouche bĂ©e voient la beautĂ© devenir effroyable coucher de soleil, souffle de nuages gris aux stries rouges nous observons une maison qui brĂ»le tout l'aprĂšs-midi, toute la nuit toutes les nuits nous regardons un autre feu qui brĂ»le Mardi Butler house Mercredi radio grenade libre Jeudi poste de police [...] Ă  chaque bruit nouveau de la guerre dans la froide lumiĂšre de cinq heures du matin il manque quelque chose quelques parties du corps quelques lieux de ce monde une Ăźle, un endroit auquel penser Je marche sur un rocher d'un rivage de la Barbade cherchant oĂč Ă©tait grenade Ă  prĂ©sent le vol d un bombardier amĂ©ricain laisse une trace de viol dans la chambre de chaque rĂ©veil que devons nous faire aujourd'hui prĂȘt Ă  combattre couchĂ©s dans le couloir Ă  les attendre la peur nous tient Ă©veillĂ©s et nous fait rĂȘver de sommeil
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Dionne Brand
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Nous avons donc rejoint la communautĂ© des nomades qui se dĂ©placent sur les routes pendant le temps des FĂȘtes pour « aller en visite » dans la parentĂ©. Comme tous ces nomades au long cours, afin de parcourir les 380 kilomĂštres qui sĂ©parent Huberdeau de QuĂ©bec, il nous a fallu franchir des montagnes de misĂšre, une tempĂȘte de neige de 45 centimĂštres, des autoroutes fermĂ©es, des bouchons pĂ©riurbains, des carambolages, de la poudrerie latĂ©rale, une visibilitĂ© nulle sur chaussĂ©e enneigĂ©e, le vent glacial, la routine, quoi
 FatiguĂ©s de la longue route oĂč le temps hivernal avait si bien sĂ©vi, nous devions maintenant sortir les bagages et les cadeaux empilĂ©s dans la voiture comme le matĂ©riel hĂ©tĂ©roclite accumulĂ© dans les charriots des pionniers au temps de la piste de l’Oregon : voilĂ  que nous installions nos pĂ©nates pour quelques jours dans une maison qui n’était pas la nĂŽtre.
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Serge Bouchard (Les Yeux tristes de mon camion (French Edition))
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Tant qu’on va et vient dans le pays natal, on s’imagine que ces rues vous sont indiffĂ©rentes, que ces fenĂȘtres, ces toits et ces portes ne vous sont de rien, que ces murs vous sont Ă©trangers, que ces arbres sont les premiers arbres venus, que ces maisons oĂč l’on n’entre pas vous sont inutiles, que ces pavĂ©s oĂč l’on marche sont des pierres. Plus tard, quand on n’y est plus, on s’aperçoit que ces rues vous sont chĂšres, que ces toits, ces fenĂȘtres et ces portes vous manquent, que ces murailles vous sont nĂ©cessaires, que ces arbres sont vos bien-aimĂ©s, que ces maisons oĂč l’on n’entrait pas on y entrait tous les jours, et qu’on a laissĂ© de ses entrailles, de son sang et de son cƓur dans ces pavĂ©s. Tous ces lieux qu’on ne voit plus, qu’on ne reverra jamais peut-ĂȘtre, et dont on a gardĂ© l’image, prennent un charme douloureux, vous reviennent avec la mĂ©lancolie d’une apparition (...)
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Victor Hugo (Fantine (Les Misérables, #1))
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VoilĂ  bien la famille : mĂȘme celui qui n'a pas sa place dans le monde, qui n'est ni cĂ©lĂšbre ni riche, Ă  qui il n'est venu ni enfants ni idĂ©es, et dont le public ne lira le nom que dans sa notice nĂ©crologique, celui-lĂ , en famille, a pourtant sa place attitrĂ©e. En famille, on est quelqu'un. Vous n'imaginez pas comme Caroline imite bien Chaplin, ni comme Rudi est irritable. Et quel sens de l'humour, dans toute la famille ! Ce qui, partout ailleurs, n'aurait rien d'humoristique dĂ©clenche ici des rires retentissants, on ne saurait dire pourquoi ; c'est drĂŽle, voilĂ  tout, n'est-ce pas l'essentiel en matiĂšre d'humour ? Et puis, tous ceux qui ne sont pas de la famille sont bien plus ridicules qu'ils ne s'en doutent. Dieu les a vouĂ©s Ă  la caricature ; si vous ĂȘtes seul au monde, sans attaches, vous pouvez ĂȘtre sĂ»r d'ĂȘtre le summum du ridicule pour les diverses familles qui vous observent. Il est vrai que ces qualitĂ©s, comme tout, peuvent ĂȘtre vues sous leur angle nĂ©gatif : la famille a l'esprit plus petit qu'une petite ville. Plus elle est chaleureuse, plus elle se montre dure pour tout ce qui n'est est pas elle, et elle est toujours plus cruelle qu'un ĂȘtre confrontĂ© seul Ă  la souffrance du monde. En cantonnant la gloire dans son cercle restreint, oĂč elle est faceil Ă  atteindre (« gloire de la famille »), elle endort l'ambition. Et parce que tous les Ă©vĂ©nements familiaux suscitent une tristesse plus profonde ou une joie plus Ă©clatante qu'ils ne le mĂ©ritent rĂ©ellement, parce qu'en famille ce qui n'a rien d'humoristique devient de l'humour, et des peines insignifiantes Ă  l'Ă©chelle collective, un malheur personnel, elle est le berceau de toute l'ineptie qui imprĂšgne notre vie publique. Il y aurait encore long Ă  en dire et on l'a dit parfois, mais jamais en des jours comme celui-ci.
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Robert Musil (La maison enchantée)
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Depuis quelques instants, j'ai l'impression d'avoir dĂ©jĂ  vĂ©cu tout cela, d'avoir Ă©crit cela mot pour mot, mais je comprends Ă  prĂ©sent que ce n'est pas moi, que c'est une autre femme qui prit jadis des notes dans ses cahiers pour me permettre d'y puiser. J'Ă©cris, elle Ă©crivit que la mĂ©moire est fragile et que le cours d'une vie est on ne peut plus bref et que tout se passe si vite que nous ne parvenons pas Ă  saisir les relations entre les Ă©vĂ©nements, nous sommes impuissants Ă  mesurer les consĂ©quences de chaque acte, nous ajoutons foi Ă  la fiction du temps, au prĂ©sent, au passĂ© comme Ă  l'avenir, alors que peut-ĂȘtre tout arrive aussi bien simultanĂ©ment, comme le disaient les trois sƓurs Mora, capables d'entrevoir dans l'espace les esprits de toutes les Ă©poques. VoilĂ  pourquoi ma grand-mĂšre Clara remplissait ses cahiers : pour voir les choses sous leur vraie dimension et dĂ©jouer les piĂšges de la mĂ©moire.
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Isabel Allende (The House of the Spirits)
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Les habitants, dans leurs chambres assombries, avaient l’affolement que donnent les cataclysmes, les grands bouleversements meurtriers de la terre, contre lesquels toute sagesse et toute force sont inutiles. Car la mĂȘme sensation reparaĂźt chaque fois que l’ordre Ă©tabli des choses est renversĂ©, que la sĂ©curitĂ© n’existe plus, que tout ce que protĂ©geaient les lois des hommes ou celles de la nature se trouve Ă  la merci d’une brutalitĂ© inconsciente et fĂ©roce. Le tremblement de terre Ă©crasant sous les maisons croulantes un peuple entier ; le fleuve dĂ©bordĂ© qui roule les paysans noyĂ©s avec les cadavres des bƓufs et les poutres arrachĂ©es aux toits, ou l’armĂ©e glorieuse massacrant ceux qui se dĂ©fendent, emmenant les autres prisonniers, pillant au nom du Sabre et remerciant un Dieu au son du canon, sont autant de flĂ©aux effrayants qui dĂ©concertent toute croyance Ă  la Justice Éternelle, toute la confiance qu’on nous enseigne en la protection du Ciel et en la raison de l’Homme.
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Guy de Maupassant (ƒuvres complùtes)
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Les scribes anciens apprirent non seulement Ă  lire et Ă  Ă©crire, mais aussi Ă  utiliser des catalogues, des dictionnaires, des calendriers, des formulaires et des tableaux. Ils Ă©tudiĂšrent et assimilĂšrent des techniques de catalogage, de rĂ©cupĂ©ration et de traitement de l’information trĂšs diffĂ©rentes de celles du cerveau. Dans le cerveau, les donnĂ©es sont associĂ©es librement. Quand, avec mon Ă©pouse, je vais signer une hypothĂšque pour notre nouvelle maison, je me souviens du premier endroit oĂč nous avons vĂ©cu ensemble, ce qui me rappelle notre lune de miel Ă  la Nouvelle-OrlĂ©ans, qui me rappelle les alligators, qui me font penser aux dragons, qui me rappelle L’Anneau des Nibelungen
 Et soudain, sans mĂȘme m’en rendre compte, je fredonne le leitmotiv de Siegfried devant l’employĂ© de banque interloquĂ©. Dans la bureaucratie, on se doit de sĂ©parer les choses. Un tiroir pour les hypothĂšques de la maison, un autre pour les certificats de mariage, un troisiĂšme pour les impĂŽts et un quatriĂšme pour les procĂšs. Comment retrouver quoi que ce soit autrement ? Ce qui entre dans plus d’un tiroir, comme les drames wagnĂ©riens (dois-je les ranger dans la rubrique « musique » ou « thĂ©Ăątre », voire inventer carrĂ©ment une nouvelle catĂ©gorie ?), est un terrible casse-tĂȘte. On n’en a donc jamais fini d’ajouter, de supprimer et de rĂ©organiser des tiroirs. Pour que ça marche, les gens qui gĂšrent ce systĂšme de tiroirs doivent ĂȘtre reprogrammĂ©s afin qu’ils cessent de penser en humains et se mettent Ă  penser en employĂ©s de bureau et en comptables. Depuis les temps les plus anciens jusqu’à aujourd’hui, tout le monde le sait : les employĂ©s de bureau et les comptables ne pensent pas en ĂȘtres humains. Ils pensent comme on remplit des dossiers. Ce n’est pas leur faute. S’ils ne pensent pas comme ça, leurs tiroirs seront tout mĂ©langĂ©s, et ils seront incapables de rendre les services que leur administration, leur sociĂ©tĂ© ou leur organisation demande. Tel est prĂ©cisĂ©ment l’impact le plus important de l’écriture sur l’histoire humaine : elle a progressivement changĂ© la façon dont les hommes pensent et voient le monde. Libre association et pensĂ©e holiste ont laissĂ© la place au compartimentage et Ă  la bureaucratie.
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Yuval Noah Harari (Sapiens : Une brÚve histoire de l'humanité)
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Tant qu'on va et vient dans la pays natal, on s'imagine que ces rues vous sont indiffĂ©rentes, que ces fenĂȘtres, ces toits et ces portes ne vous sont de rien, que ces murs vous sont Ă©trangers, que ces arbres sont les premiers arbres venue, que ces maisons oĂč l'on n'entre pas vous sont inutiles, que ces pavĂ©s oĂč l'on marche sont des pierres. Plus tard, quand on n'y est plus, on s'aperçoit que ces rues vous sont chĂšres, que ces toits, ces fenĂȘtres et ces portes vous manquent, que ces murailles vous sont nĂ©cessaires, que ces arbres sont vos bien-aimĂ©es, que ces maisons oĂč l'on n'entrait pas on y entrait tous les jours, qu'on a laissĂ© de ses entrailles, de son sang et de son coeur dans ces pavĂ©s. Tous ces lieux qu'on ne voit plus, qu'on ne reverra jamais peut-ĂȘtre, et dont on a gardĂ© l'image, prennent un charme douloureux, vous reviennent avec la mĂ©lancolie d'une apparition, vous font la terre sainte visible, et sont, pour ainsi dire, la forme mĂȘme de la France et on les aime et on les Ă©voque tels qu'ils sont, tels qu'ils Ă©taient, et l'on s'y obstine, et l'on n'y veut rien changer, car on tient Ă  la figure de la patrie comme au visage de sa mĂšre.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Tout paysage nous sort du temps. La nature nous fait le plus souvent dĂ©serter la temporalitĂ©. Chaque fois que nous nous abandonnons Ă  ce rĂȘve de la matiĂšre qu’est la nature, nous Ă©prouvons une Ă©trange sensation—tourment et charme indĂ©finissables Ă  la fois—, Ă  savoir que rien n’a jamais Ă©tĂ©. Un jour de grand soleil, regardez un arbre dans l’air immobile, avec ses feuilles ressemblant aux broderies d’un cƓur printanier. Vous comprendrez alors que tous les problĂšmes s’effacent devant la croissance indiffĂ©rente de la nature, devant son inconscience en dehors de laquelle tout est douleur, malĂ©diction, esprit. Ou bien, si vous avez la chance ou la malchance de voir tous les jours un sapin qui se dresse devant votre maison comme une dĂ©nĂ©gation ou une dĂ©monstration de la vie contre elle-mĂȘme, l’inutilitĂ© de l’effort vous sautera aux yeux et vous souhaiterez tomber sous la coupe de la vie innommĂ©e de la nature. Qui n’a jamais enviĂ© les plantes ignore ce que signifie la terreur de la conscience. Lorsqu’on l’a en horreur, on a un faible pour la nature. Lorsqu’on n’est plus attirĂ© par l’esprit, on aime le silence de la plante : pas de questions ni de rĂ©ponses.
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Emil M. Cioran (Solitude et destin)
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C’est alors qu’Anne apparut ; elle venait du bois. Elle courait, mal d’ailleurs, maladroitement, les coudes au corps. J’eus l’impression subite, indĂ©cente, que c’était une vieille dame qui courait, qu’elle allait tomber. Je restai sidĂ©rĂ©e : elle disparut derriĂšre la maison, vers le garage. Alors, je compris brusquement et me mis Ă  courir, moi aussi, pour la rattraper. Elle Ă©tait dĂ©jĂ  dans sa voiture, elle mettait le contact. J’arrivai en courant et m’abattis sur la portiĂšre. « Anne, dis-je, Anne, ne partez pas, c’est une erreur, c’est ma faute, je vous expliquerai... » Elle ne m’écoutait pas, ne me regardait pas, se penchait pour desserrer le frein : « Anne, nous avons besoin de vous ! » Elle se redressa alors, dĂ©composĂ©e. Elle pleurait. Alors je compris brusquement que je m’étais attaquĂ©e Ă  un ĂȘtre vivant et sensible et non pas Ă  une entitĂ©. Elle avait dĂ» ĂȘtre une petite fille, un peu secrĂšte, puis une adolescente, puis une femme. Elle avait quarante ans, elle Ă©tait seule, elle aimait un homme et elle avait espĂ©rĂ© ĂȘtre heureuse avec lui dix ans, vingt ans peut-ĂȘtre. Et moi... ce visage, ce visage, c’était mon Ɠuvre. J’étais pĂ©trifiĂ©e, je tremblais de tout mon corps contre la portiĂšre.
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Françoise Sagan (Bonjour tristesse)
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« Norbert de Varenne parlait d’une voix claire, mais retenue, qui aurait sonnĂ© dans le silence de la nuit s’il l’avait laissĂ©e s’échapper. Il semblait surexcitĂ© et triste, d’une de ces tristesses qui tombent parfois sur les Ăąmes et les rendent vibrantes comme la terre sous la gelĂ©e. Il reprit : « Qu’importe, d’ailleurs, un peu plus ou un peu moins de gĂ©nie, puisque tout doit finir ! » Et il se tut. Duroy, qui se sentait le cƓur gai, ce soir-lĂ , dit, en souriant : « Vous avez du noir, aujourd’hui, cher maĂźtre. » Le poĂšte rĂ©pondit. « J’en ai toujours, mon enfant, et vous en aurez autant que moi dans quelques annĂ©es. La vie est une cĂŽte. Tant qu’on monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux ; mais, lorsqu’on arrive en haut, on aperçoit tout d’un coup la descente, et la fin qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. À votre Ăąge, on est joyeux. On espĂšre tant de choses, qui n’arrivent jamais d’ailleurs. Au mien, on n’attend plus rien... que la mort. » Duroy se mit Ă  rire : « Bigre, vous me donnez froid dans le dos. » Norbert de Varenne reprit : « Non, vous ne me comprenez pas aujourd’hui, mais vous vous rappellerez plus tard ce que je vous dis en ce moment. » « Il arrive un jour, voyez- vous, et il arrive de bonne heure pour beaucoup, oĂč c’est fini de rire, comme on dit, parce que derriĂšre tout ce qu’on regarde, c’est la mort qu’on aperçoit. » « Oh ! vous ne comprenez mĂȘme pas ce mot-lĂ , vous, la mort. À votre Ăąge, ça ne signifie rien. Au mien, il est terrible. » « Oui, on le comprend tout d’un coup, on ne sait pas pourquoi ni Ă  propos de quoi, et alors tout change d’aspect, dans la vie. Moi, depuis quinze ans, je la sens qui me travaille comme si je portais en moi une bĂȘte rongeuse. Je l’ai sentie peu Ă  peu, mois par mois, heure par heure, me dĂ©grader ainsi qu’une maison qui s’écroule. Elle m’a dĂ©figurĂ© si complĂštement que je ne me reconnais pas. Je n’ai plus rien de moi, de moi l’homme radieux, frais et fort que j’étais Ă  trente ans. Je l’ai vue teindre en blanc mes cheveux noirs, et avec quelle lenteur savante et mĂ©chante ! Elle m’a pris ma peau ferme, mes muscles, mes dents, tout mon corps de jadis, ne me laissant qu’une Ăąme dĂ©sespĂ©rĂ©e qu’elle enlĂšvera bientĂŽt aussi. » « Oui, elle m’a Ă©miettĂ©, la gueuse, elle a accompli doucement et terriblement la longue destruction de mon ĂȘtre, seconde par seconde. Et maintenant je me sens mourir en tout ce que je fais. Chaque pas m’approche d’elle, chaque mouvement, chaque souffle hĂąte son odieuse besogne. Respirer, dormir, boire, manger, travailler, rĂȘver, tout ce que nous faisons, c’est mourir. Vivre enfin, c’est mourir ! » » (de « Bel-Ami » par Guy de Maupassant)
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Guy de Maupassant
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Cette sociĂ©tĂ©, que j'ai remarquĂ©e la premiĂšre dans ma vie, est aussi la premiĂšre qui ait disparu Ă  mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bĂ©nĂ©diction, le rendre peu Ă  peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand'mĂšre forcĂ©e de renoncer Ă  son quadrille, faute des partners accoutumĂ©s; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour oĂč mon aĂŻeule tomba la derniĂšre. Elle et sa sƓur s'Ă©taient promis de s'entre-appeler aussitĂŽt que l'une aurait devancĂ© l'autre; elles se tinrent parole, et madame de BedĂ©e ne survĂ©cut que peu de mois Ă  mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-ĂȘtre le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existĂ©. Vingt fois, depuis cette Ă©poque, j'ai fait la mĂȘme observation; vingt fois des sociĂ©tĂ©s se sont formĂ©es et dissoutes autour de moi. Cette impossibilitĂ© de durĂ©e et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'Ă©tend de lĂ  sur notre maison, me ramĂšnent sans cesse Ă  la nĂ©cessitĂ© de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fiĂšvre de la mort. Ah! qu'elle ne nous soit pas trop chĂšre! car comment abandonner sans dĂ©sespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir Ă©ternellement sur son cƓur? 
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François-René de Chateaubriand (Memoires D'Outre Tombe Lu Par Daniel Mesguich)
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(...) Celui qui ignore que la maison brĂ»le, n'a aucune raison d'appeler au secours; de mĂȘme, l'homme qui ne sait pas qu'il est en train de se noyer ne saisira pas la corde salvatrice; mais savoir que nous pĂ©rissons, c'est soit dĂ©sespĂ©rer, soit prier. Savoir rĂ©ellement que nous ne sommes rien, parce que le monde entier n'est rien, c'est se souvenir de « Ce qui est », et se libĂ©rer par ce souvenir. Quand un homme est victime d'un cauchemar et qu'il se met alors, en plein rĂȘve, Ă  appeler Dieu au secours, il se rĂ©veille infailliblement, et cela dĂ©montre deux choses : premiĂšrement, que l'intelligence consciente de l'Absolu subsiste dans le sommeil comme une personnalitĂ© distincte, - notre esprit reste donc en dehors de nos Ă©tats d'illusion, et deuxiĂšmement, que l'homme, quand il appelle Dieu, finira par se rĂ©veiller aussi de ce grand rĂȘve qu'est la vie, le monde, l'ego. S'il est un appel qui peut briser le mur du rĂȘve, pourquoi ne briserait-il pas aussi le mur de ce rĂȘve plus vaste et plus tenace qu'est l'existence ? Il n'y a, dans cet appel, aucun Ă©goĂŻsme, du moment que l'oraison pure est la forme la plus intime et la plus prĂ©cieuse du don de soi.(2) (2) « L'Heure suprĂȘme ne viendra qu'alors qu'il n'y aura plus personne sur terre qui dise : Allah! Allah! » (hadith). - C'est en effet la saintetĂ© et la sagesse - et avec elles l'oraison universelle et quintessencielle - qui soutiennent le monde.
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Frithjof Schuon (Understanding Islam)
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J'ai de sĂ©rieuses raisons de croire que la planĂšte d'oĂč venait le petit prince est l'astĂ©roĂŻde B 612. Cet astĂ©roĂŻde n'a Ă©tĂ© aperçu qu'une fois au tĂ©lescope, en 1909, par un astronome turc. Il avait fait alors une grande dĂ©monstration de sa dĂ©couverte Ă  un CongrĂšs International d'Astronomie. Mais personne ne l'avait cru Ă  cause de son costume. Les grandes personnes sont comme ça. Heureusement pour la rĂ©putation de l'astĂ©roĂŻde B 612 un dictateur turc imposa Ă  son peuple, sous peine de mort, de s'habiller Ă  l'EuropĂ©enne. L'astronome refit sa dĂ©monstration en 1920, dans un habit trĂšs Ă©lĂ©gant. Et cette fois-ci tout le monde fut de son avis. Si je vous ai racontĂ© ces dĂ©tails sur l'astĂ©roĂŻde B 612 et si je vous ai confiĂ© son numĂ©ro, c'est Ă  cause des grandes personnes. Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel. Elles ne vous disent jamais: 'Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu'il prĂ©fĂšre ? Est-ce qu'il collectionne les papillons ?' Elles vous demandent: 'Quel Ăąge a-t-il ? Combien a-t-il de frĂšres ? Combien pĂšse-t-il ? Combien gagne son pĂšre ?' Alors seulement elles croient le connaĂźtre. Si vous dites aux grandes personnes: 'J'ai vu une belle maison en briques roses, avec des gĂ©raniums aux fenĂȘtres et des colombes sur le toit...' elles ne parviennent pas Ă  s'imaginer cette maison. Il faut leur dire: 'J'ai vu une maison de cent mille francs.' Alors elles s'Ă©crient: 'Comme c'est joli !
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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Un jour vint se loger, dans une des maisons qui sont sur la place, un homme de talent qui avait roulĂ© dans des abĂźmes de misĂšre ; mariĂ©, surcroĂźt de malheur qui ne nous afflige encore ni l’un ni l’autre, Ă  une femme qu’il aimait ; pauvre ou riche, comme vous voudrez, de deux enfants ; criblĂ© de dettes, mais confiant dans sa plume. Il prĂ©sente Ă  l’OdĂ©on une comĂ©die en cinq actes, elle est reçue, elle obtient un tour de faveur, les comĂ©diens la rĂ©pĂštent, et le directeur active les rĂ©pĂ©titions. Ces cinq bonheurs constituent cinq drames encore plus difficiles Ă  rĂ©aliser que cinq actes Ă  Ă©crire. Le pauvre auteur, logĂ© dans un grenier que vous pouvez voir d’ici, Ă©puise ses derniĂšres ressources pour vivre pendant la mise en scĂšne de sa piĂšce, sa femme met ses vĂȘtements au Mont-de-PiĂ©tĂ©, la famille ne mange que du pain. Le jour de la derniĂšre rĂ©pĂ©tition, la veille de la reprĂ©sentation, le mĂ©nage devait cinquante francs dans le quartier, au boulanger, Ă  la laitiĂšre, au portier. Le poĂšte avait conservĂ© le strict nĂ©cessaire : un habit, une chemise, un pantalon, un gilet et des bottes. SĂ»r du succĂšs, il vient embrasser sa femme, il lui annonce la fin de leurs infortunes. « Enfin il n’y a plus rien contre nous ! » s’écrie-t- il. « Il y a le feu, dit la femme, regarde, l’OdĂ©on brĂ»le. » Monsieur, l’OdĂ©on brĂ»lait. Ne vous plaignez donc pas. Vous avez des vĂȘtements, vous n’avez ni femme ni enfants, vous avez pour cent vingt francs de hasard dans votre poche, et vous ne devez rien Ă  personne. La piĂšce a eu cent cinquante reprĂ©sentations au thĂ©Ăątre Louvois. Le roi a fait une pension Ă  l’auteur. Buffon l’a dit, le gĂ©nie, c’est la patience. La patience est en effet ce qui, chez l’homme, ressemble le plus au procĂ©dĂ© que la nature emploie dans ses crĂ©ations.
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Honoré de Balzac (Illusions perdues; Tome 3 (French Edition))
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J'ai appris des autochtones amĂ©ricains que nous prouvons seulement notre appartenance Ă  l'endroit oĂč nous vivons sur terre en utilisant notre maison avec soin, sans la dĂ©truire. J'ai appris qu'on ne peut pas se sentir chez soi dans son corps, qui est la maison la plus authentique de chacun, quand on souhaite ĂȘtre ailleurs, et qu'il faut trouver par soi-mĂȘme le lieu oĂč l'on est dĂ©jĂ  dans le monde naturel environnant. J'ai appris que dans mon travail de poĂšte et de romancier il n'existe pas pour moi de chemin tracĂ© Ă  l'avance, et que j'Ă©cris le mieux en puisant dans mon expĂ©rience d'adolescent imitant les autochtones et partant vers une contrĂ©e oĂč il n'y a pas de chemin. J'ai appris que je ne peux pas croire vraiment Ă  une religion en niant la science pure ou les conclusions de mes propres observations du monde naturel. J'ai appris que regarder un pluvier des hautes terres ou une grue des ables est plus intĂ©resant que de lire la meilleure critique Ă  laquelle j'ai jamais eu droit. J'ai appris que je peux seulement conserver mon sens du caractĂšre sacrĂ© de l'existence en reconnaissant mes propres limites et en renonçant Ă  toute vanitĂ©. J'ai appris qu'on ne peut pas comprendre une autre culture tant qu'on tient Ă  dĂ©fendre la sienne coĂ»te que coĂ»te. Comme disaient les Sioux, "courage, seule la Terre est Ă©ternelle". Peu parmi les cent millions d'autres espĂšces sont douĂ©es de parole, si bien que nous devons parler et agir pour les dĂ©fendre. Que nous ayons trahi nos autochtones devrait nous pousser de l'avant, tant pour eux que pour la terre que nous partageons. Si nous ne parvenons pas Ă  comprendre que la rĂ©alitĂ© de la vie est un agrĂ©gat des perceptions et de la nature de toutes les espĂšces, nous sommes condamnĂ©s, ainsi que la terre que dĂ©jĂ  nous assassinons.
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Jim Harrison (Off to the Side: A Memoir)
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26 octobre. Oui, mon cher Wilhelm, je me persuade chaque jour davantage que l’existence d’une crĂ©ature est peu de chose, bien peu de chose. Une amie de Charlotte Ă©tait venue la voir, et je passai dans la chambre voisine pour prendre un livre, et je ne pouvais lire : alors je pris une plume pour essayer d’écrire. Je les entendais causer doucement : elles se racontaient l’une Ă  l’autre des choses indiffĂ©rentes, des nouvelles de la ville ; que l’une se mariait, que l’autre Ă©tait malade, trĂšs-malade ; elle avait une toux sĂšche, la figure dĂ©charnĂ©e ; il lui prenait des faiblesses. « Je ne donnerais pas un sou de sa vie, » disait l’une. « N. N. est aussi fort mal, » dit Charlotte. « II est enflĂ©, » reprit l’amie Et mon imagination me transportait vivement au chevet de ces malheureux ; je voyais avec quelle rĂ©pugnance ils tournaient le dos Ă  la vie ; avec quel
. Wilhelm, et mes deux petites dames parlaient de cela prĂ©cisĂ©ment comme on parle d’un Ă©tranger qui meurt
. Et quand je porte les yeux autour de moi, quand je regarde cette chambre et, tout alentour, les habits de.Charlotte et les papiers d’Albert, et ces meubles auxquels je suis maintenant si accoutumĂ©, mĂȘme cet encrier, je me dis : « Vois ce que tu es’pour cette maison ! Tout pour tous. Tes amis te considĂšrent ; tu fais souvent leur joie, et il semble Ă  ton cƓur, qu’il ne pourrait vivre sans eux ; et pourtant
, si tu venais Ă  mourir, si tu disparaissais de ce cercle, sentiraient-ils, combien de temps sentiraient-ils, le vide que ta perte ferait dans leur existence ? combien de temps ?
 » Ah ! l’homme est si Ă©phĂ©mĂšre, qu’aux lieux mĂȘmes oĂč il a l’entiĂšre certitude de son ĂȘtre, oĂč il grave la seule vĂ©ritable impression de sa prĂ©sence dans le souvenir, dans l’ñme de ses amis, lĂ  mĂȘme, il doit s’effacer, disparaĂźtre, disparaĂźtre promptement !
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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... Une nuit d'automne, cinq ans plus tĂŽt. Ils longeaient une rue, et les feuilles mortes tombaient autour d'eux, et ils sont arrivĂ©s Ă  un endroit sans arbres, oĂč le trottoir Ă©tait blanc sous la lune. Ils se sont arrĂȘtĂ©s. Ils se sont tournĂ©s l'un vers l'autre. C'Ă©tait une nuit silencieuse, traversĂ©e par ce mystĂ©rieux battement de fiĂšvre, qui souligne deux fois par an les changements de saison. Les douces lumiĂšres des maisons ronronnaient dans l'obscuritĂ©, et l'on devinait dans le ciel un tournoiement d'Ă©toiles. À la frange de son regard, Gatsby dĂ©couvrait l'alignement des trottoirs, qui dessinait comme une Ă©chelle, et cette Ă©chelle conduisait vers un lieu secret au-dessus des arbres — il pouvait y monter, s'il y montait seul, et l'ayant atteint, boire la vie Ă  sa source mĂȘme, se gorger du lait transcendant des prodiges. Le visage clair de Daisy se levait lentement vers lui, et il sentait son cƓur battre de plus en plus vite. Il savait qu'au moment oĂč il embrassait cette jeune fille, au moment oĂč ses rĂȘves sublimes Ă©pouseraient se souffle fragile, son esprit perdrait Ă  jamais l'agilitĂ© miraculeuse de l'esprit de Dieu. Il avait alors attendu, Ă©coutĂ© encore un moment la vibration du diapason qui venait de heurter une Ă©toile, puis il l'avait embrassĂ©e, et Ă  l'instant prĂ©cis oĂč ses lĂšvres touchaient les siennes, il avait senti qu'elle s'Ă©panouissait comme une fleur Ă  son contact et l'incarnation s'Ă©tait achevĂ©e. À travers ce qu'il disait, et malgrĂ© une sentimentalitĂ© excessive, je retrouvais quelque chose, Ă  mon tour — une cadence insaisissable, des fragments de mots oubliĂ©s, quelque chose qui s'Ă©tait passĂ© bien des annĂ©es auparavant. J'ai senti pendant un moment qu'une phrase cherchait Ă  prendre forme dans ma bouche, et j'ai ouvert les lĂšvres, comme un muet, sous la pression d'une force bien au-delĂ  d'une simple respiration et qui cherchait Ă  s'Ă©chapper. Mais elles ne formĂšrent aucun son, et ce dont j'Ă©tais sur le point de me souvenir est restĂ© indicible Ă  jamais.
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F. Scott Fitzgerald (The Great Gatsby)
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Les brumes s’épaississent sur les cimes du Ć ar. Les versants se dressent face Ă  Emina, implacables dans le jour dĂ©clinant. Les paroles de Feti ricochent en elle, par-dessus la musique qu’il met plus fort dans la voiture. Elles traversent le scherzo du violon dont les volutes tournoient entre eux, alors qu’ils arrivent Ă  Tetovo. Elles dissipent le sourd espoir qui l’a menĂ©e ici, au-delĂ  du dĂ©sir de renouer avec le frĂšre d’Yllka. Elle mesure l’ampleur de son rĂȘve, de ce qu’elle n’a dit Ă  personne lĂ -bas en Allemagne. Ils auraient passĂ© leur bras autour de ses Ă©paules. Ils l’auraient entourĂ©e d’une affection mĂȘlĂ©e de pitié  Oui, dans l’outremer des montagnes, elle croit apercevoir la trace d’Yllka. Les empreintes fines d’un oiseau sur un sentier couvert de sable. Elles conduiraient Ă  une maison de montagne qui sentirait le bois et le foin Ă  la fin de l’étĂ©. Parce qu’Yllka se serait rĂ©fugiĂ©e quelque part ici. Elle y attendrait Emina, sa fille, Alija, son fils, depuis toutes ces annĂ©es. Elle-mĂȘme mue par la conviction que ses enfants finiront par la rejoindre. Car comment pourrait-elle savoir oĂč ils vivent aujourd’hui, si mĂȘme ils vivent encore ? Comment ? Et c’est la raison de son silence. Il ne peut en ĂȘtre autrement. Preuve de vie ou de mort, Emina ne s’en ira pas d’ici sans l’avoir obtenue. « Je peux juste te parler d’elle. Celle qu’elle fut ici. Ma sƓur, ta mĂšre
 » Des mots qui lacĂšrent le ciel trĂšs loin au-dessus d’elle. Feti gare sa voiture le long de la rue bordĂ©e d’immeubles. S’il se trompait
 Si Yllka n’avait pas pu le retrouver lui non plus ? Les feuillages des arbres flamboient sur les trottoirs. Des traĂźnĂ©es couleur de fer assombrissent les nuages au-dessus des immeubles. Ils se creusent d’un vaste cratĂšre noirĂątre. Des choucas Ă©voluent par centaines sur la ville, alors que le soleil descend Ă  l’horizon. Ils s’insinuent dans les invisibles couloirs ouverts par de secrĂštes turbulences. Leur vacarme secoue les airs, assourdit Emina. Elle est sur le point de flancher, rattrapĂ©e par le lieu et les cris des oiseaux.
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Cécile Oumhani (Le café d'Yllka)
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- Je souhaite ne jamais te voir, rĂ©pondit la Fadette trĂšs durement ; et n'importe quelle chose tu m'apporteras, tu peux bien compter que je te la jetterai au nez. - VoilĂ  des paroles trop rudes pour quelqu'un qui vous offre rĂ©paration. Si tu ne veux point de cadeau, il y a peut-ĂȘtre moyen de te rendre service et de te montrer par lĂ  qu'on te veut du bien et non pas du mal. Allons, dis-moi ce que j'ai Ă  faire pour te contenter. - Vous ne sauriez donc me demander pardon et souhaiter mon amitiĂ© ? dit la Fadette en s'arrĂȘtant. - Pardon, c'est beaucoup demander, rĂ©pondit Landry, qui ne pouvait vaincre sa hauteur Ă  l'endroit d'une fille qui n'Ă©tait point considĂ©rĂ©e en proportion de l'Ăąge qu'elle commençait Ă  avoir, et qu'elle ne portait pas toujours aussi raisonnablement qu'elle l'aurait dĂ» ; quant Ă  ton amitiĂ©, Fadette, tu es si drĂŽlement bĂątie dans ton esprit, que je ne saurais y avoir grand'fiance. Demande-moi donc une chose qui puisse se donner tout de suite, et que je ne sois pas obligĂ© de te reprendre. - Eh bien, dit la Fadette d'une voix claire et sĂšche, il en sera comme vous le souhaitez, besson Landry. Je vous ai offert votre pardon, et vous n'en voulez point. À prĂ©sent, je vous rĂ©clame ce que vous m'avez promis, qui est d'obĂ©ir Ă  mon commandement, le jour oĂč vous en serez requis. Ce jour-lĂ , ce ne sera pas plus tard que demain Ă  la Saint-Andoche, et voici ce que je veux : Vous me ferez danser trois bourrĂ©es aprĂšs la messe, deux bourrĂ©es aprĂšs vĂȘpres, et encore deux bourrĂ©es aprĂšs l'AngĂ©lus, ce qui fera sept. Et dans toute votre journĂ©e, depuis que vous serez levĂ© jusqu'Ă  ce que vous soyez couchĂ©, vous ne danserez aucune autre bourrĂ©e avec n'importe qui, fille ou femme. Si vous ne le faites, je saurai que vous avez trois choses bien laides en vous : l'ingratitude, la peur et le manque de parole. Bonsoir, je vous attends demain pour ouvrir la danse, Ă  la porte de l'Ă©glise. Et la petite Fadette, que Landry avait suivie jusqu'Ă  sa maison, tira la corillette et entra si vite que la porte fut poussĂ©e et recorillĂ©e avant que le besson eĂ»t pu rĂ©pondre un mot.
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George Sand (La Petite Fadette)
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Quand elle Ă©tait petite, elle voulait m’épouser. J’étais son prince charmant. AnnĂ©e aprĂšs annĂ©e, j’avais bien vu dans son regard que le mythe s’était Ă©parpillĂ© dans les affres de la rĂ©alitĂ©. J’étais tombĂ© de mon piĂ©destal et, si je ne cherchais pas Ă  mentir sur qui j’étais, j’avais toujours eu envie qu’elle me voie au meilleur de ma forme. Au fond, je pouvais dire que nous n’avions jamais rĂ©ellement eu une relation saine. La preuve : cette incapacitĂ© physique d’aller voir son appartement, ce lieu oĂč elle vivait en femme. Il faudrait des siĂšcles pour admettre que nos enfants sont devenus adultes. On dit souvent qu’il est difficile de vieillir ; moi, je pourrais vieillir indĂ©finiment du moment que mes enfants, eux, ne grandiraient pas. Je ne sais pas pourquoi j’éprouvais tant de difficultĂ©s Ă  vivre cette transition que tout parent connaĂźt. Je n’avais pas l’impression qu’autour de moi les gens avaient les mĂȘmes. Pire, j’entendais des parents soulagĂ©s du dĂ©part de leurs enfants. Enfin, ils allaient retrouver la libertĂ©, disaient-ils. Il y avait ce film oĂč le garçon, Tanguy, s’éternisait chez ses parents, prolongeant sans cesse ses Ă©tudes. Le mien Ă©tait parti Ă  l’autre bout du monde dĂšs ses dix-huit ans. C’est toujours comme ça : ceux qui veulent se dĂ©barrasser de leurs enfants hĂ©ritent de boulets, tandis que ceux qui veulent couver Ă  loisir leur progĂ©niture se retrouvent avec des prĂ©coces de l’autonomie. Mon fils me manquait atrocement. Et je ne supportais plus d’échanger avec lui des messages par Skype, ou par e-mails. D’ailleurs, ces messages et ces moments virtuels Ă©taient de plus en plus courts. Nous n’avions rien Ă  nous dire. L’amour entre un parent et un enfant n’est pas dans les mots, pas dans la discussion. Ce que j’aimais, c’était simplement que mon fils soit lĂ , Ă  la maison. On pouvait ne pas se parler de la journĂ©e, ce n’était pas grave, je sentais sa prĂ©sence, ça me suffisait. Étais-je si tordu ? Je ne sais pas. Je ne peux qu’essayer de mettre des mots sur mes sentiments. Et je peux affirmer maintenant ce que je sais depuis le dĂ©but : je vis mal la sĂ©paration avec mes enfants. Elle me paraĂźt normale, justifiĂ©e, humaine, biologique, tout ce que vous voulez, pourtant elle me fait mal.
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David Foenkinos (Je vais mieux)
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en vĂ©ritĂ© il est trĂšs agrĂ©able de se rĂ©unir, de s’asseoir et de bavarder des intĂ©rĂȘts publics. Parfois mĂȘme je suis prĂȘt Ă  chanter de joie, quand je rentre dans la sociĂ©tĂ© et vois des hommes solides, sĂ©rieux, trĂšs bien Ă©levĂ©s, qui se sont rĂ©unis, parlent de quelque chose sans rien perdre de leur dignitĂ©. De quoi parlent-ils ? ça c’est une autre question. J’oublie mĂȘme, parfois, de pĂ©nĂ©trer le sens de la conversation, me contentant du tableau seul. Mais jusqu’ici, je n’ai jamais pu pĂ©nĂ©trer le sens de ce dont s’entretiennent chez nous les gens du monde qui n’appartiennent pas Ă  un certain groupe. Dieu sait ce que c’est. Sans doute quelque chose de charmant, puisque ce sont des gens charmants. Mais tout cela paraĂźt incomprĂ©hensible. On dirait toujours que la conversation vient de commencer ; comme si l’on accordait les instruments. On reste assis pendant deux heures et, tout ce temps, on ne fait que commencer la conversation. Parfois tous ont l’air de parler de choses sĂ©rieuses, de choses qui provoquent la rĂ©flexion. Mais ensuite, quand vous vous demandez de quoi ils ont parlĂ©, vous ĂȘtes incapable de le dire : de gants, d’agriculture, ou de la constance de l’amour fĂ©minin ? De sorte que, parfois, je l’avoue, l’ennui me gagne. On a l’impression de rentrer par une nuit sombre Ă  la maison en regardant tristement de cĂŽtĂ© et d’entendre soudain de la musique. C’est un bal, un vrai bal. Dans les fenĂȘtres brillamment Ă©clairĂ©es passent des ombres ; on entend des murmures de voix, des glissements de pas ; sur le perron se tiennent des agents. Vous passez devant, distrait, Ă©mu ; le dĂ©sir de quelque chose s’est Ă©veillĂ© en vous. Il vous semble avoir entendu le battement de la vie, et, cependant, vous n’emportez avec vous que son pĂąle motif, l’idĂ©e, l’ombre, presque rien. Et l’on passe comme si l’on n’avait pas confiance. On entend autre chose. On entend, Ă  travers les motifs incolores de notre vie courante, un autre motif, pĂ©nĂ©trant et triste, comme dans le bal des Capulet de Berlioz. L’angoisse et le doute rongent votre coeur, comme cette angoisse qui est au fond du motif lent de la triste chanson russe : Écoutez... d’autres sons rĂ©sonnent. Tristesse et orgie dĂ©sespĂ©rĂ©es... Est-ce un brigand qui a entonnĂ©, lĂ -bas, la chanson ? Ou une jeune fille qui pleure Ă  l’heure triste des adieux ? Non ; ce sont les faucheurs qui rentrent de leur travail... Autour sont les forĂȘts et les steppes de Saratov.
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Fyodor Dostoevsky
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À huit heures et demie du soir, deux tables Ă©taient dressĂ©es. La jolie madame des Grassins avait rĂ©ussi Ă  mettre son fils Ă  cĂŽtĂ© d’EugĂ©nie. Les acteurs de cette scĂšne pleine d’intĂ©rĂȘt, quoique vulgaire en apparence, munis de cartons bariolĂ©s, chiffrĂ©s, et de jetons en verre bleu, semblaient Ă©couter les plaisanteries du vieux notaire, qui ne tirait pas un numĂ©ro sans faire une remarque ; mais tous pensaient aux millions de monsieur Grandet. Le vieux tonnelier contemplait vaniteusement les plumes roses, la toilette fraĂźche de madame des Grassins, la tĂȘte martiale du banquier, celle d’Adolphe, le prĂ©sident, l’abbĂ©, le notaire, et se disait intĂ©rieurement : − Ils sont lĂ  pour mes Ă©cus. Ils viennent s’ennuyer ici pour ma fille. HĂ© ! ma fille ne sera ni pour les uns ni pour les autres, et tous ces gens-lĂ  me servent de harpons pour pĂȘcher ! Cette gaietĂ© de famille, dans ce vieux salon gris, mal Ă©clairĂ© par deux chandelles ; ces rires, accompagnĂ©s par le bruit du rouet de la grande Nanon, et qui n’étaient sincĂšres que sur les lĂšvres d’EugĂ©nie ou de sa mĂšre ; cette petitesse jointe Ă  de si grands intĂ©rĂȘts ; cette jeune fille qui, semblable Ă  ces oiseaux victimes du haut prix auquel on les met et qu’ils ignorent, se trouvait traquĂ©e, serrĂ©e par des preuves d’amitiĂ© dont elle Ă©tait la dupe ; tout contribuait Ă  rendre cette scĂšne tristement comique. N’est-ce pas d’ailleurs une scĂšne de tous les temps et de tous les lieux, mais ramenĂ©e Ă  sa plus simple expression ? La figure de Grandet exploitant le faux attachement des deux familles, en tirant d’énormes profits, dominait ce drame et l’éclairait. N’était-ce pas le seul dieu moderne auquel on ait foi, l’Argent dans toute sa puissance, exprimĂ© par une seule physionomie ? Les doux sentiments de la vie n’occupaient lĂ  qu’une place secondaire, ils animaient trois cƓurs purs, ceux de Nanon, d’EugĂ©nie et sa mĂšre. Encore, combien d’ignorance dans leur naĂŻvetĂ© ! EugĂ©nie et sa mĂšre ne savaient rien de la fortune de Grandet, elles n’estimaient les choses de la vie qu’à la lueur de leurs pĂąles idĂ©es, et ne prisaient ni ne mĂ©prisaient l’argent, accoutumĂ©es qu’elles Ă©taient Ă  s’en passer. Leurs sentiments, froissĂ©s Ă  leur insu mais vivaces, le secret de leur existence, en faisaient des exceptions curieuses dans cette rĂ©union de gens dont la vie Ă©tait purement matĂ©rielle. Affreuse condition de l’homme ! il n’y a pas un de ses bonheurs qui ne vienne d’une ignorance quelconque. Au moment oĂč madame Grandet gagnait un lot de seize sous, le plus considĂ©rable qui eĂ»t jamais Ă©tĂ© pontĂ© dans cette salle, et que la grande Nanon riait d’aise en voyant madame empochant cette riche somme, un coup de marteau retentit Ă  la porte de la maison, et y fit un si grand tapage que les femmes sautĂšrent sur leurs chaises.
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Honoré de Balzac (Eugénie Grandet)
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J’ai fait ma visite au lieu natal avec toute la piĂ©tĂ© d’un pĂšlerin, et bien des sentiments inattendus m’ont saisi. Je fis arrĂȘter prĂšs du grand tilleul qui se trouve Ă  un quart de lieue de la ville du cĂŽtĂ© de S
 ; je quittai la voiture, et je l’envoyai en avant, afin de cheminer Ă  pied et de savourer Ă  mon grĂ© chaque souvenir, dans toute sa vie et sa nouveautĂ©. Je m’arrĂȘtai sous le tilleul, qui avait Ă©tĂ©, dans mon enfance, le but et le terme de mes promenades. Quelle diffĂ©rence ! Alors, dans une heureuse ignorance, je m’élançais avec ardeur vers ce monde inconnu, oĂč j’espĂ©rais pour mon cƓur tant de nourriture, tant de jouissances, qui devaient combler et satisfaire l’ardeur de mes dĂ©sirs. Maintenant, j’en reviens de ce vaste monde
. O mon ami, avec combien d’espĂ©rances déçues, avec combien de plans renversĂ©s !
 Les voilĂ  devant moi les montagnes qui mille fois avaient Ă©tĂ© l’objet de mes vƓux. Je pouvais rester des heures assis Ă  cette place, aspirant Ă  franchir ces hauteurs, Ă©garant ma pensĂ©e au sein des bois et des vallons, qui s’offraient Ă  mes yeux dans un gracieux crĂ©puscule, et, lorsqu’au moment fixĂ© il me fallait revenir, avec quel regret ne quittais-je pas cette place chĂ©rie !
 J’approchai de la ville : je saluai tous les anciens pavillons de jardin ; les nouveaux me dĂ©plurent, comme tous les changements qu’on avait faits. Je franchis la porte de la ville, et d’abord je me retrouvai tout Ă  fait. Mon ami, je ne veux pas m’arrĂȘter au dĂ©tail : autant il eut de charme pour moi, autant il serait monotone dans le rĂ©cit. J’avais rĂ©solu de me loger sur la place, tout Ă  cĂŽtĂ© de notre ancienne maison. Je remarquai, sur mon passage, que la chambre d’école, oĂč une bonne vieille femme avait parquĂ© notre enfance, s’était transformĂ©e en une boutique de dĂ©tail. Je me rappelai l’inquiĂ©tude, les chagrins, l’étourdissement, l’angoisse que j’avais endurĂ©s dans ce trou
. Je ne pouvais faire un pas qui ne m’offrĂźt quelque chose de remarquable. Un pĂšlerin ne trouve pas en terre sainte autant de places consacrĂ©es par de religieux souvenirs, et je doute que son ame soit aussi remplie de saintes Ă©motions
. Encore un exemple sur mille : je descendis le long de la riviĂšre, jusqu’à une certaine mĂ©tairie. C’était aussi mon chemin autrefois, et la petite place oĂč les enfants s’exerçaient Ă  qui ferait le plus souvent rebondir les pierres plates Ă  la surface de l’eau. Je me rappelai vivement comme je m’arrĂȘtais quelquefois Ă  suivre des yeux le cours de la riviĂšre ; avec quelles merveilleuses conjectures je l’accompagnais ; quelles Ă©tranges peintures je me faisais des contrĂ©es oĂč elle allait courir ; comme je trouvais bientĂŽt les bornes de mon imagination, et pourtant me sentais entraĂźnĂ© plus loin, toujours plus loin, et finissais par me perdre dans la contemplation d’un vague lointain
. Mon ami, aussi bornĂ©s, aussi heureux, Ă©taient les vĂ©nĂ©rables pĂšres du genre humain ; aussi enfantines, leurs impressions, leur poĂ©sie. Quand Ulysse parle de la mer immense et de la terre infinie, cela est vrai, humain, intime, saisissant et mystĂ©rieux. Que me sert maintenant de pouvoir rĂ©pĂ©ter, avec tous les Ă©coliers, qu’elle est ronde ? Il n’en faut Ă  l’homme que quelques mottes pour vivre heureux dessus, et moins encore pour dormir dessous

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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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J’ai remarquĂ© souvent que quand deux amis pĂ©tersbourgeois se rencontrent quelque part, aprĂšs s’ĂȘtre saluĂ©s, ils demandent en mĂȘme temps : Quoi de neuf ? il y a une tristesse particuliĂšre dans leurs voix, quelle qu’ait Ă©tĂ© l’intonation initiale de leur conversation. En effet, une dĂ©sespĂ©rance totale est liĂ©e Ă  cette question Ă  PĂ©tersbourg. Mais le plus agaçant c’est que, trĂšs souvent, l’homme qui la pose est tout Ă  fait indiffĂ©rent, un PĂ©tersbourgeois de naissance, qui connaĂźt trĂšs bien la coutume, sait d’avance qu’on ne lui rĂ©pondra rien, qu’il n’y a rien de nouveau, qu’il a posĂ© cette question peut-ĂȘtre mille fois sans aucun succĂšs ; cependant, il la pose, et il a l’air de s’y intĂ©resser, comme si les convenances l’obligeaient de participer lui aussi Ă  la vie publique, d’avoir des intĂ©rĂȘts publics. Mais les intĂ©rĂȘts publics... C’est-Ă -dire nous ne nions pas que nous ayons des intĂ©rĂȘts publics ; nous tous aimons ardemment la patrie, nous aimons notre cher PĂ©tersbourg, nous aimons jouer si l’occasion se prĂ©sente. En un mot il y a beaucoup d’intĂ©rĂȘts publics. Mais ce qu’il y a surtout chez nous, ce sont les groupes. On sait que PĂ©tersbourg n’est que la rĂ©union d’un nombre considĂ©rable de petits groupes dont chacun a ses statuts, ses conventions, ses lois, sa logique et son oracle. C’est en quelque sorte le produit de notre caractĂšre national qui a encore peur de la vie publique et tient plutĂŽt au foyer. En outre, la vie publique exige un certain art ; il faut s’y prĂ©parer ; il faut beaucoup de conditions. Aussi, l’on prĂ©fĂšre la maison. LĂ , tout est plus simple ; il ne faut aucun art ; on est plus tranquille. Dans le groupe, on vous rĂ©pondra bravement Ă  la question : Quoi de neuf ? La question reçoit tout de suite un sens particulier, et l’on vous rĂ©pond ou par un potin, ou par un bĂąillement, ou par quelque chose qui vous force vous-mĂȘme Ă  bĂąiller cyniquement, magistralement. Dans le groupe, on peut traĂźner de la façon la meilleure et la plus douce une vie utile entre le bĂąillement et le ragot, jusqu’au moment oĂč la grippe, ou bien la fiĂšvre chaude, visite votre demeure ; et vous quittez alors la vie stoĂŻquement, avec indiffĂ©rence, sans savoir comment et pourquoi tout cela Ă©tait avec vous jusqu’alors. Aujourd’hui, dans l’obscuritĂ©, au crĂ©puscule, aprĂšs une triste journĂ©e, plein d’étonnement que tout se soit arrangĂ© ainsi, il semble qu’on ait vĂ©cu, qu’on ait atteint quelque chose, et tout Ă  coup, on ne sait pas pourquoi, il faut quitter ce monde agrĂ©able et sans soucis pour Ă©migrer dans un monde meilleur. Dans certains groupes, d’ailleurs, on parle fortement de la cause. Quelques personnes instruites et bien intentionnĂ©es se rĂ©unissent. On bannit sĂ©vĂšrement tous les plaisirs innocents, comme les potins et la prĂ©fĂ©rence, et, avec un entrain incomprĂ©hensible, on parle de diffĂ©rents sujets trĂšs importants. Enfin, aprĂšs avoir bavardĂ©, parlĂ©, rĂ©solu quelques questions d’utilitĂ© gĂ©nĂ©rale, et aprĂšs avoir rĂ©ussi Ă  imposer aux uns et aux autres une opinion sur toutes choses, le groupe est saisi d’une irritation quelconque et commence Ă  s’affaiblir considĂ©rablement. Finalement, tous se fĂąchent les uns contre les autres. On se dit quelques dures vĂ©ritĂ©s. Quelques caractĂšres tranchants se font jour et tout se termine par la dislocation totale. Ensuite on se calme ; on fait provision de bon sens et, peu Ă  peu, l’on se rĂ©unit de nouveau dans le groupe dĂ©crit ci-dessus. Sans doute il est agrĂ©able de vivre ainsi. Mais Ă  la longue cela devient irritant ; cela irrite fortement.
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Fyodor Dostoevsky
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Je n'ai gardĂ© que d'excellents souvenirs de la maison paternelle; ce sont pour l'homme les plus prĂ©cieux de tous, pourvu que l'amour et la concorde rĂšgnent un tant soit peu dans la famille. On peut mĂȘme conserver un souvenir Ă©mu de la pire des familles, si l'on a une Ăąme capable d'Ă©motion.
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Fyodor Dostoevsky (Les FrĂšres Karamazov)
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Nous avons montrĂ© que, dĂšs le dĂ©but de l’annĂ©e 1908, au moment oĂč RenĂ© GuĂ©non affirme pour la premiĂšre fois son autoritĂ©, il n’a cessĂ© d’ĂȘtre en butte Ă  des marques d’hostilitĂ© d’une grande violence, qui ont perdurĂ© jusqu’à nos jours. Michel VĂąlsan a Ă©galement Ă©tĂ© visĂ© Ă  partir du moment oĂč il a pris la dĂ©fense de l’Ɠuvre guĂ©nonienne dans son intĂ©gralitĂ©, c’est-Ă -dire sans la rĂ©duire Ă  une simple critique du monde moderne. Il est toujours risquĂ© d’éditer tout ce qui touche Ă  ces deux auteurs, surtout dans le cas de RenĂ© GuĂ©non dont l’Ɠuvre est plus Ă©tendue et plus visible. C’est pourquoi, en dĂ©pit du prestige de son Ă©diteur, elle demeure marginalisĂ©e. Personne ne se hasarde Ă  s’y rĂ©fĂ©rer, mĂȘme quand cela s’imposerait, comme ce fut le cas lors des Ă©vĂ©nements sus­pects qui marquĂšrent le dĂ©but de l’annĂ©e. Pourtant, elle demeure en Occident l’unique critĂšre de l’orthodoxie traditionnelle ; y compris lorsqu’il s’agit de la prĂ©sentation de la doctrine akbarienne, dont elle procĂšde et Ă  laquelle elle conduit. Elle reprĂ©sente, pour le monde occidental auquel elle est spĂ©ciale­ment destinĂ©e, l’autoritĂ© Ă©sotĂ©rique suprĂȘme. Elle est incontournable et c’est pourquoi aussi on s’efforce de l’exclure. L’Ɠuvre d’Ibn ArabĂź apparaĂźt moins dange­reuse dans la mesure oĂč il est possible de l’édulcorer lorsqu’on la prĂ©sente hors de son contexte d’origine. " La Maison du ProphĂšte selon RenĂ© GuĂ©non.
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Charles-André Gilis
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...[en terre d’Islam,] la distinction entre le sacrĂ© et le profane n’existe normalement que dans l’usage que l’on fait des Ɠuvres d’art et non dans leurs formes : une maison n’est pas bĂątie dans un style diffĂ©rent de celui d’une mosquĂ©e.
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Titus Burckhardt (Art of Islam: Language and Meaning (English and French Edition))
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[...] dans la tradition islamique, la disposition quadrilatĂ©rale de la maison (qui normalement devrait ĂȘtre entiĂšrement fermĂ©e au-dehors, toutes les fenĂȘtres s’ouvrant sur la cour intĂ©rieure) est en rapport avec la limitation du nombre des Ă©pouses Ă  quatre au maximum, chacune d’elles ayant alors pour son domaine propre un des cĂŽtĂ©s du quadrilatĂšre. (XXXIX - Le symbolisme du dĂŽme)
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René Guénon (Symbols of Sacred Science)
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L’importance exceptionnelle, dans l’Islam, du pĂšlerinage en tant que rite s’explique donc par la position cyclique finale de cette tradition Ă  laquelle correspond l’ « Ă©loignement » maximum par rapport Ă  l’état paradisiaque. D’oĂč la nĂ©cessitĂ© d’un voyage Ă  caractĂšre Ă©prouvant et purificateur, dont le terme est la « Maison d’AllĂąh », situĂ©e au centre symbolique du monde.
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Charles-André Gilis (La doctrine initiatique du pÚlerinage)