Aux Champs Quotes

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A qui vit aux champs et se sert de ses yeux, tout devient miraculeux et simple. To those who dwell in the fields and use their eyes, everything becomes miraculous and simple
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Colette Gauthier-Villars (Claudine's House)
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Moi, ça me plaĂźt mieux de travailler aux champs, ou de m'occuper des bĂȘtes. MĂȘme couper le bois. Mais lui il aime ça, faire la cuisine, le mĂ©nage, et aussi le bricolage.
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Alice Walker (The Color Purple)
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On a toujours associé la campagne à l'amour et l'on a bien fait : rien n'encadre la femme que l'on aime comme le ciel bleu, les senteurs, les fleurs, les brises, la solitude resplendissante des champs ou des bois
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Alexandre Dumas fils (La Dame aux Camélias)
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je ne puis m'empĂȘcher de voir dans le systĂšme scolaire tel qu'il fonctionne sous nos yeux une vĂ©ritable machine infernale, sinon programmĂ©e pour atteindre ce but, du moins aboutissant Ă  ce rĂ©sultat objectif : rejeter les enfants des classes populaires, perpĂ©tuer et lĂ©gitimer la domination de classe, l'accĂšs diffĂ©rentiel aux mĂ©tiers et aux positions sociales. Une guerre se mĂšne contre les dominĂ©s, et l'École en est donc l'un des champs de bataille. Les enseignants font de leur mieux ! Mais ils ne peuvent rien, ou si peu, contre les forces irrĂ©sistibles de l'ordre sociale, qui agissent Ă  la fois souterrainement et au vu de tous, et qui s'imposent envers et contre tout. (p. 124)
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Didier Eribon (Returning to Reims)
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victor hugo, Les Contemplations, Mors Je vis cette faucheuse. Elle Ă©tait dans son champ. Elle allait Ă  grands pas moissonnant et fauchant, Noir squelette laissant passer le crĂ©puscule. Dans l'ombre oĂč l'on dirait que tout tremble et recule, L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx. Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux Tombaient ; elle changeait en dĂ©sert Babylone, Le trĂŽne en Ă©chafaud et l'Ă©chafaud en trĂŽne, Les roses en fumier, les enfants en oiseaux, L'or en cendre, et les yeux des mĂšres en ruisseaux. Et les femmes criaient : - Rends-nous ce petit ĂȘtre. Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait naĂźtre ? - Ce n'Ă©tait qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas ; Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats ; Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre ; Les peuples Ă©perdus semblaient sous la faulx sombre Un troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit ; Tout Ă©tait sous ses pieds deuil, Ă©pouvante et nuit. DerriĂšre elle, le front baignĂ© de douces flammes, Un ange souriant portait la gerbe d'Ăąmes.
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Victor Hugo
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Je ne pense plus Ă  la misĂšre, mais Ă  la beautĂ© qui survivra. VoilĂ  la grande diffĂ©rence entre MĂšre et moi. Quand on est dĂ©couragĂ© ou triste elle conseille : "Pensons aux malheurs du monde, et soyons contents d'ĂȘtre Ă  l'abri". Et moi je conseille "Sors, sors dans les champs, regarde la nature et le soleil, va au grand air et tĂąche de retrouver le bonheur en toi-mĂȘme et en Dieu. Pense Ă  la beautĂ© qui se trouve encore en toi et autour de toi, sois heureuse !
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Anne Frank (Anne Frank: The Diary Of A Young Girl)
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Les jeunes filles d’aujourd’hui Ă©taient plus avisĂ©es et plus rationnelles. Elles se prĂ©occupaient avant tout de leur rĂ©ussite scolaire, tĂąchaient avant tout de s’assurer un avenir professionnel dĂ©cent. Les sorties avec les garçons n’étaient pour elles qu’une activitĂ© de loisirs, un divertissement oĂč intervenaient Ă  parts plus ou moins Ă©gales le plaisir sexuel et la satisfaction narcissique. Par la suite elles s’attachaient Ă  conclure un mariage raisonnĂ©, sur la base d’une adĂ©quation suffisante des situations socio-professionnelles et d’une certaine communautĂ© de goĂ»ts. Bien entendu elles se coupaient ainsi de toute possibilitĂ© de bonheur – celui-ci Ă©tant indissociable d’états fusionnels et rĂ©gressifs incompatibles avec l’usage pratique de la raison – mais elles espĂ©raient ainsi Ă©chapper aux souffrances sentimentales et morales qui avaient torturĂ© leurs devanciĂšres. Cet espoir Ă©tait d’ailleurs rapidement déçu, la disparition des tourments passionnels laissait en effet le champ libre Ă  l’ennui, Ă  la sensation de vide, Ă  l’attente angoissĂ©e du vieillissement et de la mort.
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Michel Houellebecq (The Elementary Particles)
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Le culte des sens a Ă©tĂ© souvent dĂ©criĂ©, et Ă  juste titre : un instinct naturel inspire aux hommes la terreur de passions et de sensations qui leur semblent plus fortes qu'eux-mĂȘmes, et qu'ils ont conscience de partager avec les formes infĂ©rieures du monde organique. Mais Dorian Gray estimait que la vraie nature des sens n'avait jamais Ă©tĂ© bien comprise, qu'ils avaient gardĂ© leur animalitĂ© sauvage uniquement parce qu'on avait voulu les soumettre par la famine ou les tuer Ă  force de souffrance, au lieu de chercher Ă  en faire les Ă©lĂ©ments d'une spiritualitĂ© nouvelle, ayant pour trait dominant une sĂ»re divination de la beautĂ©. Quand il considĂ©rait la marche de l'homme Ă  travers l'Histoire, il Ă©tait poursuivi par une impression d'irrĂ©parable dommage. Que de choses on avait sacrifiĂ©es, et combien vainement ! Des privations sauvages, obstinĂ©es, des formes monstrueuses de martyre et d'immolation de soi, nĂ©es de la peur, avaient abouti Ă  une dĂ©gradation plus Ă©pouvantable que la dĂ©gradation tout imaginaire qu'avaient voulu fuir de pauvres ignorants : la Nature, dans sa merveilleuse ironie, avait amenĂ© les anachorĂštes Ă  vivre dans le dĂ©sert, mĂȘlĂ©s aux animaux sauvages ; aux ermites, elle avait donnĂ© pour compagnons les bĂȘtes des champs.
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Oscar Wilde (The Picture of Dorian Gray)
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Croyez-moi : Ce n'est pas une doctrine, pas un enseignement que je vous donne. D'ou tirerais-je le droit de vous donner des leçons ? Je vous rĂ©vĂšle le chemin de cet ĂȘtre humain, son chemin mais pas votre chemin. Mon chemin n'est pas votre chemin ; je ne peux donc pas vous instruire. le chemin est en nous, mais pas dans les dieux, ni dans les doctrines ni dans les lois. C'est en nous qu'est le chemin, la vĂ©ritĂ© et la vie. Malheur Ă  ceux qui vivent selon des modĂšles ! La vie n'est pas avec eux. Si vous vivez selon un modĂšle, vous vivez la vie d'un modĂšle, mais qui vivra votre vie sinon vous-mĂȘmes ? Donc vivez-vous vous-mĂȘme. Les panneaux indicateurs sont tombĂ©s, des sentiers incertains se dĂ©roulent devant nous. Ne soyez pas avides d'avaler les fruits qui se trouvent dans le champ des autres. Ne savez-vous pas que vous ĂȘtes vous-mĂȘmes le champ fertile qui porte tout ce qui vous est utile ? Mais qui le sait aujourd'hui ? Qui connaĂźt le chemin qui mĂšne aux champs Ă©ternellement fertiles de l'Ăąme ? Vous cherchez le chemin par le biais d'Ă©lĂ©ments extĂ©rieurs ; vous lisez des livres et Ă©coutez des avis : Ă  quoi bon ? Il n'y a qu'un seul chemin et c'est votre chemin. Vous cherchez le chemin ? Je vous mets en garde contre mon chemin. Il peu ĂȘtre pour vous le mauvais chemin. Que chacun suive son propre chemin. (p. 147)
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C.G. Jung (The Red Book: Liber Novus)
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Je ne sentais pas d'aise, j'Ă©tais rentrĂ© dans mes foyers. Nous avions tous perdu notre position, notre rang, notre maison, notre argent, notre valeur, notre passĂ©, notre prĂ©sent, notre avenir. Chaque matin en nous levant, chaque nuit en nous couchant, nous maudissions la mort qui nous avait invitĂ©s en vain Ă  son Ă©norme fĂȘte. Et chacun de nous enviait ceux qui Ă©taient tombĂ©s au champ d'honneur. Ils reposaient sous la terre. Au printemps prochain, leus dĂ©pouilles donneraient naissance aux violettes. Mais nous, c'Ă©st Ă  jamais infĂ©conds que nous Ă©tions revenus de la guerre, les reins paralysĂ©s, race vouĂ©e Ă  la mort, que la mort avait dedaignĂ©e. La dĂ©cision irrĂ©vocable de son conseil de rĂ©vision macabre se formulait ainsi: impropre Ă  la mort.
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Joseph Roth (The Emperor's Tomb (Von Trotta Family, #2))
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Quelle tristesse tu nous donnes, saison des amours, ĂŽ printemps ! Quelle langueur trouble, morbide, tu mets dans mon sang, dans mon Ăąme ! C'est une douceur douloureuse que celle de ce souffle frai qui me passe sur le visage au milieu du calme des champs. Ai-je perdu le goĂ»t des choses ? Tout ce qui donne joie et vie, tout ce qui brille, qui jubile, ne m'inspire plus que l'ennui. Voici longtemps que tout paraĂźt noir Ă  mon Ăąme dĂ©jĂ  morte. Peut-ĂȘtre songeons-nous aux feuilles qui Ă  l'automne ont disparu sans vouloir voir qu'elles reviennent chanter dans la forĂȘt nouvelle. Peut-ĂȘtre notre Ăąme craintive devant la jeunesse du monde se souvient-elle des annĂ©es qui plus jamais ne reviendront. Peut-ĂȘtre un songe de poĂšte conduit-il Ă  notre pensĂ©e l'image d'un autre printemps. Et nous sentons dans notre cƓur frĂ©mir une nuit merveilleuse, un lieu perdu, un clair de lune...
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Alexandre Pouchkine (EugÚne Onéguine (French Edition))
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Il passa contre nous, ne s'interrompit pas de parler Ă  sa voisine et nous fit du coin de son Ɠil bleu un petit signe en quelque sorte intĂ©rieur aux paupiĂšres et qui, n'intĂ©ressant pas les muscles de son vidage, put passer parfaitement inaperçu de son interlocutrice ; mais, cherchant Ă  compenser par l'intensitĂ© du sentiment le champ un peu Ă©troit oĂč il en circonscrivait l'expression, dans ce coin d'azur qui nous Ă©tait affectĂ© il fit pĂ©tiller tout l'entrain de la bonne grĂące qui dĂ©passa l'enjouement, frisa la malice ; il subtilisa les finesses de l'amabilitĂ© jusqu'aux clignements de la connivence, aux demi-mots, aux sous-entendus, aux mystĂšres de la complicitĂ© ; et finalement exalta les assurances d'amitiĂ© jusqu'aux protestations de tendresse, jusqu'Ă  la dĂ©claration d'amour, illuminant alors pour nous seuls d'une langueur secrĂšte et invisible Ă  la chĂątelaine, une prunelle Ă©namourĂ©e dans un visage de glace.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann)
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L’homme fut serpent autrefois » signifie que, dans les enseignements Ă©sotĂ©riques oĂč le Verbe est conçu comme un « serpent divin », l’homme primordial est nĂ©cessairement perçu Ă©tant lui-mĂȘme de nature ophidienne, car, avant la chute, « il n’avait pas d’articulations »; et ce n’est qu’aprĂšs avoir Ă©tĂ© « foudroyĂ© par le Nommo » que l’ancĂȘtre dĂ©tenteur de la norme primordiale se retrouvait « bras et jambes brisĂ©s, Ă  hauteur des coudes et des genoux qu’il n’avait pas jusque lĂ . » De la mĂȘme maniĂšre qu’Adam, dans le rĂ©cit de la GenĂšse, est dĂ©sormais obligĂ© de « gagner son pain Ă  la sueur de son front », de mĂȘme l’homme dĂ©chu issu de l’homme-serpent « reçoit les articulations propres Ă  la nouvelle forme humaine qui allait se rĂ©pandre sur la terre et qui Ă©tait vouĂ©e au travail ». C’est en vue du travail que le bras de l’homme s’est pliĂ©, car « les membres souples Ă©taient impropres aux tĂąches de la forge et des champs. Pour frapper le fer rouge et pour creuser la terre, il fallait le levier de l’avant-bras.
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Charles-André Gilis (Aperçus sur la doctrine akbarienne des Jinns : Suivi de L'Homme fut serpent autrefois)
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Certains jours, travaillant aux MystĂšres de messieurs, j'avais envie d'allĂ©ger la planĂšte des neuf dixiĂšmes de ses phallophores - qui, par leur insĂ©curitĂ© permanente, leur incertitude d'ĂȘtre (Pour qui tu te prends ? phrase masculine par excellence), leur passion pour les armes, leur rivalitĂ©, leur goĂ»t du pouvoir, leurs bagarres et magouilles de toutes sortes, conduisent notre espĂšce droit Ă  l'extinction, d'autres jours au contraire j'avais envie de les remercier Ă  genoux car ils ont inventĂ© la roue et le canoĂ«, l'alphabet et l'appareil photo, Ă©laborĂ© les sciences composĂ© les musiques Ă©crit les livres peint les tableaux bĂąti les palais les Ă©glises les mosquĂ©es les ponts les barrages et les routes, travaillĂ© sans compter, durement et modestement, dĂ©ployant leur force, leur patience, leur Ă©nergie et leur savoir-faire dans les champs de mine usines ateliers bibliothĂšques universitĂ©s et laboratoires du monde entier. Oh ! hommes merveilleux, anonymes et innombrables, souffrant et vous dĂ©vouant, jour aprĂšs jour, siĂšcle aprĂšs siĂšcle pour nous faire vivre un peu mieux, avec un peu plus de confort et de beautĂ© et de sens... que je vous aime !
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Nancy Huston (Infrarouge)
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L'idĂ©e prĂ©conçue entrave et endommage la libre et pleine manifestation de la vie psychique, que je connais et discerne bien trop peu pour la corriger, sous prĂ©texte de mieux savoir. La raison critique semble avoir rĂ©cemment Ă©liminĂ© avec de nombreuses autres reprĂ©sentations mythiques, aussi l'idĂ©e d'une vie post mortem. Cela n'a Ă©tĂ© possible que parce qu'aujourd'hui les hommes sont identifiĂ©s le plus souvent Ă  leur seule conscience et s'imaginent n'ĂȘtre rien de plus que ce qu'ils savent d'eux-mĂȘmes. Or tout homme qui ne possĂšde qu'un soupçon de ce qu'est la psychologie peut aisĂ©ment se rendre compte que ce savoir est bien bornĂ©. Le rationalisme et le doctrinarisme sont des maladies de notre temps : ils ont la prĂ©tention d'avoir rĂ©ponse Ă  tout. Pourtant bien des dĂ©couvertes, que nous considĂ©rons comme impossibles - quand nous nous plaçons Ă  notre point de vue bornĂ© -, seront encore faites. Nos notions d'espace et de temps ne sont qu'approximativement valables ; elles laissent ouvert un vaste champ de variations relatives ou absolues. Tenant compte de telles possibilitĂ©s, je prĂȘte une oreille attentive aux Ă©tranges mythes de l'Ăąme ; j'observe ce qui se passe et ce qui m'arrive, que cela concorde ou non avec mes prĂ©suppositions thĂ©oriques. (p. 471)
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C.G. Jung (Memories, Dreams, Reflections)
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Je n'osais pas le dire aux autres mais j'avais peur de Francis. Je n'aimais pas trop quand Gino insistait sur la bagarre et la baston pour protĂ©ger l'impasse parce que je voyais bien que les copains Ă©taient de plus en plus motivĂ©s par ce qu'il racontait. Moi aussi, je l'Ă©tais un peu, mais je prĂ©fĂ©rais quand on fabriquait des bateaux avec des troncs de bananiers pour descendre la Muha, ou quand on observait aux jumelles les oiseaux dans les champs de maĂŻs derriĂšre le LycĂ©e international, ou encore quand on construisait des cabanes dans les ficus du quartier et qu'on vivait des tas de pĂ©ripĂ©ties d'Indiens et de Far West. On connaissait tous les recoins de l'impasse et on voulait y rester pour la vie entiĂšre, tous les cinq, ensemble. J'ai beau chercher, je ne me souviens pas du moment oĂč l'on s'est mis Ă  penser diffĂ©remment. A considĂ©rer que, dorĂ©navant, il y aurait nous d'un cĂŽtĂ© et, de l'autre, des ennemis, comme Francis. J'ai beau retourner mes souvenirs dans tous les sens, je ne parviens pas Ă  me rappeler clairement l'instant oĂč nous avons dĂ©cidĂ© de ne plus nous contenter de partager le peu que nous avions et de cesser d'avoir confiance de voir l'autre comme un danger, de crĂ©er cette frontiĂšre invisible avec le monde extĂ©rieur en faisant de notre quartier une forteresse et de notre impasse un enclos. Je me demande encore quand, les copains et moi, nous avons commencĂ© Ă  avoir peur.
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Gaël Faye (Petit pays)
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L'armĂ©e de Charles Martel se composait de Bourguignons, d'Allemands, de Gaulois, et celle d'AbdĂ©rame d'Arabes et de BerbĂšres. Le combat resta indĂ©cis une partie de la journĂ©e, mais le soir, un corps de soldats francs s'Ă©tant dĂ©tachĂ© du gros de l'armĂ©e pour se porter vers le camp des musulmans, ces derniers quittĂšrent le champ de bataille en dĂ©sordre pour aller dĂ©fendre leur butin, et cette manƓuvre maladroite entraĂźna leur perte. Ils durent battre en retraite et retourner dans les provinces du sud. Charles Martel les suivit de loin. ArrivĂ© devant Narbonne, il l'assiĂ©gea inutilement, et s'Ă©tant mis alors, suivant l'habitude de l'Ă©poque, Ă  piller tous les pays environnants, les seigneurs chrĂ©tiens s'alliĂšrent aux Arabes pour se dĂ©barrasser de lui, et l'obligĂšrent Ă  battre en retraite. BientĂŽt remis de l'Ă©chec que leur avait infligĂ© Charles Martel, les musulmans continuĂšrent Ă  occuper leurs anciennes positions, et se maintiennent encore en Lrance pendant deux siĂšcles. En 737, le gouverneur de Marseille leur livre la Provence, et ils occupent Arles. En 889, nous les retrouvons encore Ă  Saint-Tropez, et ils se maintiennent en Provence jusqu'Ă  la fin du dixiĂšme siĂšcle. En 935, ils pĂ©nĂštrent dans le Valais et la Suisse. Suivant quelques auteurs, ils seraient mĂȘme arrivĂ©s jusqu'Ă  Metz. Le sĂ©jour des Arabes en France, plus de deux siĂšcles aprĂšs Charles Martel, nous prouve que la victoire de ce dernier n'eut en aucune façon l'importance que lui attribuent tous les historiens. Charles Martel, suivant eux, aurait sauvĂ© l'Europe et la chrĂ©tientĂ©. Mais cette opinion, bien qu'universellement admise, nous semble entiĂšrement privĂ©e de fondement.
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Gustave Le Bon (ۭ۶ۧ۱۩ Ű§Ù„Űč۱ۚ)
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Mais j’avais revu tantĂŽt l’une, tantĂŽt l’autre, des chambres que j’avais habitĂ©es dans ma vie, et je finissais par me les rappeler toutes dans les longues rĂȘveries qui suivaient mon rĂ©veil ; chambres d’hiver oĂč quand on est couchĂ©, on se blottit la tĂȘte dans un nid qu’on se tresse avec les choses les plus disparates : un coin de l’oreiller, le haut des couvertures, un bout de chĂąle, le bord du lit, et un numĂ©ro des DĂ©bats roses, qu’on finit par cimenter ensemble selon la technique des oiseaux en s’y appuyant indĂ©finiment ; oĂč, par un temps glacial, le plaisir qu’on goĂ»te est de se sentir sĂ©parĂ© du dehors (comme l’hirondelle de mer qui a son nid au fond d’un souterrain dans la chaleur de la terre), et oĂč, le feu Ă©tant entretenu toute la nuit dans la cheminĂ©e, on dort dans un grand manteau d’air chaud et fumeux, traversĂ© des lueurs des tisons qui se rallument, sorte d’impalpable alcĂŽve, de chaude caverne creusĂ©e au sein de la chambre mĂȘme, zone ardente et mobile en ses contours thermiques, aĂ©rĂ©e de souffles qui nous rafraĂźchissent la figure et viennent des angles, des parties voisines de la fenĂȘtre ou Ă©loignĂ©es du foyer et qui se sont refroidies ; – chambres d’étĂ© oĂč l’on aime ĂȘtre uni Ă  la nuit tiĂšde, oĂč le clair de lune appuyĂ© aux volets entr’ouverts, jette jusqu’au pied du lit son Ă©chelle enchantĂ©e, oĂč on dort presque en plein air, comme la mĂ©sange balancĂ©e par la brise Ă  la pointe d’un rayon – ; parfois la chambre Louis XVI, si gaie que mĂȘme le premier soir je n’y avais pas Ă©tĂ© trop malheureux, et oĂč les colonnettes qui soutenaient lĂ©gĂšrement le plafond s’écartaient avec tant de grĂące pour montrer et rĂ©server la place du lit ; parfois au contraire celle, petite et si Ă©levĂ©e de plafond, creusĂ©e en forme de pyramide dans la hauteur de deux Ă©tages et partiellement revĂȘtue d’acajou, oĂč, dĂšs la premiĂšre seconde, j’avais Ă©tĂ© intoxiquĂ© moralement par l’odeur inconnue du vĂ©tiver, convaincu de l’hostilitĂ© des rideaux violets et de l’insolente indiffĂ©rence de la pendule qui jacassait tout haut comme si je n’eusse pas Ă©tĂ© là ; – oĂč une Ă©trange et impitoyable glace Ă  pieds quadrangulaires barrant obliquement un des angles de la piĂšce se creusait Ă  vif dans la douce plĂ©nitude de mon champ visuel accoutumĂ© un emplacement qui n’y Ă©tait pas prĂ©vu ; – oĂč ma pensĂ©e, s’efforçant pendant des heures de se disloquer, de s’étirer en hauteur pour prendre exactement la forme de la chambre et arriver Ă  remplir jusqu’en haut son gigantesque entonnoir, avait souffert bien de dures nuits, tandis que j’étais Ă©tendu dans mon lit, les yeux levĂ©s, l’oreille anxieuse, la narine rĂ©tive, le cƓur battant ; jusqu’à ce que l’habitude eĂ»t changĂ© la couleur des rideaux, fait taire la pendule, enseignĂ© la pitiĂ© Ă  la glace oblique et cruelle, dissimulĂ©, sinon chassĂ© complĂštement, l’odeur du vĂ©tiver et notablement diminuĂ© la hauteur apparente du plafond.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann (à la recherche du temps perdu #1))
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De cette assise sortent les spirales des liserons Ă  cloches blanches, les brindilles de la bugrane rose, mĂȘlĂ©es de quelques fougĂšres, de quelques jeunes pousses de chĂȘne aux feuilles magnifiquement colorĂ©es et lustrĂ©es ; toutes s’avancent prosternĂ©es, humbles comme des saules pleureurs, timides et suppliantes comme des priĂšres. Au-dessus, voyez les fibrilles dĂ©liĂ©es, fleuries, sans cesse agitĂ©es de l’amourette purpurine qui verse Ă  flots ses anthĂšres presque jaunes ; les pyramides neigeuses du paturin des champs et des eaux, la verte chevelure des bromes stĂ©riles, les panaches effilĂ©s de ces agrostis nommĂ©s les Ă©pis du vent ; violĂątres espĂ©rances dont se couronnent les premiers rĂȘves et qui se dĂ©tachent sur le fond gris de lis oĂč la lumiĂšre rayonne autour de ces herbes en fleurs. Mais dĂ©jĂ  plus haut, quelques roses du Bengale clairsemĂ©es parmi les folles dentelles du daucus, les plumes de la linaigrette, les marabous de la reine des prĂ©s, les ombellules du cerfeuil sauvage, les blonds cheveux de la clĂ©matite en fruits, les mignons sautoirs de la croisette au blanc de lait, les corymbes des millefeuilles, les tiges diffuses de la fumeterre aux fleurs roses et noires, les vrilles de la vigne, les brins tortueux des chĂšvrefeuilles ; enfin tout ce que ces naĂŻves crĂ©atures ont de plus Ă©chevelĂ©, de plus dĂ©chirĂ©, des flammes et de triples dards, des feuilles lancĂ©olĂ©es, dĂ©chiquetĂ©es, des tiges tourmentĂ©es comme les dĂ©sirs entortillĂ©s au fond de l’ñme. Du sein de ce prolixe torrent d’amour qui dĂ©borde, s’élance un magnifique double pavot rouge accompagnĂ© de ses glands prĂȘts Ă  s’ouvrir, dĂ©ployant les flammĂšches de son incendie au- dessus des jasmins Ă©toilĂ©s et dominant la pluie incessante du pollen, beau nuage qui papillote dans l’air en reflĂ©tant le jour dans ses mille parcelles luisantes ! Quelle femme enivrĂ©e par la senteur d’Aphrodise cachĂ©e dans la flouve, ne comprendra ce luxe d’idĂ©es soumises, cette blanche tendresse troublĂ©e par des mouvements indomptĂ©s, et ce rouge dĂ©sir de l’amour qui demande un bonheur refusĂ© dans les luttes cent fois recommencĂ©es de la passion contenue, infatigable, Ă©ternelle ? Mettez ce discours dans la lumiĂšre d’une croisĂ©e, afin d’en montrer les frais dĂ©tails, les dĂ©licates oppositions, les arabesques, afin que la souveraine Ă©mue y voie une fleur plus Ă©panouie et d’oĂč tombe une larme ; elle sera bien prĂšs de s’abandonner, il faudra qu’un ange ou la voix son enfant la retienne au bord de l’abĂźme. Que donne-t-on Ă  Dieu ? des parfums, de la lumiĂšre et des chants, les expressions les plus Ă©purĂ©es de notre nature. Eh! bien, tout ce qu’on offre Ă  Dieu n’était-il pas offert Ă  l’amour dans ce poĂšme de fleurs lumineuses qui bourdonnait incessamment ses mĂ©lodies au cƓur, en y caressant des voluptĂ©s cachĂ©es, des espĂ©rances inavouĂ©es, des illusions qui s’enflamment et s’éteignent comme des fils de la vierge par une nuit chaude.
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Honoré de Balzac
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Je me redisais en Ă©touffant mes sanglots les mots oĂč Gilberte avait laissĂ© Ă©clater sa joie de ne pas venir de longtemps aux Champs-ÉlysĂ©es. Mais dĂ©jĂ  le charme dont, par son simple fonctionnement, se remplissait mon esprit dĂšs qu'il songeait Ă  elle, la position particuliĂšre, unique,—fĂ»t elle affligeante,—oĂč me plaçait inĂ©vitablement par rapport Ă  Gilberte, la contrainte interne d'un pli mental, avaient commencĂ© Ă  ajouter, mĂȘme Ă  cette marque d'indiffĂ©rence, quelque chose de romanesque, et au milieu de mes larmes se formait un sourire qui n'Ă©tait que l'Ă©bauche timide d'un baiser. Et quand vint l'heure du courrier, je me dis ce soir-lĂ  comme tous les autres: Je vais recevoir une lettre de Gilberte, elle va me dire enfin qu'elle n'a jamais cessĂ© de m'aimer, et m'expliquera la raison mystĂ©rieuse pour laquelle elle a Ă©tĂ© forcĂ©e de me le cacher jusqu'ici, de faire semblant de pouvoir ĂȘtre heureuse sans me voir, la raison pour laquelle elle a pris l'apparence de la Gilberte simple camarade. Tous les soirs je me plaisais Ă  imaginer cette lettre, je croyais la lire, je m'en rĂ©citais chaque phrase. Tout d'un coup je m'arrĂȘtais effrayĂ©. Je comprenais que si je devais recevoir une lettre de Gilberte, ce ne pourrait pas en tous cas ĂȘtre celle-lĂ  puisque c'Ă©tait moi qui venais de la composer. Et dĂšs lors, je m'efforçais de dĂ©tourner ma pensĂ©e des mots que j'aurais aimĂ© qu'elle m'Ă©crivĂźt, par peur en les Ă©nonçant, d'exclure justement ceux-lĂ ,—les plus chers, les plus dĂ©sirĂ©s—, du champ des rĂ©alisations possibles. MĂȘme si par une invraisemblable coĂŻncidence, c'eĂ»t Ă©tĂ© justement la lettre que j'avais inventĂ©e que de son cĂŽtĂ© m'eĂ»t adressĂ©e Gilberte, y reconnaissant mon Ɠuvre je n'eusse pas eu l'impression de recevoir quelque chose qui ne vĂźnt pas de moi, quelque chose de rĂ©el, de nouveau, un bonheur extĂ©rieur Ă  mon esprit, indĂ©pendant de ma volontĂ©, vraiment donnĂ© par l'amour.
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Marcel Proust
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Parmi tant de surprenantes boutiques, celles qui donnent le plus Ă  rĂ©flĂ©chir sont pour moi, dans une rue que les Ă©trangers connaissent Ă  peine, ces espĂšces de hangars poussiĂ©reux, oĂč s'entassent les vieilles armes, les vieilles cuirasses, les vieux visages d'acier, tout l'attirail pour faire peur qui servait aux anciennes batailles, et les fanions des SamouraĂŻs, leurs emblĂšmes de ralliement, leurs Ă©tendards. Sur des fantĂŽmes de mannequins qui ne tiennent plus debout, posent des armures squameuses, des moitiĂ©s de figures poilues, des masques ricanant la mort. Un fouillis d'objets ultra-mĂ©chants, qui pour nous ne ressemblent Ă  rien de connu, tellement qu'on les croirait tombĂ©s de quelque planĂšte Ă  peine voisine. Ce Japon Ă  demi fantastique, soudainement Ă©croulĂ© aprĂšs des millĂ©naires de durĂ©e, gĂźt lĂ  pĂȘle-mĂȘle et continue de dĂ©gager un vague effroi. Ainsi, les pĂšres, ou les grands-pĂšres tout au plus, de ces petits soldats d'aujourd'hui, si drĂŽlement corrects dans leurs uniformes d'Occident, se dĂ©guisaient encore en monstres de rĂȘve, il y a cinquante ans Ă  peine, lorsqu'il s'agissait d'aller se battre; ils mettaient ces cornes, ces crĂȘtes, ces antennes; ils ressemblaient Ă  des scarabĂ©es, des hippocampes, des chimĂšres: par les trous de ces masques Ă  grimace, luisaient leurs yeux obliques et sortaient leurs cris de fureur ou d'agonie... Et c'est dans les vallĂ©es ou les champs de ce gentil pays vert qu'avaient lieu ces scĂšnes uniques au monde: les rencontres et les corps Ă  corps d'armĂ©es rivales, vĂȘtues avec cet art dĂ©moniaque, alors que les longs sabres coupants, tenus Ă  deux mains au bout de bras musculeux et courts, dĂ©crivaient leurs moulinets en l'air, puis faisaient partout des entailles saignantes, fauchaient ensemble les casques cornus et les figures masquĂ©es.
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Pierre Loti (La troisiĂšme jeunesse de Madame Prune / Le mariage de Loti)
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Le succÚs se bùtit de l'intérieur. Il n'arrive pas par magie. Ce sont mes années d'études et de recherches qui ont rendu mon roman vibrant, vibrant de mille détails qui ont résonné dans l'esprit des lecteurs. L'ùme y a sa part. L'ùme de la chercheuse humble, érudite, patiente. La société, aujourd'hui, ne croit plus à l'ùme. Elle ne croit plus en Dieu. Elle ne croit plus en l'Homme. Elle a aboli les majuscules, met des minuscules sur tout, engendre le désespoir et l'amertume chez les faibles, l'envie de déserter chez les autres. Impuissants et inquiets, les sages s'écartent, laissant le champ libre aux fous avides.
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Katherine Pancol
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Je dĂ©teste marcher RenĂ©-LĂ©vesque. C'est une rue que personne ne flĂąne, un boulevard gris Ă  l'odeur de dĂ©faite. À MontrĂ©al, les beaux coins sont nommĂ©s en l'honneur des tyrans, et les perdants se contentent du reste. Classique. Sur les cartes routiĂšres de l'Ăźle se rejouent encore de vieux affrontements qui traĂźnent depuis des siĂšcles, des champs de bataille nominaux aux intersections de Papineau, d'Iberville, de Bourassa ou de Queen Mary, des carrefours en apparence banals oĂč les passants piĂ©tinent sans cesse notre histoire.
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Francis Juteau (Montréal insomniaque)
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Le PoĂšme. De quels profonds venu? S'il sanctionne en effet une pensĂ©e poĂ©tique et l'incarne, toute poĂ©tique aujourd'hui n'est-elle pas juste et lourde de concevoir et d'activer l'intrication totale des diverses poĂ©tiques du monde? Il n'y a pas un poĂšme qui donne, il n'y a pas poĂšme qui rĂ©surne. La poĂ©tique est vrillĂ©e Ă  l'Ă©norme encan oĂč le monde enfin rĂ©uni et divers se vend, s'offre, se rassemble. La poĂ©tique perce au profond (n'en remonte pas indistincte), exige de se nier lĂ  oĂč elle affirme ; d'une poĂ©tique des poĂ©tiques du monde il ressort une antipoĂ©tique (une nĂ©gation de l'Un dans le champ du Divers). Le poĂšme est l'outil poĂ©tique de l'Un. Le bruit du poĂšme aujourd'hui est donnĂ© dans un autre bruit : cette voix totale, armĂ©e, niante, reliante. Le poĂšme est un moment de la voix, il ne se pose. C'est un pan du tout, qui ne se devale pas seul. Je peux dĂ©passer le poĂšme, si ma voix est soutenue de l'Ă©norme balan, si je consens aux densitĂ©s de perfection que le poĂšme imposait; si, le quittant, je tends Ă  y venir.
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Édouard Glissant (Poetic Intention)
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On sait ce qui fait tenir physiquement le béton : l'hydratation du ciment transforme ses phases silicatées en silicate de calcium hydraté, dont la structure assure la cohésion des granulats et la résistance du matériau. Mais qu'est-ce qui le fait tenir ontologiquement ? Dit autrement, c'est quoi le monde du béton ? Le ciment standardisé le plus commun, dit "Portland", a été mis au point au début du XIXe siÚcle. Il accompagne l'essor du capitalisme industriel. Hyper modulable, peu onéreux, facile de mise en oeuvre comme à détruire, les qualités du béton de ciment donnent depuis lors aux politiques et aménageurs une grande liberté pour configurer et reconfigurer l'espace. Et cette reconfiguration n'a pas cessé depuis que les humains s'agglomÚrent dans les villes, suivant en substance les mouvements de concentration du capital. Le béton matérialise ce rapport dans des infrastructures dédiées à l'accélération des flux de marchandises, qu'il s'agisse d'information, d'énergie, de biens manufacturés, ou de travailleurs. Frets, entrepÎts de stockage, hubs de tri, transporteurs, data centers, fibre optique, plateformes "virtuelles" : les grands réseaux logistiques et informationnels synchronisent les métropoles entre elles sur la cadence du marché. Zébrant les territoires, cette couche dessine une pieuvre logistique faite de routes, ponts, tunnels connectant entrepÎts, ports et aéroports. N'ayant que faire des particularités des territoires traversés, au mépris de celles et ceux qui y habitent, la logistique trace tout droit à travers bourgs, champs, zones naturelles et montagnes. Les campagnes sont reléguées aux fonctions de voies de transit d'un cÎté, et en ressources alimentaires et énergétiques de l'autre.
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Les soulĂšvements de la terre (PremiĂšres secousses)
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J'ai connu des filles, en général plus jeunes, qui s'empressaient de se déshabiller comme pour prendre un bain, vous privaient des mystÚres qu'elles vous jetaient sans façon aux yeux, vous volent le spectacle, et le plaisir de les surprendre avec lenteur. Avec celles-là, tout est concret, à consommer sur-le-champ.
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René Fallet (L'Amour baroque)
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Sous un ciel infiniment pur et trĂšs haut, dans la lumiĂšre douce de la lune, la place de la Concorde paraissait immense et Ă©trange. A cette heure, ce n’était plus un carrefour de Paris, avec son obĂ©lisque aux lignes hiĂ©ratiques, la voie blanche du pont menant Ă  un palais d’architecture grecque, la large avenue des Champs-ÉlysĂ©es fuyant mystĂ©rieusement sous la verdure, les terrasses dĂ©sertes et les jardins silencieux des Tuileries, elle ressemblait Ă  l’agora de quelque ville de rĂȘve sur laquelle planait le sommeil et qui donnait une dĂ©licieuse sensation d’immobilitĂ©, d’apaisement et de repos.
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Pierre de Coulevain (Eve victorieuse)
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Allergiques aux champs électromagnétiques L'électro-hypersensibilité
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Anonymous
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Nous avons dĂ©jĂ  parlĂ© de la notion temporelle propre Ă  chaque saison, l'Ă©tĂ© Ă©tant l'Ă©poque oĂč il ne faut plus attendre, quand la rĂ©colte est mĂ»re, pour la recueillir. J'ai ainsi connu des Ă©tĂ©s bretons oĂč les pluies risquaient de gĂącher le travail de toute une annĂ©e; les Recteurs, en chaire, autorisaient exceptionnellement le travail le dimanche. Cette pĂ©riode de rĂ©colte n'est pas une phase tranquille oĂč il suffit de contempler les champs de blĂ© mĂ»r, mais une pĂ©riode de travail impĂ©ratif pour mettre la rĂ©colte Ă  l'abri Ă  temps. Les cultivateurs de l'Ă©poque -- comme maintenant -- n'avaient pas toujours leur temps normal de sommeil; l'Ă©tĂ©, quand il fallait suivre les battages de ferme en ferme, les paysans finissaient Ă  la nuit pour reprendre Ă  l'aube dans la ferme suivante, ce qui ne les empĂȘchait pas, d'ailleurs, d'aller au bal le samedi et d'y gagner une nouvelle nuit blanche. La rĂ©colte n'attends pas, « quand le vin est tirĂ©, il faut le boire » ; si le fruit du travail psychologique n'est pas engrangĂ© en temps voulu, il risque d'ĂȘtre perdu. Psychologiquement, on peut dire que si le sujet ne prends pas conscience de certains progrĂšs, de certains Ă©volutions, aux moments oĂč ceux-ci se prĂ©sentent, ils risquent d'ĂȘtre perdus et de repartir dans l'inconscient. Il faudra un nouveau cycle pour retrouver Ă  nouveau les solutions nĂ©gligĂ©es. Il est nĂ©cessaire de reconnaĂźtre que les choses ont changĂ©. Ainsi, en faisant avec quelqu'un le bilan d'une annĂ©e d'entretiens et en se reportant aux problĂšmes qui se posaient un an plus tĂŽt, il est possible de mesurer le chemin parcouru, de s'apercevoir que des problĂšmes, cruciaux alors, sont pasĂ©s au second plan et ont Ă©tĂ© rĂ©solus. Il est permis d'espĂ©rer que les nouvelles questions qui se posent trouveront elles aussi leurs rĂ©ponses. Ainsi, le sujet n'a pas l'impression de nager continuellement dans la mĂȘme problĂ©matique, comme s'il tournait en rond, et pourra mĂȘme dĂ©couvrir que si certains questions reviennent Ă  l'ordre du jour, elles le font selon un mouvement spirale qui ne pose plus de problĂšmes de la mĂȘme façon que l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente. C'est la prise de conscience du chemin parcouru hier qui peut donner le courage d'en entreprendre un nouveau demain.
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Marie-Claire Dolghin-Loyer
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[...] le principe consistant Ă  chevaucher le tigre. Il peut alors signifier que lorsqu’un cycle de civilisation touche Ă  sa fin, il est difficile d’aboutir Ă  un rĂ©sultat quelconque en rĂ©sistant, en s’opposant directement aux forces en mouve­ment. Le courant est trop fort, on serait englouti. L’essentiel est de ne pas se laisser impressionner par la toute-puissance et le triomphe apparents des forces de l’époque. PrivĂ©es de lien avec tout principe supĂ©rieur, ces forces ont, en rĂ©alitĂ©, un champ d’action limitĂ©. Il ne faut donc pas s’hypnotiser sur le prĂ©sent ni sur ce qui nous entoure, mais envisager aussi les conditions susceptibles d’apparaĂźtre plus tard. La rĂšgle Ă  suivre peut alors consister Ă  laisser libre cours aux forces et aux processus de l'Ă©poque, mais en demeurant ferme et prĂȘt Ă  intervenir quand « le tigre, qui ne peut pas se jeter sur qui le chevauche, sera fatiguĂ© de courir ».
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Julius Evola (Ride the Tiger: A Survival Manual for the Aristocrats of the Soul)
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La lutte libĂ©rale contre la Restauration et l’ouverture faite aux hommes de lettres dans la pĂ©riode orlĂ©aniste avaient favorisĂ©, sinon une politisation de la vie intellectuelle, du moins une sorte d’indiffĂ©renciation de la littĂ©rature et de la politique, comme en tĂ©moigne la floraison des politiciens littĂ©rateurs et des littĂ©rateurs politiciens, Guizot, Thiers, Michelet, Thierry, Villemain, Cousin, Jouffroy ou Nisard. La rĂ©volution de 1848, qui déçoit ou inquiĂšte les libĂ©raux, et surtout le second Empire renvoient la plupart des Ă©crivains dans une sorte de quiĂ©tisme politique, insĂ©parable d’un repliement hautain vers l’art pour l’art, dĂ©fini contre l’« art social ». On se rappelle Baudelaire fulminant contre les socialistes : « Crosse religieusement les omoplates de l’anarchiste21 ! » Ou Leconte de Lisle faisant la leçon Ă  Louis MĂ©nard restĂ© fidĂšle Ă  ses idĂ©aux politiques : « Vas-tu passer ta vie Ă  rendre un culte Ă  Blanqui qui n’est ni plus ni moins qu’une sorte de hache rĂ©volutionnaire, hache utile en son lieu, je le veux bien, mais hache enfin ! Va ! Le jour oĂč tu auras fait une belle Ɠuvre, tu auras plus prouvĂ© ton amour de la justice et du droit qu’en Ă©crivant vingt volumes d’économie22. » Mais l’expression la plus typique de ce dĂ©senchantement se trouve chez Flaubert, Taine ou Renan qui, rĂ©fugiĂ©s dans leur Ɠuvre, gardent le silence sur les Ă©vĂ©nements politiques.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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Mais, dans leur lutte contre l’AcadĂ©mie, les peintres (et en particulier les « refusĂ©s ») pouvaient s’appuyer sur tout le travail d’invention collectif (commencĂ© avec le romantisme) de la figure hĂ©roĂŻque de l’artiste en lutte, rebelle dont l’originalitĂ© se mesure Ă  l’incomprĂ©hension dont il est victime ou au scandale qu’il suscite. Mais ils ont aussi reçu le soutien direct des Ă©crivains, depuis longtemps affranchis de l’autoritĂ© acadĂ©mique qui, dĂšs le XVIIe siĂšcle, leur avait assurĂ© une identitĂ© reconnue mais en leur assignant une fonction limitĂ©e, et, en tout cas, dĂ©finie du dehors. Les Ă©crivains ont renvoyĂ© aux peintres une image exaltĂ©e de la rupture hĂ©roĂŻque qu’ils Ă©taient en train d’accomplir et, surtout, ils ont portĂ© Ă  l’ordre du discours les dĂ©couvertes que les peintres Ă©taient en train de faire en pratique, en matiĂšre d’art de vivre notamment.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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de Robert Macaire ou de M. Prudhomme. Et personne n’a sans doute plus contribuĂ© que Baudelaire, dont les premiers Ă©crits connus sont les Salons de 1845 et 1846, Ă  Ă©difier l’image de l’artiste comme hĂ©ros solitaire qui, Ă  la façon de Delacroix, mĂšne une existence d’aristocrate indiffĂ©rent aux honneurs et tout entier tournĂ© vers la postĂ©ritĂ©25, et aussi comme un personnage saturnien vouĂ© au guignon et Ă  la mĂ©lancolie.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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champ /ʃɑ̃/ I. nm 1. (terre cultivable) field ‱ dans un ~ de colza | in a field of rapeseed ‱ des ~s de coton | cotton fields ‱ couper or prendre Ă  travers ~s | to cut across the fields ‱ travailler aux ~s | to work in the fields ‱ se promener dans les ~s | to walk in the fields ‱ en pleins ~s | in open country 2. (Ă©tendue) field ‱ ~ de glace | ice field ‱ ~ de neige | snowfield ‱ ~ pĂ©trolifĂšre or de pĂ©trole | oil field ‱ ~ de dunes | dunes (pl) 3. (domaine) field ‱ mon ~ d'action/de recherche | my field of action/of research ‱ le ~ culturel/politique | the cultural/political arena ‱ le ~ des polĂ©miques/investigations | the scope of the controversies/investigations ‱ le ~ est libre, on peut y aller | (lit) the coast is clear, we can go; (fig) the way is clear, we can go ‱ avoir le ~ libre | to have a free hand ‱ laisser le ~ libre Ă  qn | (gĂ©n) to give sb a free hand(en se retirant) to make way for sb 4. field ‱ le ~ visuel | the field of vision ‱ ĂȘtre dans le ~ | to be in shot ‱ entrer dans le/sortir du ~ | to come into/go out of shot ‱ ĂȘtre hors ~ | [personnage] to be offscreen ou out of shot ‱ une voix hors ~ | an offscreen voice ‱ prendre du ~ | (fig) to stand back 5. field ‱ ~ acoustique/Ă©lectrique/magnĂ©tique | sound/electric/magnetic field 6. field ‱ ~ conceptuel/dĂ©rivationnel/lexical/sĂ©mantique | conceptual/derivational/lexical/semantic field 7. field ‱ ~ de vecteurs/scalaires/tenseurs | vector/scalar/tensor field 8. field II. loc adv all the time voir aussi: sur-le-champ III. Idiome ‱ mourir au champ d'honneur | to be killed in action
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Synapse DĂ©veloppement (Oxford Hachette French - English Dictionary (French Edition))
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Psaume N°3 Que je suis seul, Seigneur, et Ă  rebours ! Arbre en exil oubliĂ© en plein champ, Le fruit saumĂątre et le feuillage lourd, AcharnĂ©, vif, hĂ©rissĂ© de piquants. Je voudrais tant qu'un passereau disert S'arrĂȘte en ma ramenĂ©e Et chante en moi, voletant Ă  travers Mon ombre de fumĂ©e. J'espĂšre, un peu de grĂące et de douceur ; Un pĂ©piement, du moins, de martinet Ou de moineau fluet, Comme tout arbre aux fruits pleins de saveur. Je n'ai pas de nectars roses et tendres, Pas mĂȘme la senteur du verjus frais. RivĂ© par force entre Ă©ternel et brumes, Nulle chenille par mon tronc ne se plaĂźt. Haut chandelier, sentinelle aux confins, À chaque instant une Ă©toile se dore Sur mes rameaux tendus sur l'autel saint – Et je te sers ; combien de temps encore ? De voir ces feux sacrĂ©s, fleurs miennes, luire, De ne mĂ»rir que mĂ©taux, patiemment, Selon tes rigoureux commandements Devrait, Seigneur, peut-ĂȘtre me suffire. Seul Ă  ma tĂąche, abandonnĂ© par toi, Je peine, et saigne, et force mes racines. Au moins, de loin, ordonne que parfois Quelque ange enfant, ouvrant son aile fine S'Ă©claire, blanc, sous la lune au passage Et me redise ta parole sage.
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Tudor Arghezi (50 poeme | 50 poĂšmes)
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Ils riaient aux Ă©clats. Et, une fois la messe dite, ou accomplie quelque autre fonction de son sacerdoce, il sautait sur le dos de sa mule, plein de saudade de ses champs et des Ăąmes fraternelles qu’il gouvernait. Parmi elles, une seule lui donnait des cheveux blancs : Firmo. Ce diable d’homme Ă©tait un oiseau migrateur. Et pour quelqu’un comme lui, dont les racines plongeaient dans le sol de Vilarinho, cette rĂ©alitĂ© Ă©tait une souffrance.
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Miguel Torga
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Air de flĂ»te Mon cƓur est le chemin avec ses pluies, C’est le chemin poudreux qu’un troupeau d’ovins suit, Entre les arbres, c’est le chemin mort, La vigne aux paisseaux qui se tord, C’est le village et ses chiens, c’est la cour, La cendre au sillon, le labour, C’est le troupeau qui paĂźt la terre, C’est la volĂ©e de corbeaux dans les airs, C’est le buffle levĂ© de sa couche de boue, Qui, la tĂȘte lourde, debout, Contemple sans fin l’immense vide qui bĂąille. En tout mon cƓur bat et tressaille, Dans le poupard que l’anĂ©mie travaille, Aux membres Ă©tiolĂ©s, Dans l’essaim de mouches qui grouillent Et lui mordent la bouille. Je n’ai pas d’étang net OĂč abreuver mes bĂȘtes. Mes troupeaux aux paissons Ruminent herbes-de-charbon et oraisons. Cherchant la source aux neuves ondes, J’absorbe un vieux brouet de boue immonde, MĂȘlĂ© de fange et charogne. Mon cƓur est encore dans la cigogne Et sa flĂšche violette qui au ciel se perd, Il bat avec la scie de fer Des ronciers sur un dĂ©sert de pierres tombales, Dans les souris des champs Ă©lĂ©mentales, Dans la guĂȘpe et le taon. Le chant est dissonant Et le mot se soupire, Le bras s’affaisse et tire, L’aile amollie s’abat. Le temps me bat, le jour me bat, l’heure en moi bat.
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Tudor Arghezi (Chanter bouche close)
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J’attends l’an premier J’attends l’an premier d’une autre Ăšre, l’an de la paix sur la terre. On aura dĂ©moli les grands abattoirs de l’Histoire. Mon cƓur murmure dĂ©jĂ  : « FrĂšre, pardonne-moi cet hĂ©ritage de haine, et au nom de la souffrance humaine, prends ma main, frĂšre. Moi aussi j'ai mordu la poussiĂšre et j'ai pleurĂ©. Tous les miens morts, Ă©teint le feu du foyer, dans mon incendiĂ©e patrie
 Aurore Ă©trange, le sang avait lui, Les uns aprĂšs les autres, les horizons tombĂšrent devant moi et derriĂšre. Je franchissais les confins, des riviĂšres et des monts. Et personne n’était plus grand que les grands soldats sans noms. Nous nous frayions une voie Ă  travers les foules grises qui se retiraient, effrayĂ©es, comme l’eau. Les obus tuaient et creusaient du mĂȘme coup le tombeau de la mĂšre et de l’enfant. Et la mort, comme un revenant, traversait les champs dĂ©sertĂ©s. Et cependant, le yacht aux ponts dorĂ©s par le soleil du Midi, comme un oiseau sans tache, flottait. Le milliardaire fumait sa havane: « Ô monde merveilleusement rĂ©glĂ© ! » (Un ver qui grossit dans la plaie qu’il profane, de l’humanitĂ© toujours dans le sang
) FrĂšre, n’ayons plus de ressentiments ni de rĂȘves chauvins. Comme moi, tu travailles de tes mains. Tu laboures la terre. Peut-ĂȘtre, tu Ă©cris. Il y a des foyers pauvres en d’autres lieux aussi. Sur ton visage, je comprends sans mots que tu te rĂ©veilles chaque jour trĂšs tĂŽt, et couches tard chaque soir. Donne-moi ta main, sors de ton cercueil, dĂ©molissons les historiques abattoirs, regarde : le soleil sur le seuil
 (traduit du roumain par Elisabeta Isanos)
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Magda Isanos (Cantarea muntilor)
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Une fois, quelqu’un avait peint une Ă©glise sur une outarde. C’était la derniĂšre en ces lieux, les autres avaient toutes Ă©tĂ© tuĂ©es par les chasseurs ; quant aux Ă©glises — un bail qu’il n’y en avait plus. Aussi, il en a peint une sur cette derniĂšre outarde. Sur la crĂȘte, le jabot et les plumes-moustache, il peignit les Miracles du Christ. Sur une aile — la Passion et la Mise au tombeau; sur l’autre — l’Ascension. Il y a un Ă©quilibre dans ces choses, Ă  ce qu’on dit ; ce qu’on enterre de l’aile gauche s’élĂšve aux cieux quand on remue la droite. Et rĂ©ciproquement, ce qu’on Ă©lĂšve, on l’enterre. Une fois l’église achevĂ©e, il a relĂąchĂ© l’outarde dans les champs. Toute la journĂ©e il lui courait aprĂšs. Pour prier. « Vous n’auriez pas vu mon Ă©glise ? » demandait-il Ă  tous. Jusqu’au jour oĂč il tomba sur quelqu’un qui l’avait pendue Ă  sa ceinture, ruisselante de sang. (extrait de "Le bedeau", pp. 67-68)
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Marin Sorescu (La soif de la montagne de sel)
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Certains collectionneurs, raconte Malo Praz, consacrent leur vie Ă  rechercher, en remuant ciel et terre, les meubles et les objets d'une demeure qui ont Ă©tĂ© dispersĂ©s aux quatre vents. C'est, dit-il, comme s'ils "reconstituaient un puzzle". Qui sait quels champs magnĂ©tique mystĂ©rieux ils espĂšrent rĂ©activer le jour oĂč ils apposeront la derniĂšre piĂšce?
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Mona Chollet (Chez soi)
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Gerda ne connaissait pas le son du rire de son pĂšre. En revanche, elle se souvenait avec prĂ©cision de la derniĂšre fois oĂč elle avait vu rire sa mĂšre. Un seau d’eau savonneuse s’était renversĂ© sur le sol de la cuisine. Hermann avait marchĂ© dessus et avait glissĂ©. La vue de ce mari si raide qui tombait en tapant des fesses fit rire aux Ă©clats Johanna. Gerda se souvint longtemps du rire lĂ©ger de sa mĂšre, avec des tressautements et des hoquets qui secouaient son maigre thorax. Hermann ne lui dit pas d’arrĂȘter, il ne l’engueula pas, ne se moqua pas d’elle Ă  son tour. Mais en se relevant, il lui lança un regard chargĂ© d’un mĂ©pris si noir que son rire se sĂ©cha sur ses lĂšvres, comme une fleur des champs touchĂ©e par un tison. Gerda n’entendit jamais plus rire sa mĂšre.
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Francesca Melandri (Eva dorme)
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AussitĂŽt cent guerriers, l’orgueil de la GruyĂšre, Jurent d’aller combattre aux rives du Jourdain. Les voilĂ  rĂ©unis sous l’antique banniĂšre. En partant, ils chantaient ce belliqueux refrain : Soldats du Christ, prenons les armes, Suivons la grue, allons, partons ! Vous qui restez, sĂ©chez vos larmes ; Si Dieu le veut, nous reviendrons. Il faut, aux champs de l’IdumĂ©e, Que les croisĂ©s gruyĂ©riens Aillent grossir la grandearmĂ©e Qui doit affranchir les chrĂ©tiens.
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Joseph Genoud (LĂ©gendes fribourgeoises (French Edition))
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AussitĂŽt cent guerriers, l’orgueil de la GruyĂšre, Jurent d’aller combattre aux rives du Jourdain. Les voilĂ  rĂ©unis sous l’antique banniĂšre. En partant, ils chantaient ce belliqueux refrain : Soldats du Christ, prenons les armes, Suivons la grue, allons, partons ! Vous qui restez, sĂ©chez vos larmes ; Si Dieu le veut, nous reviendrons. Il faut, aux champs de l’IdumĂ©e, Que les croisĂ©s gruyĂ©riens Aillent grossir la grande armĂ©e Qui doit affranchir les chrĂ©tiens.
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Joseph Genoud (LĂ©gendes fribourgeoises (French Edition))
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les jours passent vite alors qu’on aurait pu croire le contraire lorsqu’on est lĂ , assis, Ă  attendre je ne sais quoi, Ă  boire et Ă  boire encore jusqu’à devenir le prisonnier des vertiges, Ă  voir la Terre tourner autour d’elle mĂȘme et du Soleil mĂȘme si je n’ai jamais cru Ă  ces thĂ©ories de merde que je rĂ©pĂ©tais Ă  mes Ă©lĂšves lorsque j’étais encore un homme pareil aux autres, faut vraiment ĂȘtre un illuminĂ© pour dĂ©biter des Ă©normitĂ©s de ce genre parce que moi, Ă  vrai dire, quand je bois mon pot,quand je suis assis peinard Ă  l’entrĂ©e du CrĂ©dit a voyagĂ©, je ne rĂ©alise pas que la Terre que je vois lĂ  puisse ĂȘtre ronde, qu’elle puisse s’amuser Ă  tourner au tour d’elle-mĂȘme et autour du Soleil comme si elle n’avait rien d’autre Ă  foutre que de se causer des vertiges d’avion Ă  papier, qu’on me dĂ©montre donc Ă  quel moment elle tourne autour d’elle-mĂȘme, Ă  quel moment elle arrive Ă  tourner autour du Soleil, faut ĂȘtre rĂ©aliste, voyons, ne mous laissons pas embobiner par ces penseurs qui devaient se raser Ă  l’aide d’un vulgaire silex ou d’une pierre maladroitement taillĂ©e pendant que les plus modernes d’entre eux utilisaient de la pierre polie, en fait, grosso modo, si je devais analyser tout ça de trĂšs prĂšs, je dirais qu’on distinguait jadis deux grandes catĂ©gories de penseurs, d’un cĂŽtĂ© y avait ceux qui pĂ©taient dans les baignoires pour crier Ă  plusieurs reprises « j’ai trouvĂ© , j’ai trouvĂ© », mais qu’est-ce qu’on en a foutre qu’ils aient trouvĂ©, ils n’avaient qu’à garder leur dĂ©couverte pour eux, moi j’ai eu Ă  m’immerger quelques fois dans la riviĂšre Tchinouka qui a emportĂ© ma pauvre mĂšre, je n’ai rien trouvĂ© de spectaculaire dans ces eaux grises oĂč tout corps qu’on y plonge ne subit mĂȘme pas la fameuse poussĂ©e verticale de bas en haut, c’est d’ailleurs pour cela que toute la merde de notre quartier Trois – cents est tapie au fond des eaux, qu’on me dise alors comment cette merde arrive Ă  Ă©chapper Ă  la poussĂ©e d’Archimerde, et puis y avait la deuxiĂšme grande catĂ©gorie d’illuminĂ©s qui n’étaient que des oisifs, des vrais fainĂ©ants, ils Ă©taient toujours assis sous un pommier du coin et attendaient de recevoir des pommes sur la tĂȘte pour une histoire d’attraction ou de pesanteur, moi je suis contre ces idĂ©es reçues, et je dis que la Terre est plate comme l’avenue de l’indĂ©pendance qui passe devant Le CrĂ©dit a voyagĂ©, y a rien a rajouter, je proclame que la Terre est tristement immobile, que c’est le Soleil qui s’excite autour de nous parce que je le vois moi-mĂȘme parader au dessus de la toiture de mon bar prĂ©fĂ©rĂ©, qu’on ne me raconte pas d’histoire Ă  dormir debout, et le premier qui vient encore m’expliquer que la Terre est ronde, qu’elle tourne autour d’elle –mĂȘme et autour du Soleil, celui lĂ  je le dĂ©capite sur le champ, mĂȘme s’il s’écrie « et pourtant elle tourne »
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Alain Mabanckou (Broken Glass)
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C'est entendu, l'Ă©conomie fonctionne principalement aux intĂ©rĂȘts de possession et le systĂšme politique aux intĂ©rĂȘts de pouvoir. L'erreur du discours intĂ©rĂȘtiste, toutefois, est d'oublier systĂ©matiquement que la sociĂ©tĂ© ne se rĂ©duit nullement au marchĂ© ou Ă  l'Etat. Les hommes, mĂȘme modernes, ne naissent pas Homo oeconomicus ou Homo politicus. Et l'essentiel de leur existence se dĂ©roule dans les sphĂšres de la famille, de l'alliance et de la parentĂ©, du voisinage, de la camaraderie, de l'amour et de l'amitiĂ©, ou encore de la vie associative. Bref, dans le champ des relations proprement sociales qui sont d'abord des relations de personne Ă  personne.
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Alain Caillé
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Esprits protecteurs de l’humanitĂ©, avons-nous vraiment rĂ©flĂ©chi aux puissances que dĂ©ploie la passion chez l’humain ? Avons-nous examinĂ© pourquoi un homme peut traverser un champ de flammes pour atteindre la femme qu’il aime ? Avons-nous rĂ©flĂ©chi Ă  l’effet du sexe sur le corps des amants ? À la symĂ©trie de son pouvoir ? Avons-nous Ă©tudiĂ© ce que la poĂ©sie Ă©veille en leur Ăąme, et la marque des mots doux sur un cƓur attendri ? Avons-nous contemplĂ© la physionomie de l’amour, analysĂ© pourquoi certaines relations sont mort-nĂ©es, d’autres naissent handicapĂ©es et atrophiĂ©es, tandis que certaines parviennent Ă  l’ñge adulte et durent toute la vie des amants ?
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Chigozie Obioma (An Orchestra of Minorities)
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dominĂ©, mais symboliquement dominant, du champ littĂ©raire, en poĂ©sie avec Baudelaire et les parnassiens, dans le roman avec Flaubert (malgrĂ© le succĂšs de scandale, et fondĂ© sur un malentendu, de Madame Bovary), les producteurs peuvent n’avoir pour clients, au moins Ă  court terme, que leurs concurrents (ainsi, quand, sous l’Empire, avec l’instauration de la censure, les grandes revues se ferment aux jeunes Ă©crivains, on assiste Ă  une prolifĂ©ration de petites revues, pour la plupart vouĂ©es Ă  une existence Ă©phĂ©mĂšre, dont les lecteurs se recrutent surtout parmi les collaborateurs et leurs amis).
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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C’est cette Ă©conomie paradoxale qui, de maniĂšre aussi trĂšs paradoxale, confĂšre tout leur poids aux propriĂ©tĂ©s Ă©conomiques hĂ©ritĂ©es, et en particulier Ă  la rente, condition de la survie en l’absence de marchĂ©.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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C’est donc seulement lorsque l’on a caractĂ©risĂ© les diffĂ©rentes positions que l’on peut revenir aux agents singuliers et aux diffĂ©rentes propriĂ©tĂ©s personnelles qui les prĂ©disposent plus ou moins Ă  les occuper et Ă  accomplir les potentialitĂ©s qui s’y trouvent inscrites.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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se rĂ©alisent effectivement qu’en relation avec une structure dĂ©terminĂ©e de positions socialement marquĂ©es (entre autres choses par les propriĂ©tĂ©s sociales de leurs occupants, Ă  travers lesquelles elles se donnent Ă  percevoir) ; mais, Ă  l’inverse, c’est au travers des dispositions, qui sont elles-mĂȘmes plus ou moins complĂštement ajustĂ©es aux positions, que se rĂ©alisent telles ou telles des potentialitĂ©s qui se trouvaient inscrites dans les positions.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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transcendante Ă  tous les actes privĂ©s et circonstanciels qui le visent : il donne ainsi les apparences d’un fondement au platonisme dĂ©clarĂ© ou larvĂ© de ceux qui, comme Husserl ou Meinong, entendent fonder l’activitĂ© proprement philosophique sur l’irrĂ©ductibilitĂ© des contenus de conscience (noĂšmes) aux actes de conscience (noĂšses), du nombre aux opĂ©rations (psychologiques) de calcul, ou de ceux qui, comme Popper, et bien d’autres, affirment l’autonomie du monde des idĂ©es, de son fonctionnement et de son devenir, par rapport aux sujets connaissants83
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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problĂšme « objectif » et Ă  en faire son affaire (on peut penser Ă  l’exemple, analysĂ© par Panofsky, du problĂšme de la rose de la façade Ouest, lĂ©guĂ© par Suger aux architectes qui inventeront l’art gothique) que se dĂ©termine la solution spĂ©cifique, produite Ă  partir d’un art d’inventer dĂ©jĂ  inventĂ© ou grĂące Ă  l’invention d’un nouvel art d’inventer.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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par exemple, en analysant statistiquement comment se distribuent entre les producteurs de livres (socialement caractĂ©risĂ©s) divers indices de reconnaissance en tant qu’écrivain (comme la prĂ©sence dans des listes ou des palmarĂšs) dĂ©cernĂ©s par diffĂ©rentes instances de consĂ©cration (acadĂ©mies, systĂšme d’enseignement, auteurs de listes, etc.) et en examinant comment se distribuent eux-mĂȘmes dans l’espace ainsi construit les auteurs de listes ou de palmarĂšs et de dĂ©finitions de l’écrivain, on devrait parvenir Ă  dĂ©terminer les facteurs qui conditionnent l’accĂšs aux diffĂ©rentes formes du statut d’écrivain, donc le contenu implicite et explicite des dĂ©finitions en prĂ©sence.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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Est-il vrai que l’analyse scientifique soit condamnĂ©e Ă  dĂ©truire ce qui fait la spĂ©cificitĂ© de l’Ɠuvre littĂ©raire et de la lecture, Ă  commencer par le plaisir esthĂ©tique ? Et que le sociologue soit vouĂ© au relativisme, au nivellement des valeurs, Ă  l’abaissement des grandeurs, Ă  l’abolition des diffĂ©rences qui font la singularitĂ© du « crĂ©ateur », toujours situĂ© du cĂŽtĂ© de l’Unique ? Cela parce qu’il aurait partie liĂ©e avec les grands nombres, la moyenne, le moyen, et, par consĂ©quent, avec le mĂ©diocre, le mineur, les minores, la masse des petits auteurs obscurs, justement mĂ©connus, et avec ce qui rĂ©pugne par-dessus tout aux « crĂ©ateurs » de ce temps, le contenu et le contexte, le « rĂ©fĂ©rent » et le hors-texte, le dehors de la littĂ©rature ?
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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C’est dire qu’on ne peut donner Ă  la science de l’art son objet propre qu’à condition de rompre non seulement avec l’histoire traditionnelle de l’art qui succombe sans combat au « fĂ©tichisme du nom du maĂźtre » dont parlait Benjamin, mais aussi avec l’histoire sociale de l’art qui ne rompt qu’en apparence avec les prĂ©supposĂ©s de la construction d’objet la plus traditionnelle ; en effet, en se limitant Ă  une analyse des conditions sociales de production de l’artiste singulier (saisies notamment Ă  travers son origine sociale et sa formation), elle se laisse imposer l’essentiel du modĂšle traditionnel de la « crĂ©ation » artistique qui fait de l’artiste le producteur exclusif de l’Ɠuvre d’art et de sa valeur – cela lors mĂȘme qu’elle s’intĂ©resse aux destinataires ou aux commanditaires de l’Ɠuvre, mais sans jamais poser
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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distance, marquant cette rupture dans la continuitĂ© ou cette continuitĂ© dans la rupture qui fait l’histoire d’un champ parvenu Ă  l’autonomie. ComplexitĂ© de la rĂ©volution artistique : sous peine de s’exclure du jeu, on ne peut rĂ©volutionner un champ qu’en mobilisant ou en invoquant les acquis de l’histoire du champ, et les grands hĂ©rĂ©siarques, Baudelaire, Flaubert ou Manet, s’inscrivent explicitement dans l’histoire du champ, dont ils maĂźtrisent le capital spĂ©cifique beaucoup plus complĂštement que leurs contemporains, les rĂ©volutions prenant la forme d’un retour aux sources, Ă  la puretĂ© des origines.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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J’aurais voulu pouvoir me justifier sur-le-champ aux yeux du monde entier : j’aurais sautĂ© en bas du pont de Brooklyn si j’avais pu convaincre les gens, ce faisant, que je n’étais pas un salopard ni un sans-cƓur. Du cƓur, j’en avais, et gros comme une baleine ; je ne devais pas tarder Ă  le prouver, mais personne ne se donnait la peine de regarder jusque dans mon cƓur. Tous, je les laissais choir l’un aprĂšs l’autre – non seulement les boĂźtes qui vendaient Ă  tempĂ©rament, mais le propriĂ©taire, le boucher, le boulanger, les salopards de l’eau, du gaz et de l’électricitĂ©, tous. Si seulement j’avais pu arriver Ă  croire Ă  cette histoire de travail ! Impossible d’y voir aucune chance de salut. Tout ce que je voyais, c’était que les gens se cassaient les couilles, faute d’intelligence.
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Henry Miller (Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer)
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Mais la sociĂ©tĂ© des artistes n’est pas seulement le laboratoire oĂč s’invente cet art de vivre trĂšs particulier qu’est le style de vie artiste, dimension fondamentale de l’entreprise de crĂ©ation artistique. Une de ses fonctions majeures, et pourtant toujours ignorĂ©e, est d’ĂȘtre Ă  elle-mĂȘme son propre marchĂ©. Elle offre aux audaces et aux transgressions que les Ă©crivains et les artistes introduisent, non seulement dans leurs Ɠuvres, mais aussi dans leur existence, elle-mĂȘme conçue comme une Ɠuvre d’art,
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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C’est sans doute parce qu’il a vĂ©cu, avec la luciditĂ© des commencements, toutes les contradictions, Ă©prouvĂ©es comme autant de double binds, qui sont inhĂ©rentes au champ littĂ©raire en voie de constitution, que personne n’a vu mieux que Baudelaire le lien entre les transformations de l’économie et de la sociĂ©tĂ© et les transformations de la vie artistique et littĂ©raire qui placent les prĂ©tendants au statut d’écrivains ou d’artistes en face de l’alternative de la dĂ©gradation, avec la fameuse « vie de bohĂšme », faite de misĂšre matĂ©rielle et morale, de stĂ©rilitĂ© et de ressentiment, ou de la soumission tout aussi dĂ©gradante aux goĂ»ts des dominants, Ă  travers le journalisme, le feuilleton ou le thĂ©Ăątre de boulevard. Critique
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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connaĂźt, aprĂšs le procĂšs des Fleurs du mal, le sort d’un homme « public », certes, mais stigmatisĂ©, exclu de la bonne sociĂ©tĂ© et des salons que frĂ©quente Flaubert et mis au ban de l’univers littĂ©raire par la grande presse et les revues. En 1861, la seconde Ă©dition des Fleurs du mal est ignorĂ©e par la presse, donc par le grand public, mais impose son auteur dans les milieux littĂ©raires, oĂč il conserve de nombreux ennemis. Par la suite continue de dĂ©fis qu’il lance aux bien-pensants, dans sa vie autant que dans son Ɠuvre, Baudelaire incarne la position la plus extrĂȘme de l’avant-garde, celle de la rĂ©volte contre tous les pouvoirs et toutes les institutions, Ă  commencer par les institutions littĂ©raires.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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Ils doivent donc inventer, contre les positions Ă©tablies et leurs occupants, tout ce qui la dĂ©finit en propre, et d’abord ce personnage social sans prĂ©cĂ©dent qu’est l’écrivain ou l’artiste moderne, professionnel Ă  plein temps, vouĂ© Ă  son travail de maniĂšre totale et exclusive, indiffĂ©rent aux exigences de la politique et aux injonctions de la morale et ne reconnaissant aucune autre juridiction que la norme spĂ©cifique de son art.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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De la pourpre des paroles Il a plu davantage cette nuit. La lavande du parc de la ville me soutient avec son rĂȘve. À quoi rĂȘve un champ de lavande ? Les senteurs s’ouvrent jusqu’aux profondeurs du ciel. LĂ -bas se trouvent les portes du paradis et la ville s’en nourrit. L’ange avec l’épĂ©e de feu, assignĂ© Ă  garder le jardin dans le champ se laisse corrompre ‒ une courte visite dont rien n’est Ă©crit dans les livres. On ne trouve nulle part la moindre rĂ©fĂ©rence Ă  ce sujet. L’ange avec l’épĂ©e de feu me dit que je peux rester, que je peux y dormir, la nuit suivante aussi.
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Clelia Ifrim (Mieii lui Abel/ Les agneaux d'Abel)
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– Ils n'ont pas voulu lui accorder leur fille, alors qu'ils s'aimaient trĂšs fort. Ils ont dĂ©cidĂ© de passer devant le curĂ© en bravant le monde. Hier matin, le gendarme a louĂ© une charrette, ils y sont montĂ©s tous les deux, ils se sont rendus en cachette en ville, chez le prĂȘtre, qui les a mariĂ©s. Ils n'ont pas organisĂ© de noces, ils se sont retirĂ©s dans cette petite maison. Quelqu'un n'a pas dĂ» le supporter et l'a incendiĂ©e. Je lui fis signe de ne pas m'en dire plus. J'avais tout compris. BouleversĂ©, je restais lĂ , longuement. Je regardai la couverture blanche je vis les deux martyrs, couchĂ©s dans la paix Ă©ternelle. Qui proclamaient –aussi bien Ă  la terre sur laquelle ils Ă©taient couchĂ©s qu'aux hommes qui s'y tenaient debout– l'idĂ©e de la Transylvanie. Je ne pus les quitter qu'Ă  l'aube. Alors, je m'en allai vers les champs couverts de lumiĂšre aurorale et, dans ma marche, je regardais ces deux Ă©toiles qui brillaient, toutes deux, d'une lueur triste et extraordinairement belle au-dessus de la terre de Transylvanie.
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Áron Tamási (Étoiles de Transylvanie)
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Art poĂ©tique La lune la plus belle est sur l’étang, l'Ă©toile la plus belle est sur la mer, le cri de la caille est bien moins sincĂšre aux champs que dans la mĂ©moire et l'oubli. La lune la plus belle est sur l’étang. La plus belle des fleurs est sur un sein, ou dans les cheveux dĂ©faits d'une femme – et brillent moins lĂ -haut qu’en l'eau des puits, l'arc-en-ciel et ses fastueux fantĂŽmes. La plus belle des fleurs est sur un sein. L’or est bien plus ardent sur l'annulaire, mieux dessinĂ©e, la hanche sous la soie, le vin a plus de grĂące au jour des noces et le rayon plus de langueur dans la rosĂ©e. L’or est bien plus prĂ©cieux sur l'annulaire. ArĂŽmes et couleurs tracent des cercles autour de moi. Mon argile tressaille et je revĂȘts la chemise du ciel. Soudain – me voici ciel et horizon. La lune la plus belle est sur un l’étang. (traduit du roumain par Irina Radu)
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Alexandru AndriĆŁoiu
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Le caractĂšre morbide de la vallĂ©e ne faisait qu’accroĂźtre l’impression de malaise. La route sinuait sous un ciel sombre, parmi de grands sapins touffus gantĂ©s de blanc. Le chasse-neige Ă©tait passĂ© par lĂ  : il avait laissĂ© de hautes congĂšres sur le bord de la route. Ils dĂ©passĂšrent une derniĂšre ferme prisonniĂšre du froid – les barriĂšres de ses champs disparaissant presque sous le manteau neigeux, un tortillon de fumĂ©e s’élevant de sa cheminĂ©e – puis ce fut le rĂšgne dĂ©finitif du silence et de l’hiver. Il avait cesse de neiger mais la couche Ă©tait trĂšs Ă©paisse. Un peu plus loin, ils rejoignirent et dĂ©passĂšrent le chasse-neige, dont le fanal tournoyant jetait une vive lueur orangĂ©e sur les sapins blancs, et la route devint difficile. Ils roulĂšrent alors Ă  travers un paysage pĂ©trifiĂ© de hautes sapiniĂšres impĂ©nĂ©trables et de tourbiĂšres gelĂ©es prises dans les mĂ©andres de la riviĂšre. Au-dessus d’eux se levaient, formidables et gris, les flancs boisĂ©s de la montagne. Puis la vallĂ©e se resserra encore. La forĂȘt surplomba la route qui surplomba le torrent, tandis qu’à chaque virage ils voyaient devant eux les grandes racines des hĂȘtres mises Ă  nu par les affouillements du talus. Au dĂ©tour d’un virage, ils dĂ©couvrirent plusieurs bĂątiments en bĂ©ton et en bois. Avec des rangĂ©es de fenĂȘtres aux Ă©tages et de grandes baies vitrĂ©es au rez-de-chaussĂ©e. Un sentier traversait le torrent sur un pont rouillĂ© puis une prairie blanche et menait jusqu’à eux. Servaz vit un Ă©criteau rouillĂ© en passant : « COLONIE DES ISARDS ». Les bĂątiments avaient un aspect dĂ©labrĂ©. Ils Ă©taient dĂ©serts. Il se demanda qui avait bien pu coller une colonie de vacances dans un endroit aussi lugubre. Il sentit un courant d’air froid sur son Ă©chine en pensant au voisinage de l’Institut. Mais il Ă©tait probable, vu son Ă©tat d’abandon, que la colonie avait fermĂ© bien avant que l’Institut Wargnier n’ouvre ses portes. Cette vallĂ©e Ă©tait d’une beautĂ© terrassante. Une atmosphĂšre de conte de fĂ©es. C’était bien ça : une version moderne et adulte des sinistres contes de fĂ©es de son enfance. Car, au fond de cette vallĂ©e et de cette forĂȘt blanche, songea-t-il en frissonnant, c’étaient bien des ogres qui les attendaient.
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Bernard Minier (The Frozen Dead (Commandant Martin Servaz, #1))